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Accessibilité et compensation, une complémentarité nécessaire qui confère l’autonomie

1. Vers une société inclusive

1.2. Les notions de compensation et d’accessibilité : pour plus d’autonomie

1.2.3. Accessibilité et compensation, une complémentarité nécessaire qui confère l’autonomie

L’accessibilité et la compensation sont deux notions qui sont appelées à être complémentaires. L’une sans l’autre semble incomplète et engendre un certain déséquilibre. En effet, accessibilité et compensation seraient comme « les deux plateaux d’une même balance, car un déficit d’accessibilité entraîne plus de compensation, et fait courir le risque de la stigmatisation, tandis qu’un déficit de compensation augmente la pression sur le droit commun et méconnaît la singularité individuelle des besoins » (Benoit, H., 2008, p. 4). Ainsi, c’est dans cette nécessaire complémentarité, cette quête d’équilibre à l’endroit des personnes en situation de handicap que la loi de 2005 a su inscrire ses ambitions. « Les réponses dont les personnes handicapées ont besoins sont individuelles et collectives. Individuelles, sous la forme d’une compensation personnalisée, adaptée. Collectives, il s’agit alors de la mise en accessibilité de l’ensemble de la Cité pour rendre celle-ci praticable par celles et ceux qui rencontrent des difficultés de déplacement, de repérage dans l’espace et dans le temps, de communication, de conceptualisation » (Gohet, P., 2011, p. 10). La compensation serait comme une « accessibilité individuelle » et l’accessibilité, une « compensation

collective »65. Dans le cadre de la scolarisation, il en serait de même puisque seul du juste

équilibre entre ces deux dynamiques dépendra la possibilité pour l’apprenant en situation de handicap « d’agir, c’est-à-dire non seulement d’être là géographiquement, mais aussi de développer une activité, mentale ou motrice, dans le domaine scolaire » (Benoit, H., 2008, p. 4). En somme, il s’agit d’un équilibre qui fournit des outils à l’action et par conséquent qui rend autonome. Car si l’accessibilité et la compensation représentent des réponses différentes, elles se recoupent sur une seule et même attente : celle de l’autonomie.

L’autonomie, par son étymologie grecque auto-nomos, désigne en effet le fait de « se gouverner par ses propres lois » (« CNRTL », 2012), de pouvoir se nommer soi (Weislo, E., 2012). Il s’agit de pouvoir « garder une part d’initiative dans la définition de soi face aux contraintes sociales, c’est pouvoir récuser, valider ou revendiquer une identité, se dévoilant dans la façon de se dire et d’être dit » (ibid.). Ancet (2011) qualifie l’autonomie comme la « capacité de créer ses normes propres de vie et de pensée » (Ancet, P., 2011). Ainsi, « est autonome quelqu'un qui se gouverne lui-même, qui prend des décisions en fonction des règles qu'il a choisies, et qui agit en fonction de ses propres décisions raisonnées » (Sanchez, P., 2014, p. 34). Cependant, bien que cela puisse transparaitre au travers de ces définitions étymologiques, il serait incorrect d’envisager l’autonomie comme le contrôle absolu de soi. L’autonomie se distingue de la dépendance mais ne s’y oppose pas, au contraire « grâce à la dépendance, on acquiert l'autonomie » (Hamonet, C. & De Jouvencel, M., 2005, p. 35). L’une et l’autre seraient même comme des « compagnes » et iraient donc de pair puisque, « il n'y a pas d'autonomie sans dépendance » (Edgar Morin cité par Hamonet, C. & De Jouvencel, M., 2005, p. 35). Tout être humain est plus ou moins dépendant au fil de toute son existence (Richard, J.-T., 2009). Toutefois, l’autonomie en société se présente comme incontournable au point de n’être pas seulement qu’un droit mais surtout une obligation, « une injonction, un devoir qui en appelle sans cesse à la responsabilité de chacun » (Appay, B., 2012, p. 39). Et plus encore, cet idéal de liberté (puisque autonomie égale liberté) serait même devenue une « source de maltraitance » (ibid.) et de terreur, tant « perdre ou manquer d’autonomie » n’est point de ce qui est socialement des plus louables. Les personnes « limitées » dans l’activité ou dans la participation à la vie en société ne sont-elles pas celles désignées comme les « handicapées » ?

65 « Nous, l’ensemble des mesures que nous accompagnons sont des mesures de compensation, un peu de

l’accessibilité mais tout ce qui est individuel ça va être de la compensation » (Mme C., Ent3_TP07_L5), avait témoigné Mme C.

Aussi l’autonomie présente-t-elle un certain dilemme quant à son acquisition. D’une part, il faut une estime de soi préalable66 comme condition d’une autonomie individuelle qui

tienne, et inversement, il faut un minimum d’autonomie qui puisse déclencher cette estime de soi (Sanchez, P., 2014). D’autre part, si la notion d’autonomie contrairement à celle d’accessibilité ou de compensation comporte une apparence intime et pourrait paraitre ne relever que des seuls efforts individuels, elle concernerait les individus très « directement dans leurs rapports au monde » et également les formes de gouvernement (Appay, B., 2012, p. 40) ; c’est donc à la fois à l’individu et au système gouvernant qu’il incombe d’œuvrer pour qu’advienne l’autonomie chez une personne. Ainsi, toute autonomie est aussi l’œuvre de facteurs extérieurs favorables67 ; avec le grand risque que cette force exogène ne vire à une « surprotection » ou à une sorte de « contrôle social68 » qui se transformerait donc, au mieux en une régulation sociale, au pire en un phénomène de pouvoir (Bouquet, B., 2012). Le phénomène d’autonomie serait dans ce cas comme un appât, utilisé à des fins politiques ou économiques : l’autonomie promise et accordée ne peut qu’être une « fausse » autonomie (Jouan, M., 2012, p. 43). Pour Jouan (2012), répondre aux besoins d’autonomie définirait plus que jamais « l’état de grandeur » des cités capitalistes contemporaines, une grande

société aujourd’hui devant pouvoir assurer au maximum l’autonomie de ses membres

(Jouan, M., 2012, p. 41). Etre autonome serait comme le « point d’aboutissement vertueux de l’histoire des sociétés humaines » (Geay, B., 2009, p. 153). En effet, depuis 1975 avec la loi d’orientation et l’appel de l’ONU69, la quête de l’autonomie pour les personnes en

situation de handicap s’est accrue et est devenue plus qu’urgente. C’est aussi dans cette urgence que s’est inscrite la loi de 2005 qui résume ses visées en un projet global qui est de favoriser l’autonomie des personnes en situation de handicap pour une meilleure participation sociale et la pleine citoyenneté70. C’est à l’autonomie qu’est appelée la société inclusive : chacun jouissant de ses droits et des dispositifs physiques, culturels, etc., qui lui

66 L’autonomie étant reconnaissance première de soi

67 Pour être autonome, « il faudrait un environnement suffisamment bon » (Ehrenberg, A., 2009, p. 220). 68 Dans le n°1 de la revue Vie Sociale intitulé Autonomie et contrôle social, mythe et réalité (2012), les auteurs

font comprendre en effet, la promiscuité entre les deux notion : autonomie et contrôle social.

69 L’ONU, dans sa Déclaration des Droits des Personnes handicapées en 1975, s’était penchée sur la question

de l’autonomie et avait formulé que la personne handicapée avait droit aux mesures destinées à lui permettre d’acquérir la plus large autonomie possible (« ONU : Déclaration des droits des personnes handicapées », 1975, art. 5).

70 La loi de 2005 annonce la constitution, dans son Titre V, de la Caisse Nationale de Solidarité pour

l’Autonomie, avec le but premier de « contribuer au financement de l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à domicile et en établissement, dans le respect de l'égalité de traitement des personnes concernées sur l'ensemble du territoire » (Loi n° 2005-102 du 11 février 2005,

permettent de développer tout ce dont elle a la capacité, que ce soit dans son milieu ordinaire, à l’école ou dans son milieu professionnel, etc.

1.2.4. Le handicap et l’accès à l’emploi : à défaut du travail de rêve, le rêve