• Aucun résultat trouvé

Paragraphe II- La diversité des ressources de prévention

2. Les ressources des collectivités locales

A l’opposé de nombreux pays de l’Europe, à l’instar de l’Allemagne, de la France, de la Belgique ou du Danemark qui ont confié la lutte contre l’incendie aux communes, l’apport des collectivités locales en matière de sécurité civile dans les Etats de la C.E.M.A.C. est plutôt relatif, voire insignifiant. La disparition des sapeurs-pompiers communaux et le rôle sans cesse croissant des préfets en matière de sécurité civile seraient à l’origine de cette reculade.

La signification de la trilogie traditionnelle des éléments constitutifs de l’ordre public est pourtant éclairée par la définition que donnent les codes communaux de la

218

10e Groupement des sapeurs-pompiers qui couvre les régions du Centre, du Sud et de l’Est dont le poste de commandement est fixé à Yaoundé et comprenant une compagnie d’incendie de Yaoundé et quatre centres de secours dont trois à Yaoundé ( Mimboman, Yaoundé ville, Etoudi) et un à Sangmélima dans le département du Dja et Lobo, au sud du Cameroun.

219

C’est le 20e Groupement de Sapeurs – Pompiers qui couvrent les régions du Littoral, du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Ouest avec un poste de commandement fixe à Douala. Ce Groupement comprend une compagnie d’incendie à Douala, et quatre centres de secours dont trois à Douala (Ngodi, Bassa et Bonabéri) et un à Nkongsamba).

220

30e Groupement de Sapeur – Pompiers qui couvre les Région du Nord, de l’Extrême-Nord et de l’Adamaou avec Garoua comme poste de commandement fixe, et un centre de secours dans la même ville.

221

Pour le Directeur de la Protection civile de ce pays, « il appartient aux autorités

administratives d’encourager et de faciliter la création dans leurs unités de nouvelles casernes des sapeurs-pompiers en rapport avec les municipalités. Il s’agit en tout cas des partenaires de choix dont l’absence peut conduire au désastre humain en cas de catastrophe. » Voir Jean-Pierre NANA, in :

98 sous-région. L’article 87 de la loi (camerounaise) du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes dispose que les missions de la police municipale comprennent

« la prévention par des précautions convenables, et l’intervention, par la distribution des secours nécessaires, en cas d’accident et de fléaux calamiteux, tels que les incendies, les inondations, ou tous autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, la mise en œuvre de mesures d’urgence en matière de sécurité, d’assistance et de secours […] »222.

Mais, ces dispositions ne semblent pas cadrer avec la pratique. Les maires, tout comme l’Etat dans une moindre mesure, ne disposent pas des ressources nécessaires tant en personnels qu’en disponibilités financières et matérielles pour apporter un appui significatif tel que semble prescrire cette disposition. De plus, la police municipale à laquelle font référence les textes n’est pas encore effective dans la plupart de ces municipalités. La priorité semble par conséquent accordée aux services d’hygiène conformément aux dispositions de l’article 92 de cette loi223.

Si depuis plusieurs décennies, la loi confiait aux maires le soin de prévenir par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux, cette conception traditionnelle de la sécurité civile est toujours d’actualité ; c’est en revanche l’apparition des nouveaux risques, dus aux progrès technologiques et scientifiques, ainsi qu’à la récurrence des catastrophes qui ont suscité une intervention croissante de l’Etat afin de soutenir et de renforcer l’action des collectivités locales dans le domaine. Et comme le notait Hubert Fournier, « le rôle des communes reste essentiel. [I]l ne s’agit pas de

débarrasser […] les communes de leurs responsabilités. Il s’agit de fixer clairement

222

Cette disposition, inscrite dans la plupart des codes communaux des Etats de la C.E.M.A.C est d’origine française et date de plus de deux siècles. C’est la Loi française des 16-24 août 1790 qui confiait « le soin de prévenir par des précautions convenables et de faire cesser par la distribution des

secours nécessaires les accidents et les fléaux calamiteux ». Au-delà des problèmes de proximité,

c’est l’insuffisance des transports et l’inexistence de réseau de communications rapides qui justifiaient l’organisation des secours au niveau locale.

223

L’article 92 de la loi [Camerounaise] n° 2004 -18 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes dispose qu’ « en l’absence d’un service de police municipale, le maire

99

la possibilité de ‘’monter en puissance ‘’ de moyens qui pourront converger sur le lieu où se produira la catastrophe ou l’accident majeur »224.

L’observation de Vincent Dye ne va pas dans un autre sens quand il affirme que « […] malgré leur bonne volonté, les municipalités sont mal armées pour remplir

leur mission : les crédits dont elles disposent sont, en général, trop faibles pour acquérir et entretenir le matériel convenable […] »225.

Par contre, mettant en cause le rôle incontesté et primordial de l’Etat quand survient une catastrophe, Uriel Rosenthal précise :

“[…] there is no reason to pustulate a specific role of government during processes of crisis decision-making. Governments may take decisions which unduly aggravate the crisis. Governmental authorities may lack physical courage – as many burgomasters and aldermen during the Holland flood disaster. They may be completely passive – as the Amsterdam mayor and police chief during the Amsterdam turmoil of 1966. They may be hypervigiland and over active – as the Amsterdam mayor and his supporters in the Nieuwmarkt conflict of 1974-1975”226.

Cette conception traditionnelle de la sécurité au quotidien qui incombe au maire existe toujours et n’est pas remise en cause. La montée en puissance de l’Etat dans le domaine limite simplement leurs interventions dans la définition des zones de confinement ou d’évacuation en cas de catastrophe, ou pour prendre les premières mesures d’urgence, informer et sensibiliser les populations. Toutefois, cette conception réductrice des édiles des Etats de la C.E.M.A.C dans le domaine de la sécurité civile n’occulte pas le caractère éclaté de la discipline. Celle-ci fait appel à toutes les ressources disponibles lorsque survient une crise. Participer à la sécurité civile s’impose alors, tel que le souligne Bertrand Pauvert,

« comme une obligation citoyenne, s’appliquant à tous. La figure tutélaire du Citoyen, archétype du membre de la nation, s’adresse à chacun : le Citoyen figure en sa personne l’élévation suprême de l’animal politique et incarne pour tous l’idéal à atteindre. Au-delà,

224

Hubert FOURNIER, « Le rôle de l’Etat face à une crise majeure au niveau local », in : Claude GILBERT (dir.), La catastrophe, l’élu et le Préfet, Presse Universitaire de Grenoble, Grenoble, 1990, pp. 295, spéc. p. 33.

225

Vincent DYE, La sécurité civile en France, op.cit., note n° 33, p. 7.

226

Uriel ROSENTHAL, cité par Claude GILBERT, Le pouvoir en situation extrême-

100

c’est même à l’instinct de la solidarité humaine et de l’aide à autrui [dont il est question] (‘’ tu aimeras ton prochain comme toi-même’’, Lev. 19.18 et Mc 12.13) : instinct fraternel au cœur du pacte social) »227.

Il est par conséquent légitime d’attendre de toute personne un comportement responsable en cas de catastrophe. La sécurité de tous n’est pas du seul ressort de l’Etat. En outre, ne pas respecter l’obligation minimale de secours à autrui peut, comme semble l’indiquer Bertrand Pauvert, rendre toute personne coupable du délit de non-assistance à personne en danger228.