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DEUXIEME PARTIE

2. L'INDEX THEMATIQUE DANS LES DOCUMENTS PRIMAIRES : LES LIVRES SUR L'ART.

2.3. DANS LES LIVRES SUR L'ART CONTEMPORAIN 1 SITUATION GLOBALE

2.3.2.2. UN EXEMPLE ATYPIQUE

L'autre exemple que nous voudrions présenter, procède de la même volonté d'établir des accès thématiques pour les œuvres contemporaines, mais ne concerne les arts plastiques qu'en partie. Entre l'essai et la compilation de connaissances, à la fois "Quid"59 des thèmes et répertoire de références iconographiques, l'ouvrage de Maurice LENGELLÉ-TARDY, Les thèmes et décors du 20ème

siècle60, offre un cas particulier. Sa place dans les

59 Référence à la petite encyclopédie annuelle de Dominique et Michèle FRÉMY, Quid, Paris : Plon, 1963->

60 LENGELLÉ-TARDY, Maurice, Les thèmes et décors du 20ème siècle, Paris : Tardy, 1990, 579 p. Connu aussi sous le nom de TARDY, puisqu'il a écrit, sous ce nom, un Dictionnaire des Thèmes et Décors, même éditeur, c'est-à-dire lui-même, qui couvre le "reste" de l'histoire. La notice biographique, sur le rabat de jaquette, et sa bibliographie, en regard de la page de titre, nous apprennent : qu'il est économiste, sociologue ; qu'il a travaillé pendant plus de vingt

bibliothèques, à côté des ouvrages de références, s'explique par la présence d'une partie dictionnaire, ajoutée à une première partie consacrée à une étude "historique" des thèmes. Mais il pourrait aussi bien se trouver dans une section réservée aux essais sur le 20e siècle, car la matière principale des deux parties s'organise autour des idées et des observations d'un auteur donnant libre cours à la subjectivité de son point de vue. Son préfacier nous en avertit (!) : "…résumer tout

le vingtième siècle. Et cela, sans la lourdeur de la science historique"61.

La première partie analyse les thèmes émergents de différentes périodes selon un découpage historique balisé par les faits historiques marquants de ce siècle ("Le

tableau des thèmes et décors en 1900 ; La Belle Époque ; Le grand virage de 1905-1910 ; Guerres et révolutions ; Les Années Folles"...etc.). Sur le ton de la chronique

journalistique, et parfois de l'article polémique,

l'auteur aborde l'économie, l'histoire, l'art, les

sciences et les religions en un télescopage de faits et d'arguments censés éclairer les thèmes transversaux de ce siècle. Il nous apprend ainsi que pendant les années 1930 "Les arts plastiques ont quitté définitivement le domaine

de la sociologie pour s'intégrer dans celui de la psychologie" (p.133) ; qu'"En un sens, le développement économique est aujourd'hui un thème “en panne”..." (p.202)

; ou bien encore, sans plus de précision, que "Dix ans

après sa mort, l'héritage de Jean-Paul Sartre a semblé remis en question au cours d'une émission sur A2 en avril 1990" (p.211). Affirmations qui, en effet, ne s'encombrent

pas de lourdes démonstrations, mais ne parviennent qu'à provoquer notre perplexité. Le brassage des informations collectées, les errements terminologiques et les formules

F.A.O. et la Commission des Communautés Européennes ; qu'il a écrit de nombreux ouvrages sur l'économie et l'agriculture mondiale et qu'il a, parallèlement, continué l'œuvre de son grand-père TARDY, dans des "inventaires" [c'est nous qui précisons] consacrés aux pierres précieuses, à la pendule française, aux poinçons, aux poteries, grès et faïences françaises...etc.

elliptiques produisent dans le texte des effets kaléidoscopiques, brouillant souvent les perspectives.

La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à un index alphabétique de thèmes. Intitulé "Notes de lecture

(Dictionnaire)", en raison sans doute de la diversité des

critères qui ont déterminé les entrées et du caractère disparate des commentaires qui les accompagnent, cet "index" de 327 pages est composé de vedettes matières représentant :

- des titres d'œuvres et d'ouvrages (NADJA ; ORPHÉE (ARTS PLASTIQUES) ; RAIN MAN...) ; - des personnages et des personnalités (ANQUETIL (JACQUES) ; MAE WEST ; RAMBO ; VOLPONE...) ; - des concepts (ABSURDE ; ELAN VITAL ; IMAGINAIRE...) ; - des événements historiques (GUERRE CIVILE ESPAGNOLE ; LIBERATION DE LA FRANCE...) ; - ou des sujets divers relevant du social, de l'économique, du politique, du culturel, suivis ou non de références à leur traitement artistique (Voir annexes, p. 489).

A la diversité des catégories de vedettes répond l'éclectisme des notices qui, en effet, s'apparentent plus à des "notes" ou des commentaires décousus qu'à des

notices construites. Le procédé ménage autant de

déceptions que de bonnes surprises. Déçus quand aux entrées NATURE ou PAYSAGE, on ne rencontre aucune référence aux artistes du Land Art ; quand à l'entrée

ARCHEOLOGIE, on ne cite pas Anne et Patrick POIRIER, ou

que la série de Jean FAUTRIER n'apparaisse pas à l'entrée

OTAGE. Heureusement surpris quand sont donnés de nombreux

exemples d'œuvres couvrant l'ensemble du siècle sur les thèmes des MUSICIENS et de la MUSIQUE ; quand des entrées sont prévues pour des thèmes tels que : ASSASSINAT, ENNUI,

FETES POPULAIRES, FEUILLES, GITANS, INTERIEURS... etc., ou

encore :

"-BICYCLETTES : - G. Baselitz : "Die Mädchen von Olmo", 1981, (Centre Pompidou). […] -CHAISE : Peint : J. Kosuth : par exemple : "One and three chairs", 1965, (Centre Pompidou). […] -ENVIRONNEMENT : Peinture J.M. Sanejouand : "Espaces" de 1967 à 1973. […] -MORT (PEINTURE) : E. Kienholz : "Hôpital", 1966, (Musée d'Art Moderne, Stockholm). Vlad. Velickovic : "Homme", 1975-77. (Cadavre décapité nu attaché à un brancard)".

Certes, on pourrait relever des erreurs (l'œuvre citée de J. KOSUTH, ci-dessus, par exemple, n'est pas une

peinture, mais l'assemblage d'une définition de

dictionnaire du mot chaise, d'une chaise réelle et d'une photographie de chaise), de nombreuses "coquilles", le manque de précision et de logique dans l'organisation de l'index, ainsi que l'arbitraire de certains commentaires comme celui-ci : "IMAGES : Satisfaisantes dans le domaine

de l'art, elles sont désastreuses dans celui de la science car elles bloquent, elles figent la connaissance" ; ou

d'autres, qui abondent dans le cliché : "PETITS BOURGEOIS

: Les étudiants […] redeviendront petits bourgeois, comme plus tard, les étudiants de 68 rentrés dans le rang, après avoir terminé leur numéro", mais cette tentative désordonnée ne sombre pas toujours dans ces travers. L'auteur aborde, en particulier, comment un thème peut se manifester “ex ante” ou “ex post” dans les arts plastiques en comparant deux œuvres : Piscine de MATISSE qui partirait du thème pour conduire à la technique, et Écho de POLLOCK, qui, inversement, partirait de la technique pour aboutir au thème62: "Matisse : thème : la piscine,

puis décors : les baigneuses, et, enfin technique : les papiers collés. Pollock : technique : les drippings,63, puis décors : les entrelacs semblant s'enchevêtrer comme des ondes sonores, et, enfin thème : l'Écho." Le premier

terme de la comparaison, à propos de Matisse, n'est pas à retenir. La prévalence accordée au thème principal de la piscine et la relégation des baigneuses au rôle de décors - non pas pour le mot de décors que Matisse aurait

volontiers accepté, mais plutôt à cause de la

hiérarchisation des deux entités thématiques - ainsi que la conséquence technique des papiers découpés (dits ici "collés"), qui proviendrait, selon l'auteur, d'un choix de sujet, alors qu'il découle d'une synthèse plastique, n'ont

62 Id., ibid., p.170.

63 Notons que le mot employé dans le texte est "strippings", ce qui constitue une erreur ou une "coquille" typographique car le terme adéquat est drippings.

pas de fondements réels. On constate en revanche la validité du deuxième terme de la comparaison. Il exprime

dans sa simplicité ce qu'une analyse strictement

formaliste refuserait de voir64 : que dans les entrelacs abstraits de Pollock (reprod. en annexes, p. 492) on peut aussi reconnaître, à côté de l'automatisme, de la tache, de la ligne et de la construction semi-aléatoire d'une surface, l'écho annoncé par le titre. Son exemple signale qu'une œuvre actualisant un parti pris plastique ou technique peut en effet "exprimer" un thème, même si celui-ci n'existe pas "ex ante" dans l'esprit de l'artiste et s'impose après coup, quand l'œuvre est achevée. Il implique qu'un index sur l'art contemporain pourra légitimement compter "Echo" parmi ses thèmes65, même si, comme c'est le cas, la reconnaissance du thème ne s'appuie que sur une suggestion du titre ; lui-même inspiré, peut- être, par la schématisation conventionnelle des ondes sonores ou la représentation "expressionniste" d'ondes aquatiques. On aborde, en partie, ce que nous discuterons plus loin (p. 281 et suiv.) à propos de l'art abstrait. En résumé, cet essai, (et sans doute, la forme "dictionnaire" peut-elle être mise au compte des formes particulières de l'essai), malgré ses défauts et ses limites, nous propose quelques pistes à explorer pour un "dossier thématique" des arts plastiques au 20e siècle. S'il ne répond pas toujours aux exigences de méthode d'une Histoire et d'une documentation scientifiques, il apporte des points de vue, parfois originaux, dont l'Histoire culturelle pourrait néanmoins tirer profit.

64 A moins qu'un "formaliste" n'admette que cet écho réponde aux mouvements corporels du peintre durant l'exécution de l'œuvre ; qu'il soit l'écho de la gestualité mise en œuvre.

2.4. OUVRAGES PARTICULIERS SUR LES THEMES : REPERAGE PAR TITRES