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DEUXIEME PARTIE

4. INDEX THÉMATIQUES DANS LES PÉRIODIQUES D'ART CONTEMPORAIN

4.5. LA REPRODUCTION EN DOCUMENTATION

Avec les catalogues d'exposition et les monographies d'artistes, les revues figurent parmi les supports imprimés les plus sollicités pour leurs reproductions.

Si l'on observe les usagers d'un centre de

documentation à la recherche d'illustrations, on constate qu'ils agissent en fonction des quantités potentielles

d'images contenues dans les différents types de

publications17. Selon leurs connaissances d'un domaine ou d'un artiste, ils n'ont pas tous la même démarche. Certains seront surpris de ne rencontrer aucune référence à des œuvres anciennes dans le catalogue d'une exposition ponctuelle qui ne concerne que les "derniers travaux" d'un artiste. D'autres seront désappointés de ne pas trouver d'illustration pour la notice de tel artiste dans une encyclopédie qui se "dit" pourtant "générale". Mais si l'on se base sur un enchaînement "moyen" des opérations, on constate ceci, lorsqu'ils recherchent la reproduction d'une œuvre précise d'un artiste : (1) ils se dirigeront d'abord vers les monographies d'artistes, puis (2) vers les catalogues monographiques rétrospectifs et enfin (3) les catalogues ponctuels sur une période donnée ou de travaux récents. Dans le cas où la recherche s'avère infructueuse, ils feront appel, dans un second temps, (4) aux articles de périodiques. Viendront ensuite (5) les

17 Observations et entretiens effectués à la Bibliothèque de l'Ecole des Beaux-Arts de Toulouse. Nous reprenons le terme de périodique, plus général, pour le schéma mais c'est surtout de revues qu'il s'agit.

ouvrages de synthèse sur un mouvement ou une période, puis (6) les catalogues d'expositions collectives.

Cependant ces recherches sont aussi conditionnées par la renommée de l'artiste. A la lumière des observations effectuées et de notre propre expérience, on pourrait donc schématiser ainsi, par ordre de priorité, le recours à certains types de documents imprimés, selon le degré plus ou moins grand de notoriété des artistes et du potentiel supposé de reproductions existant sur leurs œuvres (un schéma qui représente à la fois le cheminement suivi par des usagers et récapitule, en forme de "guide" quels documents sont en effet susceptibles de contenir la reproduction recherchée) :

Recherche de reproduction d'une œuvre d'un artiste renommé

1) Livre monographique rétrospectif (y compris catalogue raisonné) 2) Catalogue d'exposition monographique rétrospectif

3) Catalogue d'exposition monographique ponctuelle 4) Article de périodique

5) Livre de synthèse

6) Catalogue d'exposition collective 7) Encyclopédie générale sur l'art

Recherche de reproduction d'une œuvre d'un artiste confirmé 1) Catalogue d'exposition monographique rétrospectif

2) Catalogue d'exposition monographique ponctuelle 3) Article de périodique

4) Catalogue d'exposition collective 5) Livre de synthèse

Recherche de reproduction d'une œuvre d'un artiste peu connu 1) Catalogue d'exposition monographique ponctuelle

2) Article de périodique

3) Catalogue d'exposition collective

Recherche de reproduction d'une œuvre d'un jeune artiste connu 1) Catalogue d'exposition monographique ponctuelle

2) Article de périodique

3) Catalogue d'exposition collective

Recherche de reproduction d'une œuvre d'un jeune artiste peu connu 1) Article de périodique

Il appartient donc souvent aux revues de pallier en première place les déficiences des monographies, puis, en second lieu, des catalogues. Malgré les difficultés de consultation, liées aux lenteurs du repérage des articles dans les fichiers et les bibliographies, manuels ou sur écran, de la localisation et de la manipulation des numéros - inconvénients que ne possèdent pas les

monographies d'artistes, classées directement, la plupart du temps, sur les rayons par ordre alphabétique des noms d'artistes - elles demeurent des sources primordiales pour la recherche iconographique.

Au fil des articles publiés, elles constituent des sources documentaires qui égalent, parfois dépassent, et pour le moins complètent celles des livres et catalogues. C'est particulièrement vrai pour la période des années 1960 et 1970 où, en France, des périodiques comme

Vingtième siècle, Cimaise, Derrière le miroir, Opus international, Chroniques de l'art vivant, Art Press, mais

aussi des revues plus éphémères comme Artitudes, VH 10118, permettaient de suivre pas à pas l'actualité des mouvements et des artistes, quand par ailleurs l'édition du livre et du catalogue était loin d'avoir l'ampleur et la qualité qu'elle a acquises maintenant.

Malgré cette "concurrence", les revues conservent leur rôle de témoins d'un art en formation19. Elles partagent, avec le catalogue d'exposition, l'avantage de présenter des reproductions de travaux récents. Cette actualisation constante se double d'un aspect non moins intéressant : parce qu'elles témoignent "à chaud" de moments précis, dans la démarche d'un artiste ou dans l'évolution d'un mouvement, elles sont moins restrictives dans le choix des reproductions que ne le sont les

ouvrages de synthèses, obligés, quant à eux, de

"sacrifier" à l'œuvre représentative. Elles permettent, en outre, de garder la trace d'œuvres qui, pour une raison ou

pour une autre, deviendront inaccessibles (quand,

18 Présentations dans Depuis 45 : l'art de notre temps, sous la dir. de Ernest Goldschmidt, Bruxelles : La connaissance, 1972, vol. 3, partie "Répertoire des revues d'art moderne", p. 129 et suiv. ; dans Vingt-cinq ans d'art en France : 1960-1985, op. cit., partie "Bibliographie", p. 340 et suiv. ; et pour certaines, dans CHEVREFILS- DESBIOLLES, Yves, Les revues d'art (2 parties), La Revue des revues, n° 5 et n° 6, 1988.

19 Avec des restrictions dues à leurs fonctions promotionnelles. Voir sur ce point RESTANY, Pierre, Les revues d'art : engagement existentiel ou support promotionnel ? Plus-Moins-Zéro, n°42, oct. 1986, p. 39-41.

notamment, elles retournent dans les ateliers, rejoignent les collections privées ou les réserves des musées qui les soustraient plus ou moins longtemps au regard public). La pratique de l'installation, de la performance, de l'œuvre éphémère et l'intérêt porté aux moyens d'exposition, renforcent aussi la qualité de témoignage de certaines illustrations, même si quelques catalogues d'exposition et monographies soutiennent maintenant la comparaison avec la revue ou le magazine sur ce terrain, et même si l'on peut objecter que les revues les plus prospectives - celles qui seraient donc susceptibles d'apporter des illustrations nouvelles - sont précisément les moins illustrées, par manque de moyens, ou par réaction20 à l'invasion des pages glacées en quadrichromie des magazines et des "beaux livres". Néanmoins, serait-ce dans la complémentarité, on ne peut que constater l'intérêt de cette réserve accessible d'illustrations constituée au fil des ans par les revues. A titre d'exemple, une revue comme Eighty, fondée en janvier 1984, a publié jusqu'en 1990, du n° 1 au n° 33, près de 1580 reproductions d'œuvres en couleur et 1100 reproductions en noir et blanc21.

Or, qu'en est-il, dans une perspective documentaire, de l'exploitation de ces ressources iconographiques ? Le tableau des tables et index (voir annexes p. 521) publiés par les revues et magazines a montré qu'apparemment elles n'ont pas pour objectif d'en dresser les listes, encore moins d'en indexer les contenus, et quand il y a indexation, elle repose, de toute façon, sur le texte. Un

20 Cet aspect "critique" n'est pas nouveau. La revue Art Press, fondée en 1973, est longtemps restée célèbre pour la sobriété en noir et blanc de sa maquette (qu'elle a transformée en octobre 1988, n°129, en introduisant la couleur, voir l'éditorial de Catherine Millet dans ce numéro, p. 3). Quelques revues créées au début des années 1990 ont également opté pour des maquettes sans ostentation : Documents sur l'art contemporain, Bloc Notes, Purple Prose. Voir la présentation de leurs projets éditoriaux dans Critique d'art, n°1, mai 1993, p. 67-68, et quelques réflexions sur leurs contenus dans LEGUILLON, Pierre, Revues, l'art étendu, Journal de l'Institut Français de Bilbao, n°4, décembre 1995, p. 16-18.

21 Calculé sur la moyenne de 45 reproductions en couleur et de 35 reproductions en noir et blanc par numéro.

regard sur les index internes les plus complets nous a également permis de le vérifier : la part de l'information iconique reste inexploitée. On ne cesse de "parler" de banques d'images informatisées, d'iconothèques centrales, de réseaux performants, sans se confronter à une documentation iconographique publiée, pourtant accessible, mais effrayante, il est vrai, par sa masse.

Michel MELOT22 milite pour un alignement des principes de catalogage et d'indexation de l'image sur les méthodes employées pour l'imprimé, afin d'en rester au "niveau éditorial" et de pouvoir insérer les notices dans des catalogues "multi-supports"23. L'image étant ramenée à sa dimension de produit édité, souvent par lots, dans des unités éditoriales identifiables par des textes, des titres et des légendes qui servent de base au catalogage et à l'indexation. Ainsi, les illustrations contenues dans un dossier photographique sur les paysages d'Aquitaine seront-elles indexées au niveau de l'unité éditoriale (ou dans ce cas, de l'étiquette d'un lot) qui les regroupe, par France : Aquitaine : paysage : photographies, sans

descendre au niveau de l'analyse de l'image qui

supposerait d'indexer chaque illustration contenue dans le dossier. On imagine mal, en effet, devant la masse des

illustrations produites, l'élaboration de catalogues

nationaux sur la base d'un traitement pièce par pièce. Mais on imagine mal, en même temps, que les centres documentaires spécialisés continuent d'éluder, sous le prétexte de stratégies globales, les demandes des utilisateurs relatives aux sujets, quand on constate par ailleurs le manque d'outils "externes".

La question n'est donc pas celle d'une définition

unique et arrêtée du travail et des responsabilités des documentalistes tenus de cataloguer et d'indexer de façon globale, sans se préoccuper d'analyse, mais celle d'une

22 MELOT, Michel Les conditions d'un catalogue informatisé des images dans les bibliothèques, in A l'écoute de l'œil : les collections iconographiques et les bibliothèques, op. cit., p. 222-227.

23 Ce que la documentation appelait multi-média avant que le terme ne se généralise pour des produits informatiques.

adaptation des centres documentaires (ou, pourquoi pas, du travail d'équipes particulières d'indexeurs rattachés à telle institution ou telle entreprise bibliographique publique ou privée) à leurs usagers. Si l'on veut bien laisser de côté les questions d'universalité et d'analyse exhaustive de l'image, dont on est maintenant assuré, face à la masse croissante d'images publiées et à la nécessaire orientation de l'analyse selon les préoccupations de chaque analyste, que ce sont des questions "nostalgiques" ou des faux-fuyants, on peut alors envisager un cadre d'intervention possible. Ce que nous proposerons dans un autre chapitre (p. 359 et suiv.) montrera que des techniques documentaires appliquées aux illustrations d'articles, peuvent aussi servir les recherches par sujet.

5. L'INDEXATION THÉMATIQUE DANS LES DOCUMENTS SECONDAIRES