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L’opposition ville et arrière-pays dans l’Attique ou la « retraite » vers la montagne

Chapitre 3. Le mont Parnès 1830-1975

3.3. Le Parnès à la veille de l’Indépendance

3.3.1. L’opposition ville et arrière-pays dans l’Attique ou la « retraite » vers la montagne

A la fin de l’occupation ottomane, la campagne d’Attique avait déjà traversé une longue période de dépopulation : le réseau des villages était à la limite de subsistance et l’économie au plus mal. Le pôle le plus développé et le plus dynamique est lié aux villages les plus « montagnards » de l’Attique, Ménidi et Chasia, tandis que les plaines sont dépeuplées. C’est le premier résultat qui ressort d’un instantané de la population d’Attique des années avant la Révolution. Cette image s’inscrit dans les tendances démographiques de la deuxième période de l’Empire Ottoman. Les chercheurs s’accordent pour dire que pendant le 18ème siècle, les villes, les plaines et les côtes étaient stables ou perdaient des habitants, alors que la population dans les régions « défavorisées » et isolées, les montagnes et les îles était en croissance. Si la longueur des guerres de conquête ottomanes

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constitue une explication à ces phénomènes, des désaccords divers subsistent quant à leur explication, leur intensité et leurs différences98.

Faute d’informations contemporaines à l’époque, on s’appuiera principalement sur des éléments postérieurs, sur le premier recensement du gouvernement d’Othon qui dispose des résultats par villages en 1834, année de la proclamation d’Athènes capitale du pays99 (Tables 17 et 18). La ville d’Athènes était une ville moyenne pour l’espace grec. Elle était à la dixième place dans les Balkans du sud et à la troisième dans l’espace grec libéré, après Tripoli et Patras. La plupart des chercheurs parlent d’une population autour 10 000 habitants avant la révolution, puis de 8.000 en 1834 après les désastres de la guerre. Dans la communauté des Grecs de la ville, qui compte les 4/5ème de la population, il y a 10-12 familles de seigneurs de l’époque byzantine qui sont soit de grands propriétaires terriens, soit des officiers et rentiers grâce aux taxes. La majorité de la communauté se compose de petits propriétaires terriens indépendants aux alentours de la ville, de commerçants, d’artisans et dans une moindre mesure d’une classe plus modeste de travailleurs aux domaines de l’arrière-pays. Les Turcs, 2.000 environ, vivent majoritairement des rentes de la terre ou des taxes, mais on compte également des commerçants et des artisans.

A la fin du 18ème siècle, la campagne d’Attique était habitée par un ensemble d’environ 60 villages100, un réseau relativement dense mais peu peuplé. A part les plus grands villages dis képhalochoria, qui présentaient une certaine diversification dans leur intérieur, les autres sont entièrement agricoles et fermés, avec peu d’échanges entre eux et la ville d’Athènes. D’autant plus que pour un tiers d’entre eux, on ne peut pas parler de villages mais plutôt d’habitations dans les tsifliks : soit des rassemblements peu nombreux, soit des résidences isolées de métayers. Ces petits rassemblements situés dans les plaines apparaissent et disparaissent aux recensements, ils sont d’une subsistance fragile et temporaire, ils dépendent des avatars des propriétés (Milionis 2006).

A part certains grands villages, il est difficile de savoir quel était le peuplement de la campagne d’Attique à cause du manque d’éléments continus et de la fragilité des petits établissements. En

98 On ne peut pas entrer dans les détailles de l’analyse du phénomène dans l’historiographie grecque. Il a été

schématisé par la théorie de la « montagne-refuge » qui soutenait la « retraite » des populations des plaines vers les montagnes, afin de se protéger du pouvoir abusif de l’envahisseur et de profiter de l’autonomie économique et politique que les montagnes et les endroits isolés offraient. Cette théorie a été esquissée d’abord par des voyageurs européens puis adoptée par les historiens du 19ème, avec comme représentant principal Paparrigopoulos. Le schéma a été repris par Vacalopoulos dans Histoire du Nouvelle Hellénisme, B΄, Salonique. Dans l’historiographie de la Nouvelle Histoire après les années 1970 le phénomène s’explique par un autre biais aussi, celui des conditions économiques d’augmentation des impôts et des transformations foncières (Asdrachas 1986; Antoniadis-Bibikou 1979; Kontogiorgis 1982; Svoronos 2007). Pourtant ce schéma à été contesté par des historiens contemporains. Panagiotopoulos (1984, p.203) dénonce la théorie de la « retraite » vers la montagne qui est élaborée selon lui « afin

d’expliquer l’augmentation démographique du 18ème et les mouvements migratoires inverses vers la plaine, les villes et l’étranger, pendant le 19ème ».

99 On référencera le découpage des dèmes de 1834 à celui de la période 1845-1912 pour effectuer des

comparaisons.

100 Il s’agit d’un nombre estimé d’après les récits des voyageurs d’Attique vers la fin du 18ème (Kominis 2008).

Sinon, dans le recensement de 1834 dans 77 noms de villages qui ne sont pas toutes identifiables il y a 49 qui apparaissent habités. Sarigiannis (2006) de l’autre côté mentionne 47 villages et établissements existants, or ils ne s’identifient pas tous à la liste du recensement de 1834.

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1834, l’ensemble de la province a une population égale à Athènes, 8.314 habitants, et parmi les 49 villages recensés et habités, seul Ménidi dépasse les 1.000 habitants. Chasia suit avec 1.039 habitants (avec son annexe Kalyvia), alors que trois autres villages dépassent les 500 habitants au sud de la péninsule (Keratea, Markopoulo et Koropi). Concernant l’ensemble, 35% des villages ont moins de 50 habitants, 30% entre 50 et 200 habitants et 20% des villages ont entre 200 et 500 habitants.

Le nord de l’Attique est moins peuplé et avec de plus petits villages que le sud. Dans le dème de Marathon, parmi les 14 villages, seuls deux dépassent les 200 habitants. La moitié de la population vit dans des villages comptant entre 50 et 200 habitants et 5 villages comptent moins de 50 habitants. Le futur dème d’Oropos101 est peu peuplé aussi, mais la population est moins éparse car il n’y a que 7 villages sur tout le territoire et 90% de la population habite dans 4 villages qui comptent de 50 à 200 habitants. Le dème d’Acharne et le dème Phylé, qui couvrent presque l’ensemble de la montagne de Parnès présentent une autre image démographique. Ils incluent les deux plus grands villages de l’Attique, qui dominent leurs régions ; les rares autres villages sont des annexes de ceux- ci. Ainsi, Ménidi, le plus grand village d’Attique, rassemble 90% de la population du dème. On n’a pas d’informations précises sur les 3 villages restants, si ce n’est qu’ils ressemblent 234 habitants en tout. Chasia de même est le centre unique du dème de Phylé. Les deux autres villages, Kalyvia et Liosia, sont ses annexes102 et l’ensemble compte 1039 habitants.

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