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B- La prévention des autres risques

3. Le cas des catastrophes d’origine politique

Les catastrophes d’origine politique proviennent généralement de l’activité politique de l’homme. Cette tragédie particulière de l’humain, s’entend selon Charles Leben, comme « des catastrophes qui découlent des affrontements pour la maîtrise

du pouvoir qui se produisent aussi bien au sein d’un Etat qu’entre Etat »408. Ce qui amène l’auteur à souligner que « les guerres civiles et les guerres étrangères ont

pour conséquences premières et dramatiques des catastrophes humanitaires » 409. Les développements s’articuleront sur la prévention des catastrophes humanitaires (a). Mais, à coté de celles-ci, il en existe une autre : les catastrophes étatiques (b).

a) La prévention des catastrophes humanitaires

Marie-Laure Le Coconnier définit la catastrophe humanitaire comme une « calamité qui provoque des morts, de graves souffrances humaines, des dégâts

matériels de grande ampleur »410. Elle provient de l’action violente et volontaire des hommes sur d’autres hommes. Il s’agissait des « malheurs de la guerre » que la doctrine ancienne assimilait difficilement aux catastrophes naturelles ou industrielles parce qu’étant des phénomènes causés directement par l’homme, dont l’aspect « accidentel » n’était pas perçu. Enfin, ce sont des conséquences de phénomènes politiques majeurs permanents des sociétés humaines : la lutte armée pour la conquête ou le maintien du pouvoir.

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Article 81

408

Charles LEBEN, « Vers un droit international des catastrophes ? », op. cit, note n° 289, p. 45.

409

Charles LEBEN, idem, p. 45.

410

Marie-Laure LE COCONNIER / Bruno POMMIER, L’action humanitaire, Paris, PUF, Que sais-je ?, 2009, pp. 127. spéc. p. 36. Pour Françoise BOUCHET-SAULNIER, les mots de « crise » ou de « catastrophe humanitaire » sont des termes non juridiques utilisés de bonne ou de mauvaise foi pour décrire une situation de souffrance sans se prononcer sur ses causes. Ils permettent de limiter la réponse à l’envoi de secours matériel, et d’éviter toutes les obligations précises qui découlent de la qualification d’une situation. Par exemple, le génocide au Rwanda en 1994 a été qualifié pendant plusieurs mois de crise humanitaire. Voir de cet auteur, Dictionnaire pratique de droit humanitaire,

177 Les conséquences dramatiques des catastrophes humanitaires se plaçaient ainsi en dehors de toute assistance humanitaire. Le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats apparaissait comme un motif supplémentaire pour conforter les organismes humanitaires à l’abstention.

Or, la nécessité d’apporter une réponse aux situations d’urgence et de détresse qu’elles entraînent va provoquer une évolution majeure des relations internationales et du droit international. La notion de catastrophe même, tout d’abord circonscrite aux faits naturels et soudains, va connaître un premier élargissement à la fin des années soixante par le biais du Mouvement international de la Croix Rouge411.

De toute évidence, c’est la réalité des faits qui favorise l’élargissement de la notion de catastrophe : construite sur les souffrances ou les situations de détresse des populations, la notion s’applique non plus uniquement à des événements ponctuels et soudains, mais également à des situations catastrophiques. Pour Eulalia W. Petit « [l]a raison ultime de cet élargissement est l’affaiblissement des

structures étatiques et locales pour répondre aux faits naturels ou politiques. Cette perte de capacité de réponse donne naissance au concept de ‘’pays catastrophe’’, que ce soit pour des raisons de calamités politiques ou naturelles »412.

Cet alliage des catastrophes naturelles et des catastrophes humanitaires a pour finalité ultime le règlement des drames humains qui présentent dans l’un et l’autre cas des conséquences dramatiquement similaires.

411

Le Mouvement international de la Croix-Rouge commence alors à parler de « principes et

règles régissant les actions de secours de la Croix-Rouge en cas de désastre », dont les domaines

d’application sont « les situations résultant de calamités naturelles ou autres » ; au lieu de « catastrophes naturelles » tout court, les Résolutions du Conseil économique et social vont parler de

« catastrophes naturelles et situations d’urgence ». Par la suite, l’Assemblée générale emploiera les

termes d’ « assistance en cas de catastrophes ou autres situations d’urgence. » Voir Eulalia W. PETIT, « Les actions d’urgence dans les catastrophes : évolution des activités des organisations internationales et des organisations non gouvernementales », in : Les aspects internationaux des

catastrophes naturelles et industrielles, op. cit. , note n° 308, pp. 139 et 540.

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Selon Eulalia W. PETIT, « on entend par ‘’situation catastrophique’’ des phénomènes à

causalité complexe, qui peuvent avoir des conséquences néfastes à long terme et qui en même temps mettent en danger dans un moment précis la survie d’une population. Elle couvre aussi les situations de conflits, domaine par excellence du droit international humanitaire […]». Idem. pp. 540 à 541.

178 b) La prévention des catastrophes étatiques

Les guerres civiles sont à l’origine de certaines catastrophes baptisées par la doctrine comme étant des catastrophes étatiques. Leurs impacts sont d’autant plus importants qu’elles sont susceptibles de désorganiser le fonctionnement normal d’un Etat, c’est-à-dire, le dysfonctionnement des structures dont la finalité est d’assurer la coexistence pacifique des hommes. Ces effets catastrophiques qui peuvent s’étendre jusqu’à l’effondrement, voire la disparition d’un Etat dans le cas des guerres civiles prolongées, ou aux luttes internes pour le contrôle de l’exercice du pouvoir dans un espace territorial donné, sont aussi le point d’ancrage de nouvelles catastrophes telles que les épidémies, les famines, les personnes déplacées « quand on n’aboutit

pas à des génocides qui [auront été] la honte persistante du XXe siècle »413. La Somalie, le Rwanda, la République Démocratique du Congo et le Tchad sont des exemples emblématiques de telles situations. L’état d’insécurité générale en République Centrafricaine jusqu’au début de l’année 2014 en est l’illustration la plus récente.

L’attention que les Nations Unies portent depuis quelques décennies sur ce type de catastrophes et les préoccupations anciennes des institutions humanitaires sur ce sujet, prouvent à l’évidence que cette question est en voie d’identification dans les instances internationales.

En définitive, la distinction entre les catastrophes d’origine humaine et celles qui ne le sont pas n’est pas aisée. Dans nombre de situations, les interactions entre l’homme et son milieu sont tellement diffuses qu’il devient périlleux de ressortir ce qui revient à la nature ou ce qui découle de l’activité humaine.

S’agissant de cette difficulté à dissocier le naturel de ce qui ne l’est pas, R. Laufer relève ce qui suit :

« La nature apparaît, à l’époque actuelle, sous la catégorie « systémique » d’environnement qui exprime l’interaction permanente entre le ‘’ naturel ‘’ et l’action humaine. Qu’il s’agisse de l’effet de l’action humaine sur son milieu […] ou de l’effet de la décision humaine sur la ‘’ vulnérabilité ‘’ de la société aux effets des forces

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naturelles […], les catastrophes naturelles semblent si mêlées à l’action des hommes que ceux-ci se sentent de plus en plus responsables de leurs occurrences. Quant aux activités technologiques, elles ont, en retour, de tels effets sur la nature qu’elles se trouvent prises dans un réseau de causalité complexe où aucune limite, ni dans le temps ni dans l’espace, ne peut être marquée avec certitude »414.

En conclusion de ce tour d’horizon, toutes ces dispositions préventives des risques et des crises d’origine humaine et non humaine, bien que disposant de modes opératoires en même d’endiguer ou de limiter les effets des catastrophes, présentent quelques insuffisances. Face à cette faiblesse, des méthodes anticipatrices fondées sur la surveillance, l’alerte, la formation et l’information des populations sont de plus en plus préconisées. Il importe donc que ces dispositifs soient renforcés.