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Afin de mieux cerner l’évaluation des compétences culturelles et interculturelles dans l’enseignement du chinois en France, il convient tout d’abord de prendre connaissance des relations sino-françaises. Les premiers contacts sont issus de l’essor missionnaire. Au ⅩⅦe siècle, des Jésuites français envoyés par Louis ⅩⅣ commencent à s’implanter en Chine pour faire face au monopole des missions portugaises et du pape. Une Mission française est alors créée à Pékin pour des raisons religieuses, culturelles et diplomatiques. Au ⅩⅧe siècle, la « querelle des rites » entre les Jésuites et le Saint-Siège sur la compatibilité des rites chinois avec la foi chrétienne conduit à la relégation des missionnaires et à la persécution des Chrétiens. Au ⅩⅨe siècle, les Jésuites français reprennent graduellement leur mission dans un pays fermé et perturbé par les guerres coloniales. En étant à l’origine des premiers échanges entre les deux pays, les Jésuites constituent à cette époque-là la seule puissance qui fait connaître l’Occident auprès des autorités chinoises.

On retrouve au début du ⅩⅧ siècle une fascination pour la Chine des explorateurs et des savants. Avec la publication de la documentation envoyée par les missionnaires à leurs supérieurs, les esprits français commencent à découvrir la civilisation chinoise. A partir de la 2ème moitié du ⅩⅧ siècle, la perception de la Chine se transforme en critique, avec par exemple, les articles sur la Chine de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert144. Tout au long

du ⅩⅨ siècle, les savants, missionnaires, explorateurs, journalistes, militaires et négociants font apparaître dans leurs carnets de voyage les résultats de leurs missions d’exploration. A partir de cette époque-là, les savants commencent à s’intéresser à l’étude du chinois. La France est la première nation européenne à considérer la sinologie comme une discipline scientifique avec notamment la création en 1814 au Collège de France, d’une chaire de

144 Encyclopédie de Diderot et d’Alembert sur ligne, http://xn--encyclopdie-ibb.eu/, page

Langue et Littérature chinoises. L’Ecole spéciale des Langues Orientales à laquelle l’INALCO doit son origine, est créée en 1795 pour former des interprètes, et une chaire de chinois y est ouverte en 1843.

Après cette période d’échanges paisibles de nature culturelle et intellectuelle, la France, ainsi que d’autres puissances étrangères, s’engage pour obtenir l’ouverture du marché chinois qui était jusque-là fermé - mise à part la ville de Canton - par tous les moyens et plus particulièrement par différentes guerres, pour en tirer des bénéfices économiques. La relation bilatérale entre les deux pays dans la 2ème moitié du ⅩⅨ siècle est donc marquée par des guerres qui obligent progressivement la Chine à s’ouvrir vers les capitaux étrangers et aux réformes.

Associée avec l’Angleterre, la France se lance dans la Deuxième Guerre de l’opium (第二次鸦片战争) d’abord autour de Canton, puis en Chine centrale, et enfin en direction de Pékin. La mise à sac du Palais d’été aboutit à la signature du traité de Tianjin (《天津条约》) entre la Chine et la France. Onze nouveaux ports sont ouverts au commerce occidental et la libre circulation des missionnaires est établie. La Chine accepte d’entretenir avec la France et d’autres pays occidentaux des relations diplomatiques proprement dites et de payer des indemnités de guerre.

Avec les traités de Nankin (《南京条约》), de Tianjin (《天津条约》) et de Pékin (《北京条约》), qualifiés de « traités inégaux » par les Chinois (不平等条约), les pays occidentaux commencent à s’implanter durablement en Chine. Cette présence prend la forme de concessions chinoises sous contrôle étranger et gérées par des consuls ( 租 界 ), qui s’établissent en marge de nombreuses villes chinoises. La concession française de Shanghai est l’un de ces territoires où se côtoient Occidentaux et Chinois de 1849 à 1946. Les Français y édifient l’église Saint-Joseph, des écoles et des hôpitaux. Ils y font également du commerce pour exporter des soieries vers la région lyonnaise.

Entre les années 1881 et 1885, une guerre franco-chinoise (清法战争) est menée dans le sud de la Chine dont le but était pour la France de prendre le contrôle du Fleuve rouge qui reliait Hanoï à la province du Yunnan en Chine. Cette guerre, qui résulte directement de la politique coloniale française, débute après un incident à Bac Le, au Tonkin, où les Français se

heurtent à des troupes régulières chinoises, inquiètes de la progression de soldats français sur leur sol. La victoire française avec la reconnaissance de son protectorat sur l’Annam et le Tonkin, s’ajoutant à la Cochinchine déjà occupée dix ans plus tôt et au Cambodge, conduit à la création de l’Indochine française.

Entre l899 et 1901, la révolte des Boxers (littéralement « mouvement de l’union de la justice et de la concorde, 义和团运动), opposée aux colons étrangers, au pouvoir féodal de la dynastie Qing qui gouverne alors la Chine et aux réformes souhaitées par des courants de pensée modernistes, est utilisée par l’impératrice douairière Cixi contre les colons, conduisant en 1900 au siège des légations étrangères présentes à Pékin. Cet épisode se termine par la victoire des huit nations alliées contre la Chine, dont la France. La Chine doit alors accepter le « protocole des Boxers » (《辛丑条约》) en 1901 qui la contraint notamment à payer de lourdes indemnités. La fin de cette guerre marque la victoire d’un certain modernisme sur le conservatisme représenté par les Boxers et le pouvoir impérial, et les prémisses de changements qui aboutissent à la chute de l’Empire en 1912.

Entre 1912 et 1927, le mouvement Travail-Études aide des jeunes chinois à venir étudier en France. Il est créé par le Chinois Li Shizeng (李石曾), philantrope et admirateur de la culture française. Li Shizeng a étudié à l'école agricole du Chesnoy, à Montargis et est persuadé que la Chine doit s’inspirer des modèles occidentaux pour se développer. Entre 1919 et 1924, plus de 4000 jeunes Chinois partent en France pour étudier et travailler. Nombre d’entre eux sont déjà proches des courants révolutionnaires avant leur départ ou s’initient à l’action politique et au communisme au cours de leur séjour en Europe. Parmi eux se trouvent Zhou Enlai (周恩来) et Deng Xiaoping (邓小平), futurs dirigeants de la Chine communiste.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la France a établi un dialogue diplomatique avec la République populaire de Chine, à l’initiative du général de Gaulle le 27 janvier 1964. La reconnaissance de la Chine populaire a constitué le point de départ des relations officielles entre la République populaire de Chine et la République française. La France a ainsi été le premier grand pays occidental à nommer à Pékin un ambassadeur de plein exercice.

En 1997, la France et la Chine établissent un partenariat stratégique global qui va dans le sens d'un renforcement des échanges, aussi bien culturels, économiques que diplomatiques.

Cette relation est qualifiée de « partenariat global ». Les Chefs d’Etat se rencontrent régulièrement, lors de visites d’Etat, de visites officielles ou en marge de grands sommets internationaux. La France et la Chine ont commémoré en 2014 le 50ème anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques.

Cette relation harmonieuse ne doit pas faire oublier l’existence des moments de tensions entre les deux nations. Lors du relais de la flamme olympique 2008 à Paris, le parcours a été perturbé par des manifestants pro-tibétains et la fête a été décrite comme un fiasco par plusieurs médias français. Cet événement a entraîné ensuite une réaction de la part des Chinois qui ont manifesté dans quatre villes chinoises devant des magasins appartenant au groupe français de distribution Carrrefour. En novembre 2008, la Chine a reporté un Sommet entre l’Union européenne et la Chine, en raison de la rencontre prévue en décembre 2008 en Pologne entre Nicolas Sarkozy et le Dalaï Lama, rencontre fortement critiquée par le gouvernement chinois. François Hollande est, en avril 2013, le premier chef d’État européen reçu en visite officielle par le nouveau président chinois Xi Jinping pour renouer des relations dégradées après 2008, et la relation entre les deux pays est marquée ensuite par un flux intense de visites bilatérales de haut niveau.

Du point de vue économique, la France est le deuxième partenaire européen en Chine, avec une part de marché de 1,18% en 2013145 après l’Allemagne. La Chine est le cinquième

fournisseur de la France avec une part de marché en France de 7%146. On note une forte présence des entreprises françaises en Chine avec notamment celles provenant de nouveaux secteurs, tels que l’environnement et le développement durable, le secteur financier, l’agro- alimentaire…Le partenariat industriel constitue l’un des piliers de la coopération économique bilatérale, les grands contrats signés par la Chine dans les domaines du transport et du nucléaire renforçant le lien économique entre les deux pays. Les investissements des entreprises françaises en Chine constituent une composante de plus en plus importante et la présence des investissements chinois en France est aussi en progression, ce qui permet la création d’emplois et dynamise la croissance pour les Français.

145 Source : chiffres parus sur le site officiel de l’Ambassade de France en Chine,

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/chine/la-france-et-la-chine/, page consultée le 16 juillet 2015.

Dans le domaine des échanges artistiques et culturels entre la Chine et la France, en tant que pays représentatifs de deux civilisations, celles de l’Orient et de l’Occident, la tenue des Années culturelles croisées de 2004 à 2005 favorise la compréhension entre les deux peuples, l’assimilation mutuelle de deux civilisations et la diversité culturelle du monde. A la suite du succès porté par cet événement, les deux pays organisent depuis 2006 le festival artistique annuel « Croisements » qui permet d’approfondir la connaissance et la reconnaissance des deux cultures.

L’échange se fait également aux niveaux éducatif et linguistique. Les bourses du gouvernement français aux étudiants chinois et l’ouverture des filières de formation d’excellence en partenariat entraînent une présence croissante des étudiants chinois en France qui représentent maintenant le deuxième contingent d’étudiants étrangers en France. L’Année

linguistique croisée franco-chinoise en 2011-2012 reflète le désir partagé par les deux pays

d’apprendre la langue et la culture de l’autre. Jusqu’à présent, 13 Alliances Françaises se sont installées en Chine continentale147 et 15 Instituts Confucius sont présents en France148.

A travers la description ci-dessus de l’histoire des relations bilatérales entre la France et la Chine, nous pouvons constater les faits suivants :

- malgré de courtes périodes de guerres et de tensions, les deux pays tissent un lien amical et harmonisé qui permet une intercompréhension entre les deux peuples. - les influences de chaque pays pour l’autre se font de façon réciproque. C’est ainsi

qu’au ⅩⅧ siècle s’est développée une fascination pour la philosophie chinoise chez les grands penseurs français qui voulaient la mettre en pratique comme un système politique idéal, par rapport au contexte monarchique en France de cette époque-là. A l’inverse, il existait une proximité des courants révolutionnaires, entre ceux portés par des Français et les jeunes Chinois partis en France pour étudier et travailler pendant les années 1920. Cette connaissance, et même cette appréciation mutuelle, favorisent également compréhension et tolérance vis-à-vis des différences culturelles entre les deux pays.

147 Source : Idem.

148 Source : chiffre paru sur le site officiel du HANBAN,

- l’intensité des échanges économiques et l’opportunité pour les emplois qu’elle rapporte font aujourd’hui rêver les jeunes Français, rendant nécessaire l’apprentissage de la langue et de la culture chinoises pour leur avenir professionnel.

- les deux pays accordent une grande attention à la Culture qui constitue un facteur dynamique de développement et d’avancement. Les échanges culturels se poursuivent de façon systématique et approfondie, avec pour conséquence, un intérêt marqué des Français pour la culture chinoise.