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II - L’OBJET DE LA RECHERCHE

III -2- LES PRESPECTIVES THEORIQUES

IV- LES CONTOURS DE L’ORIENTATION METHODOLOGIQUE

Outre le cadre méthodologique qu’il convient de préciser maintenant, le sujet soulève au moins trois séries d’interrogations qu’il faut également présenter avant d’exposer l’hypothèse explicative retenue.

- Le cadre méthodologique

Le droit de la sécurité civile, encore en pleine mutation et à la recherche d’une autonomie, n’offre guère au chercheur une méthode appropriée pour appréhender les mécanismes juridiques dans leur entièreté. Cette assertion est vraie dans les pays développés et semble encore plus prégnante s’agissant des pays en voie de développement et ceux de la C.E.M.A.C particulièrement. Car, comme le montraient Jacques Chevalier et Danièle Loschak il y a plusieurs décennies, « il ne semble pas

possible, à l’heure actuelle, de proposer un cadre d’analyse unique qui permettrait d’appréhender globalement les phénomènes administratifs »99, à telle enseigne que l’option d’une méthode précise puisse dépendre du point de vue qui guide les investigations et les processus dont on voudrait analyser à un stade de la recherche.

La méthode est une démarche ordonnée et raisonnée, une technique employée pour parvenir à un résultat. C’est l’ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu’elle poursuit, les démontrer et les vérifier100.

Son importance découle de ce que « [l]a démarche méthodologique

conditionne le travail scientifique, car la méthode éclaire les hypothèses et détermine les conclusions »101. Sous ce rapport, les aspects fondamentaux de cette recherche seront abordés dans une perspective dynamique. Le terme dynamique, emprunté à

99

Jacques CHEVALLIER et Danièle LOSCHAK, Science administrative. Tome I : Théorie générale de l’Institution Administrative, L.G.D.J, 1978, p. 121 et s.

100

Isambert François-André PINTO R / Madeleine GRAWITZ, « Méthode des sciences

sociales », Revue française de sociologie, 1965, 6-1, pp. 83-85.

101

Maurice KAMTO, Pouvoir et droit en Afrique noire - Essai sur les fondements du

48 la mécanique rationnelle désigne « l’étude des relations entre mouvements et les

forces qui les engendrent »102. L’application de cette définition à l’objet d’étude laisserait présager que cette dynamique concerne l’ensemble des « modèles » de sécurité civile qui impriment leur marque sur les systèmes d’administration publique des Etats de la C.E.M.A.C tels qu’ils se présentent aujourd’hui.

L’option choisie est celle d’une approche interdisciplinaire qui implique le choix d’une discipline maîtresse tout en recourant aux méthodes de plusieurs disciplines, en l’occurrence, le droit, la sociologie politique, la science administrative et le management. La discipline majeure étant le droit.

C’est naturellement vers l’approche juridique que l’on se tournera au premier chef. Celle-ci, qui s’imposera tout au long de cette recherche comme l’approche fondamentale, intègre les deux variantes de la méthodologie juridique systématisée par Charles Eisenmman : « la dogmatique et la casuistique »103. La première s’intéresse essentiellement au droit légiféré en tant qu’elle vise une systématisation de ce droit à partir des règles existantes, pour faire comprendre la cohérence ou les incohérences du droit de la sécurité civile des Etats de la C.E.M.A.C. Comme en témoigne cet extrait d’une œuvre de référence, il s’agira de « déterminer le contenu [des] règles à partir de la prise en compte des sources formelles du droit […] positif [… puis] exposer l’état du droit tel qu’il existe et […] déterminer le contenu »104. La casuistique se penche sur la manière dont ce droit est appliqué par les différents acteurs. C’est dans cette perspective que l’on sera amené à vérifier dans les faits, la solution qui aura été trouvée à un problème spécifique en fonction des normes en vigueur.

102

Voir Roger Gabriel NLEP, L’administration publique Camerounaise, contribution à l’étude

des systèmes africains d’administration publique, Paris, L.G.D.J, 1986, p. 4. Dans le même sens,

Charles EISENMANN notait que « la théorie juridique du droit […] a pour objet le droit en mouvement,

le processus juridique par lequel le droit est créé et appliqué. » Voir de cet auteur, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, pp. 496, spéc. p. 96.

103

Charles EISENMANN a esquissé « la dogmatique et la casuistique » dans ses différents cours de doctorat à la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris, puis à l’Université de Paris I, et qui étaient reproduits par les « Cours de Droit », ont été regroupés dans une seule édition publiée par la L.G.D.J. en deux volumes en 1984. Voir Roger Gabriel NLEP, idem, p. 8.

104

Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, Edition de l’Université de Bruxelles, 2009, pp. 291, spéc. p. 23.

49 Toutefois, la problématique est aussi fondamentalement celle du comment et du pourquoi, et ambitionne de s’intéresser non seulement aux règles mobilisables par les Etats pour assurer la sécurité des personnes et des biens, mais également à tous les phénomènes d’ordre microsociologique qui interfèrent avec ces règles, de manière à dégager les aspects concrets du traitement des risques collectifs en zone C.E.M.A.C.

Après le recours à la méthode documentaire et de l’exégèse, l’on procèdera, à l’analyse stratégique105 des systèmes et des acteurs, afin de parvenir à une compréhension dynamique des actions mises en œuvre, à la structuration des relations de pouvoir qui lient les acteurs les uns aux autres et sur lesquelles se constitue la régulation de l’ensemble du dispositif de sécurité civile desdits Etats.

Enfin, il sera fait appel au raisonnement par analogie. L’on ne saurait rendre compte du droit de la sécurité civile en zone C.E.M.A.C sans des percées comparatives dans d’autres aires géographiques. C’est dans ce sens que l’on inscrira le droit sous régional d’Afrique centrale - zone C.E.M.A.C. - de la sécurité civile dans la logique du transfert ou du mimétisme.

Compte tenu de ce qui précède, il parait utile de confronter ces approches avec des théories et des institutions de sécurité civile de certains pays occidentaux, notamment la France et la Suisse. Car, bien que la confrontation des modèles et des pratiques ne soit ni systématique, ni exhaustive, l’analogie semble nécessaire pour aider à mieux comprendre la spécificité d’un éventuel modèle sous régional de sécurité civile propre à l’Afrique centrale. Il importe en effet de bien prendre en compte les particularités et les similitudes que la pratique des Etats de la C.E.M.A.C. présentent par rapport à certains modèles européens, voire américains ou asiatiques. Il ne saurait en être autrement dans la mesure où les théories en la matière sont souvent euro-centriques ou occidentalo-centriques. En tout état de cause, « la connaissance du droit étranger favorise une meilleure compréhension

105

Comme l’a souligné Stéphane DIOR commentant l’œuvre de CROZIER et de FRIEDBERG, « l’analyse stratégique vise à révéler ce qui se passe vraiment », Voir de cet auteur, « Erhard Friedberg et l’analyse stratégique », Revue française de science politique, 43e année, n° 6, 1993, p. 995. Cité par Guy MVELLE, L’Union Africaine face aux contraintes de l’action collective, Paris, L’Harmattant, 2013, pp. 150. , spéc. p. 15.

50

des solutions, des structures et des tendances [des droits nationaux] »106 comme l’écrivait François Terré.

S’agissant des méthodes sociologiques, les recherches étant influencées par la façon dont le système politique et administratif est institutionnalisé, les réflexions sur les conditions actuelles de vulnérabilité des Etats de la C.E.M.A.C invitent à renouer avec une démarche de sociologie du droit dont l’objet vise à « confronter des

règles juridiques ou des concepts de droit […] à la réalité sociale existante »107. L’on pourrait ainsi saisir le devenir de ces Etats face au changement en y intégrant une réflexion anthropologique sur leur capacité « à survivre et à se reproduire en tant que

sociétés spécifiquement humaines, dans les conditions actuelles de généralisation de la vulnérabilité et de l’incertitude »108.

L’idée n’est donc pas de partir des principes pour retrouver les principes. L’on voudrait confronter les principes à la réalité, au moins tel que les outils intellectuels disponibles permettent de l’approcher. Car, s’il n’y a aucun doute sur l’existence d’un droit de la sécurité civile dans les Etats de la C.E.M.A.C (bien qu’étant un droit parfois ineffectif), la réalité sociologique est plus complexe et conduit à évaluer la pertinence des orientations de ce droit. Dans cette optique, écrit James Mouangué Kobila, « le droit apparait comme la résultante d’un contexte qu’il faut restituer et dont

il faut tenir compte »109.

Dans cette perspective, l’on aura enfin recours à la technique de l’entretien qui s’avère efficace dans la mesure où le mode de raisonnement qu’elle sous-tend est inductif et expérimental. Il est entendu que des précautions seront prises pour éviter les distorsions de communication grâce au minimum de confiance établit avec les interviewés.

106

François TERRE, Introduction générale au droit, 5e éd. , Coll. Précis Dalloz, Paris, 2000, pp. 681, p. 417.

107

Voir Olivier CORTEN, op. cit. , note n° 104. , p. 27.

108

Michel DOBRE, op. cit. ,, note n° 80, p. 525.

109

James MOUANGUE KOBILA, Le Cameroun face à l’évolution du droit international des investissements, thèse de doctorat, Université de Yaoundé II, Soa, 2004, tome I, pp. 245, p. 47.

51 - La problématique :

La question centrale qui se pose dans le travail entrepris est celle de savoir comment faire face aux situations complexes, éviter et prévenir les crises dans un environnement où les vulnérabilités internes sont décuplées par la pauvreté ? En d’autres termes, que faire en cas de catastrophe dans un environnement où la capacité à gérer les risques est particulièrement limitée ? Comment répondre aux situations catastrophiques lorsque les politiques de prévention sont inopérantes et ont presque échoué ? Empruntant la question à Patrick Lagadec, « que faire en

pleine [catastrophe], lorsque les boussoles s’affolent et que la turbulence médiatique vient dramatiser encore cette situation très vite insaisissable ? »110.

Les mutations en cours dans le domaine de la sécurité civile soulèvent inévitablement d’autres questions qui peuvent se greffer autour de cette interrogation majeure. En premier lieu, l’ordonnancement juridique des Etats de la C.E.M.A.C, tel que développé, est- il adapté pour la réception des concepts de vulnérabilité et de résilience afin de parvenir à une politique pertinente de prévention et de gestion des risques de catastrophe, ou est-il insuffisant et se heurte-t-il en conséquence à des obstacles dans la réduction des risques de catastrophe ? Dans cet ordre d’idée, la dialogique vulnérabilité - résilience ouvrirait- elle des perspectives vers une mutation du droit ? En second lieu, ce droit peut-il s’ouvrir vers un droit sous régional de sécurité civile au regard des recommandations internationales et régionales, ainsi que de l’apport des principes communautaires consacrés par la doctrine tels que la solidarité et la subsidiarité ? Cette interrogation appelle nécessairement une autre ; celle de la pertinence de la C.E.E.A.C à développer un droit sous régional de réduction des risques de catastrophe en Afrique centrale. Cet aspect de l’étude ramène à la question principale de Michel Crozier et d’Erhard Friedberg selon laquelle « à quelle condition et au prix de quelle contrainte l’action collective,

c’est-à-dire l’action organisée des hommes est-elle possible ? »111.

110

Patrick LAGADEC, La gestion des crises, outil de réflexion à l’usage des décideurs, Mc Graw-Hill, 1991, pp. 300, spéc. p. 7. www.patricklagadec.net/fr/pdf/integral_livre1pdf. Consulté le 13 mars 2013.

111

Michel CROZIER / Erhard FRIEDBERG, L’acteur et le système, Paris, Seuil, 1977, pp. 500. , spéc. p. 15.

52 En prolongeant le questionnement, il est possible d’ajouter quelques interrogations complémentaires :

- Comment harmoniser et rendre plus efficace, et partant plus efficiente l’action de la multitude d’acteurs lorsque survient une catastrophe ?

- L’équation politico-administrative et l’intervention des services centraux concourent- elles à une amélioration de la gestion des situations de crise ? - Dans la pratique, quel équilibre nécessaire faut-il introduire pour juguler les

inévitables chevauchements ou les cas de double emploi entre les nombreuses unités d’intervention existantes ?

- De quels atouts disposent ces Etats pour faire efficacement face aux situations d’urgence ?

Plus fondamentalement, s’intéresser à la sécurité civile des Etats de la C.E.M.A.C, revient à s’interroger sur l’organisation mise en place et sur les stratégies développées dans ces Etats.

Mais s’intéresser à la sécurité civile des Etats de la C.E.M.A.C. revient surtout, au-delà des incertitudes conjoncturelles qui affectent aujourd’hui la sécurité civile dans les Etats de la zone C.E.M.A.C, à se demander si les systèmes de sécurité civile en vigueur dans les Etats de cette sous-région se rattachent au modèle classique ou plutôt au modèle émergent.

- L’hypothèse de recherche :

L’on tâchera de démontrer que les systèmes de sécurité civile de la zone C.E.M.A.C se rattachent généralement, au modèle classique, en quasi-totale méconnaissance des évolutions qui, en Europe tendent à orienter les systèmes de sécurité civile vers l’option émergente.

En affinant cette hypothèse, l’on démontrera que le modèle classique de sécurité civile qui apparaît dans les textes est dévoyé en pratique.

Cette démonstration sera conduite en examinant premièrement, la dominante du modèle classique dans l’organisation de la sécurité civile des Etats de la C.E.M.A.C et, deuxièmement, les linéaments d’une approche émergente dans l’évolution de la sécurité civile de ces Etats, l’exigence du droit à la sécurité

53 s’affirmant de plus en plus. Elle s’impose d’ailleurs comme une nécessité pour les Etats. Au-delà de la protection des personnes et des biens, la sécurité civile concerne aujourd’hui la protection des communautés et de l’environnement. Savoir répondre à ces exigences est un véritable enjeu pour les Etats de la C.E.M.A.C.

A partir des éléments évoqués, l’on peut tenter de définir une démarche cohérente qui s’articulera autour de ces deux points.

54 PREMIERE PARTIE

LA DOMINANTE DU MODELE CLASSIQUE DANS LE DROIT DE LA SECURITE