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Chapitre 2. Différends relatifs à l'investissement : l’arbitrage investisseur-Etat (CIRDI)

B) Les personnes morales

II. La compétence ratione materiae des tribunaux CIRDI et la notion d’investissement

ratione materiae. Dans la pratique, deux approches conceptuelles ont été développées pour donner un sens juridique à ce terme255. Les traités bilatéraux et multilatéraux ont inclus des définitions spécifiques. La deuxième approche est basée sur l'utilisation du terme, dans le langage économique régulier et laisse l'interprétation à la pratique des États et des tribunaux256.

Dans le cadre de l'arbitrage d'investissement fondé sur un traité, la compétence ratione materiae du tribunal arbitral se rapporte à la portée de l'accord d'investissement, alors que l'arbitrage peut être limité à certains aspects de l'accord d'investissement. Il est courant, dans la pratique, d'accorder aux investisseurs un large accès à l'arbitrage pour toute question découlant de l'accord.

253Ibid., paras 35 à 55.

254Aucoven c. Venezuela, (affaire CIRDI n° ARB/00/5), décision sur la compétence du 27 septembre 2001, paras. 110 et 113.

255Le terme « investissement » peut signifier différentes choses selon les disciplines et les contextes. Ainsi, cela peut signifier les dépenses d’acquisition de biens ou d’actifs pour générer des revenus. En termes anglais

“expenditure to acquire property or assets to produce revenue”, BLACK Henry Campbell, "Black's law dictionary", Bryan A. Garner, editor in chief. - 8th edition, Thomson, West, United States of America, 2004, p.844.

256DOLZER Rudolf and SCHREUER Christoph, “Principles of international investment law”, Oxford ; New York : Oxford University Press, first edition, 2008, p. 61.

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L'existence d'un différend d'ordre juridique au regard d’un investissement, est une exigence juridictionnelle dans l'arbitrage d'investissement. Lorsqu'une procédure est effectuée en vertu de la Convention du CIRDI, le test, est celui de vérifier s'il y a un différend d'ordre juridique découlant directement d'un investissement.

Un différend est dit d’ordre juridique lorsqu’il concerne « soit l’existence ou l’étendue d’un droit ou d’une obligation juridique, soit la nature ou l’étendue des réparations dues pour rupture d’une obligation juridique ».257

C’est ainsi que, dans l’affaire CSOB contre Slovaquie, le tribunal apporte la précision suivante: « [b]ien qu’il soit exact que les différends en matière d’investissements auxquels un État est partie comportent fréquemment une dimension politique ou impliquent des actions gouvernementales, de tels différends ne perdent pas pour autant leur nature juridique, dès lors qu’ils concernent des droits ou obligations ou les conséquences de leur violation ». 258

Il est évidnt qu’il doit y avoir un lien étroit entre l'objet du différend et l'investissement étranger actuel. Plusieurs formulations de TBI et les accords commerciaux préférentiels vont dans ce sens. Toutefois, des variations significatives existent entre les accords.

Certains TBI appliquent le mécanisme de règlement des différends investisseur-État à toutes sortes de différends, entre un investisseur d'une partie et l'autre partie contractante. D’autres utilisent des formulations telles qu'un des différends « concernant un investissement », « par rapport à », « en liaison avec » ; ou « découlant d'un investissement ». Tout indique que les questions touchant à l'investissement étranger peuvntt être examinées au niveau de l'arbitrage international.259

Selon l’article 25, 1 de la Convention de Washington, le différend doit être « en relation directe » avec un investissement. L'élément de caractère direct s'applique aux litiges en rapport avec l'investissement. Il ne se rapporte pas à l'investissement en tant que tel.

257Le Rapport des administrateurs sur la Convention pour le règlement des différends relatives aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats, Banque internationale pour la reconstruction et le développement, Doc. CIRDI/2, 18 mars 1965, para. 26.

258CSOB c/ Slovaquie, (affaire CIRDI n° ARB /97 /4), décision sur la compétence du 4 mai 1999, para. 61.

259UNCTAD, Bilateral Investment Treaties 1995—2006: Trends in Investment Rulemaking, New York and Geneva, 2007, pp.101 -104.

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Le tribunal en Fedax c. Vénézuela, a souligné que la compétence peut exister même pour les investissements qui ne sont pas directs, tant que le différend découle directement de cette opération.260

Etablir une relation directe avec l’investissement est un procédé délicat voire difficile, comme on le constate dans diverses affaires . L’affaire CSOB c/ Slovaquie par exemple : le tribunal dans sa sentence y relève ce qui suit :

« Un investissement est fréquemment une opération complexe, composée de diverses opérations étroitement liées, dont chaque élément, pris séparément, pourrait ne pas toujours être considéré comme un investissement. De ce fait, un différend porté devant le Centre doit être considéré comme étant en relation directe avec un investissement, même lorsqu’il est fondé sur une opération qui, prise individuellement, ne peut être qualifiée d’investissement, au sens de la Convention [de Washington], dès lors que l’opération fait partie intégrale d’une opération susceptible d’être qualifiée d’investissement 261».

Il convient de noter que le champ d'application des procédures de règlement des différends investisseur-État ne dépend pas seulement des dispositions spécifiques traitant de ce sujet, il est également relié à la formulation particulière des obligations de fond.262

La question de ce qui constitue un «investissement» pertinent reste donc posée. De toutes les questions relatives à l'arbitrage CIRDI, c'est celle qui a vraisemblablement suscité les interrogations les plus nombreuses. La notion d'investissement est un concept juridique clé au regard des accords d'investissement car elle détermine, en plus de l'objet principal de ses disciplines, la portée substantielle de l'accord. Pour cette raison, les TBI et les accords commerciaux préférentiels fournissent une définition de ce qui constitue un investissement par rapport à leurs disciplines.

Les outils dont l’objectif principal est de protéger l’investissement étranger s’appuient sur des définitions de l’investissement qui sont généralement larges.

Les accords de protection des investisseurs et des investissements ont toujours utilisé des définitions fondées sur les actifs. L’investissement est considéré comme un élément qui existe déjà ou qui existera, au moment où la protection deviendra nécessaire. La terminologie ancienne

260Fedax N.V. c. Vénézuela, (affaire CIRDI n° ARB / 96/3), décision sur la compétence du 11juillet 1997, para. 24. 261CSOB c/ Slovaquie, (affaire CIRDI n° ARB /97 /4), décision sur la compétence du 4 mai 1999, para. 72. 262 UNCTAD, Bilateral Investment Treaties 1995—2006: Trends in Investment Rulemaking, op. cit., p. 104.

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qui faisait référence à des «droits acquis» ou à des «biens étrangers»263, apporte un éclairage sur le contexte. En l’occurrence, la nature exacte des actifs considérés importe peu en tant que telle dans la mesure où la protection doit être accordée aux actifs, après leur acquisition par l’investisseur, lorsqu’ils constituent une partie de son patrimoine264.

Tenter de définir la notion juridique d’investissement ne peut se faire ex nihilo ; outre la Convention de Washington, de nombreux instruments internationaux déterminants sont consacrés ou abordent partiellement à cette opération particulière que constitue un investissement265. A l’issue de l’analyse des approches de la notion d’investissement, retenues par ces textes, il sera alors envisageable de mieux cerner cette notion.

A) Définition, de la notion juridique d’investissement, dans les Accords de protection des