• Aucun résultat trouvé

Le handicap et l’accès à l’emploi : à défaut du travail de rêve, le rêve du travail

1. Vers une société inclusive

1.2. Les notions de compensation et d’accessibilité : pour plus d’autonomie

1.2.4. Le handicap et l’accès à l’emploi : à défaut du travail de rêve, le rêve du travail

L’accessibilité s’applique dans divers domaines dont l’accès au savoir et à la formation, à la culture, à l’emploi, etc. (Zaffran, J., 2015). L’accès au travail pour les personnes en situation de handicap s’inscrit dans les objectifs de la loi de 2005 (Mme D., Ent4_TP06_L5 / Mr A., Ent1_TP05_L2-10). Elle adopte en effet nombre de mesures, entre autres, pour la non-discrimination, les formations professionnalisantes, l’adaptation et la protection professionnelle, l’obligation d’emploi, etc. Mais, même si cette loi s’y penche particulièrement, la question du travail et des personnes en situation de handicap reste un « vieux combat », un combat qui, selon les époques, a eu des orientations spécifiques : exploitation de la « force brute » 71 des infirmes aux XVIIe-XVIIIe siècles, au XIXe jusqu’au

mitan du XXe siècle, réparation et indemnisation de dommages d’accidents et réinsertion professionnelle des accidentés du travail et des invalidés de guerre, etc. Enfin depuis les années 50, un rapport handicap et travail comportant une forme beaucoup plus éclatée concomitamment à d’autres revendications d’alors à l’instar de l’éducation.

Plusieurs législations se sont succédé concernant l’emploi des personnes en situation de handicap : la loi dite Gazier introduit et définit pour la première fois la notion de « travailleur handicapé », la loi d’orientation de 1975 crée la Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel (COTOREP), la loi de 1987 instaure l’obligation d’emploi de 6% de l’effectif salarié au bénéfice des personnes en situation de handicap. Il faudra ensuite attendre 2005, avec la loi sur l’égalité des droits et des chances,

la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pour voir la réaffirmation de

grande ampleur du principe de non-discrimination en raison du handicap et l’obligation d’emploi. Le quota d’emploi de personnes en situation de handicap de 6% obligatoire est reconduit et les amendes sont rehaussées en cas de non-respect. Les reclassements professionnels auparavant gérés par les COTOREP relèvent désormais de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) annexée aux MDPH.

C’est ainsi à la CDAPH qu’il incombe de reconnaitre la qualité de « travailleur handicapé » qui ouvre aux droits définis dans le champ du travail (Mme C., Ent3_TP25_L21-24). Ainsi, au sens de cette nouvelle loi et de ses critères, est considérée comme travailleur handicapé « toute personne dont les possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l'altération d'une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique » (Loi n° 2005-102 du 11 février 2005, 2005, art. 70), (une quasi-exacte reprise de la définition de 1957).

La loi de 2005, plus que les précédentes, arrive à toucher des évolutions effectives quant au travail des personnes en situation de handicap. Selon le rapport de l’AGEFIPH72 et du FIPHFP73 en juin 2015, des améliorations sont enregistrées au niveau de leurs embauches : En 2012, dans le secteur privé, 100.300 établissements (+0,7 % en un an) étaient assujettis à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, embauchant ainsi environ 361.700 travailleurs handicapés (soit -1,6 % en un an). Il existe en effet plusieurs modalités pour s’acquitter de cette obligation :

- 1er cas : l’embauche des travailleurs handicapés à proprement parler

- 2e cas : la réalisation de certaines dépenses comme des contrats de sous-traitance ou l’accueil de stagiaires de la formation professionnelle

- 3e cas : la mise en œuvre d’un accord agréé de branche, de groupe, d’entreprise ou

d’établissement concernant l’emploi des personnes en situation de handicap, - 4e cas : le versement d’une amende annuelle à l’AGEFIPH.

27% des établissements du privé (les 100.300 établissements) sont dans le 1er cas : ils remplissent les obligations prévues par la loi. 40% sont dans le 2e cas, 11% dans le 3e cas et enfin 22% dans le 4e cas. Ces derniers établissements préfèrent tout simplement payer les amendes que d’embaucher en leur sein des personnes en situation de handicap ou même d’œuvrer dans ce sens (puisqu’il existe deux autres cas, au cas où ils ne voudraient pas embaucher). A titre indicatif, 421.000.000 € ont été récoltés par l’AGEFIPH en 2014 au titre de l’année 2013 auprès d’employeurs dans ce 4e cas (42.893 établissements).

Dans le secteur public, 10.596 employeurs se sont soumis à l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap et ont effectué leur déclaration auprès du FIPHFP ; ils

ont ainsi embauché 209.909 travailleurs en situation de handicap (soit +5,6 % en un an). Pour ce secteur, seuls trois cas de possibilité de l’exécution des obligations : l’embauche (1er

cas), les dépenses sous forme de contrats de sous-traitance avec des entreprises employant des travailleurs handicapés (2e cas) et enfin le versement d’amende au FIPHFP (3e cas). 54,84% des employeurs sont dans le 1er cas et exécutent leurs obligations, et 5,39% dans le 3e cas et versent des amendes au lieu de l’embauche de travailleurs handicapés. A propos des tares dans ce secteur public, Mme C. avait laissé éclater son « ras-le-bol » :

« On est en retard dans plusieurs fonctions publiques. Parce que ben pendant des années, on s’est dit, on va pas y arriver, on n’a pas les diplômés qu’il faut et cetera. Et maintenant on se retrouve avec des retards d’emplois absolument phénoménaux, irrattrapables. C’est clair là, on les a laissé filer depuis 20 ans, c’est irrattrapable. Donc ça voyez ça fait partie des choses sur lesquelles on sait que c’est compliqué. Ça va être compliqué » (Mme C., Ent3_TP21_L15-21).

En effet, au total, ce sont environ 571.609 travailleurs handicapés qui sont embauchés dans le public comme dans le privé au courant de l’année 2012. Au regard de ce qu’était la situation les années d’avant, surtout avant 2005, on peut apprécier la progression des choses. On ne peut s’empêcher cependant de déplorer les « feintes » qu’utilisent certains employeurs pour ne pas recevoir de personnes en situation de handicap dans leurs établissements. Mais pendant qu’on y est, il convient de souligner que cette possibilité est envisagée par la loi et reste donc comme un « droit » pour ces employeurs. Laxisme de la loi ou fourberie de l’employé ? En tout cas, les demandes d’emploi des personnes en situation de handicap croissent d’année en année74. Et pendant ce temps, certains établissements ferment ou se

regroupent (bien que de nouveaux aussi se créent) ou encore baissent leurs effectifs salariés, faisant baisser aussi le nombre de personnes en situation de handicap qui auraient pu bénéficier des quotas de 6%. A la longue, il faudra privilégier la création d’activité si l’on veut espérer voir le taux de chômage chez les bénéficiaires de l’obligation d’emploi baissé. Des perspectives sont déjà en marche dans ce sens : par exemple en 2014, soutenus par l’AGEFIPH, 3.200 demandeurs d’emploi handicapés ont créé ou repris une entreprise (88 % de créations pures et 12 % de reprises). Les personnes en situation de handicap restent

74 Des 5.593.700 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi au cours de l’année 2014, 8.1% bénéficient de

confrontées à ce problème séculier qu’est l’accès à l’emploi ; la reconnaissance de leur qualité de « travailleur handicapé », censée leur ouvrir des droits et du travail (Mme C., Ent3_TP25_L21-24), se présente souvent comme « un parfum répugnant ». Mme C. dira à propos que ce n’est pas un critère anodin puisque cette « qualité » n’empêche pas le fait que, les personnes en situation de handicap soient deux fois plus nombreuses à émarger au chômage que les personnes ordinaires : un taux chômage de 22% pour les personnes en situation de handicap et de 11% pour la population ordinaire (Mme C., Ent3_TP25_L24-27).

« Mais c’est un critère qui croise avec d’autres, c’est-à-dire que ça croise avec le fait que la grande majorité des personnes sont de bas niveau de qualification. En dessous du bac, plutôt niveau BEP maximum, l’immense majorité. Enfin malheureusement pour eux, la plus grande partie des personnes handicapées ont plus de 45 ans. Il n’y pas tant que ça de personnes qui naissent avec un handicap. Donc quand vous conjuguez tout ça […] c’est pas étonnant qu’on arrive à ça » (Mme C., Ent3_TP25_L24-36).

C’est ainsi, un cumul de circonstances qui concourent et qui font du chômage chez ces personnes une crise davantage importante. Les personnes en situation de handicap aspirent, comme tous, au travail. Mais très souvent, malheureusement, cette aspiration ne dépasse pas le stade du rêve quand contre elle, se confrontent les multiples critères défavorisants dont l’âge, l’exigence d’accessibilité, etc., et peut-être un des plus pesants, le déficit de qualification. Cela est souvent un alibi (puisque même les personnes en situation de handicap qualifiées n’ont pas non plus toutes du travail), mais il convient de promouvoir l’éducation et les formations professionnelles des enfants, des adolescents et des adultes en situation de handicap pour accroitre leurs compétences et les munir d’outils nécessaires pour le secteur de la professionnalisation : cela cessera peut-être d’apporter de l’eau au moulin de ceux des employeurs qui cachent souvent derrière le déficit de formation (une stigmatisation plus ou moins légitime) leurs préjugés (une stigmatisation de moins en moins acceptable). A ce sujet, Mme D. reste optimiste : « là je pense qu’il va y avoir ces années un changement puisqu’on voit qu’il y a de plus en plus d’inclusion scolaire et de faciliteurs de la scolarité, donc peut-être ce problème de manque de formation va s’estomper » (Mme D., Ent4_TP28_L7-13).