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a / L’itinéraire de paris à Jérusalem comme pièce maîtresse

La question grecque de Chateaubriand est d’une remarquable laxité, à considérer cette « ma-tière » comme une étiquette désignant tous les travaux de l’auteur relatifs au pays, qu’il s’agisse de textes engagés en politique ou de récits fictionnels au parfum de l’Hellade. La première partie de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem appelée « Voyage de la Grèce » constitue la pierre angulaire de ce dossier hellénique. Cet écrit grec peut être augmenté par quelques pages inaugurant le deuxième volet de la Relation nommé « Voyage de l’Archipel 4, de l’Anatolie et de Constantinople », consacré à la pérégrination dans les îles de l’Archipel [ANNEXE 37], qui appelle à penser les frontières du monde grec :

Je changeais de théâtre : les îles que j’allais traverser étaient, dans l’Antiquité, une espèce de pont jeté sur la mer pour joindre la Grèce d’Asie à la véritable Grèce. Libres ou sujettes, attachées à la fortune de Sparte ou d’Athènes, aux destinées des Perses, à celles d’Alexandre et de ses successeurs, elles tom-bèrent sous le joug romain. […]

De cette lutte des Grecs, des Turcs et des Latins, il résulta que les îles de l’Archipel furent très connues dans le moyen âge : elles étaient sur la route de toutes ces flottes qui portaient des armées ou des pèlerins à Jérusalem, à Constantinople, en Égypte, en Barbarie ; elles devinrent les stations de tous ces vaisseaux génois et vénitiens qui renouvelèrent le commerce des Indes par le port d’Alexandrie […] [IPJ, II, p. 225]

À cheval entre Grèce « continentale » et « asiatique », ces îles ont un statut des plus ambigus étant donné que le « change[ment] de théâtre » ou « de plateau » d’un pays à l’autre, signe de séparation entre deux mondes, est contrecarré par le fait qu’elles s’apparentent à « une espèce de pont jeté sur la mer » augurant une relative continuité. Tour à tour sous domination grecque, turque ou romaine 5, ces terres maritimes ont été si disputées qu’elles ont acquis, au gré des conquêtes successives, une certaine autonomie doublée d’autosuffisance. À mi-chemin entre deux mondes, aux confins de la « véritable Grèce » et de celle de l’Anatolie, ces îles plongent le voyageur – et avec lui son lecteur – dans un espace maritime proche de l’intemporel. Ces « stations marines » sont arpentées par des voyageurs ancestraux depuis le VIIe siècle et figurent une frontière invisible entre des terres jumelles et ennemies. Cette parenthèse égéenne propose une pérégrination du Cap Sunium – à la pointe

4 - Les îles de l’Archipel désignent les actuelles îles des Cyclades et du Dodécanèse. Le passage relatant cette traversée en mer Égée est étendu [IPJ, II, p. 225-233].

de l’Attique – jusqu’à Smyrne, l’actuelle Izmir, qui était alors une riche cité de l’Empire ottoman. Le premier arrêt de l’homo viator et de ses compagnons s’effectue à Zéa – actuelle Kéa et antique Céos – pour participer à une noce de la famille de M. Pengali. Le voyageur change ensuite de bateau, passant d’un caïque* à une felouque* 6 au niveau de l’actuelle Tinos. Depuis sa felouque* hydriote, il s’agit d’observer attentivement les rivages de Scyros, Délos et Naxos pour remonter vers Scio – actuelle Chios – qui deviendra tristement célèbre à partir d’avril 1822 du fait des massacres qui y seront perpétrés par les Ottomans. En 1806, Chio est principalement connue pour être la digne et « fortunée patrie d’Homère 7 ». Les compagnons de route viennent y mouiller dans le port et au petit matin du 1er octobre 1806, Chateaubriand y passe quelques heures pour rencontrer un chirurgien et visiter la ville avec son fils.

Le souvenir de la Grèce innerve ces quelques pages dans lesquelles aucun changement de ton, de style ou de forme n’est opéré par rapport à la première partie du texte : « […] cette première vue d’une île de l’Archipel ne me charma pas infiniment ; mais j’étais accoutumé aux mécomptes 8 ». Ce sont les mêmes constats déceptifs opérés 9, éclipsés à Zéa par l’hospitalité de son hôte M. Pengali 10

qui invite les voyageurs à une noce 11, mais aussi par le recours à l’imaginaire, qui convoque des sources antiques, telles que L’Odyssée : « Je sacrifiai sur le champ à M. Pengali les ruines d’Ioulis, où j’étais d’abord résolu d’aller, et je me déterminai, comme Ulysse, à prendre part aux festins d’Aristo-noüs 12 ». Les ressorts textuels en présence se placent dans la droite ligne de la première partie (mirage grec, constat actuel déceptif, recours à l’imaginaire et aux sources antiques, historique des lieux par-courus, réflexions sur l’état du pays traversé). En somme, nous pouvons considérer que ces quelques pages appartiennent à la « matière grecque » dans la mesure où elles prolongent le « Voyage de la Grèce » et font le lien avec le « Voyage de l’Archipel, de l’Anatolie et de Constantinople ». Épicentre

6 - IPJ, II, p. 232 : « Notre felouque, très légère et très élégante, portait une grande et unique voile taillée comme l’aile d’un oiseau de mer. Ce petit bâtiment était la propriété d’une famille ; cette famille était composée du père, de la mère, du frère et de six garçons. Le père était le capitaine, le frère le pilote, et les fils étaient les matelots ; la mère préparait les repas. Je n’ai rien vu de plus gai, de plus propre et de plus leste que cet équipage de frères. La felouque était lavée, soignée et parée comme une maison chérie ; elle avait un grand chapelet sur la poupe, avec une image de la Panagia, surmontée d’une branche d’olivier ». 

7 - IPJ, II, p. 232. L’expression citée est de Fénelon dans les Aventures d’Aristonoüs. 8 - IPJ, II, p. 226.

9 - IPJ, II, p. 231. Alors qu’il décrit sa traversée de la mer Égée et certaines des Cyclades aperçues depuis la felouque* hydriotte, Chateaubriand fait cette observation : « Mais toutes ces îles si riantes autrefois, ou peut-être si embellies par l’imagination des poètes, n’offrent aujourd’hui que des côtes désolées et arides. De tristes villages s’élèvent en pain de sucre sur des rochers ; ils sont dominés par des châteaux plus tristes encore, et quelquefois environnés d’une double ou triple enceinte de murailles : on y vit dans la frayeur perpétuelle des Turcs et des pirates. Comme ces villages fortifiés tombent cependant en ruines, ils font naître à la fois, dans l’esprit du voyageur, l’idée de toutes les misères ».

10 - Une exception qui fait écho à celle d’Ibraïm-Pacha à Mistra.

11 - IPJ, II, p. 229. Le mirage grec fait pendant, dans l’extrait à suivre, à l’hospitalité des Modernes rencontrés. Chateaubriand, alors meurtri par des coups de soleil fait cette remarque : «  Mon hôte me donnait l’exemple du courage : il souffrait dans ce moment même des maux cruels ; et au milieu du chant de ses filles, la douleur lui arrachait quelquefois des cris. Tout cela faisait un mélange de choses extrêmement bizarres ; ce passage subit du silence des ruines au bruit d’un mariage était étrange. Tant de tumulte à la porte du repos éternel ! Tant de joie auprès du grand deuil de la Grèce ! ».

de la question grecque, l’Itinéraire de Paris à Jérusalem est, pour le dire avec Philippe Antoine, « une pièce essentielle du dossier grec 13 » mais il gagne à être mis en relation avec d’autres écrits.

b / Le complément fictionnel des Martyrs

L’Itinéraire de Paris à Jérusalem a été pensé en complément des Martyrs 14 étant donné que l’homme de lettres avait pour ambition d’ « aller chercher des images » en Grèce afin d’observer in

situ les décors de sa future épopée chrétienne :

J’avais arrêté le plan des Martyrs : la plupart des livres de cet ouvrage étaient ébauchés ; je ne crus pas devoir y mettre la dernière main avant d’avoir vu les pays où ma scène était placée : d’autres ont leurs ressources en eux-mêmes ; moi j’ai besoin de suppléer à ce qui me manque par toutes sortes de travaux. Ainsi, quand on ne trouvera pas dans cet Itinéraire la description de tels ou tels lieux célèbres, il faudra la chercher dans les Martyrs. [IPJ, I, p. 75]

Cette épopée chrétienne en prose conte les voyages et amours d’Eudore, officier chrétien de l’armée romaine sous l’Empire de Dioclétien au IIIe siècle de notre ère. Le parcours initiatique d’Eudore le mène sur la voie du christianisme vertueux. Ses amours avec Cymodocée, jeune païenne grecque convertie au christianisme ainsi qu’avec la druidesse gauloise Velléda y sont longuement décrites. Condamné lors de la persécution des chrétiens, Eudore sera suivi dans la mort par Cymodocée, transformant les deux amants en martyrs. Dans cette épopée en prose sur fond de Grèce pitto-resque, Chateaubriand tente de montrer que le christianisme se prête bien mieux que le paganisme à l’expression du merveilleux. La Grèce n’y est présente que dans le décorum et dans l’expression du pittoresque. Dans les Martyrs de Dioclétien comme dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, l’écrivain fait ses adieux aux Muses en clausule, à entendre comme une sortie du champ littéraire :

J’ai fait mes adieux aux Muses dans les Martyrs, et je les renouvelle dans ces Mémoires qui ne sont que la suite ou le commentaire de l’autre ouvrage. Si le ciel m’accorde un repos que je n’ai jamais goûté, je tâcherai d’élever en silence un monument à ma patrie ; si la Providence me refuse ce repos, je ne dois songer qu’à mettre mes derniers jours à l’abri des soucis qui ont empoisonné les premiers. Je ne suis plus jeune ; je n’ai plus l’amour du bruit ; je sais que les lettres, dont le commerce est si doux quand il est se-cret, ne nous attirent au-dehors que des orages : dans tous les cas, j’ai assez écrit, si mon nom doit vivre ; beaucoup trop, s’il doit mourir. [IPJ, VII, p. 542]

Le poids des années semble s’abattre sur le voyageur qui file la métaphore de la tempête pour si-gnifier son impossibilité à affronter les critiques et revers littéraires. Lucide sur le caractère prolixe

13 - Philippe Antoine, « Chateaubriand et la Grèce », Orages, n°3, L’Histoire peut-elle s’écrire au présent ?, mars 2004, p. 77. 14 - IPJ, « Préface de la première édition », p. 55 : « Si je disais que cet Itinéraire n’était point destiné à voir le jour, que je le donne au public à regret et comme malgré moi, je dirais la vérité, et vraisemblablement on ne me croirait pas ». [ANNEXE 1].

de son activité, il explique son désir de retrait de l’exténuante vie littéraire. Alors que le narrataire est constamment appelé à se référer au substrat intertextuel, le lecteur réel s’empresse de retrouver ses adieux en ouverture du Livre XXIV de l’épopée :

Ô Muse, qui daignas me soutenir dans une carrière aussi longue que périlleuse, retourne mainte-nant aux célestes demeures ! J’aperçois les bornes de la course ; je vais descendre du char, et pour chanter l’hymne des morts, je n’ai plus besoin de ton secours. […] C’en est fait, ô Muse, encore un moment, et pour toujours j’abandonne tes autels ! Je ne dirai plus les amours et les songes séduisants des hommes : il faut quitter la lyre avec la jeunesse. Adieu, consolatrice de mes jours, toi qui partageas mes plaisirs, et bien plus souvent mes douleurs ! Puis-je me séparer de toi sans répandre de larmes ! [MART, XXIV, p. 482]

Au moment de conter le sort tragique des époux martyrs, Chateaubriand invoque la Muse dans l’optique de « quitter la lyre avec la jeunesse ». Ces doubles adieux, effectués en 1809 dans Les

Mar-tyrs puis réitérés dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem en 1811, fonctionneraient par jeu de renvoi. Il

s’agirait d’évoquer son envie de sortir de la fiction pour s’engager vers l’écriture historiographique. L’idée serait d’oublier la littérature sans pour autant renoncer à l’écriture, de quitter le fictionnel (et le lyrisme) pour entrer dans le référentiel. Après 1811, un projet d’Histoire de France sera engagé avant d’être avorté qui sera suivi par les Études Historiques publiées en 1831 puis par les Mémoires

d’Outre-Tombe, constituant l’œuvre d’une vie.

L’Itinéraire de Paris à Jérusalem est envisagé par son rédacteur en position ancillaire, comme la « suite ou le commentaire » en supplément des Martyrs. Or la réception a accueilli plus favora-blement le complément que l’original, délaissant les Martyrs pour louer la richesse stylistique du Voyage en Orient 15 qui acquiert, grâce à la critique, ses lettres de noblesse.

c / Les « mémoires d’une année de ma vie »

La « matière grecque » s’étoffe par des écrits référentiels faisant écho à la volonté mémorialiste : « Je prie donc le lecteur de regarder cet Itinéraire, moins comme un Voyage que comme des Mé-moires d’une année de ma vie 16». L’auteur enjoint son lectorat d’appréhender le versant référentiel et autobiographique du Voyage. Il ira vérifier cette assertion dans les Mémoires d’Outre-Tombe, qui, lors de l’évocation des années 1805-1806 17, confirme les dires de la préface de la Relation de voyage :

Ma vie étant exposée heure par heure dans l’Itinéraire, je n’aurais plus rien à dire ici, s’il ne me res-tait quelques lettres inconnues écrites ou reçues pendant et après mon voyage. Julien, mon domestique

15 - Dans l’édition savante de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, la cinquième annexe est consacrée à « La réception de l’Itinéraire dans la presse de 1811 », p. 1035-1136.

16 - IPJ, « Préface de la première édition » p. 56 [ANNEXE 1] : « Au reste, c’est l’homme, beaucoup plus que l’auteur que l’on verra partout ; je parle éternellement de moi et j’en parlais en sûreté, puisque je ne comptais point publier ces Mémoires ».

et compagnon, a, de son côté, fait son Itinéraire auprès du mien, comme les passagers sur un vaisseau tiennent leur journal particulier dans un voyage de découverte. Le petit manuscrit qu’il met à disposition servira de contrôle à ma narration : je serai Cook, il sera Clerke. [MOT, XVIII, 1, t. I, p. 793-794]

L’analogie entre les voyageurs français et britanniques insère un jeu avec la « bibliothèque » du lec-teur ainsi qu’avec l’aura de Chateaubriand rehaussée par la grandeur du célèbre navigalec-teur qu’était James Cook. Plutôt que de réécrire son expérience viatique à l’identique dans son autobiographie ou ses Mémoires, Chateaubriand propose à ses lecteurs une confrontation alternant des extraits du

Journal de Julien et du Voyage en Orient. Faut-il rappeler que cette matière grecque des Mémoires d’Outre-Tombe est minime dans la mesure où Julien n’a pas accompagné son maître dans le

Pélo-ponnèse et a poursuivi seul sa route de Modon à Smyrne ? Dans le premier extrait du Journal de

Julien, on découvre la composition de l’équipage lors de la traversée du 1er au 10 août 1806 : « Notre équipage n’était composé que de huit matelots, d’un capitaine, d’un officier, d’un pilote et d’un cuisinier, et cinq passagers, compris Monsieur et moi, ce qui faisait en tout dix-sept hommes 18 ». Les dates coïncident avec celles inscrites dans le « Voyage de la Grèce ». Julien explique encore que son maître, qu’il nomme Monsieur, compte faire une excursion péloponnésiaque de moins d’une semaine : « Il nous dit en nous quittant que ce voyage ne serait que de quelques jours, qu’il rejoin-drait le bâtiment à une île où nous devions passer dans quatre ou cinq jours, et qu’il nous attenrejoin-drait dans cette île, s’il y arrivait avant nous 19 ». L’information est remarquable puisque nous savons que Chateaubriand fut tancé pour la vélocité de son périple qui aura duré – in fine – plus de temps qu’escompté. Le lecteur sera sensible à la différence perceptible entre le récit pragmatique de Julien 20

et les interventions lyriques du voyageur :

Je vois aujourd’hui, dans ma mémoire, la Grèce comme un de ces cercles éclatants qu’on aperçoit quel-quefois en fermant les yeux. Sur cette phosphorescence mystérieuse se dessinent des ruines d’une ar-chitecture fine et admirable, le tout rendu plus resplendissant encore par je ne sais quelle autre clarté des muses. Quand retrouverai-je le thym de l’Hymète, les lauriers-roses des bords de l’Eurotas ? [MOT, XVIII, 1, t. I, p. 796]

Les deux extraits précités ne sont pas de même facture, à tel point que lorsque Julien relate les faits, Chateaubriand déploie un lyrisme exacerbé rehaussé de lumière et d’images. Très vite, ces récits en doublon s’orientent vers Constantinople et n’alimentent plus la question grecque. Cette confrontation des récits a pour fonction de rendre compte de l’exactitude référentielle de l’un tandis que l’autre en joue 21. Dans ces quelques pages des Mémoires d’Outre-Tombe, on découvre encore

18 - MOT, XVIII, 1, t. I, 794. 19 - Ibid., p. 795.

20 - Le Journal de Julien est transcrit entre guillemets dans l’œuvre du mémorialiste.

21 - MOT, XVIII, 3, t. I, p. 816 : À la suite d’une lettre de Jules Folentlot louant « l’exactitude scrupuleuse des descriptions » de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand poursuit : « Mon exactitude tient à mon bon sens vulgaire ; je suis de la race des Celtes et des tortues, race pédestre ; non du sang des Tartares et des oiseaux, races pourvues de chevaux et d’ailes ».

des inédits tels que des lettres envoyées par des témoins du voyage. M. Pangalo (fils de M. Pengali dans le Voyage en Orient) gratifie le pérégrin de remerciements chaleureux dans une lettre du 13 août 1816, vantant les qualités de « son Excellence » et le remerciant d’avoir évoqué de manière élo-gieuse l’hospitalité de sa famille sur l’île de Zéa. L’enchantement grec de Chateaubriand transparaît encore dans cet intertexte interne rédigé à Paris en 1839 :

Voudrais-je revoir ces contrées lointaines ? Une ou deux, peut-être. Le ciel de l’Attique a produit en moi un enchantement qui ne s’efface point ; mon imagination est encore parfumée des myrtes du temple de la Vénus aux jardins et de l’iris du Céphise. [MOT, XVIII, 3, t. I, p. 820]

De sa circumnavigation méditerranéenne dans ces « contrées lointaines », l’homo viator ne retient que l’Hellade qui occulte d’un halo les autres terres parcourues.

À cet écrit autobiographique doit s’adjoindre la correspondance effectuée entre juillet 1806 et mai 1807 transcrite dans l’édition contemporaine des Œuvres Complètes impulsée par Béatrice Didier aux éditions Honoré Champion. Dans le volume de 2011 comprenant les tomes VIII-IX-X de l’édition originale Ladvocat, ces lettres apparaissent dans la deuxième annexe 22. Classée par ordre chronologique, la correspondance est établie à destination de Joseph Joubert, Madame de Talaru, Louis-François Bertin, Jean-Jacques Faget de Baure, Mathieu Molé, Alexandre Pillavoine, Madame de Pastoret. Bien qu’aucune lettre n’ait été écrite entre le 30 juillet (Trieste) et le 13 septembre 1806 (Constantinople), certaines références à la Grèce y sont distillées. Dans une lettre du 26 juillet écrite à Venise et destinée à sa cousine Madame de Talaru, on lit : « Je lui [Mme de Chateaubriand] jure que je ne voyagerai plus, et je tiendrai ma parole. Cette dernière excursion était absolument nécessaire pour achever mon ouvrage, et encore plus pour compléter dans mon esprit une suite d’observations et de connaissances pour lesquelles j’ai déjà fait tant de sacrifices 23 ». Le lecteur attentif remarque ainsi que le positionnement est le même qu’aux premières lignes de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem quand le voyageur déclarait : « […] un voyage en Orient complétait le cercle des études que je m’étais toujours promis d’achever 24 ». La nécessité d’un tel périple s’impose eu égard aux connais-sances engagées et au parcours romain déjà effectué.

d / Écrits historiques et politiques

Après les écrits fictionnels et référentiels, les textes historiques viennent enrichir la question grecque. À la faveur des éditions successives de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand pro-pose d’agréger des écrits politiques à son texte initial, ainsi qu’effectué dans l’édition des Œuvres