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La compétence de l’Etat en matière de contrôle des activités de sécurité civile

Paragraphe I – La détermination des compétences de l’Etat

B- La compétence de l’Etat en matière de contrôle des activités de sécurité civile

L’Etat exerce son pouvoir de contrôle des activités de sécurité civile par l’intermédiaire de ses services centraux des départements ministériels concernés et par les autorités administratives, en l’occurrence les préfets et les gouverneurs. L’on soulignera au préalable que le droit des installations classées des Etats de la C.E.M.A.C est marqué par une absence d’harmonie dans l’usage de certains termes. Pendant que certains Etats comme le Cameroun est demeuré dans le terme ancien « d’établissement classé »251, d’autres ont consacré plutôt le terme « d’installation

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Article 2 de l’Ordonnance [du Tchad] n° 014/PR/2011 du 28 février 2011 portant Code d’Hygiène.

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Article 232 de l’Ordonnance [du Tchad] n° 014/PR/2011 portantCode d’Hygiène.

251

Jean-Pierre BOIVIN souligne toutefois que « la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996

concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses dite ‘’ Seveso II ‘’, […] consacre, dans un contexte certes différent et avec des outils nouveaux, le retour à la notion d’établissement. Mais cette notion est désormais retenue comme élément pertinent de référence pour une appréciation globale des dangers et des moyens à mettre en

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classée », à l’exemple du Congo. En référence au législateur français de 1976 qui a

substitué le concept d’installation à celui d’établissement, cette mutation traduisait la volonté d’analyser de plus près les origines des nuisances ainsi que les possibilités de les supprimer. La notion d’établissement, entendue dans un sens industriel ou commercial correspondait à une approche globalisante et « assez sommaire » de l’environnement, alors que celle d’installation permettait de cerner de plus près les risques de nuisance, quel que soit le contexte dans lequel ces risques se présentaient.

1. Le contrôle de l’organisation et du fonctionnement des structures de sécurité civile

S’agissant du contrôle des services centraux, une multitude de polices administratives spéciales renforcent le contrôle des services de l’Etat. Le but est de vérifier les conditions d’hygiène, de salubrité et de sécurité nécessaires à la protection de la santé publique et de l’environnement. Le contrôle est généralement assuré, sous l’autorité du ministre chargé des installations classées, par des inspecteurs des installations classées ainsi que des personnes chargées de l’expertise, tous assermentés et astreints au secret professionnelle.

Au Cameroun, « l’inspection et le contrôle des établissements classés sont

exercés par les agents assermentés du ministère chargé desdits établissements ou de toute autre administration compétente »252.

Au Congo,

« les inspecteurs et techniciens des installations classées253 peuvent visiter à tout moment les installations soumises à leur surveillance, en vue d’y faire les constatations sur : les sources de pollution et le degré de pollution des milieux récepteurs ; les sources et degré de nuisances ; les mesures éventuelles anti-pollution et anti-nuisance ; le fonctionnement des équipements réglementés, des

œuvre pour y remédier. » Voir de cet auteur : Les installations classées Traité pratique de droit de l’environnement industriel, Paris, Le Moniteur, 2003, pp. 639. , spéc. p. 35.

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Article 18 de la Loi [Camerounaise] n° 98-15 du 14 juillet 1998 relative aux établissements classés dangereux, insalubres ou incommodes.

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Une installation est dite classée lorsque du fait de ses inconvénients ou dangers elle a fait l’objet d’une inscription sur une liste appelée nomenclature.

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équipements susceptibles d’occasionner des pollutions ou des nuisances et le comportement des capacités de stockage des substances dangereuses »254.

Il en est de même de la police des installations classées pour la protection de l’environnement, des établissements recevant du public, et des immeubles de grande hauteur.

En plus de ses pouvoirs de coordination de l’ensemble des services techniques de son unité de commandement, le préfet dispose d’un large pouvoir sur l’action des maires par le contrôle de la légalité des actes des municipalités et peut à cette occasion vérifier le respect des « impératifs » de sécurité civile par les conseillers municipaux. Le représentant de l’Etat, de par son pouvoir de tutelle sur les communes, peut demander le réexamen où tout simplement l’annulation de certains actes des maires.

2. La compétence de l’Etat en matière de contrôle des activités opérationnelles de secours.

Dans les systèmes de sécurité civile des Etats de la C.E.M.A.C, la direction des opérations de secours par le représentant de l’Etat ne se discute pas. C’est d’ailleurs l’un des domaines où l’intervention du préfet ou du gouverneur selon le cas, n’est guère contestée. Les textes confèrent ainsi compétence à l’autorité étatique,

«[…] d’assurer sous l’autorité du préfet de région, la protection des personnes, des biens et de l’environnement, en cas de catastrophes ou d’accidents graves, en mettant en œuvre, dans les moindres délais, les moyens d’intervention nécessaires »255.

254

Article 14 de l’Arrêté [Congolais] n°1450/MIME/DGE du 18 novembre 1999 relatif à la mise en application de certaines dispositions sur les installations classées de la loi 003/91 sur la protection de l’environnement. L’article 13 de cet arrêté précise au préalable la constitution de l’inspection des installations classées. Il s’agit entre autres des ingénieurs et techniciens des administrations de l’environnement, des mines, de l’économie forestière, de la santé, de l’hydraulique, des transports, des travaux publics, de l’aménagement du territoire et des collectivités locales. La circulaire du ministre des (suite de la page précédente) Industries Minières et de l’Environnement du 15 mars 2000 rappelle précisément que « les inspections et les contrôles des installations classées sont désormais

exercés concomitamment par les Administrations chargées de l’Environnement, des Mines et les autres départements selon le type d’installation ».

255

Article 4 du Décret [Congolais] n° 2001-249 du 26 mai 2001 portant organisation de secours en cas de catastrophes naturelles ou d’accidents majeurs.

111 Dans les Etats de la C.E.M.A.C en général, deux cas de figure peuvent justifier l’intervention de l’Etat dans la direction des opérations de secours :

La première hypothèse concerne l’incapacité de la commune à faire face aux situations d’urgence. La loi confère pourtant à l’autorité communale la mission de prévenir « par des précautions convenables, et [d’intervenir], par la distribution des secours nécessaires en cas d’accidents et de fléaux calamiteux […] ». La même disposition donne la possibilité au maire de mettre en œuvre les mesures d’urgence en matière de sécurité en prenant soin de rendre compte au représentant de l’Etat des mesures prescrites256

. En réalité, la survenance d’une catastrophe ne justifie pas la mise à l’écart du maire ; c’est en revanche les circonstances aggravantes de la crise et généralement son incapacité à y faire face qui légitiment l’intervention du représentant de l’Etat. Ce qui pourrait apparaître comme une compétence implicite du maire dans la direction des secours s’étiole rapidement, le préfet disposant en outre de par les textes, d’un pouvoir de substitution257.

Pareillement, une crise majeure justifiant le déclenchement d’un plan de secours consacre ab initio le pouvoir du préfet dans la mise en œuvre des opérations de secours.

En effet, dans de telles circonstances, le préfet peut déclencher les plans de secours préalablement établis (notamment le plan O.R.S.E.C) et dont la mise en œuvre lui appartient à titre exclusif. Les dispositions du décret de la République du Congo, du 26 mai 2001 portant organisation de secours en cas de catastrophes naturelles et de risques majeurs précisent à cet égard que « l’initiative de déclencher

le plan d’organisation de secours émane du préfet qui, en cas de catastrophe,

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Article 87 d de la loi – camerounaise - n° 2004-18 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes.

257

Les dispositions de l’article 91 de la loi n° 2004-18 du 22 juillet 2004 sont suffisamment précises sur ce point : « les pouvoirs qui appartiennent au maire […] ne font pas obstacle au pouvoir

du représentant de l’Etat de prendre, pour toutes les communes d’une circonscription ou pour une ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien du bon ordre, de la sécurité, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publique ». Ce pouvoir ne pouvant être exercé par le représentant de l’Etat

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d’accident majeur ou de sinistre, donne aux services intéressés, le signal d’alerte générale dénommé alerte d’organisation des secours »258.

La règlementation Camerounaise conditionne le déclenchement d’un plan d’urgence 259 à la possession de renseignements sûrs, ne donnant lieu à aucun doute, sur la nature ou l’ampleur de la catastrophe ou du risque majeur. Dans ces conditions, « le déclenchement du plan d’urgence en cas de catastrophe ou de

risque majeur se fait : par le préfet au niveau du département ; par le gouverneur, au niveau de la [région] ; par le secrétaire général de la Présidence de la République au niveau national »260.

Le déclenchement d’un plan de secours fait du représentant de l’Etat la seule autorité compétente pour gérer la crise. Et, pour reprendre la formule de Daniel – Georges Courtois cité par Bertrand Pauvert,

« ce qui caractérise aujourd’hui […] le rôle de l’Etat, c’est l’idée selon laquelle, à partir d’un certain seuil de gravité et de complexité, l’organisation et la gestion opérationnelle des secours deviennent davantage l’affaire de l’Etat. C’est le passage du risque quotidien à ce que l’on appelle la crise qui fait intervenir l’Etat » 261.

3. L’emprise de l’Etat sur la gestion des moyens de secours.

Pour renforcer l’efficacité du dispositif de sécurité civile face aux catastrophes de toutes sortes, l’emprise de l’Etat se manifeste plus encore sur la gestion des moyens de secours et se traduit sous l’angle de la distribution formelle des compétences, par un accroissement des prérogatives de l’Etat, dont l’une des missions est de veiller à l’organisation et à la coordination des moyens de secours, en prévision des catastrophes susceptibles d’affecter la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement.

L’on observera que les compétences exclusives reconnues, selon les cas, au préfet, au gouverneur voire au secrétaire général de la Présidence de la République

258

Article 14 du Décret [Congolais] du 26 mai 2001 portant organisation de secours en cas de catastrophes naturelles ou d’accidents majeurs.

259

Entendez « Plan ORSEC ». Voir supra, note n° 233.

260

Article 3 (1) du Décret [du Cameroun] n° 98-31 du 9 mars 1998 portant organisation des plans d’urgence et des secours en cas de catastrophe ou de risque majeur.

261

113 pour déclencher les plans de secours, s’appliquent aussi à leur préparation. Les normes juridiques des Etats de la C.E.M.A.C confèrent en effet aux seules autorités étatiques le soin d’élaborer les plans de secours, et plus généralement de préparer les mesures de sauvegarde et de coordonner les moyens de secours dans le cadre de leurs circonscriptions respectives. L’action desdites autorités compétentes comporte entre autres, « […] l’engagement immédiat des secours d’urgence ; […] la

mobilisation des moyens humains, matériels et financiers nécessaires ; […] »262.

La mainmise de l’Etat est donc nettement affirmée dans le dispositif de sécurité civile des Etats de la C.E.M.A.C. L’emprise de l’Etat n’a cessé de se confirmer à l’encontre du processus de décentralisation en cours dans ces Etats. Pour autant, et ceci étant affirmé, les codes des collectivités territoriales laissent entrevoir des domaines de compétences exercés par les collectivités intra-étatiques.