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Chapitre 3. Le mont Parnès 1830-1975

3.3. Le Parnès à la veille de l’Indépendance

3.4.4. L’administration et le Parnès

Les premiers fonctionnaires chargés des forêts de Parnès furent les préfets. Après 1851, dans les enquêtes de propriété et les titres de possession, on trouve un des deux premiers forestiers du pays, I. Valsamakis, qui enquête sur les droits de propriété des monastères du Parnès (Giotas 2004). Il marque le début de la mise en place des hauts fonctionnaires de la foresterie dans la gestion du massif. Pourtant, pendant tout le 19ème, ils ne nous ont pas laissé de documents de gestion sylvicole. Seule exception, une ordonnance de l’époque bavaroise qui défend tout abattage dans le Limiko, à cause de la surexploitation de la forêt et dans le but de sa régénération. Suite à l’absence d’application, l’inspecteur des forêts Merc est licencié (Amorgianiotis 1997, p.31 ; Tounta 1998 en citant Stefanou). La recherche de l’œuvre du Service Forestier dans le Parnès confirme l’hypothèse générale, présentée précédemment, que la charge de clarification des droits de propriété et des rentes de la forêt est la mission unique des forestiers. Les hommes du Service Forestier n’apparaissent que dans les archives des enquêtes de ce type. L’idéologie de la pleine propriété était d’ailleurs celle des forestiers, comme l’a dit Kontos (Kontos, 1933, p.18) : « La

cohabitation de plusieurs propriétés dans les forêts est calamiteuse pour les propriétaires et pour l’économie nationale ».

Dans les forêts d’Attique, la question de la défense de la propriété de l’État est centrale pour les officiers. C’est une vocation, accompagnée d’un discours patriotique. Un exemple fut celui du domaine de Varibobi où Kontos, en tant que chef des forêts d’Attique, lie son nom avec la défense de la réclamation de la propriété publique. Le premier acte de gestion de la part du service forestier paraît en 1899. C’était une autorisation de coupe pour la forêt privée. Avant, l’usage était libre et d’ailleurs, comme le domaine faisait l’objet d’une contestation judiciaire et était hypothéqué, il

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n’appartenait pas aux producteurs mais aux agents, qui n’étaient pas intéressés par les prélèvements. En 1903, Petros Kontos conclut qu’il n’y avait pas de forêts dans l’achat initial. En 1905, il rédige un cadastre rudimentaire de l’Attique (Douros 1987). Depuis et jusqu’à aujourd’hui (sauf en 1914 et 1917), dans tous les actes du service, les forêts de Varibobi portent la mention « sous possession » (διακατεχόμενα). Il est caractéristique que dans ses premiers pas, les outils techniques de la foresterie sont traités comme preuve de droit de propriété. Le plan des coupes devient moins un outil de gestion et plutôt un justificatif de compétence des forestiers.

3.5. 1922-1975. Le Parnès assiégé par la ville

L’arrivée brutale des réfugiés et de la population issue de l’exode rural dans les années 1920 ont fait d’Athènes le facteur dominant des mouvements démographiques dans toute l’Attique. Ainsi, l’explosion d’après-guerre a été polarisée par le champ de gravitation et les hiérarchies de la capitale. La croissance du réseau urbain autour du Parnès se polarise selon la proximité avec la ville et la distinction entre le côté ouest, plus populaire et industriel, et le côté est, plus résidentiel, dont les quartiers sont peuplés par les couches moyennes et supérieures.

Les usages dans la montagne se transforment. Dans une première phase, les pratiques de l’élevage extensif diminuent, les cultures s’étendent et les différentes formes d’agroforesterie se systématisent. Les poches agroforestières s’étendent et s’éclaircissent encore plus, devenant des points de liaison entre le monde des villages et la montagne. Or, après la guerre, tous les usages d’agriculture diminuent. Le plateau central du massif accueille les nouveaux usages destinés à la population de la ville. Ils apparaissent dès l’entre-deux-guerres, comme part du courant hygiéniste et de valorisation du contact avec le monde de la montagne. Après la guerre, on arrive à un territoire de loisir massif, « détaché » de la montagne. De l’autre côté, après la guerre, des usages nombreux de caractère « encombrant » pour la ville s'installent dans la montagne.

La géographie polarisée de la gestion de vocation productive des forêts du pays a « classé » la forêt du Parnès dans la catégorie des forêts sans intérêt de sylviculture. Ainsi, le Service Forestier jusqu’à la guerre, surveillait l’exploitation de bois de chauffage, extrait de manière vorace. Après la guerre, il se retire de la sylviculture, il adopte les principes de la protection de la forêt et il se dévouer à leur application. La proclamation de la Forêt Nationale du Parnès s’inscrit dans ces tendances. La délimitation du nouveau territoire « double », du noyau-périphérie de la Forêt Nationale, correspond au contraste entre la gestion de la forêt vierge et la forêt au service de la ville.

L’urbanisation au pied du Parnès a deux visages. Premièrement, l’extension « spontanée » de la ville par les couches populaires d’après guerre, qui atteint le pied de la montagne, mais s’arrête à la limite de la forêt. Deuxièmement, les « cités de campagne », qui commencent à se développer à la fin des années 1930. Nous allons appeler « goût pour la forêt » cette préférence des couches aisées qui est à l'origine de ce type d’urbanisation qui défriche des forêts. A l’exception des formes urbaines plus recherchées, inspirées par les cités-jardins, elle reproduit les mêmes concepts et les mêmes mécanismes de production que la ville « hors-plan-de-ville ». Les propriétaires villageois d’ex-

kefalochoria utilisent les mêmes pratiques d’expropriation de leurs terres forestières que les grands

propriétaires. Les agents intermédiaires de ce type d’urbanisation, les coopératives ou des agences de construction, suivent les mêmes pratiques de contournement de la réglementation que les bâtisseurs particuliers issus des couches populaires. À l'exception de résistances ponctuelles à l’intérieur du Service Forestier et selon la puissance sociale du groupe de la « cité de campagne », l’administration forestière réserve un « traitement » privilégié à ce type d’urbanisation.

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