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Les sapeurs - pompiers comme alternative à l’organisation communale des services d’incendie et de secours

Paragraphe I- La diversité des structures de prévention

B- L’urgence d’une gouvernance locale de la sécurité civile

2. Les sapeurs - pompiers comme alternative à l’organisation communale des services d’incendie et de secours

Les sapeurs-pompiers communaux, hérités de la colonisation, n’ont pu subsister, après les indépendances, dans le dispositif de sécurité civile des Etats de la C.E.M.A.C. Nombre d’entre eux se singularisaient, aux lendemains des indépendances, par une incompétence et une inefficacité avérées. Les exercices et les manœuvres d’incendie donnaient lieu à une négligence, un manque d’harmonie d’ensemble, une lenteur dans la mise en exécution des commandements, et une confusion des rôles en parfaite contradiction avec les principes d’intervention. A cette incompétence qui traduisait l’absence de professionnalisme, s’ajoutait une

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Olivier GOHIN, « Les préfets de zone de défense », R.D.P, 2001, p. 1379, cité par Bertrand PAUVERT, Le Préfet et la sécurité civile, http :

91 indiscipline notoire poussant généralement les sapeurs-pompiers à n’obéir qu’aux responsables influents de la commune.

Une autre structure est donc apparue comme alternative aux atermoiements relevés dans ces communes. En effet, note Athanase Tsanga Onguene

« si aux lendemains des indépendances, les sapeurs - pompiers communaux […] ont essayé tant bien que mal d’entretenir l’esprit et l’engouement du service ; il faut reconnaître qu’avec le temps, les difficultés liées à la conjoncture ont contraint le sapeur - pompier à laisser son métier aller à vau l’eau : indiscipline, grève, manque de formation, laxisme et vieillissement du personnel rendaient la tâche difficile. Les collectivités locales d’autre part ne pouvaient plus faire face aux charges liées aux équipements d’un matériel obsolète ainsi qu’aux charges du personnel »206.

Ainsi s’est progressivement imposée, dans la sous - région C.E.M.A.C. , l’idée « d’une militarisation » des services d’incendie et de secours, s’écartant de ce fait des modèles de certains pays occidentaux207. L’exemple camerounais est illustratif à cet égard.

Le Corps National des Sapeurs-Pompiers (ci-après : « C.N.S.P. ») est une formation militaire Inter-armées Spécifique de Protection civile, placée sous l’autorité du Ministre Délégué à la Présidence chargé de la Défense et mis pour emploi à la disposition du ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation208.

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Athanase TSANGA ONGUENE, La spécificité du Corps National des Sapeurs-Pompiers du Cameroun au regard des exigences modernes de la Protection civile, Mémoire professionnel en vue de l’obtention du Master II en stratégie, Défense, Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes, Université de Yaoundé, p. 34.

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Aux Etats-Unis, les pompiers sont des professionnels qui dépendent de l’Etat ou de la ville de résidence. A l’exception des villes de Paris et de Marseille, le dispositif français par contre est animé par deux principales catégories : les sapeurs-pompiers territoriaux composés de volontaires et de professionnels, tous recrutés et employés par les collectivités locales et les sapeurs - pompiers militaires, moins nombreux, présents à Paris et à Marseille pour des raisons historiques. Aujourd’hui, le Service Départemental d’Incendie et de Secours (S.D.I.S), établissement public, est chargé de la prévention, de la protection des personnes, des biens et de l’environnement. Outre leurs missions opérationnelles, les S.D.I.S remplissent des missions de prévision visant à s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour le bon déroulement des interventions en cas de sinistre ou d’accident. Comme leurs homologues français, les sapeurs-pompiers allemands, belges, espagnols et néerlandais sont des civils et, en majorité, des volontaires. Par contre, en Angleterre, au Pays de Galles et au Danemark, prédominent les sapeurs-pompiers professionnels.

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Voir, les articles 1 et 2 du décret n° 2001/184 du 25 juillet 2001 portant organisation du Corps National des Sapeurs-Pompiers

92 Ce corps relève de la Défense pour tout ce qui concerne le recrutement, le statut du personnel, l’organisation, le commandement militaire, la discipline, l’avancement, les récompenses et l’administration interne.

Comptant des militaires de tout rang, il est commandé par un général d’armée et placé sous réquisition permanente auprès des autorités administratives et des collectivités territoriales décentralisées. Les missions de ce Corps s’étendent au - delà de la seule lutte contre les incendies dont ils ont la charge exclusive. Il apporte en effet son concours à toutes les interventions relevant de la sécurité civile. Ces diverses interventions se regroupent en lutte contre les calamités et leurs séquelles, secours aux personnes et aux biens en péril et participation aux études et aux actions préventives liées à son domaine de compétence. Il s’agit, pour cette dernière mission, de leur apport à la conception et à la mise en place des plans d’urgence d’une part, et des plans de protection des immeubles d’autre part.

Pour la mise en œuvre de ses missions, le C.N.S.P. comprend une administration centrale et des formations et unité territoriales.

Au niveau central, ce Corps est doté d’une division administrative et logistique, d’une Division d’emploi chargée de la coordination des activités opérationnelles et d’un Centre National d’instruction pour la formation, le recyclage et le perfectionnement du personnel.

Les formations et unités territoriales du C.N.S.P. comprennent des groupements, des compagnies et des centres de secours.

Selon les dispositions de l’article 1er du Décret du 23 mars 2004209, « les

formations et unités territoriales du Corps national des sapeurs-pompiers, sont des unités militaires interarmées spécifiques de protection civile, mises pour emploi à la disposition des autorités administratives et des collectivités territoriales décentralisées […] » pour les missions de sécurité civile. Elles sont subdivisées en

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Décret n° 2004/058 du 23 mars 2004 portant création et organisation des formations et unités territoriales du Corps National des Sapeurs - Pompiers.

93 Groupement de Sapeur-pompier, en Compagnie de commandement d’incendie et en centre de secours210.

L’on a vu précédemment que, face à la diversité des risques, les Etats de la C.E.M.A.C y ont répondu par une inflation de structures chapeautées par l’Etat. Toutefois, dès-lors qu’un risque est potentiellement identifié, les pouvoirs publics ont une forte propension à créer une nouvelle structure sans aucune rationalité administrative. S’il est admis qu’ « une institution administrative nouvelle peut être le

signe d’une plus grande attention portée à un problème et d’une plus grande efficacité pour le régler »211, il n’en est pas moins certain qu’entre les structures interministérielles, les cabinets d’études, les observatoires, et autres agences, les citoyens éprouvent certainement des difficultés à identifier une politique cohérente et bien organisée. Par conséquent, la mainmise de l’Etat ne s’est pas toujours accompagnée des résultats escomptés. L’on observe encore de nombreuses incohérences dans la coordination des opérations de secours, des rivalités criardes entre les administrations impliquées dans la prévention et la gestion des catastrophes, ainsi que des immixtions généralement inappropriées des services centraux dans la gestion des situations d’urgence, toutes choses susceptibles d’annihiler les efforts consentis en vue d’une protection optimale des personnes, des biens et de l’environnement.

Dans les services déconcentrés de l’Etat où le problème de coordination ne se pose pas, il y aurait lieu de donner plus de marge de manœuvre aux acteurs de terrain. Les initiatives locales, déterminantes pour la réussite des politiques publiques de sécurité civile, pourraient se voir ainsi stimulées. Une amélioration des structures de sécurité civile des Etats de l’espace C.E.M.A.C exige aussi une révision des méthodes de travail de chaque Etat, tant en interne que dans le partenariat avec les autres acteurs privés et la société civile. Au sein des services de l’Etat, l’octroi aux

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D’après les textes réglementaires, « Les centres de secours sont des éléments

d’intervention rapide, dotés de moyens organiques ou adaptés chargés des missions spécifiques du Corps National des Sapeurs-Pompiers […] ». Voir l’article 1er de l’Arrêté n° 0323/A/MINDEF du 02 avril 2004 portant création des centres de secours du C.N.S.P.

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Jean-Marie PONTIER, « La puissance publique et la prévention des risques », A.J.D.A. , 2003, p. 1752, spéc. , p. 1759. Cité par Hélène PAULIAT, « Les services publics et les catastrophes écologiques », in : Jean-Marc LAVIEILLE / Julien BETAILLE / Michel PRIEUR (dir.), Les catastrophes

94 autorités administratives, préfet et gouverneur, de moyens financiers et humains, nécessaires au pilotage des actions de sécurité civile contribuerait à renforcer l’efficacité d’une administration déconcentrée plus responsable et mieux coordonnée, et parviendrait à donner l’image d’un service public structuré, avec des politiques publiques idéalement pilotées.

Cet éventail de structures et de possibilités d’actions à entreprendre amène à s’interroger sur les ressources disponibles alloués aux actions de prévention.