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Accompagner « scolairement » et orienter « professionnellement »

2. Le handicap et sa place à l’école : vers de nouveaux jours

2.1. De l’intégration à l’inclusion scolaire : il a bien fallu du chemin

2.2.1. Accompagner « scolairement » et orienter « professionnellement »

Qu’est-ce qu’« accompagner » ? Selon Puig (2007), l’accompagnement des personnes en situation de handicap dans le milieu scolaire comme dans le milieu universitaire, dans ses dimensions matérielle et humaine, garantit trois fonctions principales : « une fonction affective de partage et de réassurance ; une fonction de médiation sociale destinée à faciliter la communication avec l'entourage de la personne en situation de handicap ; une fonction d'assistance technique et de mise à disposition d'outils » (Puig, J., 2007, p. 123). En effet, comme vu précédemment, le nombre d’élèves en situation de handicap a multiplié de façon considérable dans les milieux scolaire et universitaire « et pour ces élèves maintenant l’enjeu c’est qu’ils continuent leurs études. Ça c’est un point vraiment important » (Mme C., Ent3_TP09_L18-21). Initialement connue pour être « un vrai parcours de combattants » (Mr B., Ent2_TP29_L18), la continuité dans les parcours se révèle très importante et attise l’intérêt des politiques publiques qui s’engagent92 à assurer une meilleure

fluidité entre le collège, le lycée et l’université. Quelques actions sont déjà en place, mais il reste beaucoup encore à faire pour arriver à transformer cet objectif en une réalité dans les années à venir (Mr B., Ent2_TP11_L2-5 / TP12_L1-2).

Il est évident que la question d’orientation et d’accompagnement vers des représentations de formations et de métiers concerne tous les élèves et ne s’adresse pas seulement à un public particulièrement en difficulté (Bataille, P. & Midelet, J., 2014, p. 142). Cependant, au regard des handicaps dont il faut tenir compte, Mme C. propose un parcours d’orientation spécial à la fin du collège, dès l’année de 3e, un parcours qui permettrait aux

élèves en situation de handicap de « rencontrer, enfin grandir en intégrant les contraintes liées au handicap dans l’orientation » (Mme C., Ent3_TP18_L6-7). Que ce soit pour leur orientation scolaire, professionnelle, personnelle, relationnelle, etc., il est nécessaire de se « réconcilier » avec la réalité de son handicap. La rencontre de la vulnérabilité nous fait nécessairement « grandir » tandis que vouloir expulser cette dimension de notre être nous « égare » et nous « étrange » à nous-mêmes (Moyse, D., 2007, p. 39).

« Parce que, argumente Mme C., quand vous avez quelqu’un qui arrive (à l’université), ça y est, il a le bac. Il s’inscrit et puis il met souvent encore des années à se poser la question de ce qu’il veut faire, parfois en se contraignant, en se disant ça, ça va pas être possible ou parfois en croyant que ça va être possible et en découvrant très très tard que ça ne l’est pas. On a plusieurs

situations comme ça de jeunes qui se sont embarqués dans des études et qui enfin, soit ils refusent ou soit ils n’ont pas pu rencontrer le fait que ben leur handicap allait être gênant dans certaines branches professionnelles » (Mme C., Ent3_TP18_L7-13).

Mme C. donne l’exemple pratique d’un élève qui a des difficultés avec les manipulations et qui pourtant est dans une filière où on manipule :

« Tant qu’il est à l’université, il va tomber sur des enseignants qui vont se mettre en huit pour qu’on arrive à compenser ça. Mais dans une entreprise en biologie et autres, on peut pas embaucher quelqu’un qui manipule pas […] Enfin il faut parler de la réalité. Le chef d’entreprise, le plus ouvert qu’on va pouvoir trouver, à un moment donné il va dire bah non c’est pas de la

manipulation. Donc ce qu’il aurait fallu impérativement pour quelqu’un

comme ça, c’est qu’il se rende compte que dans la même branche il y avait d’autres types de métier qui ne passaient pas par la manipulation ou beaucoup moins par la manipulation, et là c’est jouable par rapport à l’entreprise. Alors que dans le premier cas, ça ne l’est pas » (Mme C., Ent3_TP18_L20-29).

Pour Mme C., l’orientation dont il est question consistera en pratique à projeter dès le collège, le lycée et au début des études universitaires, des rencontres avec des professionnels, des stages d’une semaine, puis après des stages de deux semaines, etc., l’idée principale restant de permettre aux élèves avec des handicaps de se rendre compte et de trouver les façons de tenir compte des contraintes de leurs handicap dans leurs projets académiques et professionnels futurs (Mme C., Ent3_TP18_L13-18). Cela pourrait s’inscrire dans le cadre pratique de ce qui est communément appelé l’apprentissage. L’apprentissage, jugé comme « une voie d’inclusion intéressante pour les enfants ou les adultes en situation de handicap » (Mr A., Ent1_TP06_L7-8 / Mme D., Ent4_TP28_L3-5), consiste en effet à accueillir au sein d’un milieu professionnel (en entreprise ou en centre de formation) et à former comme apprenti une personne en situation de handicap, sans limite d’âge (Mme D., Ent4_TP28_L4-6), pour lui permettre une meilleure qualification et donc préparer son insertion professionnelle future.

D’autre part, si l’accompagnement et l’orientation des élèves en situation de handicap mobilise aussi bien des ressources financières, ce sont corrélativement d’importantes

ressources humaines qui doivent être impliquées : pour un accompagnement de qualité, il faut du personnel de qualité.

« Les enfants en situation de handicap à l’école sont accompagnés, par des auxiliaires de vie scolaire, leur statut, il va falloir qu’on progresse mais […] qu’on progresse sur la professionnalisation de ces personnels. Voilà. Aujourd’hui on a près de 38000 personnes qui sont sur des statuts précaires de contrats aidés qui accompagnent ces enfants, puis on a une autre partie qui sont des contrats de droit public qu’on est en train de professionnaliser et de cédéiser, mais l’une des avancées sera la question de la qualité de l’accompagnement des enfants, la professionnalisation des acteurs, la sécurisation de leurs statuts, et cetera. Parce que si y a pas de professionnalisation, pas de montée en compétence, si y a pas de sécurisation du statut de sa personne quoi et sans doute revalorisation » (Mr B., Ent2_TP26_L5-15).

Il faut noter au passage les difficultés que rencontre par exemple l’Education nationale à recruter des Auxiliaires de Vie Scolaire (AVS) pour aider les enfants à l’école : d’après Mme D., les AVS sont en fait embauchés souvent avec des contrats précaires, qui les font démissionner quelques fois, mettant à mal la scolarité des élèves qui doivent être accompagnés (Mme D., Ent4_TP08_L4-8).

Cette mobilisation des ressources humaines pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap est d’autant plus importante qu’à chaque élève concerné, il faut toute une équipe : autant d’élèves, autant d’équipes, laisse entendre Mme C., (Mme C., Ent3_TP19). Avec les Projets Personnalisés de Scolarisation (PPS)93, la scolarité des élèves en situation de handicap est suivie par une équipe regroupant plusieurs membres, au moins un professeur référent, le médecin scolaire, le chef d’établissement, un orthophoniste si nécessaire, etc. A cette équipe pourraient joindre un personnel de l’université et pourquoi pas des tuteurs étudiants (Mme C., Ent3_TP19_L10-19). Car, la qualité de l’accompagnement détermine la réussite des élèves. D’autres types efforts comme les

93 Le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) est un dispositif concernant le parcours de chaque élève

handicapé ; il définit l’ensemble des modalités du déroulement de la scolarité et il doit en principe s’agir d’un outil réellement fait en collaboration avec l’élève, sa famille et la MDPH (Berzin, C., Brisset, C., &

politiques d’aménagement aux examens, la mobilisation des parents contribuent effectivement à cette réussite (Mr B., Ent2_TP13_L35-39). L’ensemble de tous les acteurs devrait constituer comme un relais d’encouragement et de soutien à l’endroit des élèves : « dans l’éventail de tous les possibles, ça vaut le coût de dire à un élève bien sûr que si ! Il faut l’accompagner vers le bien sûr que si, pas renforcer ses peurs » (Mme C., Ent3_TP20_L9-12).