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L’absence de réciprocité ou de commutativité quantitative ou qualitative de l’obligation mise à la charge d’une partie

PREMIÈRE PARTIE : L’IDENTIFICATION OBJECTIVE DES DÉSÉQUILIBRES CONTRACTUELS

Chapitre 2 : La généralisation du déséquilibre significatif

A. La mise en œuvre du déséquilibre significatif dans le domaine de la grande distribution

2. L’absence de réciprocité ou de commutativité quantitative ou qualitative de l’obligation mise à la charge d’une partie

209. Le déséquilibre significatif, entendu comme un défaut de réciprocité ou de

commutativité quantitative ou qualitative de l’obligation mise à la charge d’une partie (a) repose sur une analyse du contrat dans sa globalité (b).

a. Le défaut de réciprocité ou de commutativité quantitative ou qualitative de l’obligation mise à la charge d’une partie

210. Le déséquilibre significatif n’est pas défini légalement. Le contenu de cette notion doit

donc être recherché au travers des décisions rendues sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. Les clauses épinglées par les juges du fond comme par la Cour de cassation permettent de distinguer deux catégories de clauses abusives. La première regroupe les clauses qui mettent à la charge du fournisseur une obligation dépourvue de contrepartie

(α) tandis que la deuxième désigne les clauses par lesquelles une partie s’octroie une prérogative contractuelle dépourvue de réciprocité (β).

α. Les clauses qui mettent à la charge du fournisseur une obligation dépourvue de contrepartie

211. Les clauses dépourvues de contrepartie sont nombreuses en pratique et la

jurisprudence épingle au gré des arrêts les clauses porteuses d’un tel déséquilibre. Parmi elles, les clauses de reprise des invendus qui consistent à mettre à la charge du fournisseur les produits invendus à l’issue d’une période de commercialisation et le coût de cette reprise ont été sanctionnées dès lors qu’elles revenaient à « met [tre] à la charge des fournisseurs une obligation, sans qu’aucune contrepartie ne leur soit accordée.620 » Cette absence de contrepartie invite le lecteur à faire le rapprochement avec la notion aujourd’hui disparue de cause. La clause abusive serait alors celle qui met à la charge d’une partie une obligation dépourvue de cause621. Il serait plus judicieux en réalité de parler d’intérêt. La cause, entendue comme la contrepartie attendue par le cocontractant dans un contrat synallagmatique ne permet pas d’appréhender ce type de clause. Classiquement, « la cause des obligations d’une partie réside, lorsque le contrat est synallagmatique, dans l’obligation de l’autre622 ».

Néanmoins, la cause tendait, depuis plusieurs, années à s’associer à la notion d’intérêt afin d’en étendre le champ. Alors que la cause de l’obligation faisait le constat de l’existence de l’objet de l’obligation de l’autre, l’intérêt incite à la prise en compte de l’utilité du contrat pour les parties. L’intérêt permet ainsi de dépasser le constat formel d’une contrepartie pour s’intéresser à l’utilité économique de celle-ci pour le cocontractant. Un contrat peut ainsi être doté d’une contrepartie sans pour autant que celle-ci présente un intérêt, une utilité pour le contractant623. Dans les contrats de vente conclus entre fournisseurs et distributeurs, la cause objective prise dans le sens classique de la contrepartie existe bien. En revanche, le fournisseur n’a pas toujours intérêt au contrat dans le sens où les clauses susvisées ne lui

620 CA Paris, pôle 5, ch. 5, 4 juill. 2013, n° 12/07651, EMC Distribution c/ Min. Économie : JurisData n° 2013- 015022.

621 C’est l’interprétation proposée par M. Behar-Touchais dans son commentaire CA Paris 11 sept. 2013, RDC 2014, n°2 p. 231 « Une obligation injustifiée serait sans cause objective, sans contrepartie.

622 Civ. 1ère, 25 mai 1988, Bull. civ. I, n°149. Plus récemment, Com. 9 juin 2009, no 08-11.420 ; RTD civ. 2009. 719, obs. Fages.

permettent pas de retirer un intérêt financier suffisant du contrat. Les clauses de reprise des invendus mettent à la charge du fournisseur la totalité de la charge de la mévente d’un produit et le coût de cette reprise. Si la Cour d’appel a souligné l’absence de contrepartie de l’obligation dans cette hypothèse, cette utilisation est trompeuse dans la mesure où elle laisse croire que chaque obligation mise à la charge d’une partie devrait être dotée d’une contrepartie. En réalité c’est l’intérêt au contrat du fournisseur qui fait ici défaut624. La clause

de retour des invendus sur laquelle la Cour d’appel de Paris s’est prononcée en 2013 mettait à la charge du fournisseur de manière générale la mévente des produits vendus et le coût de cette reprise. Sans supprimer totalement l’obligation de paiement du distributeur, cette clause en limite néanmoins la portée. Le fournisseur n’est pas en mesure dans cette hypothèse de savoir quel sera le volume des invendus de sorte qu’il doit faire face à des dépenses imprévues tant pour les produits invendus que pour leur reprise. Cette situation est d’autant plus injuste pour le fournisseur que celui-ci n’a aucune emprise sur la commercialisation des produits en question.

212. C’est cette même absence de contrepartie qui a poussé les juges de la Cour d’appel de

Paris625 à sanctionner la clause de retours de produits promotionnels détériorés dans la mesure où elle revenait à mettre à la charge du fournisseur, après le transfert de propriété, les risques liés aux modalités de commercialisation des produits définies par le distributeur. Les juges ont également sanctionné la clause permettant au distributeur de refuser la livraison d’un produit dont la DLC ou DLUO était identique à celle de la précédente livraison alors même que le fournisseur avait respecté la date de livraison mentionnée dans le contrat626. Là encore cette clause a pour effet de réduire considérablement la portée de l’obligation de paiement du prix du distributeur, lequel peut discrétionnairement décider de refuser la livraison du produit alors même que la date de livraison convenue entre les parties a bien été respectée627.

624 Judith Rochfeld, étude préc. L’auteur associé à la cause trois « fonctions d’ordre» lesquelles désignent des fonctions minimales du contrat qui doivent être absolument protégées. La troisième manifestation de cette fonction d’ordre s’illustre selon l’auteur, dans les « clauses contradictoires » lesquelles désignent les « clauses qui, sans supprimer l’une des obligations essentielles du contrat ou en ôter le caractère contraignant, viennent la contredire ou en limiter la portée dans une mesure qui fait perdre à une partie son intérêt au contrat.  »

625 CA Paris, pôle 5, ch. 4, 1er oct. 2014, n° 13/16336, JurisData n° 2014-023551, obs. M. Behar-Touchais, RDC 31 mars 2015, n°1, p. 67.

626 Ibid.

627 V. dans le même esprit les clauses prévues dans les conditions générales d’Amazon et permettant au distributeur de demander des vérifications, des bilans plus fréquents pour bloquer les ventes. https://www.nextinpact.com/news/105841-Amazon-attaque-par-bercy-pour-desequilibre-significatif-sur-sa- market-place.htm

213. Plus récemment, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue

sanctionner la clause de ristourne de fin d’année par laquelle la centrale d’achats LE GALEC mettait à la charge de ses fournisseurs le paiement d’une ristourne « soit en contrepartie de la constatation d’un chiffre d’affaires non chiffré ou d’un chiffre d’affaires inférieur de près de moitié à celui réalisé l’année précédente et l’année durant laquelle la RFA était due628 ». Ces clauses sont dépourvues de contrepartie dès lors que le distributeur n’était tenu à aucune obligation. La mise en œuvre de ces clauses permettait encore au distributeur de bénéficier d’une avance de trésorerie le paiement de la ristourne devant être effectué par les fournisseurs sous forme d’acomptes avant que le prix des marchandises ait été réglé. Ces ristournes étaient par ailleurs calculées sur un chiffre d’affaires sur lequel s’était engagé LE GALEC lequel était nettement inférieur au chiffre d’affaires effectivement réalisé de sorte que les ristournes payées par les fournisseurs s’en trouvaient augmentées.

214. Ce contrôle est en effet assorti d’autres conditions au titre desquelles l’existence d’une

soumission ou tentative de soumission. L’on est donc plus près du déséquilibre en pouvoir que du déséquilibre en valeur.

β. Les clauses par lesquelles une partie s’octroie une prérogative contractuelle dépourvue de réciprocité

215. Une deuxième catégorie de clauses a été sanctionnée par les juges en ce qu’elles

octroient au distributeur un avantage dépourvu de réciprocité. Il ne s’agit pas ici de mettre à la charge d’une partie une obligation dépourvue de contrepartie, mais plutôt de faire bénéficier l’un des cocontractants d’avantages ou plutôt d’une prérogative contractuelle dont ne bénéficie pas l’autre. Ces facilités sont essentiellement des facilités de paiement qui touchent à ses moyens et à ses délais. La clause par laquelle le fournisseur s’oblige à baisser automatiquement ses prix, sans demande du distributeur et sans discussion lorsque les éléments qui concourent à la formation du prix baissent, et ce alors même que dans le cas contraire le distributeur se réserve le droit de refuser toute augmentation ou de déréférencer

628 Com. 25 janv. 2017, n° 15-23.547, FS-P+B, Galec SAC c/ Min. Éco. : JurisData n° 2017-000899, JCP G, n° 10, 6 Mars 2017, doctr. 255, obs. M. Behar-Touchais ; L’essentiel droit de la distribution et de la concurrence, 2017, n°3, p. 1 obs. M. Behar-Touchais.

les produits concernés, a ainsi été sanctionnée par la Cour d’appel de Paris629. Dans le même sens, la clause permettant au distributeur de payer son fournisseur à 60 jours contre 30 jours pour le paiement du distributeur par le fournisseur630, et celle permettant au distributeur de régler par virement sans l’autoriser au fournisseur631, a été sanctionnée par les juges du fond. Ces clauses touchent aussi la faculté de suspendre ou résiliation à tout moment la relation commerciale ; la possibilité de faire varier unilatéralement les délais de livraison632. La non-

réciprocité n’est pas en soi prohibée par le droit commun des contrats. Elle serait même selon certains auteurs, la « manifestation d’une stratégie interentreprises reposant sur des liens d’autorité633. » Audrey Cathiard, propose dans cette perspective de distinguer les contrats relationnels, par essence incomplets, des contrats transactionnels. Alors que « l’attribution de prérogatives exorbitantes et unilatérales à l’un des agents634 » ne devrait pas présumer d’abus pour les premiers, l’attribution de ces prérogatives devrait, pour les seconds faire présumer un abus lorsqu’elles ont pour effet de priver l’obligation d’une partie de sa contrepartie. » Les contrats passés entre fournisseurs et distributeurs révèlent les limites du postulat. Ces derniers concluent en effet des contrats relationnels,635 mais peu de ces contrats témoignent en réalité d’une répartition des risques négociée. Partant, l’analyse in concreto peut se révéler artificielle, la seule dénomination du contrat relationnel ne pouvant suffire à décrire une réalité immuable.

b. L’appréciation du déséquilibre significatif à l’échelle du contrat

216. Alors que l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ne définit pas le mode

d’appréciation du déséquilibre significatif, les juges retiennent depuis 2013 une appréciation globale in concreto de ce dernier (α), qui n’empêche pas de développer parallèlement une typologie des clauses incriminées (β).

629 CA Paris, pôle 5, ch. 5, 4 juill. 2013, n° 12/07651, EMC Distribution c/ Min. Économie : JurisData n° 2013- 015022.

630 N. Mathey, obs. sous Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 déc. 2013, CCC, n°3, mars 2014, p. 6 4. 631 T. com. Lille, 6 janv. 2010, obs. M. Behar-Touchais RDC 2010, n°3, p. 928.

632 C’est notamment les pratiques qui sont actuellement reprochées à Amazon V. art. préc.

633 A. Cathiard, L’abus dans les contrats conclus entre professionnels : L’apport de l’analyse économique du contrat, Thèse, PUAM, 2006, p. 282 et 283, n° 314 à 316.

634 Ibid.

635 C. Cathiard, L’abus dans les contrats conclus entre professionnels : L’apport de l’analyse économique du contrat, Thèse, PUAM, 2006, pp. 115 à 121, n°113 à 120.

α. L’appréciation globale in concreto du déséquilibre

217. La Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 11 septembre 2013 a ouvert la voie à un

contrôle global du déséquilibre significatif à l’échelle du contrat. Alors que l’une des questions consistait à savoir si l’appréciation du déséquilibre devait se limiter à la clause litigieuse ou s’apprécier à l’échelle du contrat, la Cour d’appel de Paris, et à sa suite la Cour de cassation, ont marqué leur préférence pour la deuxième option. Cela signifie que la caractérisation du déséquilibre significatif ne se déduit pas de l’analyse de la clause prise isolément, mais de l’analyse globale du contrat. Le cumul de plusieurs clauses, qui, prises isolément ne créent pas de déséquilibre significatif, peut avoir pour effet d’entacher le contrat d’un déséquilibre636. À l’inverse, une clause prise isolément peut créer un déséquilibre

significatif qui se trouve atténué par les autres clauses du contrat qui viendraient compenser l’obligation mise à la charge d’une partie, où la prérogative qui lui est accordée.

218. La Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 2015637

précise que « l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce invite à apprécier le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie 638». La Chambre commerciale procède ainsi à une analyse globale du contrat en recherchant si la clause litigieuse pouvait être corrigée par l’effet des autres stipulations 639. C’est donc, comme en matière de consommation, l’appréciation in concreto que semble privilégier le juge640. L’arrêt EMC rendu le 29 septembre 2015 par la Cour de cassation emprunte la voie tracée par ces décisions puisque la Chambre commerciale y approuve la Cour d’appel d’avoir procédé « à une appréciation

636 Pour une analyse divergente des clauses : Le traitement différencié des clauses abusives : un pas vers le désordre, CCE juill. 2016, n°7-8, comm. 60, obs. sous T. com. Paris, ord. réf., 7 juin 2016, Ecritel c/ Cards Off. 637 Com. 3 mars 2015, Lettre de la distribution avr. 2015, obs. N Eréséo.

638 Com. 3 mars 2015 n°13-27525 : « Attendu que les clauses susvisées sont des clauses classiques qui respectent les exigences légales ; que Cards Off ne verse aux débats aucun élément probant qu'Ecritel lui ait imposé un contrat déséquilibré ; que, de surcroît, Ecritel ne réclame pas l'application de la clause pénale prévue au contrat. » Le juge des référés a écarté le déséquilibre significatif sur la base d’une analyse isolée des clauses litigieuses.

639 Com. 3 mars 2015, n° 14-10.907, F-D : « « qu'ayant relevé l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, résultant de deux clauses litigieuses, qu'aucune autre stipulation ne permettait de corriger, et constaté qu'aucune suite n'était donnée aux réserves ou avenants proposés par les fournisseurs pour les modifier, la cour d'appel, qui a procédé à une analyse globale et concrète du contrat et apprécié le contexte dans lequel il était conclu ou proposé à la négociation, et qui n'était pas tenue de rechercher les effets précis du déséquilibre significatif auquel la société Provera avait soumis ou tenté de soumettre ses partenaires, a satisfait aux exigences de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ».

640 E. Mouial Bassilana, « la Cour de cassation paraît bien confirmer que doit être privilégiée une analyse contextuelle des clauses, c'est-à-dire une analyse globale et concrète du contrat. », Déséquilibre significatif – Article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, JurisClasseur Concurrence-consommation, fascicule 730, juill. 2015, n°66.

concrète et globale des contrats en cause ». Cette appréciation concrète et globale a de nouveau été utilisée par la Cour d’appel de Paris641 à l’occasion de l’arrêt Expedia à l’occasion duquel la Cour d’appel a précisé que « Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l’économie du contrat et in concreto. La preuve d’un rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à l’entreprise mise en cause, sans que l’on puisse considérer qu’il y a inversion de la charge de la preuve. »

219. Les solutions rendues sur le fondement du déséquilibre significatif et la tendance

législative actuelle permettent en réalité de questionner ce postulat. Il apparaît en effet que l’appréciation in abstracto du déséquilibre aussi désigné comme l’interdiction per se de certaines clauses, soit privilégiée par les juges et le législateur lui-même dans certaines hypothèses.

β. L’ébauche d’une typologie des clauses caractérisant la présence d’un déséquilibre significatif

220. La loi Macron du 6 août 2015642 a inscrit dans le Code du tourisme un article L. 311- 5-1643 qui répute non écrite toute clause qui reviendrait à interdire à un hôtelier de consentir

au client tout rabais ou avantage tarifaire dans le cadre des contrats conclus avec les plateformes de réservations en ligne. Ces « clauses de parité tarifaire » courantes dans les contrats conclus entre les hôteliers et les plateformes de réservation exigent que ces dernières bénéficient d’un tarif et d’offres au moins aussi avantageuses que celles proposées sur les plateformes concurrentes, ainsi que sur l’ensemble des autres canaux de distribution (en ligne et hors ligne), parmi lesquels les canaux de distribution propres à l’hôtel (site Internet, téléphone, e-mail, au comptoir de l’hôtel, etc.)644 Ces clauses ont été sanctionnées par le

641 CA Paris 21 juin 2017, 15/18784, Gaz. Pal. 2017, n° 30, p. 21, obs. F. Jacomino.

642 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

643 Article L. 311-5-1 C. tourisme : « Le contrat entre un hôtelier et une personne physique ou morale exploitant une plateforme de réservation en ligne portant sur la location de Chambres d'hôtel aux clients ne peut être conclu qu'au nom et pour le compte de l'hôtelier et dans le cadre écrit du contrat de mandat mentionné aux articles 1984 et suivants du Code civil.

Nonobstant le premier alinéa du présent article, l'hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire étant réputée non écrite. »

644 M. Behar-Touchais, Les clauses de parité tarifaire en péril dans la réservation hôtelière, RDC 1er déc. 2015, n°4, p. 931.

tribunal de commerce de Paris le 7 mai 2015 et le 29 novembre 2016645 ainsi que par la Cour d’appel646 sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. En interdisant ces clauses de manière générale, la loi Macron consacre en quelque sorte leur interdiction per se, sans qu’il soit besoin d’apprécier globalement le contrat, leur seule présence suffisant à les voir réputer non écrites647.

221. La faveur des pouvoirs publics pour l’interdiction per se de certaines clauses

transparaissait déjà dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 1er octobre 2014648 dans

l’affaire opposant le ministre de l’Économie aux sociétés du groupe Carrefour. Le ministre de l’Économie y indiquait en effet que « le déséquilibre significatif n’a pas à s’apprécier in concreto, la seule rédaction en la forme des clauses contestées manifeste la tentative de soumettre le cocontractant à un déséquilibre significatif ; qu’il peut solliciter la cessation de pratiques illicites sans avoir à en contrôler les effets ». La Cour d’appel confortait son appréciation en précisant à son tour que « si certaines clauses contractuelles peuvent être sanctionnées comme déséquilibrant de façon abusive la relation contractuelle, le juge peut, si cela est invoqué, tenir compte du contrat dans sa globalité pour apprécier si certaines stipulations contractuelles sont utilement contrebalancées par d’autres pour rétablir l’équilibre dans les droits et obligations des parties au contrat […] la partie qui soutient que l’économie globale du contrat rend licite une clause qui pourrait être sanctionnée, doit en rapporter la preuve ».

222. L’appréciation in concreto du déséquilibre contractuel est donc présentée comme une

faculté à laquelle le juge est libre de recourir, à charge pour la partie qui soutient que l’économie globale du contrat rend licite la clause litigieuse, d’en rapporter la preuve. Il semble donc que l’appréciation in abstracto du déséquilibre significatif soit implicitement admise par les juges et explicitement traduite par certaines dispositions législatives qui s’en

645 T. com Paris, 7e ch. 7 mai 2015, n° j2015000040, Expedia. V. plus récemment T. com. Paris 29 nov. 2016, RG n° 2014027403 (Ministre de l’Economie et des Finances et autres / Société Booking.com B.V et Société

Booking.com France)

646 CA Paris 21 juin 2017, 15/18784, Gaz. Pal. 2017, n° 30, p. 21.

647 Pour une solution comparable en droit allemand, V. F. Kutscher-Puis, Les enseignements allemands sur le déséquilibre significatif en droit des contrats commerciaux, CCC 2015, n°6 étude 7 : « L'appréciation de la clause se fait indépendamment de l'économie du contrat pris dans son ensemble. Une clause nulle ne peut donc être, en quelque sorte, compensée par d'autres favorables au cocontractant. Les concessions éventuellement effectuées dans d'autres clauses par le rédacteur du contrat à l'adresse de son cocontractant sont donc sans effet. » 648 CA Paris, pôle 5, ch. 4, 1er oct. 2014, n° 13/16336, JurisData n° 2014-023551, obs. M. Behar-Touchais,

font l’écho. Si certains auteurs déplorent la facilité de cette nouvelle forme d’interventionnisme étatique649, et soulignent l’incohérence d’un tel procédé lorsque l’on sait que le déséquilibre significatif doit être interprété à la lumière de son homonyme consumériste650, cette analyse se révèle toutefois porteuse d’une évolution positive.

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