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Chapitre 4. 1975-1990 L’adoption de la notion d’environnement par les politiques

4.4. Les politiques urbaines et les urbanistes en Grèce

4.4.1. Les politiques urbaines en Grèce

La période est caractérisée par une intégration économique et politique : changement de régime, stabilisation des mobilités démographiques, restructuration économique suite aux crises économiques de 1973 et 1979 et enfin modernisation institutionnelle générale, tout cela en vue de l’intégration européenne. Ces transformations ont formé un cadre dans lequel la politique urbaine a pu poser des objectifs plus larges que les besoins structurels. Après 1974, une tentative importante de revalorisation et de renouvellement du cadre institutionnel de la politique urbaine est mise en place. Pour la première fois en 1975, la planification de l’espace a une place dans la constitution. Elle devient une obligation de l’État. Elle est mentionnée dans le même article que la protection de l’environnement et la protection des forêts.

Cela vaut la peine de faire remarquer que le rapporteur et rédacteur de cet article de la constitution est Kiprianos Biris (1907-1990), architecte, professeur à l’école d’architecture d’Athènes et vice- ministre des Travaux Publics pendant la période 1974-1976. Ce fait souligne le lien étroit et généalogique entre les nouvelles idées environnementales, leur nouveau secteur administratif et la filière ingénieur.

La volonté de l’État d'intervenir de façon plus dynamique dans le secteur se manifeste à travers de nouvelles institutions comme l’Entreprise Publique de l’Urbanisation de la Ville et du Logement, qui s'occupait de la production du logement social et l’Agence Foncière du Public, chargée de gérer le patrimoine foncier du public en 1979. La valorisation du secteur de l’administration va de pair avec l’instauration du ministère de l’Aménagement du Territoire, de la Ville et de l’Environnement en 1980.

L’objectif principal de la politique de planification du développement urbain, après 1974, est de rédiger des plans d’alignement pour les étendues à urbaniser mais également pour les étendues déjà construites. Ce processus prend le nom d'« insertion au plan de la ville ». La loi 947/79 « au sujet des

régions urbaines » est la première167 loi importante de la période. Elle vise l'application de la nouvelle constitution et le remplacement du cadre de 1923. Elle a été remplacée par la 1337/83 « Expansion

des Plans Urbains, développement Urbain etc. », qui reprend les mêmes objectifs. Ces lois précisaient

les conditions de l’expansion urbaine et introduisaient des moyens et des échelles de planification (Plan Général Urbain, Étude Urbaine, Acte d’Application). L’activation de ce cadre a mis en route l’« Opération de Restructuration Urbaine » entre 1983 et 1986, au sein de laquelle des Plans Généraux Urbains ont été rédigés pour toutes les villes du pays. Les plans régulateurs pour les villes d’Athènes et de Thessalonique sont instaurés en 1985168.

Le nouveau cadre réglementaire envisage globalement l’expansion des terres urbaines et instaure de nouveaux moyens d’intervention pour l’État. L’« apport obligatoire en terre et en argent » pour les

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La loi 360/76 avait été précédée sans être appliquée. Elle institue les types, les modes de rédaction et le contenu des plans d’aménagement du territoire (nationaux et régionaux). Elle instaure le Conseil Nationale d’Aménagement du Territoire et d’Environnement.

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propriétaires dont les terrains sont intégrés au Plan de la Ville est une mesure particulièrement innovatrice prévue dans les lois. Elle permet de créer des espaces et des équipements publics et de réduire la surface constructible maximum. Elle contient également des mesures pour réserver de la terre au public (avec le droit de la préférence, la banque de terre). D'autres mesures qui rendent la fragmentation des terrains périurbains plus difficile sont la désignation des Zones de Contrôle Urbain et les mesures de développement urbain (par exemple les Zones de Coefficient Social).

En même temps, ces réformes législatives ont lieu dans un environnement politique de démocratisation qui s’exprime à travers des institutions nouvelles qui prennent en compte des nouveaux agents décentralisés, la participation des collectivités territoriales et des citoyens dans la planification. Après 1974, et notamment après la loi de 1983, des compétences de ratification des plans urbains sont décentralisées : aux collectivités territoriales pour les communes de plus de 2000 habitants, et à l’État décentralisé, c'est-à-dire aux départements pour les communes de moins de 2000 habitants. En même temps, des procédures de participation des agents sociaux et des citoyens sont mises en place.

Les limites de la réforme

Pourtant, l’évaluation de ces politiques nous amène aux « limites de la réforme » et à la réadaptation de la politique aux pressions et aux revendications des intérêts, sociaux, corporatifs, locaux. Les réformes n’ont pas réussi à renverser les caractéristiques structurelles de la politique urbaine d’après guerre et de son modus operandi dans les mécanismes d’urbanisation de la terre.

La mesure de l’apport obligatoire en terre et en argent n’a pas été appliquée à cause des réactions de ceux qui avaient des intérêts dans la terre, des agents sociaux, professionnels et politiques. Pour les mêmes raisons, les mécanismes prévus par la loi pour une redistribution de la propriété afin de mettre en œuvre la planification urbaine ont été très rarement activées. Par exemple, en 1971 une décision ministérielle annulait toutes les ventes qui avaient été faites sans remplir les critères de fragmentation des terrains169. La décision touchait 2,5 millions de ventes qui avaient été faites au

cours des 30 dernières années. La mesure est née des pressions qui ont forcé la Cour de Cassation à décider que « la pratique prépondérante est la pratique suivie» (Getimis, 2000, p.44).

La planification consistait à légaliser prioritairement et quasi exclusivement des terrains où le marché de la terre et/ou la construction avaient créé des situations de facto. Les régions à construction illégale de « haute densité » constituaient le noyau principal des expansions des plans urbains de l’Opération de Restructuration Urbaine. Le fait de se focaliser sur ces régions prouve que la même politique continue : « L’Opération de Restructuration Urbaine » est restée en suspens car la

planification n’a pas été orientée vers une politique d’intervention dans l’espace périurbain non- formé, afin de prévenir des revendications nouvelles et des faits accomplis, mais elle a été adaptée aux structures existantes et aux pressions importantes de la propriété » (Getimis, 2000, p.87).

Le caractère homogène et absolu de la politique de terre se perpétue. Les Zones de Contrôle Urbain qui tentaient de mettre en place des conditions de fragmentation en fonction des conditions

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foncières et environnementales ont commencé à être ratifiées très tard, (dans les années 1990), et se sont finalement limitées aux très rares cas de terre non urbaine.

De plus, les problèmes structurels de l'absence de définition des limites et des titres de propriété se retrouvent dans les réglementations réformatrices. Les nouveaux plans urbains (plans régulateurs, plans généraux, les plans d’aménagement des Zones de Contrôle d’Aménagement) sont élaborés à grande échelle, sans précision sur les données de propriété (Getimis, 2000, p.45-46). La demande de planification globale des usages reste à l'état de déclaration. Les études d’usage de la terre restent indicatives, ne sont pas ratifiées et continuent de dépendre du marché de la terre et du logement. Les échelles plus hautes, plus générales de la planification n’engagent pas les niveaux les plus spécifiques, d’échelle plus petite.

L’aménagement d’autres activités et usages du sol, à l'exception du logement, est resté déficient ou peu utilisé et dans tous les cas seulement dans le niveau économique, loin de ces dimensions spatiales, sans liaison avec la politique urbaine. Par exemple, les nouveaux outils de la politique de motifs d’investissement dans l’industrie, plus flexibles que le zonage, ne sont pas activés ni adaptés à l’espace (Getimis, 2000, p.60).

Malgré les réformes de décentralisation et l’institution de processus participatifs, les collectivités territoriales ne sont pas renfoncées par des moyens politiques et techniques afin d’affronter le transfert des compétences et les pressions locales. Les municipalités ont été les agents principaux de la pression afin d'agrandir les zones constructibles, indépendamment des besoins en logement, pour satisfaire leur base électorale. L'absence de plans d’aménagement du territoire supra-urbains, au niveau du département, a été prise en compte avec des plans condensés.

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