• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Différends relatifs à l'investissement : l’arbitrage investisseur-Etat (CIRDI)

B) Les restrictions procédurales

La possibilité offerte à l'investisseur de recourir à l'arbitrage par l'État d'accueil, même si ce n’est pas exclusivement en termes de fond, peut être soumise à certaines conditions procédurales. En pratique, ces conditions concernent les différentes étapes de la procédure que les parties pourraient être tentées d’enfreindre ou de contourner. À ce stade, l’on peut distinguer les différentes restrictions.

Tout d’abord, un certain nombre de TBI prévoit des périodes d'attente de 3 à 10 mois avant que la requête d'arbitrage ne puisse être déposée. L'objectif, souvent clairement annoncé, consiste à donner aux parties au différend la possibilité de parvenir à un accord à l'amiable.309

Ainsi, l'article 7 du modèle français de traité bilatéral d'investissement prévoit que:

« Si ce différend n’a pas pu être réglé dans un délai de six mois à partir du moment où il a été soulevé par l’une des Parties au différend, il est soumis, à la demande de l’investisseur, soit aux tribunaux de la Partie contractante considérée, soit à l’arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) ».

Le CIRDI a élaboré des clauses types afin de consigner cette période précontentieuse de six mois310.

309SCHREUER Christoph H., « Travelling the BIT Route Of Waiting Periods, Umbrella Clauses and Fork Sin the Road», Journal of World Investment and Trade, Vol. 5: 2, 2004, p. 232.

121

Certains TBI prévoient que, avant qu'un investisseur ne puisse porter le différend devant un tribunal international, il doit chercher une résolution aupres des tribunaux nationaux de l'État d'accueil, pendant une période donnée, généralement de 18 mois. L'investisseur peut procéder à l'arbitrage international uniquement si les procédures de droit interne n’influent pas sur la résolution du litige, durant cette période lorsque le litige persiste après la décision des juridictions internes ou si les différends persistent après la décision interne.311

Le tribunal CIRDI a précisé, dans l’affaire Maffezini c. Espagne, que cette clause ne prévoyait pas l’épuisement des voies de recours interne312.

Une autre appelleation des tribunaux nationaux par les TBI est la clause « fork in the road » prévue à l’article 26 de la Convention de Washington313. Cette clause oblige l'investisseur étranger à choisir entre déposer la demande devant le système judiciaire national ou recourir à l'arbitrage international. Dès que l’investisseur a fait son choix, ce choix est exclusif et doit être accepté par les juridictions étatiques si l’une des parties les saisit également.

Les Clauses modèles élaborées par le CIRDI prévoient une rédaction type :

« Avant qu´une partie n´engage une procédure d´arbitrage aux termes de la Convention, cette partie doit avoir pris toutes les mesures nécessaires pour épuiser les recours [suivants] [administratifs] [et] [judiciaires] prévus par la loi de l´Etat d´accueil pour le litige en cause [liste des recours nécessaires], à moins que la partie adverse n´ait renoncé par écrit à faire valoir cette exigence.314 »

À l'inverse, un certain nombre de TBI exige l'épuisement des voies de recours internes avant de recourir à l'arbitrage international. Néanmoins, les clauses de ce genre sont rares et se retrouvent principalement dans les anciens TBI. L’investisseur a le droit d'engager des procédures internationales uniquement lorsque le système juridique interne ne parvient pas à régler le différend, dans le délai imparti. Le TBI d'Argentine – Corée, de 1994, fait valoir que le différend peut être soumis à l'arbitrage international :

310AMERASINGHE Chittharanjan Felix, “How to Use the International Centre for Settlement of Investment Disputes by Reference to its Model Clauses”, The Indian Journal of International Law, Vol. 13, No. 4, 1973, pp 530- 549.

311DOLZER Rudolf, SCHREUER Christoph, “ principles of international investment law” , Oxford university press, first edition 2008, p. 266.

312Maffezini c. le Royaume d’Espagne, (affaire CIRDI n° ARB/97/7), décision sur la compétence du 25 janvier 2000, para. 28.

313L’article 26 de la Convention précise que « [c]omme condition à son consentement à l’arbitrage […] un État contractant peut exiger que les recours administratifs ou judiciaires internes soient épuisés ».

122

“if one of the parties so requests, where, after a period of eighteen (18) months has elapsed from the moment when the dispute was submitted to the competent tribunal of the Contracting Party in whose territory the investment was made, the said tribunal has not given its final decision, or where the final decision has been made but the parties are still in dispute; (b) where the Contracting Party and the investor of the other Contracting Party have so agreed315.”

Dans certaines affaires, les tribunaux ont exigé la preuve de la tentative d'obtenir réparation devant les tribunaux nationaux, non pas comme une question de compétence et de recevabilité, mais comme élément de la preuve que la norme pertinente de droit international avait en effet été violée.

Le tribunal, dans l'affaire Waste Management, a décrit ce phénomène, dans ces termes :

« Dans ce contexte, la notion d'épuisement des recours internes est incorporée dans la norme de fond et est non seulement une condition procédurale à une réclamation internationale316 ».

La compétence des tribunaux arbitraux statuant sous l'égide du CIRDI, est plus complexe à établir que celle des autres institutions d'arbitrage. En plus du nécessaire consentement à l'arbitrage, de la prise en compte d'éventuels incidents de procédure - telle l'exception de litispendance - les tribunaux arbitraux CIRDI voient leur compétence d'attribution limitée par la convention de Washington.317

La mise en œuvre des accords de l’OMC relatifs aux investissements conduit à la mise en concurrence entre l’opportunité pour un investisseur privé de porter le litige devant l’institution arbitral du CIRDI(ou autre) et l’opportunité pour l’Etat d’origine de l’investisseur de faire état d’un dommage, d’une violation d’une obligation ou de la réduction par l’Etat d’accueil des avantages résultant des accords de l’OMC devant l’ORD.

Il y a litispendance lorsqu’ un procès,identique à celui dont une juridiction est saisie, est porté devant une seconde juridiction. La question de la litispendance en ces deux procédures (OMC, CIRDI) s’impose dès lorsque l’Etat d’origine de l’investissement agit en parallèle de son ressortissant, sur les mêmes fondements. Ces fondements sont constitués par la mise en cause d’une mesure de l’Etat d’accueil et pas seulement par une violation des stipulations du contrat d’investissement.

315TBI entre l'Argentine et Corée du 1994 , article 8.3.

316Waste Management, Inc. c. Mexique, affaire CIRDI n° ARB(AF)/00/3, sentence du 30 Avril 2004, para. 97. 317MANCIAUX Sébastien, « Investissements étrangers et arbitrage entre Etats et ressortissants d’autres Etats : Trente années d’activité du CIRDI », Paris : Litec, 2004, p. 33.

123

Titre 2. Les recours et l'exécution dans les différends en matière de commerce international