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Chapitre 1. Différends relatifs au commerce des services à l’OMC

B) Les investisseurs étrangers (prestataires des services) sous l’égide de l'AGCS

2. L’approche de la nationalité adoptée dans l’AGCS

Dans le but d'accorder des droits comme États membres à l'État dans lequel l'investissement est réalisé, et donc de permettre l'accès au mécanisme de règlement des différends de l'OMC, l'AGCS évite de traiter de la figure de « l’investisseur» ou du propriétaire individuel de la présence commerciale. L’accord porte plutôt son attention sur la «nationalité» de l'investissement.

Une demande traitée, dans le cadre du droit de l'OMC, nécessite impérativement, l'identification précise, parmi la vaste gamme de disciplines réglementaires, de mesures particulières qui affectent l'investisseur étranger, d'une manière incompatible avec les disciplines de l'AGCS. Dans cette perspective, il semble peu probable qu'un gouvernement étranger soit en mesure d'effectuer une analyse détaillée du cadre réglementaire de ses partenaires commerciaux. Effectivement, il semble qu'aucun autre sujet que l'investisseur étranger lui-même ne pourrait être en mesure d’assurer de manière satisfaisante une telle démarche.

En outre, afin que les disciplines de l'AGCS s’appliquent, les mesures doivent concerner un investisseur étranger.163

162DE MEESTER Bart; COPPENS Dominic, "Mode 3 of the GATS: A Model for Disciplining Measures Affecting Investment Flows?," World Scientific Book Chapters,in Zdenek Drabek, Petros Mavroidis, "Regulation of Foreign Investment: Challenges to International Harmonization", World Scientific, 2013, chapter 4, p. 106.

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S’agissant de la détermination de la nationalité de l'investissement, c’est à l’article XXVIII (m), qu’il faut se référer. Concernant les services fournis grâce à la présence commerciale sur le territoire d’un Membre, est prise en compte toute personne morale qui est détenue ou contrôlée par des personnes physiques de ce Membre; (ou des personnes morales de ce Membre telles qu'elles sont identifiées à l'alinéa i; ( toute entité juridique dûment constituée ou autrement organisée conformément à la législation applicable, à des fins lucratives ou non, et détenue par le secteur privé ou le secteur public).

Le paragraphe (n) définit ensuite les termes clés, en décrètant qu'une personne morale est :

i) “ détenue” par des personnes d'un Membre si plus de 50 pour cent de son capital social appartient en pleine propriété à des personnes de ce Membre; ii) “contrôlée” par des personnes d'un Membre si, ces personnes, ont la capacité

de nommer une majorité des administrateurs, ou sont autrement habilitées en droit à diriger ses opérations.

Ce faisant, l'AGCS prévoit que toute entité juridique dédiée à la fourniture de services, dans un pays donné, dont la propriété ou le contrôle est entre les mains d'une ou plusieurs personnes - investisseurs d'un autre pays donné ; dans ce cas, la société en question est considérée, aux fins de l'accord, comme personne du pays d'origine et non du pays d'accueil.

Cette approche de la «nationalité» permet que l'AGCS accorde aux États membres la possibilité de porter plainte contre tout acte d'autre Membre considéré comme incompatible avec les dispositions de l'accord et nuisible à l'investissement de ses ressortissants (personnes physiques ou morales). De plus, porter le différend devant le mécanisme de règlement des différends de

163Le statut juridique à l'OMC pour poursuivre un différend en service ne rapporte pas ,en plaintes de non- violation , à la relation du pays réclamant un investisseur étranger. Comme aucune annulation ou réduction d'avantages commerciaux est exigée en vertu des litiges sous l'AGCS, un membre peut porter un différend sur le traitement des investisseurs autres que le leur. Cependant, la limite de ce pouvoir discrétionnaire reste dans le caractère international du fournisseur de service. Autrement dit, quand il vient à l'investissement dans les services, l'investisseur doit être un investisseur étranger pour que les disciplines de l'AGCSs’appliquent , mais pas nécessairement que l'investisseur du Membre demandeur. Il est utile de rappeler, dans ce sens, deux principales dispositions de l'AGCS. L’article II, sur le traitement de la nation la plus favorisée, prévoit que « chaque Membre accordera immédiatement et sans condition aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays », De même, l'article XVII sur le traitement national stipule que « Dans les secteurs inscrits dans sa Liste, et compte tenu des conditions et restrictions qui y sont indiquées, chaque Membre accordera aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre, en ce qui concerne toutes les mesures affectant la fourniture de services, un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires ».

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l'OMC, tout en évitant de se prononcer sur les personnes particulières est aussi envisageable. Une telle structure diffère clairement de la pratique habituelle quant aux accords d'investissement. L'analyse des caractères « étrangers » de la présence commerciale entraîne donc l'examen du régime de propriété de la personne morale concernée. Cette tâche peut s’avérer redoutable pour tout sujet autre que la société elle-même. En effet, selon le cadre réglementaire national et le type de personne morale, cette information n’est pas forcément accessible au public. En outre, le lien entre le propriétaire ou le contrôleur et le fournisseur de service final n'est pas direct dans la plupart des cas. Il dispose cependant d'un certain nombre de maillons successifs liés à des branches et à d'autres sociétés contrôlées, dans de nombreux cas et dans différents pays. Ainsi, l’accomplissement de la relation entre toutes les personnes morales peut s’avérer impossible sans l'aide de la société concernée.164

Face à cette situation, la jurisprudence de l'AGCS a clairement établie que ce qui est nécessaire c’est identifier, le contrôle immédiate, de personne morale ou physique d’un autre membre. Dans l’affaire Canada – Autos, le groupe spécial a déclaré que:

« À notre avis, Daimler Chrysler Canada Inc. est un fournisseur de services des États-Unis au sens de l'article XXVIII m) ii) 2) de l'AGCS, car elle est contrôlée par Daimler Chrysler Corporation, une personne morale des États-Unis suivant la définition figurant à l'alinéa i) de l'article XXVIII m). Ce qui est pertinent, par conséquent, c'est le fait que Daimler Chrysler Corporation est une personne morale des États-Unis. Le fait que, à son tour, Daimler Chrysler Corporation peut être contrôlée par une personne morale d'un autre Membre est sans intérêt au regard de l'article XXVIII de l'AGCS. Aux fins de la définition d'une "personne morale d'un autre Membre", l'article XXVIII m) de l'AGCS ne prévoit pas qu'il faut identifier la personne physique ou morale qui exerce le contrôle en dernier ressort: il suffit d'établir que l'entité est détenue ou contrôlée par une personne morale d'un autre Membre, définie suivant les critères énoncés à l'alinéa i) »165

D’après l'art. I.2 (c), il est important, cependant, que la présence commerciale sur le membre d'accueil soit « détenue ou contrôlée » par la personne physique ou morale dans un autre membre. Dans le cas contraire, le fournisseur de services qui fournit des services par une

164MAVROIDIS Petros C., “Regulation of Investment in the Trade Regime: From ITO to WTO”, op. cit., p. 24. 165Rapport du groupe spécial Canada — Autos, WT/DS139/R WT/DS142/R, para. 10.257.

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présence commerciale ne serait pas fournisseur de services d'un autre membre.166 Dans cette configuration, il n'y aurait pas dans la fourniture d'élément transfrontalier et l'AGCS ne pourrait donc pas s'appliquer. En conséquence, il était nécessaire de définir la situation où l'établissement commercial, dans un membre d'accueil, peut en fait être considéré comme « personne morale d'un autre membre ».

Le « critère de rattachement » de l'AGCS au droit international des investissements est le mode 3 de fourniture de services.167

Une restriction importante est imposée au niveau du seuil requis pour autoriser un État membre à agir au nom de son investisseur. Lorsque d'autres instruments reconnaissent comme investissement direct étranger, une participation relativement faible dans une société donnée (l’OCDE a noté que, l’existence de cette relation, est établie dès lors qu’un investisseur résident d’une économie possède, directement ou indirectement, au moins 10 % des droits de vote d’une entreprise résidente d’une autre économie)168. L'OCDE établit une distinction entre les filiales, où 50 % du droit de vote est tenu et associé et celles où 10% à 50% est détenu169 . L'AGCS exige que plus de 50 % des droits des actionnaires d'une société ou, indépendamment de la participation, la capacité de nommer une majorité des administrateurs ou l’habilité en droit à diriger les actions de la société est détenue par naturel d'un pays membre.170 En d’autres termes, les disciplines de l'AGCS ne couvrent pas la participation étrangère minoritaire dans une entreprise locale inférieur à 50% de la part totale de l'équité, sauf si une participation aussi mineure est cependant suffisante pour accorder aux investisseurs un contrôle effectif de la

166La question de définir l'origine d'un fournisseur de service a été adressée par le groupe spécial de Chine — Publications et produits audiovisuels, où le groupe spécial a examiné si si chacune des mesures en cause est incompatible avec l'article XVII parce qu'elle aboutit à un "traitement non moins favorable que celui qu [e la Chine] accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires. Le groupe spécial avait besoin de déterminer l'origine de l'entité d'investissements étrangers et a déclaré : S'agissant de la première question préliminaire, nous notons que l'article XVII:1 établit des droits et obligations à l'égard des "fournisseurs de services de tout autre Membre". Or, les mesures en cause et les engagements pris par la Chine dans sa Liste font référence à la fourniture de services par une "entité à participation étrangère". Rappelant les définitions pertinentes énoncées à l'article XXVIII de l'AGCS, nous observons que toute "entité à participation étrangère" qui fournit les services en cause en Chine, et qui est détenue ou contrôlée par des personnes d'un autre Membre, est un "fournisseur de services de tout autre Membre" selon les termes de l'article XVII. Voir le rapport du group spécial Chine — Publications et produits audiovisuels, WT/DS363/R, para. 7.1282.

167DE MEESTER Bart and COPPENS Dominic, “ Mode 3 of the GATS, op.cit., p. 99.

168OCDE, Définition de référence de l’OCDE des investissements directs internationaux, quatrième édition 2008, p. 56.

169Ibid., p. 60.

170Il convient de noter, toutefois, que, comme l'accord ne se concentre pas sur l'investisseur en soi, mais plutôt pour le pays d'origine des investissements, telle propriété ou le contrôle ne sont pas obligés d'être dans une seule personne. Au contraire, le libellé adopté à l'alinéa (n) de l'art. XXVIII, suggère que la propriété ou le contrôle de l'investissement doivent résider dans des investisseurs d'un même pays, quel que soit un tel investissement peut être dispersé en termes de nombre de personnes morales ou physiques impliqués.

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direction ou de la gestion de l'entreprise. Ce qui peut se traduire par la capacité de nommer une majorité de ses administrateurs ou autrement, de diriger légalement ses actions.

En conséquence, les situations d'investissement qui sont couvertes par l'AGCS sont plus limitées que celles inhérentes à la définition de référence de l'OCDE.

Cet ensemble de disciplines implique que le lien entre les disciplines de l'AGCS et les parties privées soit plus fort que les liens de parties privées et les autres accords de l'OMC, en particulier ceux liés aux marchandises. En effet, les investisseurs étrangers dans les services semblent être les bénéficiaires directs des disciplines de l'AGCS quand elles s’appliquent aux présences commerciales, et non les bénéficiaires ultimes de disciplines multilatérales.

Cependant, comme c’est le cas ici, la participation des parties privées n’est pas reflétée, dans les règles formelles, sur la capacité juridique reconnue dans, l'AGCS et du Mémorandum d'accord. Les parties privées doivent rester derrière le gouvernement parrainant leur demande et c’est seulement à travers leur représentation formelle que les investisseurs étrangers peuvent se prévaloir de règlement des différends de l'OMC.

Chapitre 2. Différends relatifs à l'investissement : l’arbitrage investisseur-Etat (CIRDI)