• Aucun résultat trouvé

a / L’omniprésence religieuse

Du périégète au pèlerin

Nul lecteur ne peut ignorer l’ambition religieuse distillée dans l’opus de 1811 tant l’ouvrage se présente comme une odyssée chrétienne. Dans la page inaugurale de son périple, Chateaubriand déclare vouloir « accomplir le pèlerinage de Jérusalem 168 ». Le paratexte mettait déjà le lecteur sur cette voie du fait de l’excroissance du titre Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, en

allant par la Grèce, et revenant par l’Égypte, la Barbarie et l’Espagne qui place la Ville Trois fois Sainte

au centre de la chaîne viatique. Jérusalem incarnerait l’objectif à atteindre : une fois atteint, il ne resterait plus au pèlerin qu’à engager le retour. Les deux villes présentes dans ce titre incarnent des réalités divergentes. Paris représente la nation du présent ainsi que la mère patrie. Jérusalem sym-bolise la Terre sacrée, par définition immortelle. D’un point de vue strictement temporel, les deux cités s’opposent par essence.  

Chateaubriand ancre son récit dans la tradition littéraire des pèlerinages, en vogue jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Si cette revendication tient lieu de postulat initial, c’est d’abord pour permettre un ancrage générique à son récit et lui offrir toute sa légitimité. En homme de lettres, le Français sait que le Voyage s’effectuait jusqu’au XVIIIe via l’entremise des commerçants, des explorateurs, ou des missionnaires puisque l’argent, le savoir et la religion menaient les hommes sur la voie de l’exploration :

Je serai peut-être le dernier Français sorti de mon pays pour voyager en Terre-Sainte, avec les idées, le but et les sentiments d’un ancien pèlerin. Mais si je n’ai point les vertus qui brillèrent jadis dans les sires de Coucy, de Nesles, de Chastillon, de Montfort, du moins la foi me reste ; à cette marque, je pourrais encore me faire reconnaître des antiques Croisés. [IPJ, I, p. 76]

Le périégète se place dans une lignée qu’il estime prestigieuse tant et si bien que son nom brille au contact des autres. Non content de s’inscrire dans cette tradition, il veut la clore brillamment en étant le dernier. Mais s’il minimise sa vertu personnelle pour mieux inspirer confiance à son lec-teur, il s’octroie la foi et les mérites de l’antique auquel il voue un culte. À la suite des Anciens, le nouveau pèlerin perçoit en Jérusalem un aboutissement autant qu’un symbole. La ville est celle de tous les croyants qui viennent y chercher la résolution de leurs conflits intérieurs. Symbole de révé-lation religieuse, Jérusalem est la cité où l’aventurier tient à se faire adouber en tant que chevalier du Saint-Sépulcre le 4 octobre 1806 ; soit le jour de son anniversaire.

L’un des enjeux de la mise en texte de son périple réside en la revalorisation de la Ville Sainte

qu’il considère comme tombée dans l’oubli ainsi qu’il le suggère à rebours en exergue de sa « Préface de 1826 » :

Lorsque qu’en 1806, j’entrepris le voyage d’outre-mer, Jérusalem était presque oubliée ; un siècle antireligieux avait perdu mémoire du berceau de la religion : comme il n’y avait plus de chevaliers, il semblait qu’il n’y eût plus de Palestine. [IPJ, « Préface de 1826 », p. 68]

Au gré de la posture de chevalier servant la foi catholique, le pèlerin garantit la mémoire du fait reli-gieux. Le Voyage devient dès lors une entreprise de reconquête christique alors même que le XVIIIe

siècle avait mis en péril ces valeurs : le pèlerin devient mnêmon. Pour faire entendre sa voix, il s’ap-puie sur un intertexte d’envergure digne du Tasse, à l’image de la première citation du Voyage qui lui est due : « … Qui devoto / Il grand Sepolcro adora, e scioglie il voto » traduite en note par « Il y adore à genoux le grand Sépulcre et acquitte son vœu » qui n’est autre que la conclusion de l’œuvre maîtresse du poète italien. La référence à La Jérusalem délivrée du Tasse, épopée chrétienne de 1580, fait donc entrer le Voyage de Chateaubriand dans une dimension épique, mémorielle et christique. Cette marche symbolique vers la capitale de la chrétienté est valorisée par l’apport de réfé-rences fictionnelles ou factuelles tant et si bien que le lecteur est appelé à convoquer ses connais-sances historiques. Il est amené à voyager lui-même dans l’espace-temps : du XIXe siècle au XVIe

voire au XIe siècle. Le temps des Croisades, opposant les Chrétiens aux Musulmans est convoqué lorsque le voyageur propose, en amorce de sa Relation, de se faire « reconnaître des antiques Croi-sés ». Dès lors, le voyageur n’est plus seulement pèlerin et homme-mémoire, il s’affirme en tant que chevalier Franc, digne descendant des Croisés en terre d’Islam : « j’étais un Franc, en habit court et en grand chapeau ; et je venais de recevoir l’audience d’un Tartare en robe longue et en turban, au milieu de la Grèce 169 ». Sa filiation est donc d’une grande hétérogénéité et somme le narrataire d’envisager le voyageur dans la pluralité de ses postures. À considérer le regard du voyageur comme celui d’un Croisé, force est de constater que la question grecque prend une tournure religieuse. Pourfendeur du christianisme, l’auteur du Génie du Christianisme s’attaque ainsi à la vision des Croisades par les Lumières – qu’il juge étriquée :

Les écrivains du XVIIIe siècle se sont plu à représenter les Croisades sous un jour odieux. J’ai réclamé un des premiers contre cette ignorance ou cette injustice. Les Croisades ne furent des folies, comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe, ni dans leur résultat. Les Chrétiens n’étaient point les agresseurs. [IPJ, IV, p. 371]

La revalorisation des chrétiens est palpable dans la quatrième partie de la Relation consacrée à Jéru-salem. Elle est encore en germe dans la première partie qui nous intéresse. À l’aune de la réédition de son Voyage pour la publication de ses Œuvres Complètes chez Ladvocat, Chateaubriand rédige une nouvelle préface, qui se veut politique. La guerre de libération grecque est enclenchée et l’homme

de lettres s’enflamme pour un conflit d’ordre religieux. Les Grecs ne sont plus des esclaves à libérer mais bien des chrétiens à venger du joug musulman. Ainsi que l’exige la situation de 1826, d’une immédiate nécessité, le Français s’exclame, emporté : « On prétendrait qu’il est permis d’assister pai-siblement à l’égorgement de quelques millions de chrétiens 170 ! ». Nul doute que les modalisations font montre d’une prise de parti unilatérale qui ne fait que renforcer la dimension religieuse de la question grecque. Dès lors, le fait religieux ne se confine plus à la sphère privée du pèlerinage mais prend sens dans le collectif politique.

« La loi des lois »

Chez Quinet, une interrogation constante réside dans la compréhension des liens entre po-litique et religion au sein de la Révolution. Le débat profane-sacré est en germe dans l’historiogra-phie révolutionnaire romantique. La Révolution donne naissance au mythe au sens où elle incarne l’avènement d’une nouvelle ère. Deux phases de l’historiographie révolutionnaire quinetienne se présentent : une première qui est celle de la mythification, une seconde de l’ordre de la démythi-fication. Le point de rupture n’est autre que les désillusions de 1848 accentuées par le coup d’État du Deux-Décembre 1851 menant Quinet vers l’exil ainsi qu’une frange conséquente d’intellectuels français. Or, le renouveau politique ne peut s’engager sans une refonte des croyances : la Révolution doit prendre en charge le fait religieux afin d’opérer une rupture exemplaire. Ce nouveau souffle devrait selon lui être inspiré non par les institutions religieuses mais par les institutions étatiques elles-mêmes. Toutes les informations sur ce débat Révolution-Religion nous proviennent de Si-mone Bernard-Griffiths, spécialiste émérite de l’historien :

Pour Quinet, il n’est point de Révolution féconde qui ne soit une authentique révolution reli-gieuse : « Toutes les révolutions qui ont réussi jusqu’à ce jour, se sont appuyées ou sur la transformation de l’ancienne religion ou sur une religion toute nouvelle 171 ». Or non sans tristesse, mais non sans réso-lution, Quinet prouve, en 1865, que la Révolution française ne répond à aucun de ces deux critères. La démythification de la « croisade » révolutionnaire, se plaçant désormais sur le terrain religieux, qui est l’originel terrain du mythe, n’en prend que plus de force.

Pas plus en religion qu’en politique, la Révolution ne peut inspirer à Quinet, dans l’amertume de l’exil, un discours fondateur. Comme il nous l’avait présentée prisonnière du joug monarchique, il nous la présente prisonnière du joug catholique. Or le catholicisme n’est autre, aux yeux de l’auteur de La Révolution, qu’un despotisme spirituel. 172

La mythification de la Révolution d’avant 1848 lui fait envisager en un même élan la Révolution et la Religion. La première tient lieu de genèse influant idéalement sur la seconde. Or ces idéaux

170 - IPJ, « Préface de 1826 », p. 70 [ANNEXE 3].

171 - La référence quinetienne est à trouver dans ses Lettres d’exil, t. I, Calmann Lévy, 1885, p. 150 (Lettre à Mazzini, 7 juillet 1854).

172 - Simone Bernard-Griffiths, « Mythification et démythification de la Révolution », dans Jean Ehrard, Christian Croisille (dir.), La Légende de la Révolution, op. cit., p. 450.

révolutionnaires s’avèrent déconstruits dans les faits : la Révolution politique de 1789 n’a pas vu éclore de transformation ou de renouvellement cultuels. L’historien Quinet, qui ne pouvait envi-sager l’une sans l’autre est pour le moins déçu ainsi qu’il le suggère dans son opus de 1845 au nom éloquent, Le Christianisme et la Révolution :

À quelque moment que je considère l’histoire de cette Révolution, il n’est est aucun dont je voulusse éter-niser l’esprit, parce qu’il n’en est pas qui contienne et réalise en soi l’idéal de vérité dont j’ai besoin. Elle a tendu, d’un effort sublime, à embrasser le divin ; elle s’en est approchée en des instants suprêmes ; mais enfin, elle n’est pas la Justice, l’Evangile éternel, la Religion absolue. [CRF, p. 274]

Dès lors, si ses idéaux se sont avérés utopistes, la démythification prend place d’elle-même dans la pensée historiographique. Constatant l’échec de sa pensée, Quinet se voit contraint de concevoir le fait révolutionnaire à l’écart du religieux. À partir de 1845, il prônera donc la distinction entre le profane et le sacré. Il justifiera même cette dichotomie en 1865 dans La Révolution 173 en fustigeant

cette fausse liberté de culte offerte par les Républicains : « […] chez un peuple où tout le monde a la même croyance, et où personne n’a l’idée d’en changer, donner la liberté des croyances, c’est vé-ritablement ne rien donner du tout ». Il eût fallu, pour lui, réinterroger les institutions catholiques. Nulle différence a priori entre des institutions hiérarchiques figées telles que la monarchie ou l’Église qui feraient le lit de l’autocratie. Il condamne ainsi la hiérarchie, l’immobilisme et l’intolérance du catholicisme qui ne cherche pas à questionner son institution ni même à accueillir les croyances minoritaires. Le politique ne pourrait donc se dissocier du religieux tant la religion s’apparente à « la substance même des peuples » puisque « c’est d’elle que sortent, comme autant de conséquences nécessaires, les institutions politiques, les arts, la poésie, la philosophie et, jusqu’à un certain point, la suite même des événements 174 ». La religion serait pour lui « la loi des lois, c’est-à-dire celle sur laquelle toutes les autres s’ordonnent 175 ». 

La philosophie de l’histoire de Quinet accorde donc une place essentielle à la mère des ins-titutions. Comme l’indique l’année de publication de La Grèce moderne, cette réflexion s’avère toutefois anachronique bien qu’essentielle pour appréhender les références religieuses inhérentes à la Relation. Car sa pensée y est en germe et fait grand cas de la prégnance du fait religieux émanant de la population grecque. Quinet se prête ainsi au jeu de l’exploration et de la curiosité, notamment dans les croyances, comme en Argolide, où il procède à des travaux d’épigraphiste avant d’entrer dans une église :

Quand j’avais copié les inscriptions, j’entrais, à l’heure des offices, dans les églises où les enfants chan-taient des prières pour les rois de France, d’Angleterre et de Russie. Le peuple y était fort assidu. J’ai-mais à voir ces figures de matelots s’encadrer dans les auréoles empourprées des figures byzantines qui sont peintes sur les murs et avec lesquelles on leur trouve souvent un type de ressemblance. Les chants

173 - REV, t. I, p. 145.

174 - Edgar Quinet, Le Génie des religions, (1841).

sont singulièrement nasillards et décrépits. La confusion des cérémonies, qui réfléchit la confusion des peuples et des époques, rappelle constamment que ce chaos n’a jamais été organisé par une autorité souveraine. [GM, VIII, p. 174-175]

Cet office tient lieu de spectacle pour le néophyte qui en profite pour distiller ses élans lyriques, en faisant refléter les visages des enfants sur les figures byzantines représentées picturalement au sein de l’édifice. Mais l’imaginaire du Français se heurte à des réalités plus triviales lorsqu’il se moque de la qualité des voix entendues ou de la confusion régnant au sein du rite orthodoxe. En bon catholique, Quinet profite de cette nouveauté cultuelle pour asséner un discours immédiatement axiologique dans l’usage du terme de « chaos » subodorant la « confusion » régnante :

Il y a pourtant un moment où la majesté grecque et son génie d’artiste reparaissent tout entiers. C’est lorsque le prêtre, après être resté invisible pendant l’office, selon la liturgie du polythéisme, ouvre à la fin les rideaux qui le cachent, et tout brillant d’or et d’argent, sous un toit vermoulu se montre immobile avec sa haute mitre et sa longue barbe blanche, comme un symbole de la lumière quand les mystères sont accomplis. [GM, VIII, p. 175]

Le spectacle se poursuit dans la suite de l’extrait par l’entremise de l’avènement du pope caché der-rière ses « rideaux », vêtu d’un accoutrement d’une grande dignité. Représentant de dieu sur terre, le pope apparaît en figure maîtresse dans un halo blanchâtre. Si la ferveur du peuple est ironisée, l’individu garant de cette croyance est au contraire plébiscité, dans une mise en scène théâtrale sans précédent. Cette couleur blanche, symptomatique des attributs du pope, revient encore lorsqu’il est question d’une halte près du monastère d’Agio-Iani à Épidaure où la caravane rencontre un pope particulièrement hospitalier :

Un des parents du pope vint, en son nom, m’offrir l’hospitalité ; je trouvai le prêtre assis sur la terre, vis-à-vis de la porte de sa maison ; il tressait une corbeille de paille. Je ne sais lequel était le plus blanc, de son turban, de son manteau, de sa tunique ou de sa barbe, qui se mêlait avec les tiges d’osier. Quand il se leva en étendant la main sur sa poitrine pour me recevoir, il eût été impossible de se figurer un air de tête plus antique, un ovale plus parfait, un buste plus ressemblant au buste d’Esculape. [GM, X, p. 213-214]

L’immaculée blancheur fait dire à notre voyageur à quel point le caloyer* ressemble à ses ancêtres. L’isolement dans lequel semblent vivre le pope et sa famille les garde de toutes les « vicissitudes des révolutions humaines 176 » comme si le temps n’avait pas eu de prise. Dans les faits, la religion semble déjà dissociée de la cause politique puisque les représentants de l’Église vivent dans un hors-temps qui annihile la distance avec leurs homologues de l’Antiquité, tels qu’Esculape – dieu de la méde-cine –, eu égard au fait qu’un enfant malade se trouve dans la maison du caloyer*.

La distance temporelle dévoyée entre les deux époques est l’occasion d’une réflexion à propos de la propension schismatique de la religion des Hellènes. Dans une page d’un chapitre consacré

au fait politique – le chapitre VII intitulé « Rencontre du Président » – il rend compte de cette vo-lonté de rupture religieuse chère aux Grecs :

Je ne dirai qu’un mot de la religion. Tout le monde accorde que la Grèce, par son anthropomor-phisme, faisait déjà schisme avec le reste de l’humanité religieuse. Non seulement cela paraissait à l’égard de l’Orient, mais aussi à l’égard de Rome. Les dieux de la Grèce ne conservèrent pas le génie cosmo-gonique ; jamais elle ne consentit à la fusion du sacerdoce et du pouvoir politique, que l’Italie païenne emprunta de l’Étrurie et perpétua dans le papisme. L’hérésie byzantine est déjà renfermée tout entière dans l’altération des symboles au temps de Périclès. Le divorce avec le catholicisme païen de l’Orient a commencé dans la race grecque le jour où elle a ramené les grands dieux de l’Égypte aux proportions de l’homme. La révolution moderne a d’ailleurs réveillé dans les plus habiles un sentiment d’orgueil humain et le principe longtemps endormi qui avait fait le schisme. Dans le peuple, l’excès du péril a interrompu les traditions ; et, au fond des forêts, une foule de gnomes et de sylphes, restes des grandes divinités qui les peuplaient autrefois, ont disparu dans l’incendie. [GM, VII, p. 160]

Le doublement de l’adverbe de lieu «  déjà  » fait état d’une permanence de la vision religieuse hellène. Car s’il y a eu schisme entre l’Église d’Occident et celle d’Orient en 1054, cette volonté de divorce s’exprimait dès l’Antiquité (polythéïsme), puisque « la Grèce […] faisait déjà schisme avec le reste de l’humanité religieuse ». Cette permanence légitime le regard historique de Quinet rapprochant l’Antiquité de l’ère moderne. De surcroît, en Hellade, le divorce entre le politique et le religieux se réaliserait avant notre ère, mettant en exergue ce que Quinet nomme « le sentiment d’orgueil humain », nécessaire et commun, selon lui, à l’émancipation politique d’un peuple.

b / La critique religieuse

Il est un philhellénisme religieux qui condamne l’Empire ottoman musulman pour mieux exalter la Grèce chrétienne. En ce sens, la guerre de libération nationale ne se présente plus seu-lement comme un affrontement entre nations mais comme un conflit religieux. En défenseur du christianisme, Chateaubriand déploie un philhellénisme religieux qui s’affirme comme un soutien à la chrétienté face au Mahométisme et s’illustre dans le texte par une critique axiologique de l’Islam. Cet engagement religieux est tangible à la lecture d’un amendement soutenu par le vicomte à la Chambre des Pairs le 13 mars 1826 qui prend place dans le projet de loi concernant le bannisse-ment de la traite des Noirs. Dans « Opinion de M. Le Vicomte de Chateaubriand sur le projet de loi relatif à la répression des délits commis dans les échelles du Levant », l’homme politique fait des rapprochements entre la traite des Noirs et celle des Blancs en prenant appui sur la crise grecque :

Mais l’habitant du Péloponnèse et de l’Archipel, arraché aux flammes et aux ruines de sa patrie ; la femme enlevée à son mari égorgé, l’enfant ravi à la mère dans les bras de laquelle il a été baptisé, toute cette race est civilisée et chrétienne. À qui est-elle vendue ? à la Barbarie et au Mahométisme ! Ici le crime religieux vient se joindre au crime civil et politique, et l’individu qui le commet est coupable au tribunal du Dieu des chrétiens, comme au tribunal des nations policées […] [OC, « Opinion de M. le Vicomte », p. 127-128]

La religion chrétienne symboliserait la civilisation face à une religion islamique barbare. Les Grecs seraient « vendus » symboliquement à ces Barbares primaires dans un mépris et une méconnais-sance totale des Chrétiens d’Occident. Chateaubriand se fait ici juge en condamnant avec force le « crime » mené par un « coupable » désigné qui s’exprime par sa cruauté sans faille au vu des