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Chapitre 2. Différends relatifs à l'investissement : l’arbitrage investisseur-Etat (CIRDI)

I. La compétence ratione personae et les spécificités de l’arbitrage investisseur-Etat

investisseurs privés étrangers. Cela n'exclut pas nécessairement la protection des entités contrôlées par le gouvernement aussi longtemps qu’elles interviennent à titre commercial plutôt que dans une démarche gouvernementale. Les organisations à but non-lucratif peuvent-elles être considérées comme des investisseurs ? Cela est moins évident et dépendra de la nature de leurs activités.

L'arbitrage CIRDI est un arbitrage mixte dans le sens où il implique un État souverain (l'État d'accueil), d'un côté, et un investisseur privé étranger, de l'autre179. Selon la Convention de Washington, la première condition pour avoir accès à la procédure du CIRDI est que l’on soit en présence d’un État contractant qui accueille l’investissement et un investisseur ressortissant d’un État qui lui aussi est État contractant de la Convention180.

En général, les accords d’investissement ne s’appliquent qu’aux investissements réalisés par des personnes ayant droit au statut d’investisseurs couverts conformément aux dispositions de ces accords. La définition du terme «investisseur» s’avère donc essentielle en vue de déterminer la

qu’il désigne au Centre) et le ressortissant d’un autre Etat contractant qui sont en relation directe avec un investissement et que les parties ont consenti par écrit à soumettre au Centre. Lorsque les parties ont donné leur consentement, aucune d’elles ne peut le retirer unilatéralement ».

179DOLZER Rudolf, SCHREUER Christoph, “ Principles of international investment law” , Oxford university press, first edition 2008, p. 249.

180L’article 25, 1 à 3 de la Convention de Washington prévoit qu’un investisseur peut saisir le CIRDI à propos d’un différend d’ordre juridique l’opposant à un État contractant , ainsi qu’à des collectivités publiques ou organismes dépendant de l’État.

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portée d’un accord d’investissement. La définition de ce terme soulève deux questions générales: Quels types de personnes ou d’entités peut-on considérer comme investisseuses? Quels sont les critères en vertu desquels une personne est couverte par un accord? Deux types de personnes peuvent être inclus dans la définition de l’«investisseur»: les personnes physiques et les personnes morales. Il arrive que le terme «investisseur» ne soit pas utilisé, l’accord mentionnant des «ressortissants» et des «sociétés», des mots désignant les personnes physiques pour le premier et l les divers types de personnes morales pour le second.181

Définir l’investisseur (protégé dans un TBI) revient donc fondamentalement182 à définir la nationalité de ce dernier. Ce lien de nationalité est un critère primordial pour déterminer la portée de la protection offerte dans un traité d’investissement.

Le statut juridique dans le cadre des différends investisseur-État découle principalement des accords commerciaux préférentiels bilatéraux et régionaux. En conséquenc, la capacité de l'investisseur à présenter une réclamation internationale dépend de savoir si la personne compte parmi celles qui bénéficient du traitement préférentiel. Dans le domaine des services et des investissements, les règles relatives à la nationalité (utile pour déterminer si l'investisseur concerné a un statut juridique fondé sur son pays d'origine) sont données par les règles d'origine plus générales inscrites dans l'accord. En effet, en termes conceptuels, le droit d'accès à l'arbitrage international, contre le pays d'accueil, n'est pas différent des autres préférences commerciales accordées par l'accord d'investissement. Les règles d'origine dans le travail d'investissement afin de garantir que l'investisseur étranger détient un lien utile avec l'un des pays signataires de l'accord, ce qui leur garantit - et pas d'autres - les préférences énoncées dans l'instrument.183

181En outre, certains instruments mentionnent expressément les «sociétés transnationales» ou les «entreprises multinationales». Ces termes apparaissent généralement dans des documents institutionnels directifs tels que les Directives pour les entreprises multinationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou le projet de code de conduite des sociétés transnationales de l’ONU. Ces termes n’étant généralement pas utilisés dans les AII. Pour un examen complet du lien entre ces deux termes, MUCHLINSKI Peter T., Multinational enterprises and the law, 2nd edition, Oxford ; New York (N.Y.) : Oxford University Press, 2007, p. 6 et 7. Pour un examen plus approfondi, CNUCED 1999, p. 45 à 48.

182Sous réserve de la définition des entités juridiques qualifiées d’investisseurs.

183Pour une discussion sur les règles d'origine dans les services et l'investissement et ses principales implications économiques, voir BEVIGLIA-ZAMPETTI Americo and SAUVE Pierre, “Rules of Origin for Services: A Review of Current Practice”, in The Origin of Goods, Estevadeordal, A., et al., eds. (2006), London: Oxford University Press and CEPR, pp. 114-145; FINK Carsten; NIKOMBORIRAK Deunden, "Rules of origin in services : a case study of five ASEAN countries. Policy, Research working paper ; no. WPS 4130. Washington, DC: World Bank, 2007. http://documents.worldbank.org/curated/en/128271468028869562/Rules-of-origin-in-services-a-case-study-of-five- ASEAN-countries.

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Entant donné que les disciplines d’investissement et de services traitent directement avec les sujets (l'investisseur étranger lui-même) les règles d'origine prévoient des conditions de nationalité pour les personnes physiques ainsi que les personnes morales. En ce qui concerne les personnes physiques, la plupart des AII offrent une protection aux personnes qui sont des «nationaux» de l'un des pays contractants intéressés. La pratique générale établit qu'une personne physique est un « ressortissant » d'un État selon les lois nationales de ce pays.

C’est la cas par exemple de l'ALE du Japon et le Mexique qui prévoit que le terme « national » désigne une personne physique possédant la nationalité d'une partie, en vertu de ses lois nationales.184 En outre, certains AII étendent les avantages aux personnes physiques qui sont les résidents permanents de l'une des parties contractantes.185

Cependant, les différends internationaux investisseur –État, impliquent d’ordinaire, un demandeur qui est une personne morale plutôt qu'une personne physique. Les règles d'origine des personnes morales, dans le cadre des accords d'investissement, sont généralement interprétées à partir de deux dispositions qui énoncent un élément positif et un élément négatif. Ces deux éléments fonctionnent ensemble pour identifier la nationalité de l'investisseur :

• D'une part, une disposition identifie les personnes morales visées par l'accord en reliant ces personnes à l'une des parties contractantes. À cet effet, le lieu de constitution de l'organisation ou de la constitution de la personne morale est le critère le plus fréquemment utilisé pour accorder la nationalité à une société qui ne dispose que d'un lien formel avec le pays de constitution et ne s'engage dans aucune activité économique. En effet, le lieu de constitution pourrait être choisi exclusivement dans le but de profiter des avantages conventionnels réservés aux ressortissants des signataires.186 En ce sens, la possibilité de recourir à l'arbitrage international constitue un

184L’accord de libre-échange Japon-Mexique , Art. 2.1(l).

185L'accord de libre-échange entre les Etats de l'AELE et Singapour, l'article 37 (d) définit l'investisseur d'une Partie comme : « une personne physique ayant la nationalité de cette Partie ou ayant le droit de résidence permanente dans cette Partie, conformément à sa législation applicable ».

186L’Accord de partenariat économique stratégique transpacifique (P4) conclu entre Brunei, le Chili, la Nouvelle- Zélande et Singapour, entré en vigueur en 2006, l'article 2.1 prévoit qu' « une entreprise d'une Partie désigne une entreprise constituée ou organisée en vertu de la loi d'une partie ». De même, le modèle du TBI de Danemark, Art. 1.5 (b) stipule que «[t]oute personne établie en conformité avec, et reconnu comme une personne morale par la législation de cette Partie contractante, telles que les sociétés, les associations, les institutions de financement du développement, les fondations ou entités similaires, indépendamment de savoir si leur responsabilité est limitée et de savoir si leurs activités aient un but lucratif ».

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avantage majeur, pour les investisseurs étrangers ; ce qui peut conduire, dans certains cas, au phénomène de « nationalité shopping»;187

• D'autre part, une clause de « déni des avantages » permet d'exclure de l'accord les investisseurs étrangers qui n’ont pas de lien véritable avec le pays où ils se trouvent, bien qu'ils puissent satisfaire au critère du lieu de constitution. À cette fin, les accords de l'investissement (et de services) ont tendance à se concentrer sur la propriété ou le contrôle de l'investissement par un test substantiel de fonctionnement de l'entreprise.188 La partie peut donc nier les avantages de l'accord - y compris l'accès à l'arbitrage international - aux investisseurs que, bien que d'être incorporés dans l'une des parties contractantes, sont détenues ou contrôlées par des investisseurs d'une non-partie, et qui n'ont pas d'activités commerciales substantielles dans la partie contractante189.

En somme, tandis que les accords internationaux d'investissement représentent des instruments signés entre les États, et il est à ceux qui appliquent les obligations, la possibilité de demander l'exécution de ces obligations est accordée aux parties privées couvertes par l'accord. Le statut juridique de l'investisseur porteur de ces revendications résulte de l'accord lui-même, exigeant au demandeur de prouver la couverture par les disciplines de l'accord, à la fois en termes d’activités réalisées ainsi que en termes de lien utile avec les parties contractantes de l'accord concerné. Le caractère d’extranéité de l'investissement est déterminé par la nationalité de l'investisseur. La nationalité de l'investisseur détermine ainsi de quels traités, il peut bénéficier. Si l'investisseur souhaite se fonder sur un traité bilatéral d'investissement (TBI), il doit prouver qu'il a la nationalité de l'un des deux États parties. S'il souhaite se fonder sur la Convention du CIRDI, il doit prouver qu'il a la nationalité d'un des États parties à la convention.

187Voir la décision relative à l’affaire Aguas del Tunari c. République de Bolivie, décision sur le compétence 21 octobre 2005, CIRDI, No ARB/02/3.

188Par exemple, l'Accord de Libre-échange entre le Singapour et l'Australie dans son chapitre 8 sur l'investissement, l'article 18, prévoit que : "sous réserve de notifications et de consultations préalables, une Partie pourra refuser d'accorder les avantages découlant du présent chapitre à un investisseur de l'autre Partie qui est une entreprise de cette Partie et à ses investissements si elle établit que l'entreprise est détenue ou contrôlée par des personnes d'une non-Partie et qu'elle n'exerce pas d'activités commerciales importantes sur le territoire de l'autre Partie". L'article 17 du chapitre 7 sur le commerce des services prévu sensiblement la même disposition en ce qui concerne les fournisseurs de services.

189 Certains accords ne comprennent pas une clause de déni des avantages.

Ces accords, cependant, ont tendance à inclure une exigence d'activités substantielles dans la définition des investisseurs. Tel est le cas, par exemple, dans les ALE du Japon - Singapour, ALE Singapour - la Jordanie et l'ALE Singapour - Inde. Pourtant, certains accords peuvent comporter des requis moins stricts, en se concentrant seulement sur le lieu d'immatriculation, comme l'ALE Singapour - Nouvelle-Zélande.

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Afin d'identifier les personnes bénéficiant de la protection de la convention et qui se voient finalement accordées la possibilité de demander la réparation juridictionnelle, en cas de violation de ses disciplines, la grande majorité des accords d'investissement fournit la définition de ce qui doit être considéré comme «investisseur», en vertu de l'accord. Les investisseurs bénéficiaires des TBI n’y sont pas nommément désignés, a priori. Ils sont seulement identifiables ; cela signifie que les traités prévoient un critère qui permettra, au moment opportun et au cas par cas, d’identifier les investisseurs qui peuvent bénéficier de la protection du traité. Ce critère est le lien de nationalité entre un investisseur et un État signataire. En effet, les TBI ont pour vocation de protéger les nationaux d’une partie contractante qui réalisent un investissement sur le territoire d’une autre partie contractante190.

Presque tous les accords d'investissement soulignent le critère de nationalité de l'investisseur afin de déterminer les investisseurs protégés par leurs disciplines. À cet égard, le TBI entre les Pays- Bas et le Panama déclare :

The term "investors" shall comprise with regard to either Contracting Party: i. natural persons having the nationality of that Contracting Party; ii. legal persons constituted under the law of that Contracting Party;

iii. legal persons not constituted under the law of that Contracting Party but controlled, directly or indirectly, by natural persons as defined in i) or by legal persons as defined in ii).191

L’article 25.2 de la Convention du CIRDI requiert que l’investisseur soit un « ressortissant d’un autre État contractant », ce qui soulève la question de la nationalité de l’investisseur. Dans la mesure où leur définition diffère, il convient de distinguer le sort réservé à la nationalité des personnes physiques (A) de celui réservé à celle des personnes morales (B)