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Les.juges.ont.montré.au.législateur.que.la.mort.n’est.pas.seulement.une.dé-cision.de.technique.médicale..La.détermination.de.la.mort.est.une.marque.

de.la.civilisation..Elle.comporte.des.valeurs.anthropologiques.et.des.enjeux.

juridiques.fondamentaux.qui.nécessitent.un.choix.démocratique..Dès.lors,.il.

est.apparu.qu’il.n’était.pas.judicieux.que.le.législateur.démissionne.sur.une.

question.aussi.importante.et.qu’il.laisse.le.juge.seul.en.face.de.la.demande.

17 ATF 127 I 115, consid. 6 a, 123.

18 Arrêt du 4 juillet 2003, ATF 129 I 302.

19 Kehl (note 13) ; Ott/Grieder (note 13), p. 627 ss.

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de. normes. de. la. part. des. citoyens.. C’est. pourquoi. la. question. de. légiférer.

à.ce.propos.s’est.posée.lors.de.l’élaboration.de.la.loi.sur.la.transplantation.

.d’organes,.cette.loi.qui.a.été.adoptée.le.8.octobre.2004,.domaine.où.le.pro-blème.avait.surgi.en.1972.auprès.des.juges.

. Deux.problèmes.majeurs.devaient.alors.être.résolus.:

. Le.premier.est.de.savoir.quel.critère.retenir,.mort.cardiaque.ou.mort.cé-rébrale..?.En.d’autres.termes,.l’être.humain.est-il.mort.quand.son.cœur.cesse.

de.battre.ou.quand.son.cerveau.est.atteint.de.manière.irréversible,.alors.que.

son.cœur.bat.toujours.sous.l’action.des.machines.?

Le.second.est.de.savoir.si.une.définition.juridique.de.la.mort.doit.être.

intégrée.dans.le.Code.civil.ou.dans.la.loi.sur.la.transplantation.d’organes..

. Le. législateur. a. résolu. le. premier. problème. en. retenant. comme. cri-tère.celui.de.la.mort.cérébrale.dont.la.cause.peut.être.notamment.un.arrêt.

cardio-circulatoire..

. Puis,.pour.la.seconde.question,.il.a.considéré.que.sa.réglementation.dans.

le.Code.civil.présenterait.l’avantage.de.fournir.une.seule.définition.de.la.mort,.

alors.que.placée.dans.la.loi.sur.la.transplantation.d’organes.elle.serait.reliée.à.

un.exemple.concret..Toutefois,.c’est.l’intégration.dans.la.loi.sur.la.transplan-tation.qui.a.été.retenue.;.l’argument.avancé.consiste.à.dire.que.si.l’on.définit.

la.mort.dans.le.Code.civil,.il.faudrait.aussi.parvenir.à.définir.le.début.de.la.

vie,.ce.que.personne.n’a.encore.fait..Or.dans.le.cadre.de.la.médecine.de.trans-plantation,.il.est.nécessaire.d’avoir.une.définition..

. C’est.un.choix.très.pragmatique.qui.a.conduit.le.législateur.a.adopter.la.

disposition.suivante.:.«.Une.personne.est.décédée.lorsque.les.fonctions.du.cer-veau,.y.compris.du.tronc.cérébral,.ont.subi.un.arrêt.irréversible.».(art..9.LTO)..

. Toutefois,.en.consultant.les.travaux.préparatoires,.j’ai.pu.repérer.tout.de.

même.l’embarras.du.législateur.de.placer.la.réglementation.du.critère.du.dé-cès.dans.la.loi.sur.la.transplantation..

. En.effet,.le.message.du.Conseil.fédéral.de.2001.semble.dialoguer.avec.le.

Code.civil.quand.il.précise.qu’il.est.«.nécessaire,.du.point.de.vue.législatif,.

de.définir.un.critère.du.décès.applicable.à.tous.les.êtres.humains,.indépen-damment.du.contexte.propre.à.la.médecine.de.transplantation..Il.n’y.a.qu’une.

seule.mort.pour.chaque.être.humain.et.celle-ci.doit.être.la.même.pour.tous.

au.plan.juridique.»20..En.d’autres.termes,.il.n’y.a.donc.pas.une.mort.pour.le.

prélèvement.et.une.autre.mort.«.normale.»..Il.n’y.a.qu’une.seule.mort.quelles.

que.soient.les.causes.qui.l’ont.provoquée.

. Puis.ce.législateur.lance.un.double.appel.:.un.appel.au.juge.puis.un.appel.

au.corps.médical.

20 Conseil Fédéral, Message 12.09.01, p. 137.

. L’appel.au.juge.a.été.lancé.en.2003,.lors.des.débats.parlementaires,.où.il.a.

été.proposé.au.Conseil national.de.spécifier,.dans.le.cadre.de.l’art..9,.«.la.mort.

comme.mort.cérébrale.»,.conception.valable.dans.le.contexte.de.la.transplan-tation.d’organes..Cette.proposition.a.été.rejetée.au.motif.qu’elle.sous-entend.

qu’il.existerait.d’autres.morts,.que.la.mort.cérébrale.n’est.pas.vraiment.la.mort.

(86.voix.contre.8)21..Les.débats.au.Conseil des Etats.reviennent.sur.l’idée.qu’il.

ne.peut.y.avoir.qu’une.seule.mort.et.font.appel.au.pouvoir.du.juge,.en.indi-quant. qu’il. lui. appartient. de. décider. si. la. définition. peut. avoir. une. portée.

plus.générale..A.cet.égard,.l’intervention.du.Conseiller.fédéral.Couchepin.

est.claire.:.«.le.but.du.législateur.….n’est.pas.de.donner.une.définition.géné-.

rale.de.la.mort,.mais.probablement.de.faire.en.sorte.qu’elle.soit.reconnue.

comme.telle.par.la.jurisprudence.au.cours.des.années.qui.viennent..La.dé-finition.qu’on.donne.dans.la.loi.sera.probablement.utilisée.ailleurs,.mais.ce.

n’est.pas.le.premier.but..Le.premier.but,.c’est.de.définir.la.mort.au.sens.de.la..

présente.loi.»22..

. C’est.ainsi.que.la.proposition.d’intégrer.dans.le.texte.légal.«.au.sens.de.

la.présente.loi.».n’a.pas.semblé.nécessaire.à.la.majorité.et.a.donc.été.rejetée.

(24.voix.contre.6).pour.laisser.au.juge.la.possibilité.de.lui.conférer.une.portée.

générale.

. L’appel.au.corps.médical.s’est.manifesté.de.la.manière.suivante.:.le.lé-gislateur. confère. au. Conseil. Fédéral. la. compétence. d’édicter. des. disposi-tions.détaillées.sur.la.constatation.du.décès.(art..9.al..2.LTO).et.mentionne.

dans.les.travaux.préparatoires.qu’il.s’agira.de.normes.identiques.à.celles.que.

.contiennent.les.directives.de.l’ASSM.sur.la.définition.et.le.diagnostic.de.la.

mort.en.vue.d’une.transplantation.d’organes..

. Le législateur recherche ainsi explicitement deux collaborations : celle du juge et celle du milieu professionnel. Ce faisant, il rappelle sa présence et sa suprématie.

En. effet,. les.normes déontologiques. en. vigueur. au. moment. de. l’adoption.

de.la.loi.sur.la.transplantation.d’organes.prévoyaient.deux.types.de.mort,.la.

mort.cardiaque.et.la.mort.cérébrale..Elles.se.trouvent.ainsi.en.contradiction.

avec.la.loi.qui.considère.qu’une.personne.est.décédée.après.le.constat.de.l’ar-rêt.irréversible.des.fonctions.cérébrales..L’option.du.législateur.contraint.le.

corps.médical.a.réviser.ces.normes.pour.les.mettre.en.adéquation.avec.la.loi..

L’enjeu.n’est.pas.mineur.puisqu’il.s’agit.de.redéfinir.les.critères.de.la.mort.

. L’ASSM.a.révisé.ses.directives..Les.nouvelles.ont.été.adoptées.le.17.mai.

200..Le.critère.de.la.mort.est.«.la.mise.en.évidence.des.signes.qui.démontrent.

les.défaillances.irréversibles.de.toutes.les.fonctions.cérébrales,.celles.du.tronc.

cérébral.comprises.»..Conformément.à.la.règle.de.droit,.il.n’y.a.qu’une.seule.

21 Bulletin officiel, Conseil national, 17.12.03.

22 Bulletin officiel, Conseil des Etats, 2.06.04.

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mort,.dont.les.causes.sont.diverses.:.soit.la.défaillance.complète.et.irréver-sible.du.cerveau,.y.compris.du.tronc.cérébral,.due.à.une.lésion.ou.maladie.

primaire.du.cerveau.;.soit.l’arrêt.cardiaque.et.circulatoire.persistant,.qui.di-minue.ou.interrompt.la.circulation.sanguine.cérébrale,.(ou.la.compromet,.en.

cas.de.réanimation),.jusqu’à.la.défaillance.irréversible.du.cerveau.et.du.tronc.

cérébral,.c’est-à-dire.la.mort.(mort.par.arrêt.cardio-circulatoire).

. Le. point. d’achoppement. principal. longuement. discuté. en. commission.

fut.celui.du.moment.officiel.de.la.déclaration.de.la.mort..Selon.la.loi,.c’est.

celui. du. second. examen. clinique,. car. la. disposition. légale. mentionne. l’ar-rêt.irréversible..Ce.second.diagnostic.ne.fait.pas.que.confirmer.le.premier,.

mais.il.assure,.après.un.laps.de.temps.défini,.l’irréversibilité.de.la.défaillance.

.cérébrale23..Entre.le.premier.et.le.deuxième.examen,.le.patient.doit.être.traité.

comme.une.personne.vivante,.et.ainsi.aucune.intervention.pour.le.bénéfice.

d’un.tiers.(le.receveur).ne.peut.être.effectuée.sans.le.consentement.préalable.

du.donneur24.

. Le.législateur.a.ainsi.exprimé.son.choix.et.subordonne.de.cette.manière.

les.normes.déontologiques..

. Par. ailleurs,. ces. normes. déontologiques. seront. intégrées. dans. le. droit..

L’Office.fédéral.de.la.santé.publique.a.demandé.à.l’Académie.de.pouvoir.pu- blier.le.texte.intégral.de.ces.directives.comme.partie.intégrante.des.ordon-nances.liées.à.la.nouvelle.loi.sur.la.transplantation2.

. Ainsi,.le.législateur.a.voulu.marquer.de.son.sceau.le.critère.de.la.mort..

La.loi.manifeste.sa.prépondérance.par.rapport.aux.normes.déontologiques..

Celles-ci.perdent.leur.indépendance.par.rapport.aux.normes.juridiques..Mais.

cette.perte.est.en.réalité.une.plus-value.juridique,.une.sorte.de.valeur.ajoutée,.

dans.la.mesure.où.le.particularisme.des.normes.déontologiques.liée.à.l’acti-vité.professionnelle.se.double.d’un.universalisme26.qui.intègre.les.principes.

juridiques.fondamentaux..Si.bien.que.l’on.assiste.à.un.recoupement entre.obli-gation.déontologique.et.normes.juridiques.

. Mais,.dans.cette.interaction.normative,.où.est.donc.passé.notre.législa-teur.en.matière.de.droit.privé.?

23 Académie suisse des sciences médicales, Diagnostic de la mort dans le contexte de la transplan-tation d’organes, directives médico-éthiques, 20 juin 2005.

24 Bulletin de l’ASSM, 3/05, p. 5.

25 Ibid.

26 Gutmann Daniel, L’obligation déontologique entre l’obligation morale et l’obligation juridique, APD 2000, 44, p. 115 – 127.

. Force.est.de.constater.que.le.législateur.s’est.abstenu.de.retoucher.le.Code.

civil.alors.qu’il.en.avait.l’opportunité..Il.a.tout.simplement.manqué.le.rendez-vous..Peut-être.par.prudence,.ou.par.crainte.de.devoir.trancher.une.question.

aussi.fondamentale,.et.de.surcroît.chargée.d’autant.d’émotions..