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Le contrôle objectif de l'équilibre contractuel. Entre droit commun des contrats et droit des pratiques restrictives de concurrence

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Academic year: 2021

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Submitted on 2 Jan 2020

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restrictives de concurrence

Faustine Jacomino

To cite this version:

Faustine Jacomino. Le contrôle objectif de l’équilibre contractuel. Entre droit commun des contrats et droit des pratiques restrictives de concurrence. Droit. Université Côte d’Azur, 2018. Français. �NNT : 2018AZUR0017�. �tel-02426266�

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contractuel

Entre droit commun des contrats et droit des pratiques

restrictives de concurrence

Faustine JACOMINO

GREDEG-CREDECO CNRS UMR 7321

Présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en droit d’Université Côte d’Azur

Dirigée par : Mme le Professeur Eva Mouial Bassilana

Soutenue le : 16 juillet 2018

Devant le jury, composé de : Mme le Professeur Muriel Chagny M. le Professeur Thomas Génicon M. le Professeur Mathias Latina M. le Professeur Jean-Baptiste Racine M. le Professeur Jean-Christophe Roda

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contractuel

Entre droit commun des contrats et droit des pratiques

restrictives de concurrence

Jury :

Rapporteurs :

Mme le Professeur Muriel Chagny (Versailles Saint Quentin-en-Yvelines) M. le Professeur Thomas Génicon (Rennes 1)

Membres :

M. le Professeur Mathias Latina (Nice) M. le Professeur Jean-Baptiste Racine (Nice) M. le Professeur Jean-Christophe Roda (Lyon 3)

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Résumé : Le contrôle de l’équilibre contractuel constitue l’un des marqueurs du droit des

contrats contemporain. Plusieurs fondements président à l’instauration d’un tel contrôle. Certains auteurs évoquent la morale, d’autres la justice contractuelle et d’autres enfin son utilité économique. Appliqués aux déséquilibres entre professionnels, les outils mis en œuvre pour assurer ce contrôle trahissent l’existence d’un contrôle objectif de l’équilibre attendu du contrat. L’équilibre subjectif voulu par les parties n’est pas écarté, mais il se trouve concurrencé par la détermination d’une forme d’équilibre objectif motivé tant par la volonté de protéger la partie faible que par celle de promouvoir une certaine vision de l’économie, et des échanges commerciaux. Le droit des pratiques restrictives se présente à cet égard comme une discipline intégratrice permettant d’allier protection de la partie faible et protection du marché. L’influence que cette discipline exerce sur le droit commun des contrats, et la « civilisation », à l’inverse, du droit de la concurrence sous l’influence du droit commun, permettent d’éclairer les rouages de ce contrôle objectif de l’équilibre contractuel.

Cette étude propose de décrire l’objectivation des critères d’identification du déséquilibre contractuel et celle des remèdes qui lui sont réservés. Pour ce faire, le droit commun des contrats et celui des pratiques restrictives de concurrence seront mis en miroir afin d’éclairer les implications de ce contrôle sur l’une et l’autre des matières. Plus exactement, cette thèse propose de déjouer les phénomènes de superposition et de concurrence des dispositifs de contrôle objectif de l’équilibre contractuel existant dans ces deux disciplines par une identification précise de leurs champs d’applications et de leurs objectifs respectifs. Elle tend enfin à décrire les fonctions de ce contrôle objectif tant à l’égard des parties qu’à celui du marché, en insistant sur la nécessité d’envisager conjointement les dimensions micro et macro-économiques des contrats étudiés.

Mots clés : Équilibre contractuel – objectivité – déséquilibre significatif – ordre public de

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practices.

Abstract : Control of contractual balance is one of the markers of contemporary contract law.

Such control is grounded in several basic concepts: some authors refer to morality, while others invoke contractual justice or its economic relevance. Applied to imbalance between professionals, the tools implemented to ensure this control reveal the existence of objective control of the contracts’ expected balance. Although the subjective balance sought by the parties is not set aside, it is overshadowed by the determination of a kind of objective balance motivated by a will both to protect the weaker party and to promote a certain vision of the economy, and commercial exchanges. In this respect, restrictive practices law is an integrative discipline in which it is possible to combine protection of the weaker party with protection of the market. The influence of this discipline on common contract law and, conversely, the “civilization” of competition law under the influence of common law help better understand the mechanism of such objective control of contractual balance.

This research aims to describe the objectification of identification criteria for contractual imbalance and the ways of remedying it. To this end, common contract law and law governing restrictive competition practices will be compared to shed light on such control in both these areas. More specifically, this thesis proposes to thwart phenomena of superimposition of and competition between existing systems for the objective control of contractual balance in both these disciplines through precise identification of their fields of application and their respective purposes. It also aspires to describe the functions of such objective control for both the parties and the market by emphasizing the need to examine these contracts by taking into consideration together both their micro and macroeconomic dimensions.

Keywords : contractual balance - objectivity - significant imbalance - public order of

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L’université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux propos tenus dans la présente thèse. Ceux-ci sont propres à leur auteur.

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Je remercie le Professeur Eva Mouial Bassilana d’avoir dirigé ce travail avec attention et bienveillance. Sa confiance et ses encouragements ont été de solides appuis. Qu’elle veuille bien trouver ici l’expression de ma reconnaissance.

Que soient enfin remerciés mes nombreux relecteurs pour leur amitié et le temps qu’ils ont consacré à lire certains passages de cette thèse.

(10)

À mes parents, À Félix, À Cédric et Léa,

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ADLC : Autorité de la concurrence

Aff. : Affaire

AJCA : Actualité juridique, contrats d’affaires (Dalloz)

AJDI : Actualité juridique de droit immobilier (Dalloz)

Al. : Alinéa

Arch. Phil. Droit : Archives de philosophie du droit

Art. : Article

BJED : Bulletin Joly Entreprises en Difficulté (Lextenso)

BJS : Bulletin Joly Sociétés (Lextenso)

C. civ. : Code civil

C. civ. Anc. : Code civil de 1804

C. consom. : Code de la consommation

C. com. : Code de commerce

CA : Cour d’appel

Cah. dr. entr. : Cahiers de droit de l’entreprise (LexisNexis)

Cass. : Cour de cassation

CE : Conseil d’État

CEDH : Cour européenne des droits de l’Homme

CEPC : Commission d’examen des pratiques commerciales

Ch. : Chambre

Chron. : Chronique

Civ. : Chambre civile

CJCE, CJUE : Cour de justice des Communautés européennes, Cour de

justice de l’Union européenne

CNRTL Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

Com. : Chambre commerciale

Comm. : Commentaire

Concurrences : Revue des droits de la concurrence

(12)

Cons. constit. : Conseil constitutionnel

D. : Recueil Dalloz (Dalloz)

Dalloz IP/IT : Droit de la propriété intellectuelle et du numérique (Dalloz)

Defrénois : La revue du notariat (Lextenso)

DH : Recueil hebdomadaire de jurisprudence Dalloz (avant 1941)

Dir. : Sous la direction de ou directive selon le contexte

Dr. & patr. : Revue Droit et patrimoine (Lamy)

Dr. soc. : Revue Droit social (Dalloz)

Dr. sociétés : Revue droit des sociéts (LexisNexis)

Droits : Revue française de théorie, de philosophie et de cultures

juridiques (PUF)

Économie rurale : Revue d’économie rurale (Société française d’économie rurale)

Éd. : Édition

Fasc. : Fascicule

Gaz. Pal. : Gazette du Palais (Lextenso)

Harv. L. Rev. : Harvard Law Review

Ibid. : Ibidem

In : Dans

infra : Plus bas

J-Cl. : Juris-Classeur (LexisNexis)

JCP G, E, N : Semaine juridique générale, entreprise, notariale et immobilière

(LexisNexis)

JDI : Journal de droit international (LexisNexis)

JurisData : Décision disponible sur la base de données JurisData de

LexisNexis

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

Loyers et copr. : Revue Loyers et copropriété (LexisNexis)

LPA : Les Petites affiches (Lextenso)

Mél. : Mélanges

N°, n°s : Numéro, numéros

(13)

p., pp. : Page, pages

préc. : Précité

préf. : Préface

PUAM : Presses universitaires d’Aix-Marseille

PUF : Presses universitaires de France

RCA : Responsabilité civile et assurances (LexisNexis)

RDA : Revue de droit d’Assas

RDC : Revue des contrats (Lextenso)

Rép. civ., com., proc. coll. : Répertoire civil, commercial et procédure collective (Dalloz)

Règl. : Règlement

Rev. jur. de l’Ouest : Revue juridique de l’Ouest

Rev. sociétés : Revue des sociétés (Dalloz)

RD aff. int. : Revue de droit des affaires internationales (Thomson/Sweet &

Maxwell)

RDP : Revue du droit public (Lextenso)

REI : Revue d’économie industrielle

RFDA : Revue française de droit administratif (Dalloz)

RGDA : Revue générale du droit des assurances (Lextenso)

RID comp. : Revue internationale de droit comparé

RIDE : Revue internationale de droit économique

RJ com. : Revue de jurisprudence commerciale

RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires (éditions F.

Lefebvre)

RLDC : Revue Lamy droit civil (Lamy)

RLC : Revue Lamy concurrence (Lamy)

RLCT : Revue Lamy collectivités territoriales (Lamy)

RLDA : Revue Lamy droit des affaires (Lamy)

RRJ : Revue de la recherche juridique, Droit prospectif

RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil (Dalloz)

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Soc. : Chambre sociale

spéc. : Spécialement

supra : Plus haut

t. : Tome

thèse dactyl. : Thèse dactylographiée

T. com. : Tribunal de commerce

TGI : Tribunal de grande instance

v. : Voir

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PREMIÈRE PARTIE : L’IDENTIFICATION OBJECTIVE DES DÉSÉQUILIBRES CONTRACTUELS

TITRE 1 : L’OBJECTIVATION DES CRITÈRES D’IDENTIFICATION DES DÉSÉQUILIBRES

Chapitre 1 : Le recul de la volonté subjective des parties au profit de l’économie générale du contrat

Chapitre 2 : La généralisation du déséquilibre significatif TITRE 2 : LE SPECTRE DE LA « CAUSE » Chapitre 1 : Le contrôle de l’existence de la contrepartie

Chapitre 2 : Le contrôle de l’équilibre du contrat sous le prisme de sa licéité

SECONDE PARTIE : LES REMÈDES OBJECTIFS AUX DÉSÉQUILIBRES CONTRACTUELS

TITRE 1 : LES REMÈDES OBJECTIFS AUX DÉSÉQUILIBRES CONTRACTUELS À L’ÉCHELLE DES PARTIES

Chapitre 1 : La disparition de tout ou partie du contrat déséquilibré Chapitre 2 : L’adaptation amiable du contrat déséquilibré

TITRE 2 : LES REMÈDES OBJECTIFS AUX DÉSÉQUILIBRES CONTRACTUELS À L’ÉCHELLE DU MARCHÉ

Chapitre 1 : La fonction normative du traitement des déséquilibres contractuels Chapitre 2 : La fonction régulatrice du traitement des déséquilibres contractuels

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INTRODUCTION

Propos liminaires (n° 1 à 4). – I. Définition des termes du sujet. – II. Périmètre de l’étude. – III. Enjeux de l’étude. — IV. Émergence historique du contrôle objectif de l’équilibre contractuel. – V. Éléments de droit

comparé du contrôle objectif de l’équilibre contractuel. — VI. Problématisation. – VII. Méthode de recherche. – VIII. Annonce de plan

« Le droit de l’État moderne a entendu éliminer tout rapport impliquant une dépendance entre deux personnes privées, mais la vie sociale, plus impérieuse et plus forte que le droit étatique, s’est vengée en édifiant, parallèlement et en opposition avec lui, une série d’ordres partiels au sein desquels ces rapports, nécessaires, peuvent s’établir dans des conditions plus convenables ».

Santi Romano, L’ordre juridique, Paris, Dalloz, 1975.

1. Le contrôle objectif de l’équilibre contractuel ne fait pas partie de ces expressions consacrées par le droit. L’expression pourrait même passer pour une formule incantatoire, tant le sens des mots employés ici interpelle. Pourtant, celui-ci est loin d’être une terra incognita de la discipline contractuelle. Il désigne l’ensemble des dispositifs juridiques destinés à assurer au contrat son équilibre indépendamment de la volonté des parties. Le temps est loin désormais où l’on prêtait au dogme de l’autonomie de la volonté un pouvoir hégémonique1. Les protections catégorielles sont devenues légion, et la confiance que plaçait le législateur dans les professionnels a cédé le pas à un certain soupçon. La crainte exprimée est celle de l’exploitation d’une dépendance, d’une position de marché permettant d’imposer à son cocontractant un déséquilibre contractuel.

2. La tendance est générale et manifeste la diversité des intérêts en présence. La réforme du droit des contrats a néanmoins doté la question d’un rayonnement inédit. L’ordonnance du 10 février 20162 a consacré, dans le droit commun, plusieurs instruments de contrôle objectif

1 Compte-rendu intégral des débats, séance publique au Sénat du 11 avr. 2018, M. Jacques Bigot : « Les notions d’autonomie de la volonté et de liberté des contractants ont été quelque peu abandonnées au fil du temps, car il peut arriver, à un moment donné, que les rapports entre des contractants soient déséquilibrés ». (disponible sur le site internet du Sénat). https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl16-578.html ; E. Gounot, Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé : contribution à l’étude critique de l’individualisme juridique, Thèse, Université de Bourgogne, 1912 ; V. Ranouil, L’autonomie de la volonté : naissance et évolution d’un concept, Thèse, Paris, 1980.

2 L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Le texte de cette loi a été définitivement adopté par les sénateurs le 11 avril 2018 après deux lectures par

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de l’équilibre contractuel initialement réservés à certaines branches du droit, tandis qu’elle a rompu, dans le même temps, avec la figure tutélaire de la cause qui avait pourtant démontré des aptitudes à l’exercice d’un tel contrôle. Étudier le contrôle objectif de l’équilibre contractuel revient, dans ce contexte, à appréhender un droit en instance, dans l’attente d’une mise à l’épreuve qui libèrerait ses effets. L’attente est en réalité pour partie consommée pour autant que l’on s’intéresse aux dispositifs existant dans les autres disciplines. Le droit des pratiques restrictives fournit à cet égard un champ d’étude pertinent. Force d’« attraction » 3

du droit des contrats, le droit de la concurrence et plus particulièrement celui des pratiques restrictives se présente comme un laboratoire d’étude du contrôle objectif de l’équilibre contractuel dans les rapports entre partenaires commerciaux.

3. Ce pouvoir d’attraction du droit de la concurrence amplifie d’ailleurs l’intérêt de la question traitée, dans la mesure où il manifeste tout à la fois un retour de l’État dans le domaine contractuel et une réassignation de la place attribuée au droit commun des contrats dans le paysage juridique. L’on peut même affirmer que le thème de l’équilibre contractuel révèle aujourd’hui une authentique empreinte du droit des pratiques restrictives sur le droit des contrats. Alors que le droit des pratiques restrictives appelle l’État au secours des relations commerciales dominées par une asymétrie de puissances économiques, le droit commun des contrats se fait l’écho de cette préoccupation et mobilise des outils dédiés à la gestion des déséquilibres induits par ce type de relation.

4. La question du contrôle objectif de l’équilibre contractuel revêt aussitôt un intérêt singulier et incite à mettre en perspective les logiques respectives des deux disciplines. Le droit des pratiques restrictives se présente comme le terreau fertile de l’avènement d’un droit économique des contrats, dans le même temps qu’il apparaît comme une grille de lecture pertinente des transformations opérées par l’ordonnance du 10 février 2016. C’est à la lumière de ce constat que se révèle la nécessité d’interroger le sens d’un contrôle de l’équilibre

l’Assemblée nationale et le Sénat et la désignation d’une Commission mixte paritaire. L’Assemblée nationale avait pour sa part adopté le texte de la Commission mixte paritaire le 22 mars 2018. Le dossier législatif complet est disponible dans son intégralité sur le site internet du Sénat. Les textes visés tout au long de la thèse sont par conséquent ceux figurant dans la loi précitée sauf mention explicite contraire. https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl16-578.html ; O. Deshayes, Th. Génicon, Y.-M. Laithier, Ratification de l'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations - Loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, Étude, JCP G, n° 18, 30 Avril 2018, doctr. 529 qui utilisent l’expression de « ratification-rectification » ; M. Latina, La loi portant ratification de l’ordonnance du 10 février 2016, Billet Dalloz actu. 16 avr. 2018. 3 M. Chagny, L’article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce entre droit du marché et droit commun des obligations, D. 2011, p. 392.

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contractuel fondé sur le contenu et la rationalité économique du contrat, dit autrement : d’un contrôle objectif de l’équilibre contractuel.

I. Définition des termes du sujet

5. Le « contrôle objectif de l’équilibre contractuel » suppose d’éclairer le sens des termes employés dans cet intitulé. Le contrôle se définit comme la « vérification » 4 l’examen de

« quelque chose afin d’examiner si les conditions demandées sont remplies »5. Appliqué à notre sujet, cela signifie qu’il s’agira d’étudier les mécanismes juridiques permettant d’examiner et de vérifier le bon équilibre du contrat. Cette définition du contrôle révèle en négatif la notion de conformité que recouvre le terme d’équilibre. Contrôler l’équilibre du contrat revient en effet à appréhender celui-ci comme une infirmité, une défaillance compromettant la bonne validité du contrat.

6. Plus délicate est en revanche la tâche qui consiste à définir l’adjectif qualificatif « objectif » compte tenu de la polysémie du terme6. L’objectivité scientifique désigne en effet « la qualité de ce qui donne une représentation fidèle d’un objet de connaissance7 » tandis que l’objectivité, dans son acception philosophique, renverrait pour sa part au caractère « de ce qui existe indépendamment de l’esprit8 ». L’utilisation par les juristes du terme d’objectivité conduit cependant à penser qu’il existerait une acception juridique de l’objectivité. Cela n’éclaircit pas davantage la question de la définition, les juristes faisant usage de ce nom pour désigner des situations différentes9. On peut toutefois prendre appui sur les usages de ces

4 Le grand Robert de la langue française « contrôle » sens 2 : « Vérification, inspection, pointage » ; Dictionnaire Littré en ligne « contrôle ». V. également, G. Cornu, Vocabulaire juridique, 12e éd., PUF, 2018, sens 1 : « Vérification de la conformité à une norme d’une décision, d’une situation, d’un comportement ».

5 CNRTL Centre national de ressources textuelles et lexicales, Sens 1, B.

6 L’adjectif qualificatif renvoie au nom féminin « objectivité » dont les définitions sont nombreuses et variées. V. Littré en ligne « Objectivité » Sens 1 : « Qualité de ce qui est objectif ; existence des objets en dehors de nous » ; CNRTL « objectivité » Sens 1, A « Qualité de ce qui existe en soi, indépendamment du sujet pensant », sens 1, B « Qualité de ce qui donne une représentation fidèle de la chose observée ».

7 CNRTL, « objectivité » Sens 2 ; Le grand Robert de la langue française « objectivité » sens 2 « Qualité de ce qui donne une représentation fidèle d’un objet ».

8 CNRTL, « objectivité » Sens 1.

9 On parle notamment de recours de « plein contentieux objectif » pour désigner notamment le contentieux fiscal, le contentieux électoral, le contentieux des autorisations de plaider, le contentieux des édifices menaçant ruine et celui des immeubles insalubres mais aussi le contentieux des sanctions infligées à un administré. V. aussi l’expression de « responsabilité objective qui désigne les régimes de responsabilité civile sans faute. V. enfin D. Alland, S. Rials, (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, « Équité » qui distingue l’équité subjective de l’équité objective, et qui se rapproche de la distinction proposée ici entre contrôle objectif et subjectif de l’équilibre contractuel. Dans son acception subjective « on entend alors par équité ce que le for intérieur considère, dans un cas particulier, comme conforme à la justice, sans égard pour le droit strict. » Tandis que dans son acception objective « l’équité devient un moyen légitime de compléter les règles juridiques,

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termes pour percer à jour une définition de l’objectivité. Il semble en effet qu’il faille comprendre l’objectivité à l’aune du rapport antinomique qu’elle entretient avec la subjectivité. Cette opposition a pris un sens tout particulier dans son application à la notion de cause telle qu’elle figurait dans le Code civil de 1804 à l’article 1131. La cause objective renvoyait à la contrepartie abstraite et immédiate qu’envisage de recevoir un cocontractant, tandis que la cause subjective supposait, au contraire, que l’on dépasse la contrepartie ainsi identifiée pour s’attacher aux mobiles plus éloignés des parties, à une recherche de leur volonté plus poussée et donc plus incertaine. Bien que certains auteurs aient souligné le caractère caricatural de cette distinction10, cette dernière continue d’orienter une large part des débats relatifs au contrôle de l’équilibre du contrat. L’acception retenue de l’objectivité dans les développements à venir sera donc la suivante : il s’agira d’étudier l’action qui consiste à identifier les déséquilibres contractuels par référence au contenu du contrat appréhendé comme un objet économique, et non en s’attachant à la volonté subjective des parties. Cela ne signifie pas que le contrôle objectif ait aboli toute appréhension subjective du déséquilibre contractuel. Bien au contraire. Cette étude prendra soin de déterminer les limites d’un tel contrôle et le point d’achoppement du contrôle objectif et subjectif de l’équilibre du contrat. Elle s’attachera néanmoins à décrire le phénomène qui consiste à faire primer le contrôle objectif sur le contrôle subjectif, représentatif, à notre sens, d’une tendance forte de rajeunissement et d’intégration du droit des contrats dans les disciplines « économiques » du droit.

7. Enfin, l’expression d’« équilibre contractuel11 » devra être entendue comme le « juste rapport » 12 entre les droits et les obligations des parties, le « rapport considéré comme bon entre des choses opposées »13, « leur harmonie »14. L’équilibre ne désigne donc ni un équilibre absolu, ni moins encore un équilibre mathématique, mais la conciliation de forces et d’intérêts

ou de corriger l’application particulière d’une règle […] un premier mode d’utilisation est purement objectif lorsque la jurisprudence pose de son chef des solutions ou découvre des principes généraux du droit fondés sur une règle d’équité […] Dans ces manifestations objectives, l’équité se présente comme un instrument destiné à mieux assurer l’égalité, ou plus exactement l’idée fondamentale d’équilibre ».

10 J. Rochfeld, Cause, Rép. civ. 2012, n°19 ; E. Mouial Bassilana, Du renouveau de la cause en droit des contrats : Essai de mise en lumière d’une cause objective du contrat, Thèse, Nice, 2003 ; M. Fabre-Magnan, op.

cit., n°409, p. 443.

11 L. Fin-Langer, L’équilibre contractuel, Thèse, LGDJ, 2002. Il est significatif que plusieurs manuels de droit des contrats postérieurs à l’ordonnance du 10 février 2016 utilisent l’expression d’ « équilibre contractuel », qui auparavant n’y figurait pas.

12 CNRTL « équilibre » sens 2, A. V. également Dictionnaire Littrée en ligne « équilibre » sens 4 : « Juste proportion, juste mesure. »

13 Le grand Robert de la langue française, « équilibre » sens 3. 14 Ibid.

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contraires dans un objectif de réussite de l’opération contractuelle pour l’ensemble des parties.

II. Périmètre de l’étude

8. L’étude du contrôle objectif de l’équilibre contractuel implique de définir un périmètre. Plusieurs options s’imposent, notamment celle qui consiste à s’attacher à des contrats communément présentés comme l’expression d’un déséquilibre. Dans cette perspective, le contrat de consommation relève a priori du périmètre d’étude possible. L’ambition du présent travail est cependant différente : il s’agit de traiter du déséquilibre là où celui-ci est traditionnellement esquivé ; là où les acteurs présentent en théorie, les gages de force, d’expérience et de connaissance suffisants pour produire une convention équilibrée. À cet égard, les contrats conclus entre professionnels15 constituent un domaine d’étude

approprié. Leur étude suppose néanmoins de dépasser le seul droit commun des contrats, dans la mesure où celui-ci n’offre pas — ou plutôt n’offrait pas jusqu’à la réforme — des outils adaptés au traitement des déséquilibres qui affectent les contrats d’affaires16. Le droit de la concurrence fournit dans ce contexte un éclairage essentiel. Le pont jeté entre ces disciplines trouve une assise particulièrement solide dans le droit des pratiques restrictives de concurrence traversé par le double apport du droit des contrats et du droit antitrust17. Cette discipline intégratrice, décriée par certains auteurs, ne s’affilie pas aisément. Elle semble opérer des allers-retours permanents entre droit commun des contrats et droit des pratiques

15 Le terme de « professionnels » devra être entendu, dans le cadre de la présente étude comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel » au sens de l’art. liminaire du C. consom. Sur la notion de professionnel, G. Raymond, Droit de la consommation, LexisNexis, 4ème éd., 2017, n°61-72, pp. 53-59 ; S. Raimond, Brèves réflexions sur la qualification de professionnel à partir de la jurisprudence récente en droit de la consommation, LPA 15 déc. 2015, 6.

16 M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Thèse, LGDJ, 2004, n°873, p. 839 : « Faut-il ou non compléter l’arsenal existant et, dans l’affirmative, de quelle façon ? […] À première vue, la protection qu’offrent les outils du Code civil semble ne plus suffire ; du moins est-ce l’impression qui se dégage, d’une part des dispositions que le législateur ajoute, au fil des réformes, au droit de la concurrence et, d’autre part des tentatives des contractants qui recherchent le secours des droits spéciaux. »

17 Pour des études sur la convergence du droit commun des obligations et du droit de la concurrence V. M. Chagny, op. cit. ; M. Behar-Touchais, L’ordre concurrentiel et le droit des contrats, in  L’ordre concurrentiel , Mélanges en l’honneur d’Antoine Pirovano, éditions Frison-Roche, 2004, p. 235 à 250 ; Sur la convergence plus générale du droit commun des contrats et du droit du marché Y. Picod, Droit des contrats et droit du marché : entre harmonie et turbulences, RDC 2006, n°4, p. 1330 ; Droit du marché et droit commun des obligations, Colloque organisé par le Centre de droit de la consommation de Montpellier et le Centre de droit de la concurrence de Perpignan, RTD com. 1998.

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anticoncurrentielles. À cet égard, le succès rencontré par le déséquilibre significatif de l’article L. 442-6, I, 2° du Code confirme l’intérêt d’un instrument hybride à la fois contractuel et concurrentiel pour œuvrer à la lutte contre les déséquilibres contractuels. Alors que le déséquilibre demeurait cantonné jusqu’alors à des considérations d’ordre moral, éthique ou de justice contractuelle, le droit des pratiques restrictives porte la focale sur la dimension concurrentielle d’un tel outil. Le périmètre du droit des affaires offre donc la possibilité de se « situer au carrefour d’une pluralité de disciplines juridiques19 ». Cela ne

signifie pas que les spécificités propres à ces disciplines seront gommées, mais il s’agira de prendre acte de cette imbrication disciplinaire dans la promotion de l’étude du contrôle objectif de l’équilibre contractuel. Il n’en demeure pas moins que le saisissement du droit des contrats par le droit de la concurrence et plus particulièrement par le Livre IV du Titre IV du Code de commerce réactive certaines résistances.

III. Enjeux de l’étude

9. Le droit des pratiques restrictives constitue une discipline mal aimée par de nombreux auteurs qui y voient la « boîte de Pandore20 » d’un interventionnisme étatique inopportun21. La

18 Succès auprès des justiciables puisque le déséquilibre significatif est aujourd’hui la première pratique restrictive invoquée en justice, mais succès également doctrinal compte tenu de la quantité d’articles et d’ouvrages consacrés à cette pratique. V. notamment, M. Chagny, L’essor jurisprudentiel de la règle sur le déséquilibre significatif, cinq ans après ? RTD com. 2013, p. 500 ; J.-L. Fourgoux, L. Djavadi, Les clauses contractuelles à l’épreuve du « déséquilibre significatif » : état de la jurisprudence, JCP E, n° 50, 12 décembre 2013, 1691 : J.-L. Fourgoux, M. Chagny, J. Riffault-Silk, Ch. Pecnard, D. Tricot, Approches plurielles du déséquilibre significatif, Concurrences, n° 2-2011 ; E. Gicquiaud, Le contrat à l’épreuve du déséquilibre significatif, RTD com. 2014, p. 267 ; N. Mathey, Du déséquilibre significatif, CCC n° 11, nov. 2011. Repère 10 ; E. Mouial Bassilana, Déséquilibre significatif – Article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, JurisClasseur

Concurrence-consommation, fascicule 730, juill. 2015 ; G. Parléani, Le devenir du déséquilibre significatif, AJCA 2014, p. 104 ; K. Riera-Thiebault, A. Covillard, La notion de déséquilibre significatif visée à l’article

L. 442-6, I, 2° du Code de commerce : un nouveau droit des clauses abusives entre professionnels ? Gaz. Pal. 14 févr. 2013, n° 45, p. 6 ; M. Behar-Touchais, La sanction du déséquilibre significatif dans les contrats entre professionnels, RDC 2009, n° 1 p. 202 ; Première sanction du déséquilibre significatif dans les contrats entre professionnels : l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce va-t-il devenir une « machine à hacher le droit ? »

RLC 2010/23, p. 43 et s. ; Un déséquilibre significatif à deux vitesses, JCP G n° 21, 25 mai 2015, doctr. 603 ; N.

Lajnef, Le déséquilibre significatif dans les contrats d’affaires : cinq ans après. Bilan de l’application judiciaire de l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, RLC 2014 n° 39.

19 M. Mohamed Salah, La place des principes et des techniques civilistes dans le droit des affaires, RJ Com. 1997, p. 298. et p. 301 : « Le droit des affaires apparaît, alors, comme l’expression d’une synthèse, rendue à la fois nécessaire et possible par l’existence de liens entre des concepts, des institutions voire des branches spéciales dont l’intelligence requiert une mise en perspective – que seule cette discipline peut effectuer ». V. aussi l’articulation du droit des affaires avec le droit commun des contrats, B. Fages, Un nouvel espace pour le droit des affaires, Gaz. Pal. 2017, hors-série 3, p. 11 ; H. Barbier, Un nouveau droit commun des contrats au service du droit français des affaires, Gaz. Pal. 2017, hors-série 3, p. 5 ; M. Chagny, Le droit des pratiques restrictives de concurrence et la réforme du droit commun des contrats, RTD com. 2016, p. 451.

20 R. Lesueur, F. Pineau, L'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce : nouvelle boîte de Pandore ? JCP E n° 51-52, 19 Décembre 2013, 921.

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critique n’est pas illégitime tant ce droit « contractuel de la concurrence  » se constitue depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 comme un droit interventionniste. Le ministre de l’Économie fait office de régulateur des relations commerciales, tandis que la liste des pratiques incriminées par l’article L. 442-6 ne cesse d’enfler au gré des lois successives23. Cependant, le déséquilibre significatif de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce répond à une attente des professionnels. Et pour cause, l’abus de dépendance économique de l’article L. 420-2 al. 2 du Code de commerce n’a pas remporté le succès que l’on pouvait en attendre24, tandis que sa suppression de la liste des pratiques restrictives de concurrence par la loi de modernisation de l’économie du 4 août

2008 25 laissait les acteurs économiques quelque peu démunis. Certains auteurs

s’interrogeaient dès avant sur l’opportunité d’une « catégorie nouvelle de “professionnel en état de faiblesse”26 ». C’est chose faite avec le déséquilibre significatif qui s’érige en nouveau droit commun de la protection des professionnels en situation de faiblesse.

10. Les récentes affaires Booking27 et Expedia28 et celles à venir à l’endroit d’Amazon29 de Google et d’Apple 30 démontrent l’intérêt de ce dispositif face aux pouvoirs privés

21 Ch. Babusiaux, L’évolution des conceptions de la concurrence et les pouvoirs publics, Rev. Conc. Cons. n°86, juill.-août 1995, p. 53 et s., spéc. p. 57 : « Le droit de la concurrence n’est pas là pour défendre l’équité, l’équilibre des contrats » ; C. Lucas de Leyssac, M. Chagny, Le droit des contrats, instrument d'une forme nouvelle de régulation économique, RDC 2009, p. 1268 parlant de « monstre juridique » ; M. Behar-Touchais, Première sanction du déséquilibre significatif dans les contrats entre professionnels : l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce va-t-il devenir une « machine à hacher le droit ? » RLC 2010/23, p. 43 et s. ; M. Chagny, Le nouveau droit de la concurrence : quel impact sur les relations contractuelles ? CCC. 2008, alerte, 70 évoque une « arme de destruction massive » ; M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Thèse, Dalloz coll. Nouv. Bibl. th. vol. 32, 2004, n°802, p. 776 : « En instituant une « protection directe » des cocontractants sur le fondement du droit de la concurrence, on assigne à ce dernier un rôle qui n’est pas le sien, au risque de reléguer au second plan, voire de sacrifier, l’objectif majeur que constitue le bon fonctionnement du marché, lequel ne s’harmonise pas toujours au mieux avec la protection des opérateurs ; Dénonçant la « dérive administrative du droit français » G. Parléani, Loi Macron : toujours plus en « pratiques restrictives », AJCA 2015, p. 407.

22 M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Thèse, Dalloz coll. Nouv. Bibl. th. vol. 32, 2004, n°797, p. 772.

23 L’article L. 442-6, I du C. com. sanctionne depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, pas moins de treize pratiques.

24 A. Decocq, G. Decocq, Droit de la concurrence. Droit interne et droit de l’union européenne, LGDJ, coll. Manuel, 7e éd. 2016, n°294, p. 365.

25 La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie dite « LME » a modifié l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce en supprimant le 442-6-I-2° relatif à l'abus de dépendance économique, pour le remplacer par le déséquilibre significatif.

26 J.-B. Racine, F. Siiriainen, Retour sur l’analyse substantielle en droit économique, RIDE 2007, t. XXI, 3, p. 272.

27 T. com. Paris 29 nov. 2016, RG n° 2014027403 (Ministre de l’Economie et des Finances et autres / Société

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économiques globaux qui parviennent à soumettre leurs partenaires commerciaux à des déséquilibres significatifs. L’enjeu économique est de taille, et le quantum de l’amende civile encourue sur le fondement de l’article L. 442-6, III alinéa 2 du Code de commerce31 se veut à la hauteur du préjudice causé à l’économie32. Les États généraux de l’alimentation qui se sont tenus au mois de juillet 2017 ont souligné pour leur part l’opportunité du droit des pratiques restrictives dans les relations entre les producteurs agricoles et les industriels de la transformation. La Commission européenne a publié dans cette perspective une proposition de Directive le 12 avril 201833 destinée à sanctionner les pratiques commerciales déloyales en cours dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

28 T. com. Paris, 7 mai 2015, Min. de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique c/ Expedia Inc et a. CCE n°7, juill. 2015, comm. 58, obs. G. Loiseau ; CA Paris 21 juin 2017, 15/18784, Gaz. Pal. 2017, n°30, p. 21, obs. F. Jacomino.

29 V. L’assignation de Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Économie à l’encontre de trois sociétés du groupe Amazon devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du C. com. après une enquête de la DGCCRF de plusieurs années. Le Monde 18 déc. 2017 : « La DGCCRF assigne Amazon en justice pour pratiques abusives envers ses fournisseurs ».

30 Monsieur Bruno Le Maire a annoncé le 14 mars 2018, qu’il allait assigner Apple et Google devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement du déséquilibre significatif de l’article L. 442-6, I, 2° C. com. Il s’agit plus précisément des contrats passés entre les développeurs d’application et les stores (Apple Store et Play Store) de ces deux entreprises. Le ministre de l’Économie a ainsi déclaré : « J’apprends que lorsque des développeurs veulent développer leur application et la vendre à Google ou à Apple, ils se voient imposer des tarifs, Google et

Apple récupèrent les données et peuvent modifier unilatéralement les contrats ». Le Monde 14 mars 2018 :

« L’Etat va assigner Google et Apple en justice, annonce Bruno Le Maire ».

31 La loi Sapin 2 n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a fait passer montant le maximum de l’amende civile prononcée de 2 à 5 millions d’euros. Art. L. 442-6, III al. 2 C. com. : « Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à cinq millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre ». 32 On citera à titre d’exemple la décision de la Cour d’appel de Paris du 11 septembre 2013, affaire Eurauchan n° 11/17941, confirmée par Com. 3 mars 2015 n°13-27525 qui a condamné la société Eurauchan au paiement d’une amende civile d’un million d’euros ; celle de la Cour d’appel de Paris, pôle 5, 4e ch., 1er juillet 2015, n° 13/19251, min. de l'Économie c/ Galec, confirmée par Com. 25 janv. 2017, n° 15-23.547 (n° 135 FS-P+B) qui avait condamné la société Galec au paiement d’une amende civile de deux millions d’euros. V. également l’amende civile d’un million d’euros prononcée à l’encontre de la société Expedia CA Paris 21 juin 2017, 15/18784. V. également l’Atelier de la DGCCRF du 19 mai 2017 intitulé « Le droit des pratiques restrictives de concurrence. Sortir du statu quo, pour quels objectifs ? » au cours duquel la Directrice, Madame Homobono a indiqué que depuis 2007 247 décisions avaient été rendues à l’initiative du ministre de l’Économie, que le montant des amendes civiles prononcées sur le fondement du Titre IV du Livre IV du Code de commerce s’élevait à 22 millions euros, et que le montant des restitutions aux acteurs économiques était en 2015 de 78 millions d’euros en 2015 contre 76 millions d’euros en 2016. (Le podcast de l’Atelier est disponible sur le site internet de la DGCCRF https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/podcast-latelier-droit-des-pratiques-restrictives-concurrence)

33 Proposal for a Directive of the european Parliament and the Council on unfair trading practices in

business-to-business relationships in the food supply chain, 2018/0082 (COD), 12 avr. 2018 ; V. la Fiche d’information

de la Commission européenne intitulée « Lutter contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire » du 12 avr. 2018 : « une consultation publique en ligne à l'échelle de l'Union menée au cours du deuxième semestre de 2017 a […] confirmé que la majorité des parties intéressées, qu'il

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11. La dimension collective des pratiques contractuelles en cours dans ces domaines et la peur de représailles des cocontractants démontrent la nécessité d’une implication active de l’État dans le combat mené. Loin de désinvestir le champ économique, l’État apparaît au contraire comme son « superviseur34 », intervenant pour « fixer certaines règles du jeu35 » et « protéger certains intérêts36 ». Le droit des pratiques restrictives se présente à cet égard

comme un droit subversif et perturbateur du bon ordonnancement juridique, qui participerait d’un « mélange des genres37 » particulièrement préjudiciable. En effet, les auteurs peinent à identifier la paternité de cette branche du droit et redoutent, dans le même temps, un phénomène de contagion à l’égard du droit commun des contrats38. Ces réactions trahissent la crainte d’un décloisonnement des disciplines et de la perte de la force symbolique du Code civil39. L’ordonnance du 10 février 2016 concrétise assurément les craintes exprimées en introduisant plusieurs notions directement empruntées au Code de commerce.

12. Alors que la réforme du droit des contrats était présentée comme une « arlésienne », et que l’on était tenté de ne pas en attendre plus qu’une simple codification à droit constant, c’est un objectif plus ambitieux que fait apparaître le texte de l’ordonnance. Inscrite dans la réforme J2140 destinée à « adapter notre droit aux enjeux économiques d’aujourd’hui41 », cette

s'agisse d'organisations professionnelles, du secteur agricole ou du secteur alimentaire, continuent de considérer que les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire constituent un problème. 96 % des personnes ayant répondu à la consultation publique de 2017 sur la modernisation de la PAC étaient d'accord avec la proposition selon laquelle l'amélioration de la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur, y compris en luttant contre les pratiques commerciales déloyales, devrait être un objectif de la politique agricole commune de l'Union. La plus récente enquête Eurobaromètre des citoyens de l'Union montre également que la majorité des citoyens sont favorables à un renforcement du rôle des agriculteurs dans la chaîne alimentaire ». http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-18-2703_fr.htm

34 J. Chevallier, L’État post-moderne, LGDJ, 3ème éd., 2008, p. 59. 35 Ibid.

36 Ibid. La lecture des termes employés par la Commission européenne à l’occasion de la présentation de la

Proposal for a Directive of the european Parliament and the Council on unfair trading practices in business-to-business relationships in the food supply chain, 2018/0082 (COD), du 12 avril 2018 est à cet égard instructive :

« La Commission Juncker est une Commission qui protège et, face aux déséquilibres et aux comportements déloyaux qui pourraient être rectifiés, nous avons décidé d'agir et de présenter, pour la toute première fois, des propositions législatives visant à réglementer les pratiques déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire ».

37 C. Chagny, op. cit., n°803, p. 777.

38 L. Idot, L’empiètement du droit de la concurrence sur le droit des contrats, RDC 2004, p. 882 ; M. Chagny, L'empiètement du droit de la concurrence sur le droit du contrat, RDC 2004, n°3, p. 861.

39 M.-V. Jeannin, Le déséquilibre significatif ou une atteinte significative à la liberté contractuelle ? LPA 6 oct. 2011, p. 15 ; F. Buy, Entre droit spécial et droit commun : l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce LPA 17 déc. 2008, p. 3.

40 C’est l'article 8 de la loi n°2015-177 de modernisation et de simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 28 janvier 2015 et publiée le 17 février 2015, qui a habilité le gouvernement à procéder par voie d'ordonnance à la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. La réforme J21 désigne « un ensemble

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réforme revendique un objectif autonome de protection de la partie faible , et suscite en cela un rapprochement de la matière avec le droit des pratiques restrictives de concurrence. La convergence est d’ailleurs assumée par les articles 1143 et 1171 du Code civil qui empruntent au droit des pratiques anticoncurrentielles, et au droit des pratiques restrictives, les notions d’abus de dépendance économique et de déséquilibre significatif. Ces notions témoignent du « pouvoir symbolique de nomination43 » juridique et marquent un renouvellement des

rapports entretenus par le droit des contrats à l’égard du réel. La « grammaire 44» de la

réforme prend soin néanmoins de baliser l’usage de ces outils dotés d’un fort pouvoir d’attraction.

13. Les notions qui incarnaient la tradition civiliste ont ainsi cédé le pas, non sans difficulté45, à des concepts rajeunis, au premier rang desquels se trouve le déséquilibre significatif. La suppression de la cause, notion trop hexagonale et polysémique, témoigne de la mise à mort de ces notions qui portaient à elles seules toute la tradition civiliste française. Le passage de témoin ne s’est pas opéré sans heurt et le vote de la loi portant ratification de

de mesures, issues de l'importante réflexion générale sur la justice de demain, dont le grand débat national réalisé à l'Unesco, les 10 et 11 janvier 2014, fut le point d'orgue […] La réforme de modernisation de la justice du 21e siècle a l’ambition de rendre la justice plus efficace, plus simple, plus accessible et plus indépendante. » V. Le dossier de présentation de la loi disponible sur le site internet du ministère de la justice http://www.justice.gouv.fr/publication/j21_dossier_de_presentation.pdf

41 Texte de présentation en Conseil des ministres du 25 février 2015 de la réforme du droit des contrats

accessible sur le site internet de la Chancellerie, p. 1

http://www.justice.gouv.fr/publication/j21_dp_projet_ord_reforme_contrats_2015.pdf

42 Ibid. V. pour un traitement plus transversal de la question la thèse de Ch. Bourrier, La faiblesse d’une partie au contrat, Thèse, Bruylant Academia, 2004, celle de L. Bruneau, Contribution à l’étude des fondements de la protection des contractants, Thèse, Toulouse, 2005 et celle de A. Combaluzier-Vaude, Contribution à la notion de partie faible dans les contrats, Thèse, Montpellier III, 2008.

43 P. Bourdieu, La force du droit. Éléments pour une sociologie du champ juridique, Actes de la recherche en sciences sociales, 64, 1986, p. 13 : « Le droit est sans doute la forme par excellence du pouvoir symbolique de nomination qui crée les choses nommées et en particulier les groupes ; il confère à ces réalités surgies de ses opérations de classement toute la permanence, celle des choses, qu'une institution historique est capable de conférer à des institutions historiques. »

44 Th. Génicon, La grammaire dans la réforme du droit des contrats, RDC 2016, n°4, p. 751. L’auteur souligne que les notions d’abus de dépendance économique et de déséquilibre significatif sont symptomatiques d’un usage des adjectifs qualificatif, dans l’ordonnance, destiné à délimiter les contours de ces notions nouvelles. 45 V. L’amendement présenté devant l’Assemblée nationale par M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine le 24 novembre 2017, portant sur la modification de l’article 1128 du C. civ. auquel il été proposé d’ajouter un 4° rédigé comme suit : « 4° Une cause licite dans l’obligation. » L’amendement propose également de créer un article 1163-1 au terme duquel : « L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. » http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0581/AN/73.pdf L’amendement a été rejeté. V. également l’amendement présenté devant le Sénat par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled le 17 oct. 2017 proposant la suppression pure et simple de l’article 1171 du C. civ. en raison du « très mauvais signal envoyé au monde des affaires » par ce texte. http://www.senat.fr/enseance/2017-2018/23/Amdt_9.html L’amendement a été retiré.

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l’ordonnance a révélé des résistances très fortes des deux Chambres à l’égard des nouveautés portées par la réforme47. Le champ d’application du déséquilibre significatif de l’article 1171 du Code civil, la définition du contrat d’adhésion48, celle de l’abus de dépendance, ou le pouvoir de révision du juge en cas d’imprévision ont cristallisé les débats parlementaires démontrant à cette occasion le caractère hautement stratégique des choix législatifs portés par la réforme.

14. La Chancellerie revendique ainsi des choix à l’attention directe des acteurs économiques49, dans le même temps qu’elle présente la protection50 comme un des trois objectifs de la réforme. La cohabitation de ces deux aspects suffit à susciter l’intérêt des juristes. Qui s’agit-il de protéger au juste ? Et de quoi et/ou de qui ? De telles interrogations à l’égard du Code civil surprennent. Le droit commun, à la différence du droit du travail ou du droit de la consommation ne repose pas sur une logique de protection catégorielle. Il est l’incarnation, au contraire, d’un référent commun et dépersonnalisé posant pour postulat l’égalité abstraite des individus51. L’intrusion d’une dimension protectrice préfigure donc, a priori, un changement de logique. Moins qu’un changement de logique, le Code civil se veut un miroir plus fidèle de la réalité des rapports contractuels. La logique de protection n’y est donc pas subjective, mais dépersonnalisée, objectivée. En d’autres termes, la protection n’est pas due à des parties identifiées par leur appartenance à une catégorie, mais elle s’entend

46 V. sur ce point le projet de loi de ratification issu de la première lecture du Sénat du 9 juin 2017, celui issu de la première lecture de l’Assemblée nationale du 11 décembre 2017, celui du 1er février 2018 issu de la deuxième lecture du Sénat, et celui issu de la deuxième lecture de l’Assemblée nationale le 15 février 2018. Le dossier législatif figure en intégralité sur le site internet du Sénat https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl16-578.html#block-timeline

47 V. Le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, adopté en première lecture par le Sénat le 17 oct. 2017. https://www.senat.fr/leg/tas17-005.html

48 C’est en effet un véritable feuilleton législatif qu’a donné à voir le contrat d’adhésion puisque pas moins de quatre définitions différentes se sont succédées à l’occasion des débats parlementaires relatifs à l’adoption de la loi portant ratification de l’ordonnance du 10 février 2016. V. le texte adopté par le Sénat le 17 oct. 2017, le texte modifié par l’Assemblée nationale le 11 déc. 2017, le texte adopté en deuxième lecture par le Sénat le 1er févr. 2018, et le texte enfin de la Commission mixte paritaire définitivement adopté par les sénateurs le 11 avril 2018 ; Certains auteurs auteurs n’hésitent pas à voir dans la distinction entre contrat d’adhésion et contrat de gré à gré le « fondement du réordonnancement du droit commun du contrat », Th. Revet, Le temps d’après, RDC 2018, n°1, p. 114.

49 http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/reforme-du-droit-des-contrats-des-exemples-pratiques-29450.html qui présentent une série de « cas pratiques » à l’attention des « acteurs économiques ».

50 http://www.justice.gouv.fr/la-garde-des-sceaux-10016/archives-2016-j-j-urvoas-12873/reforme-du-droit-des-contrats-30490.html « La réforme publiée ce jour répond aux besoins pratiques des particuliers et des entreprises et s’articule autour de trois objectifs : simplicité, efficacité et protection. » V. dans le même sens l’entretien de Madame Carole Champalaune, Directrice des affaires civiles et du Sceau, en date du 12 mars 2015.

51 Cela ne signifie pas que le droit civil ignorait les inégalités, mais ces dernières étaient présentées comme inévitables, consubstantielles à la fonction du contrat qui est de faire se rencontrer des intérêts antagonistes. Ces inégalités n’étaient donc pas traitées en tant que telles puisqu’elles constituaient l’expression normale et inévitable du contrat.

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d’une protection fonctionnelle. Sous cet angle de vue, la partie faible est celle dont la fonction contractuelle se trouve compromise. Le Code civil ne constitue pas, en ce sens, une prolongation des dispositifs de protection sectoriels propres à certaines branches du droit. Il traite, au contraire, la question de la protection de la partie faible de manière générale, comme une nécessité commune à l’ensemble des contrats.

15. Il s’agit de promouvoir un contrat équilibré52, qui sache s’adapter aux aléas du marché

et dont les vertus économiques doivent être préservées. Le déséquilibre significatif se présente en effet comme une « construction juridique53 » porteuse d’un nouveau « système de représentations54 » du contrat fondé sur un idéal d’équilibre, d’harmonie. Le déséquilibre significatif est donc conçu comme un « concept régulateur55 », à l’image de ses homonymes consuméristes et concurrentiels. Toutefois, la fonction de « règle générale56 » occupée par l’article 1171 donne à cet outil une puissance particulière. Alors que l’on peut être tenté de voir dans le déséquilibre significatif de droit commun un succédané de son homonyme57 concurrentiel, sans véritable portée, ce texte revendique en réalité une ambition plus grande que celle de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. « Producteur de signification »58, le déséquilibre significatif du Code civil fait apparaître une réalité dans laquelle la volonté des parties est traitée autrement. Cela conduit à interroger les fondements théoriques d’une telle évolution. Si certains auteurs y voient la consécration du solidarisme contractuel ou un souci

52 H. Barbier, Les grands mouvements du droit commun des contrats après l’ordonnance du 10 février 2016,

RTD. civ. 2016, p. 247 : « c’est manifestement le souci de l’équilibre contractuel qui sous-tend le plus fortement

l’ordonnance. L’équilibre du contenu du contrat est visé à premier titre, au travers de la sanction de l’abus de dépendance et des clauses abusives, et garanti dans la durée par la consécration de la révision contractuelle ou judiciaire du contrat pour imprévision ».

53J. Ray, S. Desmoulin-Canselier, La loi comme fait social et comme système de représentations, Dalloz, coll. Tiré à part, 2015, p. 19 [Jean Ray] spéc. p. 20 : « il y a ainsi des notions qui sont conçues et imposées non dans le dessein d’exprimer une réalité préalablement donnée, ni de la résumer, ni de la faire comprendre (comme seraient certaines hypothèses scientifiques), mais dans le dessein de régir la réalité, ou plutôt l’activité humaine au sein du réel. »

54 J. Ray, S. Desmoulin-Canselier, op. cit. p. 19 : « Se représenter les termes de la loi comme de simples expressions dont on revêt les faits, c’est méconnaître l’essentiel. Les mots entraînent un système de représentations ; en les appliquant à telles données, on fait entrer ces données dans ce système. » Jean Ray s’inspire ici de l’opposition formulée par Durkheim entre « les jugements de valeur » et « les jugements de réalité » in Durkheim (E.), Sociologie et philosophie, Paris, XV-142 p. in-16, Alcan, 1924, de la p. 117 à la p. 142.

55 J. Ray, Essai sur la structure logique du Code civil français, 1926, Paris, Alcan, Première partie Chapitre VI, p. 104 intitulé « De l’expression des règles dans les concepts. Concepts régulateurs et concepts représentatifs. Le droit et le fait. »

56 L’art. 1105 alinéa 1 du Code civil dispose : « Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre. » L’article 1171 relevant du présent titre peut donc être défini comme présentant une règle générale.

57 Le terme d’homonyme sera utilisé ici dans une acception large, pour désigner des termes dont la forme est identique mais dont les acceptions sont différentes.

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de « justice sociale » , cette thèse propose plutôt d’appréhender l’ordonnance du 10 février 2016 comme un virage résolument économique du droit des contrats.

16. Le contrat s’y présente en effet comme un outil économique contextualisé. Le dogme

de l’autonomie de la volonté n’est pas totalement abandonné, mais ses effets sur l’équilibre contractuel se trouvent modifiés. Le Code civil de 1804 se présentait comme un texte d’inspiration libérale, postulant la liberté des cocontractants, et partant, l’équilibre du contrat librement consenti. Le Code civil de 2016, quant à lui, se montre plus pragmatique à l’égard de cette liberté. Les relations de dépendance, l’abus, le déséquilibre y sont explicitement présentés comme des expressions possibles de la relation contractuelle. Il peut alors être envisagé que l’équilibre du contrat ne soit plus apprécié simplement au travers de la qualité du consentement donné ni par le contrôle de l’existence d’une cause, mais qu’il constitue en quelque sorte un impératif légal de conformité à l’opération économique dont le contrat se fait le support. Dès lors, le déséquilibre se révèle comme un « agent pathogène » de l’ « organisme contractuel60 » identifié et éradiqué au moyen de dispositifs objectifs. Le droit des pratiques restrictives illustre particulièrement bien ce phénomène, et développe un ordre public économique foisonnant. L’État investit le champ contractuel d’une manière inédite et mobilise le contrat comme un instrument privilégié de son action. Le déséquilibre contractuel apparaît, dans cette perspective, comme la manifestation d’une illicéité. Les remèdes offerts à ces déséquilibres s’en font d’ailleurs l’écho. Il s’agit d’identifier par avance, un certain nombre de pratiques ou de clauses qui portent en elles la marque d’une illicéité, et d’en purger le contrat au moyen d’outils « chirurgicaux ».

17. Cette thèse se propose donc d’étudier le contrôle objectif de l’équilibre contractuel sous le double éclairage du droit commun des contrats et du droit des pratiques restrictives de concurrence. Ce contrôle consiste à s’intéresser aux mécanismes de rééquilibrage des

59 R. Amaro, Le déséquilibre significatif en droit commun des contrats ou les incertitudes d'une double filiation,

CCC n° 8-9, Août 2014, étude 8. V. en ce sens, l’étude d'impact sur le projet de loi relatif à la modernisation et à

la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, 26 nov. 2013, spéc. p. 76, disponible sur le site internet du Sénat. https://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl13-175-ei/pjl13-175-ei.pdf

60 L’expression est notamment utilisée par A. Fouillée, in Le socialisme et la sociologie réformiste, 2ème éd. Paris, 1909, p. 17, pour désigner les sociétés modernes. V. le commentaire de J.-F. Spitz, « Qui dit contractuel dit juste » : quelques remarques sur une formule d'Alfred Fouillée, RTD civ. 2007. 281 : « elles demeurent des organismes parce qu'elles sont nées de manière naturelle et parce que la complémentarité des fonctions et des travaux y revêt une forme organique et non délibérée ; mais ces organismes sont contractuels - ou quasi contractuels - parce que la forme dans laquelle s'opèrent ces interactions et ces complémentarités est juste, c'est-à-dire telle que chacun des membres pourrait la vouloir et accepter les résultats de la compétition comme équitables ».

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