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Le rôle et la signification politique économique et sociale de l’urbanisation

Chapitre 1. 1830–1975 Politiques forestières et politiques urbaines – La genèse

1.2. Le laisser-faire de la politique urbaine et régionale

1.2.4. Le rôle et la signification politique économique et sociale de l’urbanisation

Nous allons aborder les impacts et les significations sociaux, économiques et politiques de l’amélioration ample des conditions d’acquisition et de production du logement, ou autrement dit du « miracle de la construction » des années d’après-guerre, qui sont différents de ceux des pays industriels. Les aspects économiques et sociaux de cette différenciation ont été amplement étudiés. Selon Maloutas (1990), les différences convergent sur le fait que le marché et l’État ne sont pas les constitutifs exclusifs de la régulation du logement. Au contraire, des « pratiques autonomes

d’acquisition et de production du logement » ont été développées, un degré beaucoup plus élevé que

dans tous les pays européens, même si elles ne sont pas inconnues pour tous les pays d’Europe. Ainsi, « l’autologement », qui consiste en la construction d’un logement par le travail personnel, ou par la commande personnelle65 sur un terrain privé représente 53,8% de l’ensemble des constructions à Athènes jusqu’en 1959, alors que l’achat de logement ne représente que 11,4% dans la même période. Par la suite, l’autologement baisse (48,6% en 1975), tandis que l’achat de logement progresse (20,2% en 1975), tout en étant surreprésenté par rapport au niveau européen (Maloutas, 1990, p.242).

Ce système est basé sur une propriété de la terre urbaine ample et fracturée, diffusée dans tous les couches sociales. Dans ce cadre, le propriétaire du sol urbain a une place prédominante étant donné qu'il a l’initiative du processus de construction et les moyens, quand la construction se fait par du travail personnel. Encore une fois, c’est la création et « le circuit » de la terre constructible qui influence le développement urbain (Tounda, 1998, p.247). C’est pour cela que la conservation du foncier est un enjeu politique et électoral.

Mais le marché du logement est également différent de celui de l’Europe centrale. Sa croissance ne se base pas sur la production de grandes entreprises de construction, dépendantes du système de crédit, qui couvrent par principe la demande soutenue des employés. Un système particulier a été institué pour faire face à la pénurie de capitaux des petits entrepreneurs de construction,

l’antiparohi. Un arrangement spécifiquement, où le propriétaire d’un terrain à bâtir est compensé en

nature, par des appartements, au lieu d'être payé pour la terre qu'il cède à l’entrepreneur.

Pour Maloutas (1990) la base de ces pratiques est une autonomie économique de la société grecque du bipôle marché-État qui tient ses origines à la préservation de la fortune des immigrants dans leurs origines rurales dans le cadre d’un exode rural qui ne prolétarise pas, aux transferts des revenus des immigrants à l’étranger et aux revenus issus des situations historiques « tourmentées ». La signification de ces pratiques est qu’à travers la construction, elles reproduisent et elles élargissent

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Contrairement à la commande à une grande entreprise de construction qui vend des logements standards dans des projets de construction.

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cette autonomie économique de la société, tout en faisant de la construction un élément fondamental de l’autonomie économique (Maloutas, 1990, p.366).

Cette autonomie économique n’annule pas le caractère commercial de la production et de la consommation du logement, et elle ne signifie pas une autonomie au niveau social. Même si des formes autonomes de logement mobilisent une sorte d’organisation collective, elles ne prennent tout de même pas (sauf des cas restreints) la forme de mouvements importants. Certainement, l’installation des immigrants intérieurs en ville et la construction d’une habitation illégale s'appuient sur la solidarité des nouveaux habitants. De plus, en deuxième temps, dans la phase des réclamations pour l’insertion des quartiers au plan de la ville, des actions et des stratégies collectives voient le jour. Pourtant, les réclamations restent au niveau individuel, sans mettre en cause la légitimité du pouvoir étatique, ni du circuit du marché (Mantouvalou & Mavridou 1993). Bien au contraire, les propriétaires espèrent être rattachés au « char » du progrès de la période avec une habitation individuelle privée (Oikonomou 2008).

Enfin, la disjonction du logement et de l’État providence ne signifie pas une autonomie envers l’État, bien au contraire, le système avait son acceptation silencieuse. Encore plus, l’Etat lui-même par des moyens indirects, (augmentation des coefficients de construction, intégration des quartiers de construction arbitraire, légalisation des constructions illégales, prestations aux certains groupes sociaux afin de favoriser la construction, notamment aux fonctionnaires, etc.) a créé les conditions de marchandisation des terrains urbains et a donné des débouchés d’investissement, notamment aux couches moyennes, en alimentant le boom de construction.

De son coté, l’État en profite, en menant une politique urbaine pour accomplir d’autres services que les explicites. D’abord il alimente son clientélisme électoral. Les extensions des plans d’alignement et les légalisations périodiques des constructions illégales sont des mécanismes qui bénéficient aux petits propriétaires, non sans objectifs électoraux. Ce n’est pas par hasard qu’ils coïncident avec des périodes pré-électorales. Ils étaient le produit des échanges politiques entre des politiciens, des groupes de pression d’habitants et des professionnels avec l’intervention des services publics. Les municipalités y avaient un rôle central. Elles étaient a priori favorables aux extensions des plans des zones urbaines et elles tentaient d’en profiter en les intégrant dans leur sphère d’influence (Oikonomou 2008).

Deuxièmement, l’État en profite pour élargir les couches moyennes à travers l’ouverture de l’exploitation capitaliste de la terre. Le réseau de spéculation foncière, diffusé dans tous les classes sociales, couvrait l’absence de politique de logement et a été utilisé comme substitut. Ainsi les propriétaires, les sans-logement, les professionnels se sont arrangés sans que l’Etat n'investisse dans le logement. Mais de plus, l’achat de terre dans les régions urbaines et périurbaines ne couvrait pas seulement les besoins de logement, c'était également un moyen « d’auto-assurance » et d’épargne pour les couches moyennes, tout en créant l'espoir d'une exploitation plus rentable dans le futur. Il a élargi l’accès et les potentialités d’ascension sociale en exerçant « une politique gratuite d’intégration

politique et idéologique des couches sociales moyennes, existantes et potentielles, sous l’axe de la construction » (Maloutas 1990, p.368).

Finalement, l’État favorise une croissance du logement car celle-ci est liée à d’autres secteurs de l’économie. La spéculation immobilière dépasse les mécanismes d’un mode d’urbanisation et devient

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un mécanisme de croissance en elle-même pour plusieurs catégories professionnelles : notaires, arpenteurs. En même temps les finances publiques rentabilisent le système d’auto-logement de plusieurs façons : taxes de concession, amendes, apports obligatoires pour l’insertion d’un quartier dans le « plan-de-ville ».

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