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DEUXIEME PARTIE

3. INDEXATION THEMATIQUE ET CATALOGUES D'EXPOSITIONS

3.4. INDEX THEMATIQUES ET CATALOGUES D'EXPOSITIONS D'ART CONTEMPORAIN.

3.4.2. ABSENCE DES INDEX THEMATIQUES

L'adoption, dans le catalogue, d'un appareil

documentaire limité à la partition dominante : à savoir les notes, la bibliographie, la biographie, l'index des noms propres et des œuvres citées ou reproduites, est très

37 Nous l'avons observé, par exemple, sur cent quarante brochures d'expositions collectives d'art contemporain, essentiellement mais pas uniquement françaises, publiées entre 1975 et 1995. De même, dans un domaine plus "révélateur" quant à notre sujet, sur cinquante catalogues thématiques, là encore majoritairement français, publiés entre 1980 et 1995 nous n'avons relevé aucun index thématique. Nos chiffres se rapportent au nombre de catalogues observés à la Bibliothèque de l'Ecole des Beaux-Arts de Toulouse. Mais nous avons effectué d'autres sondages, non quantifiés, dans les rayons d'autres bibliothèques (Bibliothèque Publique d'Information et Centre de documentation du Musée National d'Art Moderne, Centre G. Pompidou (Paris) ; Bibliothèque du C.A.P.C. (Bordeaux) ; Centre de documentation de la Villa Arson (Nice), qui confirment les premières constatations. De la quantité observée on ne peut cependant dégager qu'une tendance relative ; face au nombre de catalogues publiés, il est impossible de s'appuyer sur ces chiffres pour émettre des conclusions absolues. Cependant, et nous retrouvons notre propos, nous pouvons avancer que le manque d'index thématique, même à supposer qu'il n'est pas absolu, a des incidences vérifiables dans les centres documentaires encyclopédiques et spécialisés, lesquels donnent une "photographie" représentative de cet état de fait.

proche du modèle incarné par le livre. Outre le fait que la catalogue peut mélanger les formes (voir ci-dessus) et les auteurs (critiques, galeristes, artistes, historiens, étudiants parfois...), avec plus de liberté, comparé au livre traditionnel, il ajoute une seule particularité : la liste des œuvres exposées, sans qu'elle soit omniprésente, nous l'avons déjà souligné.

L'appareil documentaire du catalogue d'art

contemporain n'est donc pas le lieu d'un retour (ou d'un détour) sur les "sujets" exposés ou cités. Il peut être

celui d'une récapitulation d'œuvres présentées,

d'expositions précédentes, d'éléments biographiques et bibliographiques. Il recueille plus rarement des textes annexes (entretiens, extraits, chronologies analytiques), des glossaires ou des définitions. Notons enfin qu'à côté de l'absence d'indexation des sujets, on observe en parallèle l'absence d'indexation des illustrations. Ainsi,

quels que soient les arguments de l'exposition,

l'indexation des sujets n'y sera pas incluse : à tel point qu'un index pourra s'intituler, sans précaution, "index

général" tout en se limitant à une liste alphabétique des

noms propres38, ce qui en dit long sur la conception courante de l'index dans ce secteur de l'édition.

Au titre des exceptions, mais le terme de

"curiosités" conviendrait mieux, il faut pourtant citer une indexation particulière découverte dans un catalogue d'Antoni MIRALDA39. Il s'agit d'une page (voir annexes p. 520) où des mots de différentes langues, par ordre

38 C'est le cas dans le catalogue Copier-Créer : de Turner à Picasso : 300 œuvres inspirées par les maîtres du Louvre, Paris : Ed. de la Réunion des musées nationaux, 1993, p. 464-467. Les notions mises en jeu - copie, copie à l'échelle, réduction, interprétation, reprise, détournement, traduction, citation, étude, croquis de composition, croquis de masses, variations, modèle référentiel, modèle métaphorique... etc. -, sans parler des sujets des œuvres, auraient pu donner lieu, pourtant, à une riche indexation.

39 Miralda 7 : 1978-72. Réd. Florent Bex, Glenn Van Looy et Antoni Miralada : une vie d'artiste = een Kunstenaarsleven. Texte de Pierre Restany. Anvers : Internationnal Cultureel Centrum (ICC), 1978. 2 liasses agrafées sous chemise, 61 p. et 16 p.

alphabétique, constituent autant de termes clés renvoyant à certains concepts, objets, actions et situations en rapport avec la démarche de l'artiste. Il y manque les liens de référence avec les textes ou les photos, car c'est une liste (une forme d'essai sur un champ sémantique) et non pas un index en tant que tel, mais il offre, néanmoins, à celui qui souhaiterait étudier les

activités de MIRALDA jusqu'en 1978, un faisceau

d'investigations potentielles à retenir. A citer

également, pour les mêmes raisons, l'organisation interne, sous forme de dictionnaire, adoptée dans un catalogue de BEN, et le lexique incorporé dans un catalogue de François BOUILLON40.

Avec des textes inédits, souvent repris

ultérieurement dans les écrits réunis de tel critique, tel historien d'art ou tel artiste, des illustrations également inédites qui atteignent maintenant une valeur documentaire égale, sinon supérieure, à celles des périodiques, les catalogues, qui par ailleurs offrent quelquefois des bibliographies internes d'un réél intérêt scientifique41, mériteraient un meilleur traitement de leurs appareils d'index. Mais il y a là une matière qui attend... Si nous sommes à peu près assurés, malgré les difficultés à réunir une information volatile, dispersée, cachée, et de toute façon incomplète, de rétablir quelques accès par titres et/ou par thèmes généraux, il est, pour l'instant, malaisé, sinon en recourant au feuilletage ou à l'"épluchage" des chapitres, des tables des matières et des illustrations, d'accéder aux "micro-thèmes" et aux motifs par manque d'index.

40 - Ben : la vérité de A à Z. Toulouse : Ed. ARPAP, 1987, 192 p. ; - François Bouillon : "Depuis vingt ans, j'ai fait des choses éparses...". Meymac : Abbaye Saint-André-Centre d'art contemporain ; Labège : Centre régional d'art contemporain Midi-Pyrénées ; Zagreb : Institut Français ; Reims : FRAC Champagne-Ardenne, 1990, 160 p. Lexique p. 25-52.

41 Voir, par exemple, les bibliographies fouillées sur le thème de l'objet dans L'ivresse du réel : l'objet dans l'art du XXème siècle. Nîmes, Carré d'art-Musée d'art contemporain. 1993, et sur le genre de l'autoportrait dans Autoportraits contemporains : Here's looking at me. Lyon : Espace Lyonnais d'Art Contemporain (ELAC), 1993.

Ainsi, la question sur les utilisations récentes du vêtement dans les arts plastiques, qui contenait une question plus précise sur la robe, obtiendra pour première réponse : "Il nous semble avoir vu une illustration sur le

sujet dans un catalogue récent...". Passons sur les

tentatives infructueuses pour localiser à nouveau le catalogue en question, sur le silence des interrogations par matières...

La deuxième réponse surviendra quelques jours plus tard, quand, au hasard d'autres recherches, on retrouvera l'illustration en question, dans un catalogue, en effet, mais dont l'argument central était le corps à l'ère des manipulations génétiques, de la chirurgie esthétique et des images virtuelles : Post-human42. L'indexation du

catalogue ayant été faite avec les vedettes :

"Corps//Technologie" et "Thème : corps, arts plastiques,

1990", on se trouve face à une première impossibilité de

repérage (qui peut aboutir à une impossibilité totale dans le cas où l'ouvrage a été emprunté, dans une bibliothèque de prêt..., mais supposons la présence physique du catalogue dans les rayons). Deuxième impossibilité : l'absence d'index interne ne permet pas, d'une part, de repérage rapide, dans le document lui-même (opération autorisée pourtant, et qui se pratique pour d'autres types de livres, mieux servis par leur appareils documentaires, dans une bibliothèque moyenne, en allant directement aux index d'ouvrages regroupés sous un indice systématique commun43), et d'autre part, interdit tout document "secondaire" du genre "classeur des index". Autant de références iconographiques et thématiques reléguées ou perdues.

Ce constat ne signifie pas que demain il faudrait que toute édition de catalogue soit impérativement accompagnée

42 Post-human [Exposition. Suisse, Pully-Lausanne, FAE-Musée d'art contemporain... et al. 1992], réd., Jeffrey Deitch. Suisse : FAE-Musée d'art contemporain... et al., 1992. 144 p.

43 Par bibliothèque moyenne nous entendons un fonds, ou une bibliothèque, spécialisés dans l'art contemporain, dont le nombre d'ouvrages est compris entre 3 000 et 5 000. Voir les chiffres donnés dans Les ressources en Histoire de l'art, op cit.

de son index thématique pour faciliter la tâche des lecteurs et des documentalistes (!). Nous retraçons là les difficultés concrètes que la recherche sur les arts plastiques peut rencontrer, en mettant en évidence les absences avec lesquelles elle doit compter. Cependant, si on ne peut demander à tel centre d'art, telle association, tel petit musée de se pencher sur ces problèmes, parce qu'ils n'appartiennent pas à l'ordre spécifique de leur travail, on ne peut éviter la question des raisons quand, n'étant plus des traces, mais de véritables produits éditoriaux, pensés, organisés, financés, commercialisés comme tels, les catalogues perpétuent cette indifférence à l'index thématique. Pourquoi, par exemple, si tant est qu'on y ait songé, n'a-t-on pas retenu la méthode adoptée dans la collection "L'Univers historique" (voir chapitre précédent et annexes, p. 469), pour indexer les multitudes d'informations concentrées dans les catalogues du Centre G. Pompidou ? Invite-t-on le lecteur à se plonger dans un livre d'Histoire comme dans un roman, dont la liste des personnages, seule, serait annoncée... dans l'index ? Nous caricaturons sciemment, sachant que l'Histoire de l'art contemporain ne peut se passer des noms d'artistes (personnes agissantes, reconnues dans et pour leurs

visions personnelles, et signant leurs engagements

créatifs) ; sachant, d'autre part, qu'on a beau jeu de constater après-coup une défaillance minime dans des sommes historiques par ailleurs exemplaires.

Mais il y a ces petits "grains" insistants des oublis ou des évitements, au stade de l'appareil documentaire, qui nous ramènent à deux questions (au moins) : 1) le catalogue, même conçu comme un livre, n'est-il pas encore imaginé (fantasmé ?) comme le document d'accompagnement du visiteur, d'où cette négligence à le concevoir comme un document séparé de l'exposition ? 2) ne rejoint-on pas dans ce manque, la tendance plus générale d'un secteur de l'édition se confortant, malgré lui, derrière le paravent du "beau livre", en oubliant la valeur opératoire des techniques documentaires que l'édition "ordinaire" sait utiliser pourtant dans les sciences humaines voisines ?