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Les représentations de la communauté scientifique des experts La forêt climacique et les indices

Chapitre 4. 1975-1990 L’adoption de la notion d’environnement par les politiques

4.2. La foresterie et les forestiers grecs

4.2.3. Les représentations de la communauté scientifique des experts La forêt climacique et les indices

Nous allons recourir à la publication « Les forêts grecques » car elle concentre les informations et les analyses scientifiques dominantes pour la forêt grecque après 1975 et dans les années 1980. Œuvre collective de chercheurs et professeurs forestiers grecs à l’Ecole de Foresterie de l’Université de Salonique, elle dresse un panorama commandé par une fondation naturiste et destiné au grand public (Kotoulas 1989).

Les forestiers grecs après 1974 et jusque dans les années 1990 cherchent à maximaliser la surface forestière nationale en tant que moyen de protection environnementale et d’augmentation de la production. Le classement de la végétation forestière à partir des conditions climatiques et pédologiques est un constant de l’analyse. Son objectif est la recherche de potentialités pour la création d’une forêt à base de la végétation climacique.

Ainsi, le caractère de la végétation riche de la Grèce ressort à travers la variété de types climatiques, de semi-désertique en Crète sud-est, à froid et humide continental dans la Rhodope. Entre ces deux extrêmes, une série de types climatiques méditerranéens intermédiaires, dont la particularité est la sécheresse estivale plutôt que le taux des précipitations. À ce zonage climatique selon la latitude et

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l’altitude nous devons ajouter la différenciation est/ouest, commune dans tout le bassin de la Méditerranée, typique des climats méditerranéens.

Les conditions décrites plus haut ont tissé le profil de la végétation dans l’espace grec. La description sur la base des critères climatiques et sur la situation potentielle –le climax- de la végétation distingue les zones de suivantes151 (Dafis 1973) :

 La zone euméditerranéenne. Il s'agit des régions chaudes et sèches, montagnes et plaines. La végétation dominante est celle des arbustes de feuillus sempervirents et de phrygana152.

 La zone paraméditerranéenne. Elle est la plus répandue et est présente dans des conditions moins sèches, dans les régions semi-montagneuses et notamment dans les plaines. Elle consiste en une végétation de forêts de chênes (Quercus pubescens) et d’arbustes de chênes-garrigues (Quercus coccifera).

 La zone d’hêtre-sapin. Elle se trouve dans les régions d’étés doux et d’hivers froids de la Grèce montagnarde. Son espèce dominante est le hêtre ou le sapin de Céphalonie (Abies cephalonica).

 La zone de conifères adaptés au froid. Elle s’étend dans les régions d’étés doux et d’hivers rigoureux des montagnes. Les espèces qui dominent sont le pin sylvestre (Pinus sylvestris), le pin de Bosnie (Pinus heldreichii) et l’épicéa (Picea abies).

La zone de prairies pseudo-alpines aux sommets des montagnes hautes, elle a comme espèce dominante le genévrier (Juniperus).

Les deux premières zones incluent les écosystèmes et les espèces typiques de la Méditerranée et ont subi les interventions les plus radicales de l’homme. Dans la troisième et la quatrième zone, il y a des espèces qui se retrouvent dans les forêts d’Europe centrale, mais aussi d’Asie Orientale, de Russie centrale et d’Amérique du nord-est, tandis que la présence des espèces méditerranéennes diminue. « Par le fait que dans le pays on trouve des forêts de palmiers jusqu’à des forêts scandinaves, on peut dire que le pays inclut tous les types de végétation qui existent en Europe » (Fotiadis, 2007, p.49). La distribution des zones dans le territoire du pays est la suivante : dans le sud de la Grèce (Péloponnèse, Cyclades, Crète) la zone euméditerranéenne et la paraméditerranéenne, avec la zone de prairies pseudo-alpines. Dans la Grèce centrale (Grèce Continentale, Thessalie et Pinde du sud), la zone de conifères adaptés au froid, tandis qu’au nord toutes les zones de végétation sont présentes, mais la zone euméditerranéenne seulement sporadiquement à basse altitude près du littoral (Carte 7).

Les raisons du déficit productif sont en question. Les outils de récolte et de distribution utilisés ne sont pas fortement industrialisés, mais c’est principalement la capacité productive des forêts actuelles qui est limitée. Le résultat de la comparaison de la couverture de forêts en Grèce avec les pays de l’Union Européenne de l’époque, est que la Grèce présente la surface forestière la plus petite et de la plus mauvaise qualité (19% du sol national, contre 29,06% pour l’Allemagne, 26,4% pour le Portugal, 25,61% pour l’Espagne et 25,49% pour la France) (Papastaurou & Karteris, 1989, p.29). La

151 il s’agit d’une classification fait par Ntafis influencée par le système de Braun-Blanquet. L’autre

classification est de Debazac et Mauromatis, élaborée dans la même période.

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réserve de bois sur pied par hectare national montre une forêt pauvre à l’échelle du pays (62,4 m3 contre 250 en Suisse, 230 en Allemagne, etc). 21,07% des forêts (ou 4,54% du sol national, surtout des forêts de conifères) sont sujettes à une exploitation régulière et leur productivité approche celle des forêts de l’Europe nord et centrale. 59,87% des forêts (ou 11,39% du sol national, surtout de forêts de feuillus), produit en quantité inférieure à cause de leur dégradation. La troisième catégorie est celle des feuillus persistants, qui est pauvre en productivité et qui représente 19,06% des forêts (ou 3,63% du sol national). Alors, bien que les prélèvements en bois ne soient pas élevés pour l’ensemble de la surface des forêts, ils le sont assez pour les réserves en bois (Dafis & Papastaurou 1989).

Pour les forestiers, la forêt grecque actuelle se trouve en décalage chronique par rapport à sa taille potentielle et par rapport à ses potentialités productives. La gestion du passé a réduit et dégradé la forêt. D’abord, une gestion de reboisements et d’expansion de la forêt en général, pourrait rétablir les étendues perdues, tout comme les conditions pédoclimatiques du pays permettraient la progression de la forêt dans les étendues de la végétation basse. « Si les 70% de la surface de la

Grèce qui ne sont cultivés – les cultures occupent 30% du sol- sont comparés avec le taux de 19% de la couverture de forêts, il en résulte que le moitié de la terre de la Grèce est dépourvue de forêts et que le taux de couverture des forêts du pays peut croître encore de 50%. Dans cette perspective, la couverture de forêts actuelle n’est pas seulement petite mais aussi nuisible pour la nation »

(Papastaurou & Karteris, 1989, p.28). La régénération des parties dégradées de la ressource peut être atteinte avec une gestion qui réalise la conversion de taillis vers la futaie.

Or la gestion des forêts reste peu interventionniste en matière de production sylvicole. Concernant les reboisements, on compte 240.000 ha de forêt reboisées jusque dans les années 1990, ce qui ne représente que 3,6% des forêts (Chatzistathis, 1989, p.29). L’activité de reboisements a atteint son pic dans la décennie 1950 et depuis elle se diminue sauf une augmentation pendant la décennie 1980 (Bilan forêts 2005, p.46) (Tables 9 et 12).

Enfin, le service forestier n’effectue pas de conversions des forêts, un processus qui avance très lentement d’ailleurs, La gestion en taillis, quand les arbres du même âge dominent, n'est rentable qu’à court terme. De plus, elle est un facteur de vulnérabilité des arbres à cause de leur vieillesse et de dégradation du sol. Le taux haut des taillis (58%) est un indicateur de vulnérabilité et de dégradation des forêts grecques.

D’après Kailidis, la hausse des incendies après l’année 1974 est lié à des événements politiques et des désastres nationaux. Il constate une périodicité des phénomènes qui coïncide avec les années d'élections et de bouleversements politiques majeurs. Il s’agit d’ailleurs d’un discours qui est largement diffusé par les médias et partagé socialement. En même temps, il constate que les années les plus catastrophiques furent également les plus sèches et que les incendies ne sont pas une spécialité grecque mais plutôt méditerranéenne (Kailidis, 1989, p.32-33).

Les dégâts du phénomène sont liés aux effets néfastes du pâturage, qui empêche la régénération après l’incendie. Les résultats de la coexistence du pâturage et de la forêt sont beaucoup discutés. Les troupeaux enlèvent le sous-étage qui contient les souches de taillis et les semis des futaies, donc ils empêchent la régénération de la forêt. En plus, en mangeant l’écorce des arbres et la litière, ils privent les arbres des éléments nutritifs pour leur cycle de vie.

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