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Le roman graphique et la pédagogie

Dans le document Le roman graphique (Page 43-47)

une association du visuel et de l’écrit

5. Le roman graphique dans l’enseignement

5.1. Le roman graphique et la pédagogie

Il fut un temps où ce qui est appelé roman graphique désignait explicitement un livre à caractère sexuel ou gore, ou même les deux. Aujourd’hui, l’industrie des romans graphiques est tout autre chose : des histoires minutieusement illustrées où l’émergence d’une forme littéraire et d’un phénomène culturel sont fortement acclamés ces dernières années par des adultes lettrés et des adolescents qui lisent tout ce qui est associé à l’image. Plusieurs enseignants anglophones avaient tenté l’expérience de l’enseignement à partir de romans graphiques. Ceci dit, ils avaient rencontré des difficultés concernant le choix de la thématique des romans graphiques qui constituaient une matière à enseigner, surtout si les enseignants n’ont pas grandi avec, puisqu’en partie, les sentiments littéraires ont été construits pour éviter toute forme d’illustration et parce que la majorité ne savent pas où commencer toute forme d’expérimentation dans un pareil champ d’investigation27.

S. Weiner (2004) dans son article « Show, Don’t Tell: Graphic Novels in the Classroom », explique qu’à partir de la fin des années 70, le roman graphique est allé au-delà du genre matériel (comme Batman par exemple) où on a commencé à créer des histoires qui pourraient être acceptées dans les travaux en littérature. Cette impulsion a produit selon lui, un nombre important d’œuvres littéraires, des romans graphiques éducatifs comme Maus d’Art Spiegelman (New York : Pantheon, 1991) qui ont été utilisés avec succès en tant que composante des programmes d’éducation (S. Weiner, 2004).

Le terme Roman graphique inclut le genre « fiction », où on retrouve des super-héros et des histoires d’horreurs, aussi bien que « la non fiction » et des histoires littéraires, comme à titre d’exemple : Clowes’s Ghost World (Seattle: Fantagraphics, 1998), A teen comingof-age story et Jimmy Corrigan the Smartest Kid on Earth de Chris Ware (New York: Pantheon, 2000), une publication qui a reçu le prix prestigieux Guardian Award d’Angleterre en 200128.

Selon S. Weiner (2004), plusieurs éléments ont contribué à placer le roman graphique au summum de la culture populaire à partir du début des années 80. Il les classe comme suit :

- Un nombre croissant de publications de romans graphiques « littéraires ».

27 Cf. https://www.comicsineducation.com/the-challenges.html

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- L’industrie du cinéma a porté plus d’intérêt aux personnages de super-héros. (Spider-Man, Catwoman, The Hulk, Hellboy, etc.)

- Les romanciers ont eu recours à l’industrie du Comic-book (bandes dessinées), ce qui a été un élan pour des romans aux thématiques plus sérieuses.

- L’implication des journalistes dans leurs articles pour démontrer le changement du domaine de la bande dessinée à la fois dans l’industrie des livres partant des revues spécialisées à des magazines destinés à un plus large public de lecteurs.

En outre, au cours de la fin des années 1980 et dans les années 90, la qualité d’écriture en matière super-héros, les mangas japonais et autres, ont permis d’ouvrir la voie à l’attention particulière portée aux romans graphiques comme outil éducatif.

Un roman graphique bien écrit, bien fait offre l’immédiateté d’une expérience de lecture de la prose avec des images et des mots qui opèrent simultanément, ce qui fait que le roman graphique ne constitue pas uniquement quelque chose à lire mais quelque chose à voir, entre « récit textuel » et « récit visuel » (G. Kannenberg, 2001). C’est comme lire et regarder un film en même temps, la seule différence est que l’histoire ne se déroule pas sur un écran mais sur une page entre les mains d’un lecteur.

Les romans graphiques varient en matière typologie, mais peuvent être lus comme des livres de prose. Leur série en général varie en nombre de pages allant de 48 à plus de 200. La spécificité du roman graphique, c’est qu’il est souvent un one shot, un ouvrage unique. Et même si on trouve plusieurs tomes, une sorte de saga, c’est souvent une seule histoire qui s’étale sur plusieurs parties, sans volonté d’écrire des suites, à titre d’exemples Persepolis29 de

Marjane Satrapi en quatre tomes où l’œuvre est pensée avec un début et une fin30.

Quand un roman graphique est bien fait, il peut selon S. Weiner31 (2004) offrir aux enseignants un autre outil à utiliser en classe pouvant ainsi enrichir l’expérience des

29 Persepolis est un roman graphique autobiographique en noir et blanc écrit par Marjane Satrapi. Il est publié par l’Association en quatre volumes entre 2000 et 2003. Unique enfant de parents intellectuels et progressistes, Marjane Satrapi raconte son histoire, son enfance, sa relation avec ses parents ou sa grand-mère, son exil en Autriche et son retour en Iran (Cf. http://e-cours-arts-plastiques.com/analyse-de-persepolis-de-marjane-satrapi ). 30 Cf. https://romangraphique.jimdo.com/nos-revues/revue-1/bd-et-roman-graphique

31 Stephen Weiner est un auteur de romans graphiques. Entre autres, the 101 best graphic novels publié pour la première fois en 2001.

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apprenants comme une nouvelle façon de communiquer des informations, permettre la transition à des œuvres plus complexes, inciter les lecteurs réticents à s’intéresser au roman en prose et dans certains cas, offrir une expérience littéraire qui s’incruste dans l’esprit longtemps après avoir fini la lecture du roman graphique (S. Weiner, 2004).

En raison de la popularité de Spider-Man et des Quatre Fantastiques, les enseignants innovants ont eu recours à la bande dessinée pour attirer les apprenants (lecteurs récalcitrants), depuis les années 7032.

Le roman graphique offre aujourd’hui un plus large éventail de choix de thèmes qui pourrait s’avérer utile en classe. Un exemple qui est souvent utilisé en classe est le travail productif de Scott Mc-Cloud : Understanding Comics (New York: Harper, 1994), qui dissèque, théorise et explique dans une brise presque hypnotique présentation, le fonctionnement des bandes dessinées. Son livre donne un aperçu de l’histoire des « Comics » et discute de leur relation aux autres formes d’expression. Il combine informations fraiches au rythme rapide pour provoquer une lecture-réflexion.

Understanding Comics, The invisible art par Scott McCoud, 1994.

Nous pouvons citer une multitude de sérieuses réalisations dans le domaine du roman graphique comme des adaptations de classiques littéraires à titre d’exemple Robert Crumb et son roman graphique comportant la biographie de Kafka, (écrit by David Zane Mairowitz;

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Lanham: Totem, 2000). Ou encore, Palestine by Joe Sacco (Seattle: Fantagraphics, 1996) qui délivre une puissante méditation sur le conflit du Moyen-Orient. Joe Sacco, en tant que journaliste, décrit en détail plusieurs de ses visites en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Peter Kupper33 offre quant à lui une version surprenante de « La métamorphose 34» où il capte habilement l’aliénation essentielle à l’histoire originale. Il est connu pour ses adaptations de grands classiques au format de romans graphiques.

Au cours des dernières années, il est devenu à la mode de réécrire des histoires classiques en usant de la forme « Graphic Novel ». C.W. Chun, 2009) donne un bon nombre d’exemples tel le roman réécrit de Gregory Maguire : The Life and Times of the Wicked Witch of the West (New York: Regan, 1995). Ou encore celui de Neil Gaiman qui célèbre le roman graphique en se concentrant sur Sandman, maitre du monde des rêves où il invoque des éléments d’horreur, de fantastique, d’histoire et de mythologie en utilisant Shakespeare comme personnage. Bien sur la liste reste ouverte, tellement le choix des thèmes, des sujets, reste illimité. Nombreux chercheurs pensent qu’au-delà d’être des ponts, ou une simple introduction aux classiques de la littérature, les romans graphiques offrent des outils de travaux enrichissants. Certains des meilleurs exemples de romans graphiques littéraires se préoccupent des thèmes parfaitement adaptés aux besoins des apprenants, de leurs sensibilités et de leurs intérêts (C.W. Chun, 2009).

Les romans graphiques englobent la fiction, la fiction historique et la littérature non-romanesque et couvrent une variété de thèmes et de sujets, y compris le vrai crime, l’histoire, la science, la biographie et des mémoires (A. Behler, 2006).

Les romans graphiques traitent des sujets mûrs et pertinents, appropriés aux étudiants, y compris les conséquences d’un rendez-vous qui a mal tourné, des catastrophes naturelles, le génocide et la violence. Considérés importants, ils se concentrent autour des questions délicates comme le passage à l’âge adulte, l’identité et l’amitié (J.B. Carter, 2009).

À l’extérieur des langues, les romans graphiques sont un outil pour apprendre l’histoire. C.W. Chun (2009) articule la valeur des romans graphiques basés historiquement, pour démontrer

33 Peter Kupper est le dessinateur (noir et blanc) du roman graphique « La métamorphose », paru le 08 septembre 2004. Le scénariste n’est rien d’autre que Franz Kafka.

34 « La métamorphose » est une nouvelle écrite par Franz Kafka en 1912 et publié en 1915. Cette œuvre a été réécrite sous forme de manga et adaptée au cinéma.

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leur capacité de communiquer le contenu historique dans un engagement et un cheminement significatif.

C.W. Chun (2009) insiste sur la valeur humaine des romans graphiques, déclarant que le roman graphique peut potentiellement influencer la vie des apprenants. La lecture de ces récits à la puissance narrative donne aux apprenants le sens de l’appropriation de ces textes par leur engagement intellectuel et émotionnel.

Malgré la nature prolifique des romans graphiques, plusieurs enseignants préfèrent l’utilisation des textes traditionnels dans l’apprentissage et « teach a one-dimensional concept

of literacy, while students learn to negociate their out-of-school experiences with images via… personal trial and error, peers, anf from the media itself » (C. Gillenwater, 2009 : 33).

Pour Gillenwater, on enseigne souvent un concept unidimensionnel de l’apprentissage, tandis que les apprenants négocient leurs expériences extrascolaires avec des images à travers des épreuves et des erreurs personnelles qu’ils rencontrent, ainsi que des médias auxquels ils sont confrontés chaque jour.

Finalement, les histoires racontées sous forme de romans graphiques permettent différentes utilisations. En jouant avec la présentation de ces derniers, le dialogue écrit et le récit peuvent être simultanément utilisés dans l’enseignement/apprentissage de la langue. En ouvrant la porte aux romans graphiques au sein de notre classe, on pourrait apporter un nouveau monde aux apprenants à explorer.

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