• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4. 1975-1990 L’adoption de la notion d’environnement par les politiques

4.5. Le mouvement écologique et ses réseaux

4.5.2. La décennie 1980 – la politisation

La deuxième phase de l’environnemntalisme dans les années 1980 correspond à la diffusion de l’action environnementale, à la réalisation de la dimension politique des sujets environnementaux et à l’apparition de la politique verte (Alexandropoulos et al. 2007).

Malgré les annonces du parti socialiste dès son arrivée au pouvoir, les mesures environnementales sont prises plus tard, pendant son deuxième quadriennat. Mais il est accusé d'adopter de façon superficielle et artificielle les principes environnementalistes et de mettre en œuvre « une politique

écologique de « collage », sans échanges organiques avec le mouvement écologique. D’où la juxtaposition des objectifs environnementaux et des objectifs urbanistiques, comme l’annonce de la rédaction du cadastre, des plans urbains et d’aménagement du territoire » (Tsakiris 1997).

Les objectifs pour l’environnement restent indéfinis ou leur application est incertaine. La loi la plus importante pour l’environnement est votée en 1986. Elle concernait la modernisation démocratique de la protection et la classification des aires de protection du pays et des espèces protégées. Encore une fois, il n’y avait pas de coordination entre les ministères de l’Agriculture et d’YPEXODE. D’autres mesures étaient l’évaluation environnementale des projets, l’institution d’un Centre National de Contrôle de la Pollution, les travaux de régénération des villes, le programme de la Protection de l’Environnement de l’Attique, les motifs pour le déplacement des usines hors des quartiers d’habitation, la création des parcs industriels et artisanaux, les motifs pour l’amélioration des systèmes de chauffage et d’isolation dans les édifices (Tsakiris 1997).

Les mouvements de protestation locale pour l’environnement représentent toujours un facteur important. Ils se sont multipliés : ils étaient 111 entre 1982 et 1992 (Alexandropoulos et al. 2007, p.20), avec les mêmes mobiles et formes d’organisation et d’action, mais comptaient plus de membres et étaient mieux organisés. Même si les protestataires ont choisi encore une fois la voie de la négociation avec des députés et des agents locaux et n'adhéraient pas à un mouvement structuré, ils offraient aux organisations environnementales l’occasion de se légitimer politiquement, d’élargir leur public, de s'engager dans de nouveaux champs d’action et d’acquérir de nouvelles compétences. La contribution de ces mobilisations à l’intérêt public sur des sujets environnementaux et leur rôle dans la multiplication des organisations politiques, des revues et des éditions ont été décisifs. L’environnementalisme grec commence à avoir les caractéristiques d’un mouvement social visant à « une écologie politique », une véritable proposition de politique alternative.

Parallèlement aux mobilisations locales, de nouveaux types de mobilisation sur des sujets nouveaux apparaissent. Les actions consistaient d’un côté en campagnes et manifestations sur des sujets comme la pollution atmosphérique, le « nuage » d’Athènes, la pollution de la mer, les incendies de forêts, les maisons de vacances hors-la-loi, le déficit en moyens de transports publics, l’augmentation du nombre de voitures privées, les activités non contrôlées des entreprises et le nucléaire, en particulier après l’accident de Tchernobyl (Tsakiris 1997). D’autre part, les actions concernaient la préservation de la flore et de la faune. Dans ces derniers cas, les organisations environnementales

168

qui sont apparues (le plus souvent des filiales des grandes organisations environnementales : Greenpeace, WWF, Amis de la Terre…) étaient en désaccord avec les sociétés et les intérêts locaux sur des sujets comme le tourisme, la chasse, la pêche et le défrichage des forêts. C’était le début de la division entre les sociétés locales et les premiers groupes écologiques (Alexandropoulos et al. 2007).

Dans le discours préélectoral de 1981, la place prioritaire de l’environnement dans l’agenda du Pasok, même indéfinie, a créé des espoirs (Tsakiris 1997). L’intégration au Pasok, a été importante après son arrivée au pouvoir. Beaucoup d’activistes sont devenus des cadres de l’administration, donc moins prêts à l’activisme et à soutenir les protestations. Pourtant, les origines idéologiques radicales de ces membres et les peurs d’une intégration ont fait que le mouvement écologique n’a pas été absorbé par le parti socialiste, comme ce fut le cas pour le mouvement féministe et pacifique (Karamichas 2002).

Le parti de la droite pendant la période pré-électorale de 1989 insère pour la première fois la problématique environnementale et son caractère politique dans son discours. Pourtant l’idée récurrente est que le problème environnemental est au delà des partis politiques et qu'il faut unifier les différentes politiques, sans avoir pourtant de propositions concrètes (Tsakiris 1997).

Dans la décennie 1980, les partis politiques de la gauche commencent à faire références aux questions écologiques. Le parti communiste, même s'il reconnaît le problème ne fait pas de propositions. Il se contente de critiquer la gestion environnementale du Pasok, qu'il accuse de favoritisme au profit des capitalistes. Seul le parti de la gauche pro-européenne commence plutôt à intégrer des propositions pour l’environnement et pour l’aménagement du territoire. Sauf qu’il s’agit de propositions théoriques qui font appel à une croissance d’un autre type en général, et sans coopération avec des mouvements écologiques sociaux (Tsakiris 1997).

La tentative courte du parti des Verts-Alternatifs

Vers la fin de la décennie, la chute du socialisme réel et l’événement du Tchernobyl sont les deux événements qui ont obligé les partis de la gauche des deux tendances à réviser leurs certitudes par rapport à la capacité du socialisme à résoudre les problèmes et leurs relations avec les mouvements sociaux. La sensibilisation sociale pour l’écologie est à l'origine de davantage d’initiatives et d'une action de lancement sur la piste politique centrale. La demande de coordination pour les élections se pose en plus (Tsakiris 1997).

Vers la fin des années 1980, la crise de légitimité du système politique post-régime a permis la formation d’un champ politique conflictuel sur les sujets de l’environnement et de l’écologie. Ils émergent comme sujets centraux du discours public. Dans le cadre de la politisation de la vie publique et de la partisanerie, le choix de la création d’un parti montrait une volonté de participer à la vie publique (Alexandropoulos et al. 2007).

Dans la décennie 1980, l’écologie politique, issue toujours de la gauche de la gauche du socialisme, est constituée de plusieurs pôles : les « environnementalistes » (caractérisation donnée par les autres qui optaient pour une écologie politique moins radicale), les « écologistes (alternatifs) », qui soutenaient une écologie holistique délibérative du genre humain, avec des actions multiformes, en

169

contact avec les mouvements sociaux (antiraciste, pacifiste…etc), les « gauchistes », issus de tout le spectre de la gauche radicale (du partie communiste jusqu’aux anarchistes). Leur implication dans les mouvements « nouveaux » et donc dans le mouvement écologique prend la suite de leur militantisme politique. En plus des groupes précédents, il existait un amas de groupes, surtout à Athènes et à Thessalonique mais aussi partout dans la périphérie du pays. Ce sont des groupes non hiérarchisés, plutôt des sociétés d’amis qui jouaient un rôle indéfini mais qui se présentaient comme écologiques (et non environnementalistes), dans le sens où ils visaient à la transformation radicale du rapport avec le non-humain et des rapports sociaux et politiques. De plus, la plupart des groupes s’auto-présentaient comme alternatifs. Ils croyaient à l’avènement du changement dans le présent, à travers le changement des pratiques personnelles dans le quotidien (Botetzagias 2003).

En 1989, après des tensions fractionnistes pour la représentation officielle du parti vert européen, un parti écologique, la Fédération des Organisations Écologiques et Alternatives – Écologues Alternatifs, participe aux élections européennes et obtient 1,12% des votes. Par la suite, elle se représente aux élections législatives avec un parti unitaire et obtient 0,58% des votes, une députée et la possibilité de participer à un gouvernement de coalition avec le parti socialiste et le parti de la gauche.

Pendant la période préélectorale un ensemble de groupes, surtout de la périphérie, a rejoint la fédération, mobilisés par un intérêt partiel et gestionnaire surtout, local. Les défis des négociations pour la participation au gouvernement et la pression du temps ont déclenché des conflits explosifs entre les fractions. Après les élections de 1990, où la Fédération a gagné 0,77% de votes en plus et a obtenu une députée, des organisations commencent à la quitter. Elle est dissoute définitivement en 1992. Les partis descendants de la Fédération consistaient en petites organisations personnalisées qui échouaient l’une après l’autre (Botetzagias 2003).

Botetzagias (2003) recherchant les raisons de l’échec de la seule tentative importante de constitution d’une parti vert en Grèce et de la dissolution en moins de 3 ans conclut que la faiblesse du mouvement écologique du pays n'est pas la cause, car il n’y a pas de relation linéaire entre le vote des partis verts et la puissance du mouvement écologique dans les pays européens. Si on passe outre l’antagonisme des partis de la gauche, commun à tous les partis verts européens, dans le cas de la Grèce, la bipolarité des deux grands partis, résultat de politiques clientélistes et du paternalisme de l’État, a immobilisé les deux, les partis de la gauche et le parti des écologistes. Or, la Fédération des Écologistes Alternatifs a échoué pour des raisons qui lui sont propres, à causes du « factionnalisme », qui était un élément constitutif du parti pendant la période dès ses débuts.

En somme, l’écologie politique qui a été associée aux Verts Européens à la fin des années 1980 a provoqué un intérêt disproportionné par rapport aux résultats électoraux. Elle avait un grand « poids spécifique », c'était un champ d’expérimentation pour des nouveautés au niveau social et politique (Schizas 2006).

Pourtant, les pratiques populaires d’autoconstruction sont hors critique. En particulier dans le cas de l’Opération de Restructuration Urbaine, qui a légalisé 5.000 ha de construction hors-la-loi et les a intégrés dans les Plans Urbains, les agents du mouvement écologique de l’époque avouent qu’ils n’étaient pas conscients de l’effet de la légalisation des constructions hors-la-loi. Cela revenait à donner de l’espoir aux propriétaires et bâtisseurs hors-la-loi, et encourageait ainsi de nouvelles constructions et légalisations. Cette mesure alimentait ce type de construction (Tsakiris 1997).

170

Conclusions du chapitre 4

La politique forestière et les forestiers

Juste après la chute de la dictature, une rupture institutionnelle a lieu en matière de politique forestière au niveau constitutionnel, qui donne un rôle environnemental à la forêt, au lieu de son rôle de production, qui dominait la réglementation jusque-là. La réforme visait à rendre la défense du caractère forestier des sols plus sévère, en insérant la conception du caractère diachronique de la forêt. Faute de délimitation des usages du sol par la politique de l’aménagement du territoire, la nouvelle réglementation forestière fonde ses propres dispositifs techniques de classification et de délimitation de la terre forestière, universels et indifférenciés comme la définition administrative de la forêt et le cadastre forestier. Ainsi, la nouvelle réglementation forestière tente d’étendre les limites de son ressort, car elle est la seule qui peut s'opposer à l’expansion urbaine et au droit de construction. Par extension, elle tente de remplacer la politique urbaine et la politique du contrôle de l’urbanisation.

La tentative de repousser ses limites de façon permanente, dans son application, s’est heurtée aux anciennes - mais aussi aux nouvelles - revendications en sommeil jusque-là. Les manipulations de la réglementation, connues depuis les périodes précédentes sont renforcées par le fait que la demande d’urbanisation des habitations vacancières devait être résolue par la voie judiciaire. L’implication grandissante des forestiers dans les litiges judiciaires a bureaucratisé la pratique de leur profession. Des lois successives, promulguées en alternance par les deux partis au gouvernement ont tenté de limiter la protection sévère mise en place par la constitution et de résoudre les problèmes de la réglementation universelle à travers d’autres réglementations de même type. Les réactions envers ces lois et envers les incendies qui se multiplient et sont médiatisés ont provoqué une série de luttes et de confrontations entre les forestiers et l’État. Elles ont rendu public le problème forestier, un sujet d’intérêt public et d’indépendance nationale.

La notion de la phyto-société de la forêt comme écosystème dynamique potentiel et non comme unité de production est importée par la communauté scientifique internationale sans être liée avec la pratique de la profession. Les forestiers l’ont incorporée progressivement à leur vocabulaire, et dans la pratique ils l’ont traduit en critère de classification des sols, finalement en moyen pour inscrire le plus de terres possibles sous le statut de la réglementation forestière, voire du statut public.

Dans ce nouveau cadre, le corps forestier a revendiqué le rôle de défenseur de l’intérêt public et national. Les forestiers concevaient la réglementation forestière comme le seul moyen sûr de protection contre le changement d’usage du sol et contre la construction, qui est l’ennemie principale des forêts car elle s'accompagne d'incendies. Pourtant, dans leurs propositions officielles, la forêt productrice de bois reste l’objectif principal de leur travail.

Les forestiers ont consolidé leur position dans l’administration et dans le monde syndical et politique, et ont pris leur indépendance par rapport à l’alternance politique des partis du gouvernement. Ils revendiquent un rôle premier, voire exclusif parmi les professionnels et les savoirs de l’environnement qui s’éloigne quand même du secteur forestier. De l’autre côté, même s’ils sont pour une coopération avec les professionnels de l’aménagement du territoire, la tentative qui aura lieu au début des années 1980 n’aura pourtant pas de suite.

La politique urbaine et les urbanistes

La politique urbaine après la dictature tente de renforcer tous les niveaux de la planification, avec une législation réformée, qui prend en compte les sujets environnementaux. Pourtant, elle se

171

focalise en réalité sur la légalisation des régions déjà construites par la construction illégale. Ainsi, les caractéristiques constitutives de la politique urbaine grecque, la régulation ad hoc et de la légalisation à posteriori persistent.

L’auto-construction des couches populaires d’après guerre est en déclin, mais une autre forme de construction illégale la remplace, la construction d'habitations en banlieue et de résidences secondaires et vacancières. Ce type d’urbanisation est dévastateur pour les ressources naturelles, notamment pour les forêts et les littoraux. Dans les forêts, elle prendra deux formes, des constructions individuelles et des coopérations de construction.

Les professionnels de l’espace, urbanistes et aménageurs du territoire restent connectés avec leur origine scientifique et professionnelle, l’architecture. Ils deviennent plus nombreux et sont reconnus par l’État qui en recrute un grand nombre par rapport au passé et attribue des études urbaines aux bureaux d’architectes-urbanistes indépendants.

La dimension économique domine dans les approches théoriques des urbanistes et des aménageurs et les débats publics sont monopolisés par des sujets relatifs à la « déviation » ou à la « non – intégration » du modernisme. L’expression collective des professionnels, comme elle s’exprime par leur organe syndical s’empare d'idées radicales et réclame l'éloignement du système capitaliste. L’ensemble de la structure idéologique conduit à une conception positive de la construction illégale, soit comme une solution populaire, remplaçant de façon innovante la politique sociale, soit comme une voie de résistance sociale et de subversion. Dans ce cadre, la réalité des dégâts environnementaux provoqués par la construction illégale, œuvre de toutes les classes sociales et pas seulement des classes populaires est ignorée.

En partant de ce cadre idéologique, les préoccupations environnementales des urbanistes se focalisent sur les effets de l’industrie, représentant du grand capital international et national. Pourtant, le débat sur les dimensions spatiales de la croissance reste minoritaire et ne prend pas une place important dans le débat public, contrairement aux questions relatives aux forêts.

Le mouvement écologique

La dominance idéologique de la gauche chez les écologistes du mouvement écologique né à cette époque, ainsi que l’ancrage social fort du modèle de construction, ont fait que le mouvement écologique n’a pas pris position face à la construction illégale. Alors, même s’il est resté un mouvement anti-urbain, en accord avec les idées originelles du mouvement écologique, il ne s'est pas confronté au problème de l’urbanisation du modèle pavillonnaire, comme aux dégâts provoqués par l’industrie.

Malgré quelques coopérations, le débat des écologistes avec les forestiers renvoie aux problématiques de la foresterie du Nord de l’Europe et les accusations du mouvement écologique envers les forestiers de surexploiter et surintervenir dans la forêt.

172

Chapitre 5. 1990-2010. Les politiques et les acteurs organisés de la forêt

Documents relatifs