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Chapitre 1. Différends relatifs au commerce des services à l’OMC

A) La capacité processuelle et la qualité pour agir : un droit exclusif des États

Les procédures de règlement des différends de l'OMC sont prévues pour le règlement des différends essentiellement d'État-à-État. Les droits et obligations énoncés dans les accords de l'OMC s’appliquent exclusivement aux Membres de l'OMC. En prescrivant le recours au système multilatéral de l’OMC pour le règlement des différends, l’article 23 du Mémorandum d’accord non seulement exclut l’action unilatérale mais il interdit aussi le recours à d’autres instances pour

24PALMETER David and MAVROIDIS Petros C., Dispute settlement in the World Trade Organization : practice and procedure, 2e éd., Cambridge ; New York : Cambridge University Press, 2004, p. 40-45. (pour un examen des questions de compétence qui ont été soulevées dans les différends de l'OMC).

25Rapport du Groupe spécial Turquie — Restrictions à l'importation de produits textiles et de vêtements, WT/DS34/R 31 mai 1999, para. 9.41.

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le règlement d’un différend relevant de l’OMC.26 De ce fait, au regard de ses membres, la compétence de l’OMC est à la fois obligatoire et exclusive.

Le Mémorandum d'accord se réfère exclusivement aux «Membres», leur permettant de prendre part à la procédure de règlement des différends soit en tant que demandeurs, défendeurs, ou en qualité de tierce partie. Ni les entités privées (personnes physiques ou morales), ni les Etats qui ne sont pas membres de l’OMC ne se voient accorder des droits dans le mécanisme de règlement des différends. Comme l'a indiqué l'organe d'appel États-Unis — Crevettes :

« Seuls les Membres peuvent devenir parties à un différend dont un groupe spécial peut être saisi, et seuls les Membres qui ont "un intérêt substantiel dans une affaire portée devant un groupe spécial" peuvent être tierces parties dans la procédure de ce groupe spécial. »27

De même, les États ayant le statut d’observateur à l’OMC, les autres organisations internationales, et les administrations publiques régionales ou locales ne sont pas habilités à entamer des procédures de règlement des différends.

Le Mémorandum d’accord désigne parfois en son texte le membre qui soumet le différend par « partie plaignante » ou « plaignant », il mention aussi dans quelques cas le « membre concerné ».28

En plus de la partie plaignante, les autres membres peuvent également avoir accès à la procédure de règlement des différends. Ce qui importe plus encore c'est que tout Membre qui aura un intérêt substantiel dans une affaire portée devant un groupe spécial - et qui en aura informé l'ORD- peut agir comme un tiers dans la procédure de ce groupe et aura la possibilité de se faire entendre par lui et de lui présenter des communications écrites29. De plus, tout membre, tierce partie dans la procédure de ce groupe, pourra présenter des communications écrites à l'organe d'appel et avoir la possibilité de se faire entendre par cette instance.30

26Guide sur le système de règlement des différends de l’OMC, Publication du Secrétariat de l’OMC préparée pour diffusion par le division des affaires juridiques et l’organe d’appel, Editions Yvon Blais Inc., Cowansville(Québec), 2004, p. 10.

27Rapport de l'Organe d'appel États-Unis — Crevettes, WT/DS58/AB/R, para.101. 28Guide sur le système de règlement des différends de l’OMC, op.cit., p. 10.

29Article 10 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (Mémorandum d'accord).

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Les procédures de règlement des différends de l'OMC sont limitées aux pays signataires de l'accord de Marrakech, et s’étendent à tous les domaines couverts par ces accords.31

Les accords concernés dans chaque différend sont aussi ceux qui délimitent la compétence des groupes spéciaux et de l'organe d'appel. Les demandes qui ne se réfèrent pas à un accord visé tombent hors le cadre de compétence des groupes spéciaux.32

Selon le groupe spécial Japon-film, « l'accord sur l'OMC étant un accord international, qui assujettit directement à des obligations que les gouvernements nationaux et les territoires douaniers distincts33 ».

Les membres se voient accorder la qualité d'agir dans les différends, à l'OMC, du fait de leur simple statut, de partenaire de l'organisation. L'article 3.7, du Mémorandum d'accord exige qu'avant de déposer un recours, un membre jugera si une action au titre de ces procédures serait utile. D'autres exigences formelles n'existent pas pour les membres qui initient une telle action. Cela signifie que les membres bénéficient de la flexibilité pour décider de présenter une demande d'établissement d'un groupe spécial que le Mémorandum d'accord n'oblige ni n'autorise un groupe spécial à s'interroger sur cette décision du Membre ni à remettre en question son jugement.34

En outre, tout membre peut porter plainte contre un autre membre. La partie plaignante n'a pas besoin d'être affectée par les mesures contestées, ni d'avoir un intérêt de nature juridique dans le différend. Cela a été confirmé dans l'affaire Bananes, lorsque le groupe spécial et l'organe d'appel ont observé que :

« aucune disposition du Mémorandum d'accord, ne contient pas de prescription exigeant explicitement qu'un Membre ait un "intérêt juridique" pour pouvoir demander l'établissement d'un groupe spécial »35.

De même, le groupe spécial Corée - Produits laitiers a reconnu qu’il n'y a dans le Mémorandum d'accord aucune prescription exigeant que les parties aient un intérêt économique.36

31Article 1.1 du Mémorandum d'accord prévoit que les règles et procédures du Mémorandum d'accord sont applicables aux différends soumis en vertu des "accords visés".

32 Rapport du groupe spécial Canada— Crédits et garanties pour les aéronefs, WT/DS222/R, paras. 7.48-7.49. 33Rapport du groupe spécial Japon - Mesures affectant les pellicules et papiersphotographiques destinés aux consommateurs, WT/DS44/R, para. 10.52.

34Rapport de l'Organe d'appel Mexique – SIROP DE MAÏS (Article 21.5- EU) WT/DS132/AB/RW, 22 octobre 2001, paras. 73-74.

35Rapport du Groupe spécial CE-Bananes III (EU), WT/DS27/R/USA, para. 7.49 et Rapport de l'Organe d'appel, CE- Bananes III, WT/DS27/AB/R, para. 132.

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Dans ces affaires, la juridiction de l'OMC a rejeté la nécessité d'évaluer en détail les effets des mesures sur l'économie du demandeur, considérant qu'ils peuvent conduire à des distorsions potentielles dans le marché intérieur du demandeur (bananes) ou que le simple fait d'être un exportateur de ces produits implique un intérêt suffisant pour commencer et poursuivre le différend (Corée-Produits laitiers). Dans d'autres affaires, les plaignants ont été autorisés à déposer des plaintes pour violation de l’accord sur l’OMC ; y compris lorsque les violations portaient préjudice à d’autres37. Les allégations formulées en l’espèce étaient combinées à des allégations au titre d’autres accords visés, pour lesquelles la qualité d'agir du plaignant n’avait pas été contestée. Plus généralement, l’organe d’appel s’est fondé sur l'intérêt potentiel d'un Membre à faire respecter les règles de l’OMC en raison de, possibles effets économiques, directs ou indirects, d’une violation des règles de l’OMC38.

B) La portée de l’AGCS élargissant, ratione materiae, le droit international du