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Interventions et genre de l’oral

Dans le document Le roman graphique (Page 76-81)

Maitriser l’oral

2. Interventions et genre de l’oral

La pratique régulière de l’oral est un facteur prédominant dans le développement des compétences langagières à l’oral. Ceci ne peut cependant aboutir que dans la mesure où l’enseignement de l’oral permet aux apprenants de construire leurs connaissances et habiletés communicatives et langagières (L. Chiriac, 2013 : 212). Chaque apprenant qui s’exprime va

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adopter des conduites spécifiques pour décrire, interpréter, etc. adaptées à la situation de communication dans laquelle il se trouve.

2.1. Réussir l’apprentissage de l’oral en classe

S.B. Heath (1982) trouve que les enfants apprennent à discourir quand ils sont en situation d’immersion dans le langage oral. Les premières expériences avec l’oral font introduire les enfants dans de nombreuses structures et principes qui régissent le langage (S.B. Heath, 1982). En observant le processus d’acquisition chez les enfants, B. Otto (2008) démontre que suite à leurs activités de participation, les enfants apprennent cinq fondements du discours : le langage phonétique, des connaissances sur les morphèmes, des connaissances sémantiques, syntaxiques et pragmatiques (B. Otto, 2008). Quand l’enfant parle et écoute, il apprend que les sons dérivent de symboles, les mots de concepts ; il apprend la structure correcte des phrases, la structure du mot et la manière de parler dans différentes situations et contextes (B. Otto, 2008).

Pour L. Chiriac (2013), l’apprentissage réussi de l’oral requiert l’engagement des apprenants dans des interactions qui suggèrent la progression dans l’argumentation : discussion, exposé explicatif et critique et débat. L’apprenant est donc face à une tâche complexe quant il va s’exprimer devant le groupe classe. Au centre d’une activité quelconque se trouve la parole : Il faut dire pour exprimer ce que l’apprenant pense en tenant bien sûr compte des propos d’autrui. Tout moyen d’apprentissage qui permet la gestion de la parole devient un lieu de décision où l’apprenant est un « décideur » qui va s’appuyer sur une argumentation solide (L. Chiriac, 2013 : 214). L’exposé par exemple serait aussi un bon moyen pour l’enseignement de l’oral. Il ne faudrait cependant pas tomber dans de l’écrit oralisé.

Ce qui est à souligner, c’est que les apprenants doivent apprendre à coopérer en travaillant en groupe. Cela suppose qu’ils sachent comment porter une discussion, repérer les traits constitutifs de la discussion (le thème, le sujet, etc.) mais aussi savoir garder l’attention du public et appliquer les tâches qui leur sont demandées. La discussion doit dans cette optique, constituer un objet d’apprentissage destiné à structurer l’oral des apprenants.

Selon le ministère de l’éducation de l’Ontario, dans le guide d’enseignement efficace de la

communication orale, des aptitudes sont observables pendant les situations de communication

et peuvent permettre la réussite de l’apprentissage de l’oral en classe. Le tableau suivant présente des compétences observables d’une communication orale réussie :

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L’élève construit ses trois savoirs (savoir-être, savoir, savoir-faire)

L’élève construit son appartenance à la communauté scolaire

Elle ou il :

- explique aux autres ; - pose des questions ;

- fait des liens avec ses expériences personnelles, d’autres textes ou le monde ;

- reformule ;

- vérifie sa compréhension ; - demande des clarifications ; - infère ou résume à haute voix ; - raisonne à haute voix ;

- s’auto-évalue devant une autre personne (pair ou adulte) ;

- développe sa pensée critique.

Elle ou il :

- respecte les règles de politesse, son tour de parole ;

- coopère pour explorer un sujet ou compléter une tâche ;

- comprend le point de vue des autres ; - négocie pour arriver à un consensus ; - apprend des autres ;

- soutient l’apprentissage de ses pairs ; - offre des rétroactions ;

- résout un problème en équipe.

Tableau : Compétences observables pendant les situations de communication, p.171

Nous savons pertinemment que l’oral côtoie l’écrit en classe de langue. Alors, qu’est-ce qui les lie l’un à l’autre ? Construire l’oral comme objet à part entière se fait-il en rapport à l’écrit ou indépendamment ?

2.2. Complémentarité écrit/oral

À partir des travaux sur la communication, on constate qu’il est difficile de dissocier l’oral de l’écrit. Apprendre à bien lire implique bien écrire, bien entendre, et bien écouter, ainsi, bien parler supposerait bien comprendre et s’exprimer (dire). Nous savons assurément que le langage oral et celui écrit sont des codes différents. L’introduction de l’oral en classe en corrélation avec l’écrit est un travail ardu dans l’enseignement du français langue étrangère. Les apprenants ont besoin d’apprendre à communiquer dans différentes situations et utiliser la langue française est un fait à réaliser. Les méthodes traditionnelles s’intéressaient surtout au

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texte de la langue écrite. L’oralité n’avait de place que lors des exercices grammaticaux ou de la lecture à voix haute d’après J.M. Rosier (2002) qui avance par la suite que « l’histoire de la

didactique montre le mépris de la méthode grammaire/traduction envers l’oral, toujours rangé du côté du spontané, du ludique, de l’expression débridée, source de chahut » (J.M.

Rosier, 2000 : 87). En effet, cette méthode traditionnelle était centrée sur la lecture et l’écriture au détriment de la compréhension et expression orales. Il n’y avait pas de pratique orale, et on s’attardait peu sur la prononciation ou sur l’aspect communicationnel du langage.

S. Suffys (2000) ajoute quant à lui que l’oral en classe « sous la forme des interactions

langagières nécessaires à l’apprentissage, ou la forme plus codée de la parole attendue, heurte de plein fouet la morale et la norme […]. » (S. Suffys, 2000 : 29).

Avec les approches communicatives, l’oral est devenu un objectif et non un moyen d’apprentissage puisqu’il y a mise en œuvre de nouvelles techniques, de nouveaux aspects non verbaux sont pris en considération, entre autres les éléments paralinguistiques. Cependant, comme le note C. Weber (2005), les activités de l’oral sont utilisées pour servir l’apprentissage de l’écrit. Il dira à ce sujet que « les activités reposent sur des écrits oralisés

ou ritualisés, qui somme toute ne sont qu’un pâle reflet du français parlé. En somme, on efface l’apprenant derrière un français parlé artificiel ou stérile et qui n’offre pas l’occasion d’en saisir les variations, ni son fonctionnement » (C. Weber, 2005 : 32).

L’oral est très présent en classe, que ce soit pour l’enseignant qui donne son cours ou pour l’apprenant qui pose des questions, participe, etc. Il serait légitime de lui accorder une perception positive en le valorisant par rapport à l’écrit rattaché à la norme.

2.3. L’oral, un support de l’écrit ou l’écrit, un support de l’oral ?

En prenant en considération les difficultés rencontrées face à l’enseignement de l’oral, certains défendent un oral dépendant de l’écrit, quand d’autres estiment qu’il est indépendant de l’appui de l’écrit. Ce que J. Dolz et B. Schneuwly (1998) prouvent, en montrant que

« l’analyse des formes d’interaction entre l’oral et l’écrit semble donc bien différente en fonction des situations de communication et des objectifs poursuivis. » (J. Dolz et B.

Schneuwly 1998 : 62).

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Nous rejoignons J.-M. Defays (2003) pour qui l’activité de l’écriture ne doit pas être considérée comme une simple transcription de l’oral, et de même pour l’oral qui n’est pas une simple articulation de l’écrit.

En ce qui concerne notre étude, il nous semble judicieux d’accompagner les productions orales des étudiants en classe de notes consignées. Les étudiants travaillent sur un support écrit et visuel pour produire oralement, néanmoins, cela pourrait être appuyé par une trace écrite où en micro groupes, ils expliqueraient ce qu’ils savent déjà en venant en cours après avoir lu le roman graphique (une sorte de fiche de lecture) ; ce qu’ils voudraient savoir pour compléter une information, s’interroger sur un élément flou ou qu’ils n’arrivent pas à saisir ; et au cours de la séance, noter ce qu’ils ont appris. Nous stipulons que l’écrit est omniprésent même s’il s’agit de productions orales et qu’il est difficilement dissociable de l’oral.

Corrélativement, il faudrait se pencher sur les spécificités de l’oral pour mieux cerner cette activité en classe.

2.4. Traits distinctifs de l’oral

D’après E. Alrabadi (2011), l’oral en le comparant à l’écrit possède une particularité qui apparait dans son caractère éphémère ; car devant le texte écrit, on peut relire, modifier, alors qu’à l’oral, dans une situation de communication de la vie de tous les jours, certes on peut faire répéter l’interlocuteur mais pas continuellement, surtout quand il s’agit d’émissions télévisées ou radiophoniques. Des facteurs vont alors intervenir dans une situation de communication où un discours est émis afin de permettre l’intercompréhension. Dans cette optique, F. Desmons et al. (2005) dégagent trois catégories relatives à ces facteurs. D’abord, les « traits de l’oralité » qui se caractérisent par la variation de leurs fonctions syntaxiques et sémantiques. Ces mêmes chercheurs classent à l’intérieur de ce premier facteur :

a) Les traits prosodiques (les pauses, les accents d’insistance, les modifications de courbe intonative et le débit ;

b) Les liaisons et les enchaînements ;

c) Les contractions où les enseignants tendent à enseigner une langue grammaticalement correcte, pourtant lors de conversations avec des natifs de la langue, les raccourcis sont à ne pas négliger « y a pas », « chai pas », etc. ;

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e) Les parasitages dans la conversation ;

f) les interruptions de parole, les conversations croisées, les interjections et les mots de discours.

Ce même groupe d’auteurs de l’ouvrage « Enseigner de FLE : Pratiques de classe » (2005 : 21-25) ajoute un deuxième facteur, celui du « jeu social », en parlant des différents accents régionaux et sociaux, ainsi que les implicites culturels et les registres de langue. Le troisième facteur étant celui du « corps » qui réunit la gestuelle, les mimiques et la proxémie en parlant de distance entre les personnes et les contacts physiques entre interlocuteurs lors des échanges oraux. Pour ainsi dire, apprendre à communiquer en français oral implique à la fois l’activité de la parole et celle de l’écoute qui se manifestent dans la compréhension et l’expression orales.

Dans le document Le roman graphique (Page 76-81)