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La rentabilité économique du contrat pourrait, dans cette perspective, être mise en évidence comme une qualité essentielle tacitement convenue Dès lors que cette qualité peut

PREMIÈRE PARTIE : L’IDENTIFICATION OBJECTIVE DES DÉSÉQUILIBRES CONTRACTUELS

Section 1 : L’objectivation des vices du consentement

A. L’erreur substantielle sur la rentabilité économique spontanée

60. La rentabilité économique du contrat pourrait, dans cette perspective, être mise en évidence comme une qualité essentielle tacitement convenue Dès lors que cette qualité peut

être tacite, cela signifie qu’il appartiendra en réalité au juge de définir objectivement ce qui, dans le contrat, relève d’une qualité essentielle. La reconnaissance de qualités essentielles tacitement convenues entre les parties offrira au juge une plus grande marge d’appréciation dans l’identification dès lors que celui-ci ne sera plus tenu par une lecture formelle du

214 J. Ghestin, Y.-M. Serinet, Erreur, Rép. Civ. Dalloz, n°270. 215 J. Ghestin, Y.-M. Serinet, art. préc. n°274.

216 Plus particulièrement du prix V. notamment : CA Paris, 1er déc. 1877, S. 1877. 2. 325 ; CA Agen, 30 avr. 1884, DP 1887. 1. 105, S. 1887. 1. 153 ; CA Paris, 25 juin 1891, Gaz. Pal. 1891. 2. 46 ; CA Bordeaux, 13 nov. 1905, DP 1908. 2. 287, S. 1907. 2. 208 ; CA Rouen, 15 juill. 1911, DP 1912. 2. 367 ; T. civ. Seine, 21 juill. 1925, DH 1925. 696 ; CA Paris, 22 févr. 1950, D. 1950. 269 ; Cass. 1re civ. 26 mai 1965, Bull. civ. I, no 347 ; CA Paris, 3 janv. 1974, Gaz. Pal. 1974. 2. 708.

217 T. civ. Bayonne, 21 juill. 1903, Gaz. trib. 1904. 1. 59 : présence d'une estampille sur un meuble ; CA Paris, 28 déc. 1907, Gaz. Pal. 1908. 1. 431 : inscription de dates sur une pâte de Sèvres ; CA Rennes, 17 juin 1929, Gaz. Pal. 1929. 2. 397 : l'aspect de la peinture, sa présentation sa patine, le sujet représenté et même son cadre faisaient apparaître le tableau comme ancien et particulièrement du XVIIIe siècle ; T. paix Nantes, 23 janv. 1947, Gaz. Pal. 1947. 1. 128, D. 1947. 220 : signature du tableau par un peintre connu, avant que la garantie ne soit légalement reconnue ; CA Paris, 8 janv. 1990, D. 1990, IR 48 : bronze portant la marque de l'un des deux fondeurs habituels de Rodin alors qu'il ne provenait pas de l'atelier dudit fondeur.

218 Plus particulièrement la qualité de professionnel V. notamment : CA Bordeaux, 13 nov. 1905, DP 1908. 2. 287, S. 1907. 2. 208 ; T. civ. Seine, 5 janv. 1911, Gaz. trib. 1911. 2. 237 ; CA Rouen, 15 juill. 1911, DP 1912. 2. 367, S. 1912. 2. 252.

219 Pour des illustrations de cette démarche : T. com. Lyon, 29 août 1882, l’arrêt d’appel CA Lyon, 22 janv. 1884, DP 1884. 2. 153, et, sur pourvoi, Civ. 3 juin 1885, DP 1886. 1. 25, qui refuse d'annuler une cession d'actions d'une société irrégulièrement constituée, en se fondant sur une définition objective des qualités ; Cass. 1re civ. 14 oct. 1981, Gaz. Pal. 1982. 1, panor. 96.

contrat220. Il pourra en effet, lorsque la qualité essentielle ne se déduit pas de la volonté déclarée des parties, s’appuyer sur des éléments objectifs pour essentialiser les qualités de la prestation221. L’utilisation de l’adjectif « tacite » indique clairement qu’il ne s’agit pas de s’en remettre à la volonté déclarée des parties, mais de déduire du contenu du contrat et de son économie, des qualités objectivement essentielles. C’est donc vers une conception plus souple et plus objective de l’erreur sur la rentabilité économique que l’ordonnance du 10 février 2016 s’est orientée. L’utilisation de l’adjectif « simple » pour désigner les deux erreurs indifférentes que sont l’erreur sur la valeur et l’erreur sur les motifs laisse penser qu’il s’agirait ici d’erreurs grossières, évidentes qu’il convient de distinguer d’erreurs que l’on pourrait qualifier de « complexes » et qui nécessitent une analyse plus globale du contrat. L’erreur sur la valeur est en effet définie comme « une appréciation économique erronée, effectuée à partir de données exactes222 ». Cette erreur sur la valeur de la chose désigne plus précisément la « discordance entre la valeur courante d’une chose et la représentation qu’a pu s’en faire l’errans.223 » De la même manière, l’erreur sur les motifs224 est celle qui porte sur les raisons subjectives qui ont poussé le cocontractant à conclure, lesquelles ne peuvent être déduites de la nature du contrat lui-même ou de son objectif.

220 J. Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte juridique (Contribution à l’étude de la théorie générale de l’acte juridique), Thèse, LGDJ, 1971. Sur la thèse objective de l’erreur, n°120 p. 206. V. aussi, G. Chantepie et M. Latina op. cit. n°317, p. 257 au sujet des décisions qualifiant l’objectif de défiscalisation de simple motif : « pourquoi exiger que le simple motif ait été « expressément » érigé en élément déterminant du consentement ? Il n’y avait pas de raison d’exclure la possibilité pour les parties de le faire tacitement. »

221 G. Chantepie, M. Latina, op. cit. n°123, p. 210 : « On peut penser que, sur le plan théorique, devrait être considéré comme suffisant le lien de prévisibilité réunissant dans un ensemble équilibré la part de subjectivisme représentant l’accueil du milieu : si la qualité, non spécifiée, mais voulue ne présente pas, par elle-même, une part objective suffisante pour assurer ce lien on pourra estimer qu’elle ne pouvait être prévue. Plutôt que de spéculer sur son caractère déterminant ou son existence « naturelle » il serait souhaitable de la placer là où elle doit être appréciée : dans l’équilibre que l’acte juridique implique, en se pénétrant de l’idée qu’il peut s’établir à des niveaux divers et en étudiant pour chaque cas les forces des éléments qui contribuent à le réaliser. » ; Ph. Malinvaud, D. Fenouillet et M. Mekki, op. cit. qui proposent d’instaurer une présomption de simple en faveur de l’errans que la qualité manquante était essentiel lorsque son erreur a porté sur une qualité « considérée comme essentielle dans l’opinion commune », n°186, p. 166 ; O. Deshayes, Th. Génicon, et Y.-M. Laithier, op. cit. pp. 188-189.

222 J. Ghestin, La notion d'erreur dans le droit positif actuel, 2e éd., Thèse, LGDJ, 1971, n°74.

223 Ph. Jouary, Contribution à l’étude de la valeur en droit privé des contrats, Thèse, Paris I, 2002, p. 251, n°269. 224 Cette notion est apparue dans la jurisprudence, dans une décision Civ. 3 août 1942, DA 1943.18. Les décisions relatives à l’erreur sur les motifs sont rares mais l’on en dénombre quelques-unes notamment : Com. 4 juill. 1973, Bull. civ. IV, n° 238, D. 1974.538, note J. Ghestin ; Com. 6 juin 1985, Bull. civ. IV, n° 182 ; CA Versailles, 26 mai 2000, 1ère ch. 2ème section, D. 2000. 197 ; Civ. 1ère, 13 févr. 2001, Lucas c/ Villa, obs. J. Mestre, RTD Civ. 2001 p. 352 ; Com. 30 mai 2006, n° 04-15.356, F-D, Berthe c/ Gozet, Juris-Data n° 2006- 033836, obs. L. Leveneur, CCC n°11, nov. 2006, comm. 24 ; Com. 11 avr. 2012, n° 11-15429, Mme X c/ Sté Lixxbail, PB, obs. M. Caffin-Moi, EDCO, 01/06/2012, n°6, p. 5 ; Cass. Civ. 2ème 18 avr. 2013, n° 12-20269, obs. M. Leroy, EDAS 03/06/2013, n° 06, p. 6 ; C. Grimaldi, Retour sur l'erreur sur les motifs (de la nécessité de bien distinguer les fausses représentations des prévisions non réalisées), D. 2012, 2822.

61. La difficulté en matière d’erreur sur la rentabilité économique consiste donc à

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