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La Grèce moderne et ses rapports avec l’Antiquité (1830) inaugure la carrière d’Edgar Quinet,

qui se referme, post mortem, avec la publication de Vie et mort du génie grec (1875). À la faveur de cette observation, le coéditeur du Voyage en Grèce, Jean Tucoo-Chala, a pu conclure par ces mots concis : « Étudier l’hellénisme de Quinet semble donc s’imposer 41 ». Si ces deux textes cadrent la pensée grecque de Quinet, d’autres ouvrages de l’auteur évoquent la terre des Hellènes. Alors que la section relative à la « matière grecque » de Chateaubriand s’établissait thématiquement, nous procéderons ici chronologiquement.

a / L’épistolaire hellénique

Les premiers éléments d’observation de ce dossier grec se dévoilent dans la correspondance placée en annexe 42 de l’édition de référence, où apparaissent quarante-sept lettres et documents inédits, originaux et autographes écrits entre 1828 et 1857. Les co-éditeurs Jean Tucoo-Chala et Willy Aeschimann ont retrouvé l’ensemble de ces inédits dans le « Fonds Quinet » de la Biblio-thèque Nationale de France, dans le carton « Commission de Morée » des Archives de l’Académie des Sciences ou dans le dossier « Expédition de Morée » des Archives Nationales. L’analyse de cette correspondance permet de comprendre la naissance du projet de participation à la Commission scientifique de Morée : sa réalisation, l’établissement et la réception du récit de voyage. Ces lettres peuvent être déclinées en trois catégories marquées par la chronologie : les lettres 1 à 14 concernent la préparation du voyage (L’offensive de juillet / La victoire de décembre / Avant le départ), les lettres 15 à 20 renseignent sur l’expédition effectuée sur place, les lettres 21 à 44 renvoient à l’après périple (publication puis réception du Voyage).

À la lecture de la correspondance épistolaire d’avant le départ, l’engouement du jeune Quinet à rejoindre l’Hellade oscille entre manifestation explicite et découragement manifeste. Les corres-pondants sont alors des hommes à responsabilité publique qui s’écrivent aussi entre eux pour discu-ter du cas d’Edgar Quinet, comme dans cette lettre du 9 août 1828, où le ministre de l’intérieur de Martignac écrit au conseiller d’État de Gérando :

Monsieur le Baron,

J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 31 juillet dernier en faveur de M. Edgar Quinet, qui le premier a témoigné le désir d’aller en Morée pour faire des recherches scientifiques au nom du gouvernement français. Il n’y a rien encore d’arrêté sur le parti à prendre sur ce sujet, mais je ne perds pas de vue la demande de M. Quinet et si les circonstances permettaient de faire des dispositions

41 - Jean Tucoo-Chala, « L’hellénisme d’Edgar Quinet », dans Simone Bernard-Griffiths, Paul Viallaneix (dir.), Edgar

Quinet, ce juif errant, op. cit., p. 69 : « L’œuvre de Quinet s’ouvre, pour ainsi dire, sur De la Grèce moderne et de ses rapports avec l’Antiquité (1830) et se clôt sur Vie et mort du génie grec (1875). Étudier l’hellénisme de Quinet semble

donc s’imposer ».

dans le sens des vœux qu’il a exprimés, je me rappellerais l’intérêt que vous m’avez témoigné pour ce jeune homme et je m’estimerais heureux d’être à même d’employer son zèle et ses talents. Agréez, Monsieur, etc. Le Ministre Secrétaire d’État de l’Intérieur, de MARTIGNAC [GM, « Lettres et documents iné-dits – 3 – 9 août 1828. Lettre de Martignac à Gérando », p. 423]

Par la voix de tierces personnes, cette lettre prouve que l’implication du visiteur d’Heidelberg fut soutenue par les dirigeants français. Décidé à s’en aller faire le tour de la Grèce « au nom du gou-vernement français », Edgar Quinet a su en informer les plus hautes instances. « Son désir » et ses « vœux » ont été entendus par de Gérando qui a précédemment rendu compte de son soutien per-sonnel auprès du ministre de l’intérieur. Nous avons sous les yeux la lettre de réponse de Martignac assurant prendre en considération la demande de son homologue, sans avoir toutefois pu s’arrêter « sur le parti à prendre sur ce sujet ». Le ministre constate cependant le potentiel et la qualité du profil d’Edgar Quinet, reconnaissant tout à la fois « son zèle et ses talents ». À l’été 1828, la situation est au point mort : nul ne sait si le Français fera partie de l’aventure scientifique.

Dans ces quatorze premières lettres, des reliquats de l’abondante correspondance avec Jules Michelet sont aussi exposés. Cette correspondance est signifiante en ce que la sphère privée offre plus de détails sur l’état d’esprit du Français exilé en Allemagne. Le 7 août 1828, Quinet écrit à son ami qu’il lui est indispensable, voire « nécessaire », d’entreprendre la marche vers l’Hellade, quitte à penser un voyage en solitaire si l’expérience collective était inenvisageable :

[…] Si vous connaissez ceux qui dirigent cette société, veuillez leur indiquer mon nom. J’empor-terai avec moi les problèmes de l’Allemagne et les instructions de mon maître et ami M. Creuzer […] Je vous aurai une éternelle reconnaissance de la moindre démarche faite pour moi. Combien je sens cruellement aujourd’hui l’absence, l’isolement loin de Paris ! Des études en Grèce sur la Grèce me sont aussi nécessaires que le jour dans mes recherches sur l’humanité. Il faudra un jour les faire seul et sans ressource, si l’occasion qui se présente me repousse. […] [GM, « Lettres et documents inédits – 2 – 7 août 1828. Lettre de Quinet à Michelet », p. 422]

Autrement nommées « recherches sur l’humanité », ses positions philosophiques inscrites dans la lignée du travail de Herder et de l’idéalisme allemand de son maître Creuzer font montre de l’en-gouement obsessionnel de l’homme de science envers la Grèce. Quinet encourage même son ami à défendre sa candidature pour l’expédition de Morée auprès de qui de droit à Paris, lui qui vit en Al-lemagne, loin des soubresauts politiques. Pour le jeune penseur, « des études en Grèce sur la Grèce » paraissent alors primordiales et justifiées, l’expérience empirique se muant en processus scientifique. En septembre 1838, Quinet exprime à Michelet son désarroi face à l’absence de progression de sa candidature expliquant que les « choses ont tellement traîné que j’ai changé vis-à-vis d’elles 43 ».

43 - GM, « Lettres et documents inédits – 6 : 30 septembre 1828. Lettre de Quinet à Michelet », p. 424-425 : « […] Il est bien certain que si l’affaire de la Grèce ne se décide pas promptement je n’y veux pas rester à jamais attaché ; mes travaux seront bientôt préparés au point que je ne pourrai plus les interrompre. Ce que je trouvais bon et sage dans tel temps de ma vie ne sera plus pensable si l’époque se passe. Déjà les choses ont tellement traîné que j’ai changé vis-à-vis d’elles. Toutes les démarches que j’ai cru devoir faire pour l’exécution de ce projet sont faites. Si après tout cela elles ne

Le natif de Bourg-en-Bresse accuse le coup d’une déception qui n’est pas sans indiquer des germes de sa désaffection future de la Commission. Il semblerait que ses recherches soient déjà lancées et que l’expédition de Morée ne soit, à la rigueur, qu’un prétexte pour partir dans les meilleures conditions. En décembre 1828, la situation se débloque enfin, Quinet ayant été choisi parmi des candidats. C’est pourquoi de Gérando, dont le soutien est infaillible, se délecte d’une telle victoire : « Je me hâte, mon bien cher compatriote, en réponse à votre lettre du 8 de ce mois, de vous annoncer que vos vœux ont été remplis, que vous avez été désigné pour faire partie de l’expédition scientifique en Grèce 44 ».

Au fil du séjour, le pérégrin entretient une correspondance privée qui dévoile une personna-lité amicale, non avare d’anecdotes du quotidien. Ces lettres ont pour vocation de rassurer son ami Jules Michelet sur son état de santé comme l’indique cette lettre du 11 mars 1829 : « Rassurez-vous, mon cher et bon ami, me voici en parfaite santé au milieu des Grecs, qui sont très sympathiques et nos vrais amis 45 ». Nous retenons de ces quelques mots la bonne adaptation du voyageur dans un contexte étranger et l’amitié franco-hellène qui s’en dégage.

Les lettres écrites au retour nous apprennent qu’Edgar Quinet a réclamé l’argent qui lui était dû en tant que membre de l’expédition, attitude qui laisse à penser quand on mesure sa désertion. S’étant volontairement écarté de l’expédition, il ne s’empêchera pas, toutefois, de continuer à se désigner membre de la commission scientifique de Morée. Une lettre du 2 juillet 1831 destinée à la Commission de l’Institut attire tout particulièrement notre attention puisqu’elle expose les vœux de l’explorateur par rapport à la mission française. Après publication de sa Relation de voyage, Quinet souhaite rendre public le travail rapporté de Morée dans le cadre de l’ouvrage de la Commission. Ses dossiers, mémoires ou dissertations proposés à soumission à la France pour examen sont consignés selon les catégories suivantes :

1/ Un recueil d’inscriptions inédites.

2/ Une dissertation sur la Topographie de Messène.

3/ Des observations philologiques et géographiques sur la Messénie, la Laconie, l’Argolide, la Corinthie, une partie de l’Attique, Égine et diverses îles de l’Archipel.

4/ Une suite d’observations sur l’architecture grecque, depuis l’époque cyclopéenne jusqu’à l’époque byzantine, dans ses rapports avec l’histoire et la géologie de la Grèce.

5/ Des observations sur la mythologie antique et primitive dans ses rapports avec la nature et le climat de la Grèce.

6/ Des rapports des migrations antiques et des migrations du Moyen Age dans la Morée. 7/ Des bas-reliefs trouvés à Égine et de leur rapport avec l’art éginétique.

8/ Résumé des rapports généraux de la Grèce ancienne et moderne.

[GM, « Lettres et documents inédits – 34 – 2 juillet 1831. Lettre et exposé de Quinet à la Commission de l’Institut », p. 454]

réussissent pas d’elles-mêmes, c’est que le projet n’était pas bon, du moins pour moi. Dans le cas où je serais propre à quelque chose en France, je suis heureux de me dire que vous du moins pensez à moi […] ».

44 - GM, « Lettres et documents inédits – 8 : 17 décembre 1828 : Lettre de Gérando à Quinet », p. 425. 45 - GM, « Lettres et documents inédits – 15 : 11 mars 1829 : Lettre de Quinet à Michelet », p. 432.

Le 11 juillet 1831, un représentant des autorités du nom de M. Hase répond au membre de l’ex-pédition en indiquant que les quatre premiers mémoires semblent à première vue convenir, mais nécessitent d’être développés. La Commission désire prendre connaissance «  des matériaux qui doivent entrer dans ces quatre dissertations 46 » avant d’éventuellement procéder à leur publication. Les quatre mémoires restants sont quant à eux rejetés pour faire partie de l’ouvrage final car ils ne contiennent aucun « fait positif », à traduire par fait objectif. Après réclamation, un cinquième mé-moire sera toutefois ajouté à cette somme de rapports à publier. Cette masse d’informations consti-tue une strate additionnelle du dossier grec et indique d’emblée que la Commission de Morée se méfiait du caractère écrit et littéraire des rapports quinetiens. La deuxième dissertation concernant la topographie de Messène est exposée dans l’édition de référence tout comme les relevés d’inscrip-tions, qui seront à étudier au moment opportun.

Les écrits référentiels doivent être augmentés des Lettres à sa mère publiées indépendamment qui démontrent plus que jamais son engagement en faveur de la Grèce. Un Journal, porté disparu par Hermione Quinet, a été retrouvé par Willy Aeschimann sous la forme de quatre carnets conser-vés à la Bibliothèque Nationale. À notre tour, nous les avons consultés mais n’avons pu les déchiffrer au vu de leurs caractères illisibles, sauf quelques rares exceptions. M. Aeschimann a réussi un tour de force épigraphiste et a fait part au public de leur contenu dans l’édition de référence. Ces carnets contiennent des croquis et des relevés d’inscriptions [ANNEXES 76 et 83] consignés à la fin de l’édition qui dénotent la propension scientifique du voyageur. Le Journal diverge du Voyage en cela qu’il consigne scrupuleusement la chronologie alors que la Grèce moderne ne mentionne que quatre dates (2 mars, 12 mars, 12 avril, 30 avril). Ainsi, le Journal se présente comme l’état embryonnaire du Voyage. Pour s’en convaincre, comparons ce qui a été écrit à la même date – 12 mars 1829 – dans le Journal puis dans la Relation :

Le 12 mars, à neuf heures du matin, je suis parti avec Schinas et le comm[and]ant Hennoque pour prendre le chemin pavé à gauche de l’ancienne Modon. On monte. Ruines d’un village. L’île Sa-pienza à droite. Nom d’un village, Sismani ; sur le sommet, redoute d’Ibrahim, d’où l’on voit les som-mets de neige du Taygète. [GM, « Journal », p. 320-321]

Le jour même où les pluies cessèrent, le 12 mars au matin, je partis avec deux officiers, un peu après le lever du soleil. Nous formions ensemble une petite caravane. Nos guides couraient à côté de nous avec leurs ceintures d’acier et leurs amulettes de pain bénit ; ils chantaient depuis le moment du départ. Pour moi, s’il faut le dire, ce que j’avais vu jusque-là m’avait rendu indifférent à l’Antiquité ; tant de malheurs présents m’avaient presque fait oublier le passé du pays où j’étais. Mais ces souvenirs me revenant peu à peu, à mesure que nous avancions, il me sembla que ma pensée s’épanouissait à tout un monde de tradition et de merveilles avec les anémones qui s’ouvraient au soleil, les renoncules qui s’em-plissaient de gouttes de rosée, les voiles du port que les bateliers déliaient des mâts, et qui se gonflaient aussitôt de la brise du matin.

Courons vite, mes braves guides. Avant que la rosée soit tombée, avant que l’alouette soit levée, avant que les vipères soient sorties des rochers ; allons voir si vraiment ces vieilles villes sont endormies,

comme on le dit, sur les sommets, ou à mi-côte, ou dans la plaine. La Grèce tout entière est une fleur du matin éclose dans la nuit. Vite, allons-la cueillir sous ces broussailles, sous ces forêts que vous savez. Le soir du monde approche, son parfum va finir. Et nous pressions nos chevaux des lames de nos étriers turcs, en quittant la route et le plateau de Sismani.

De là, on aperçoit déjà les sommets de neige du Taygète. [GM, I, p. 21-22]

Le lecteur remarquera d’emblée l’excroissance textuelle du Voyage. Les trois lignes du Journal sont ainsi multipliées par cinq dans la version finale. C’est dire à quel point le Journal condense les informations quand la Relation les étaye. Aucune syntaxe n’est nécessaire dans le Journal. Les in-formations sont efficacement données. Les phrases nominales s’apparentent à des notes, sous forme de liste. La version littéraire du voyage est quant à elle étoffée. Elle propose une lecture orientée du paysage, proche du registre lyrique, puisque les anémones et les renoncules déploient leurs couleurs. Au début du deuxième paragraphe, un travail stylistique s’affirme dans l’usage du rythme ternaire « avant que » martelant la syntaxe. Les images se découvrent encore dans l’usage de formules élo-quentes : « La Grèce tout entière est une fleur du matin éclose dans la nuit ».

b / Une Grèce de fiction et « de fantaisie »

Au-delà des écrits référentiels, toutes sortes de références grecques apparaissent dans la fiction en amont et en aval de l’expédition. Dans les Tablettes du juif errant, (1822-1823), Edgar Quinet propose une « Grèce de fantaisie » d’après Jean Tucoo-Chala 47 en mettant en scène Isaac Laque-dem-Candide, un héros en proie à la découverte des philosophes de l’Athènes romaine avant d’être fouetté à Delphes d’où il enlève la pythie. Trois années après La Grèce moderne – à considérer comme le pilier de son œuvre grecque – est publié Ahasvérus dans lequel, d’après Jean Tucoo-Chala 48, « l’in-termède lyrique de la troisième “journée” évoque “la vague de la baie de Zéa” ». Les images perçues lors du périple servent ainsi de décor aux écrits futurs. Dans son Histoire de la poésie (1836-1837), Quinet s’adresse encore à la Muse grecque qui supplante le génie latin. Ainsi Rome symbolise-t-elle la barbarie, l’impérialisme et le prosaïsme alors qu’Athènes représente la démocratie, la paix et la poésie. Ses souvenirs grecs semblent être bien présents dans ces vers :

Je n’ai point oublié le sentier de l’Attique. J’ai suivi, sous la brise, au bord de mon caïque, Dans le flot albanais la plainte de Sapho.

Mes yeux ont vu de près les grands dieux sur leur faîte ; Et, dans ma longue nuit, des cinq voix du Taygète J’entends partout l’écho.

[HP, VIII, p. 56]

47 - Jean Tucoo-Chala, « L’hellénisme d’Edgar Quinet », dans Simone Bernard-Griffiths, Paul Viallaneix (dir.), Edgar

Quinet, ce juif errant, op. cit., p. 70.

Le chapitre III de son Histoire de la Poésie est ainsi consacré à « l’influence des poèmes d’Homère sur la religion et l’unité des Grecs ». C’est dire à quel point la Grèce innerve son Œuvre de façon transgénérique. On pourrait encore trouver du matériau grec dans Prométhée (1838) ou Merlin

l’enchanteur (1860). Le jeune Merlin, élève de Taliésin, apparaît comme un double du disciple de

Creuzer. Le voyage mythique de Merlin conté dans les livres XI à XVI est à rapprocher de celui de Morée. Jean Tucoo-Chala ajoute que « […] la correspondance échangée entre Viviane et Merlin au Livre XIII est la transposition de celle que Quinet et sa fiancée Minna Moré échangèrent pendant le voyage en Morée 49 ». En conclusion, il semble que le vécu grec prenne place dans la fiction poétique.

c / Le crépuscule hellénique

La Grèce est encore présente dans les réflexions théoriques. Pour l’obtention de sa thèse de philosophie, Quinet écrit un essai intitulé Essai de classification des Arts dans lequel il démontre la su-périorité de l’art grec sur l’art romain. L’art grec représenté par la sculpture y dominerait l’art oriental quintessencié dans l’architecture ainsi que l’art chrétien qui utiliserait la peinture. La poésie – essentiel-lement grecque – subsumerait à elle seule l’ensemble de ces arts à travers la figure tutélaire d’Homère.

L’ultime résurgence de l’hellénisme quinetien réside pour finir dans son dernier opus : Vie et

mort du génie grec publié à titre posthume en 1878 par Hermione Quinet. Il ne s’agit que d’un

frag-ment inédit où les notes de sa femme sont peut-être plus importantes que le texte initial composé d’une soixantaine de pages. En exergue apparaît cette éloquente formule datée de mars 1875 : « Où me réfugier pour ne pas voir ce que je vois, pour ne pas entendre ce que j’entends ? Je me réfugierai sur un roc inaccessible, le monde Grec. J’en montrerai la formation dans l’âge classique ». Cinq années après son retour d’exil, au crépuscule de sa vie, Quinet semble être frappé par la défaite de 1871. C’est alors que ses yeux se tournent naturellement vers la Grèce classique dont il loue les re-présentants. Il y reconnaît le génie grec au faîte de sa gloire, bien qu’éphémère, ainsi que l’héroïsme de ses représentants. Douze chapitres – le dernier est inachevé – s’égrènent pour développer les questions de génie et de sagesse du monde grec, notamment à travers les historiens Thucydide ou Hérodote, le poète Pindare ou le dramaturge tragique Eschyle. Dans le premier chapitre s’intéres-sant à la formation du génie grec, le dernier paragraphe se détache :

Comment a-t-on pu, jusqu’ici, séparer des guerres médiques l’Art grec qui en est sorti, et qui en est la couronne ? Je vois les lettres, les arts, les marbres, s’épanouir au souffle de ces victoires. L’Hellade, qui a failli périr, a triomphé du Barbare. Quel écrivain, quel poëte, quel statuaire ne répondra à un pareil moment ? Cela explique l’intarissable fécondité de ces premiers jours. Quel sommet de montagne ne s’ornera d’un temple pour porter au ciel la reconnaissance de la terre hellénique ? Et quel pourra être le caractère de ces œuvres ? Celui que donne le sentiment d’avoir vaincu. C’est-à-dire la paix, l’équilibre, la