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2. Le handicap et sa place à l’école : vers de nouveaux jours

2.1. De l’intégration à l’inclusion scolaire : il a bien fallu du chemin

2.2.2. L’inclusion, du primaire au supérieur

Depuis 2005, les populations en situation de handicap ne cessent d’augmenter d’année en année dans les milieux scolaires. L’accompagnement des élèves en situation de handicap dans leurs progressions, malgré ses quelques imperfections, a su montrer ses capacité à proposer le meilleur, mais n’en reste pas moins face à un dilemme quant à ce qui concerne le supérieur où il faut jongler entre « l’autonomie » supposée de l’étudiant et ses besoins d’accompagnements spécifiques. Dans la loi du 11 février 2005, « l’enseignement supérieur n’est concerné que par un article de la loi qui est l’article 20 » (Mme C., Ent3_TP05_L4-5). Cette disposition de l’article 20 de la loi charge, selon Bretagnolle94 (2014), les établissements d’enseignement supérieur de « mettre en place toutes les aides et accompagnements nécessaires aux étudiants handicapés pour la réussite de leurs études » (Bretagnolle, A., 2014, p. 135). Il s’agit pour ces structures de l’enseignement supérieur d’une « obligation de créer des structures d’accueil et d’accompagnement des étudiants et de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement des étudiants en situation de handicap » (Mme C., Ent3_TP06_L2-5).

Mme C précise que cela ne signifie pas qu’avant cette loi, on ne trouvait pas de tels accompagnements. « Il y avait un certain nombre d’établissements universitaires, dit-elle, qui avaient déjà pensé à ça, mais par contre là c’était une obligation » (Mme C., Ent3_TP06_L5-7). Ainsi, l’obligation à l’aménagement qui accompagne cette nouvelle mesure est ce qui la rend particulière. Tandis que certaines universités avant la loi faisaient déjà de considérables efforts financiers, organisationnels etc. pour la réussite de leurs étudiants en situation de handicap, la loi de 2005 vient rendre cet effort obligatoire pour

94 Annie Bretagnolle est chargée de mission handicap à la sous-direction de l’égalité des chances et de la vie

étudiante, direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

toutes. Ainsi, en 2012 « quand on a fait le bilan, on s’est rendu compte que le nombre d’étudiants entre 2005 et 2012 avait doublé95 » (Mme C., Ent3_TP06_L16-17) et « on était

passé d’à peu près un tiers des établissements universitaires qui avaient une structure d’accueil à cent pour cent (100%) » (Mme C., Ent3_TP06_L17-19).

Un ensemble de dispositifs a été en effet mis en place pour permettre la réalisation dans de meilleures conditions de ces mesures d’accompagnement. C’est le cas de l’adoption de la Charte Université/Handicap du 05 septembre 2007 par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), le ministère du Travail, de l’emploi et de la santé, le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale et la Conférences des Présidents d’Université (CPU). Cette charte avait pour objectif de favoriser la poursuite d’étude dans tous les niveaux du cursus universitaire en créant entre autres des contrats doctoraux réservés aux étudiants en situation de handicap. Le 23 mai 2008 une autre charte dite Charte Grandes Ecoles/Handicap est signée entre MESR, le ministère du Travail, des Relations sociales et des Solidarités et la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) qui se fixe pour but de permettre l’entrée et la réussite des étudiants en situation de handicap dans les grandes écoles (Bretagnolle, A., 2014). L’ambition ne s’est donc pas arrêtée là. Le 04 mai 2012, une nouvelle charte est conclue, confirmant et amplifiant celle de 2007 avec la CPU ; elle se scinde en quatre volets principaux :

- le premier volet incitait à « continuer à mieux accueillir et accompagner les étudiants en situation de handicap » (Mme C., Ent3_TP06_L27) dans l’ensemble de leurs cursus universitaires et vers l’insertion professionnelle ;

- « le deuxième point concerne le personnel » (Mme C., Ent3_TP06_L28-29) : il s’agit d’élaborer des politiques de ressources humaines à l’endroit des personnes en situation de handicap ; « c’est améliorer l’embauche, le maintien sur poste du personnel en situation de handicap » (Mme C., Ent3_TP06_L29-30) ;

- « le troisième point concerne la mise en visibilité des formations et des recherches, et essayer de faire un peu le point sur ce qu’on fait chacun dans ce domaine (du handicap) au niveau de nos établissements universitaires et le rendre public » (Mme C., Ent3_TP06_L30-33) ;

- et le dernier volet enfin consiste à développer l’accessibilité à la fois physique et numérique aux services qu’offrent les établissements.

Pour permettre la définition des stratégies de mise en œuvre et le suivi de réalisation des engagements, il est demandé aux présidents des établissements d’élaborer un schéma directeur. Ce schéma détaille comment l’établissement compte s’inscrire dans les exigences de la loi et il doit présenter chaque année en conseil d’administration « les avancées par rapports aux années d’avant » (Mme C., Ent3_TP06_L24-25). Cependant, il convient de noter que seulement dix-sept (17) universités sur soixante-quinze (75) ont mis en place ce schéma directeur « handicap » en 2015 (contre 4 en 2014)96, ce qui témoigne que l’action n’a pas immédiatement suivi les engagements. Dans la suite de ces engagements, de nouvelles sources d’information (sites accessibles) seront mises à dispositions non plus seulement pour les étudiants en situation de handicap, mais aussi à leurs familles, et aux personnels en situation de handicap dans le cadre universitaire (Bretagnolle, A., 2014). Aussi de nouveaux champs de recherche sur le handicap se développent, soutenus par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (avec, comme prévu par les chartes signées, un contingent de contrats doctoraux et post-doctoraux réservé aux étudiants en situation de handicap) (ibid., p. 138).

Cependant, si les efforts pour l’inclusion font sensiblement progresser les choses dans le secteur universitaire, afin de véritablement atteindre les objectifs fixés par la loi de 2005, il faudra « veiller à ce que ces étudiants poursuivent leurs études le plus longtemps possible, valident leur formation par l’obtention d’un diplôme et s’insèrent professionnellement » (Bretagnolle, A., 2014, p. 139). D’ailleurs, l’enjeu aujourd’hui dans le milieu universitaire demeure davantage, non plus seulement à accueillir mais surtout à accompagner l’étudiant dans son processus universitaire et vers une insertion professionnelle. En 2012, la Conférence des Présidents d’Université ré-intitulait le guide à l’endroit des étudiants en situation de handicap, non plus Guide d’accueil comme ce l’était à la première version en 2007, mais Guide d’accompagnement de l’étudiant handicapé (ibid., p. 138). Après l’accueil « réussi », il faut penser au « comment bien accompagner » qui devient de plus en plus le défi majeur. Mais qui dit « accompagner », dit « accompagnateur » qui, sous quelque rôle que ce soit, doit nécessairement être préparé à conduire à la réussite ses « accompagnés ».