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Nous adoptons une approche qualitative pour notre étude. Il s’agit d’une méthodologie de la théorisation enracinée (Luckerhoff et Guillemette, 2012) visant à construire des théories

136 WACHEUX, F., (1996), Méthodes qualitatives et recherche en gestion, Paris, Economica,

non pas à partir d’hypothèses prédéterminées, mais forgées à partir des données du terrain et de situations de terrain que le chercheur a collectées. Ce choix est d’abord dû au fait qu’il y a un manque de littérature et de documents concernant l’évaluation des compétences culturelles et interculturelles dans le contexte secondaire, et plus particulièrement concernant l’interaction des objectifs attribués par les élèves et leurs parents, par les enseignants et par les matériaux pédagogiques. Ensuite, la complexité du contexte de recherche nous incite à choisir cette approche, car seul ce type de démarche peut mettre en évidence les interactions. Crozier et Friedberg (1977) ont montré l’importance de la connaissance du contexte afin de pouvoir faire un diagnostic et de s’imprégner de la rationalité qui est contingente au système. Pour eux, il y a une rationalité qu’il s’agit précisément de trouver dans chaque organisation. Ainsi, « par

un jeu de miroir incessant entre les données convergentes et / ou discordantes contenues dans ces entretiens, le chercheur tentera de retrouver la logique interne qui, pour les diverses catégories d’acteurs, structurent implicitement l’ensemble de leurs perceptions, sentiments et attitudes, et ainsi de dégager et expliciter les stratégies en présence »137. Notre recherche s’inscrit dans le contexte de l’enseignement secondaire français sous l’influence de la mondialisation. La définition des compétences culturelles et interculturelles en chinois résulte de l’interaction des parents et des élèves, des enseignants et des matériaux pédagogiques. Comme nous l’avons évoqué dans la séquence 3.1, géographiquement, il s’agit de trois échelles dans lesquelles nous plaçons notre recherche : locale, nationale et mondiale. Socio- culturellement, la recherche se situe aux niveaux micro-individuel, micro-social et macro- culturel. C’est donc en tenant compte de cette complexité du contexte que nous avons décidé de mettre en œuvre l’approche inductive de la théorisation enracinée.

L’approche qualitative est utilisée aussi en fonction des buts de notre recherche. Premièrement, nous prétendons comprendre les objectifs culturels et interculturels des acteurs dans l’enseignement du chinois dans le contexte secondaire français, ainsi que le lien entre ces objectifs et leurs expériences. Comme nous l’avons expliqué dans notre position épistémologique, l’objet de recherche n’est jamais objectif. Nous nous intéressons non seulement aux expériences matérielles et aux comportements physiques qui ont lieu, mais aussi aux représentations des individus à l’égard de ces expériences et comportements qui font eux-mêmes partie de la réalité. D’où l’intérêt de l’interprétation du chercheur et de l’approche interprétative en sciences sociales.

137 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., (1977), L’acteur et le système, Paris, Les Editions de

Deuxièmement, nous tentons de comprendre le contexte particulier à l’intérieur duquel la population agit et l’influence de ce contexte sur ces actions. Le développement des compétences culturelles et interculturelles dans l’enseignement de la culture chinoise se construit non plus seulement à l’intérieur de l’école, mais aussi hors de l’école. Il s’agit en fait d’un contexte analysable selon trois échelles. La mondialisation permet aux élèves d’avoir des expériences de mobilité, des rencontres interculturelles qui développent une partie de leurs compétences culturelles en chinois, et surtout des compétences interculturelles hors de l’école. Ensuite, le contexte familial et la classe sociale de la famille jouent aussi un rôle dans la construction des compétences chez leurs enfants. Enfin, l’enseignement du chinois s’inscrit dans le système scolaire français où les enseignants, les matériaux pédagogiques et l’évaluation interagissent dans l’apprentissage du chinois par les élèves. C’est la raison pour laquelle nous les intégrons également dans notre étude. Il nous paraît que le contexte est complexe et particulier aux élèves étudiés. Il s’agit d’un nombre relativement restreint d’individus, et non pas d’un large échantillon à partir duquel nous pourrions généraliser notre conclusion. Ainsi, il est essentiel de comprendre comment ces actions et ces significations sont mises en forme par les circonstances complexes dans lesquelles elles se produisent.

Troisièmement, nous voudrions comprendre le processus par lequel des événements et des actions ont lieu. Merriam (1988) constate que l’intérêt d’une étude qualitative réside plus dans le processus que dans les résultats. Nous ne visons pas seulement les objectifs attribués par les élèves et leurs parents, par les enseignants et par les matériaux pédagogiques, mais aussi leur interaction, c’est-à-dire le processus de la construction de ces objectifs. Nous ne prétendons pas seulement comprendre les résultats de l’évaluation des compétences mais aussi l’interaction entre l’évaluation et la construction des compétences. Cet accent mis sur le processus est l’un des avantages dont la recherche expérimentale et les enquêtes par sondages ne disposent pas.

Il faut noter que notre recherche qualitative est basée sur l’étude de cas. Yin (1989) la définit comme « une enquête empirique qui étudie un phénomène contemporain dans son

contexte réel, lorsque les frontières entre le phénomène et le contexte n’apparaissent pas clairement, et dans laquelle plusieurs sources de preuve sont utilisées » (Yin, 1989, cité par

ESSID, 2009 : 245). Eisenhardt (1989) donne à l’étude de cas une définition plus large. Pour lui, « l’étude de cas est une stratégie de recherche qui se concentre sur la compréhension des

245). A l’égard de l’objet de l’étude, selon Yin (2003), notre recherche est à la fois descriptive et explicative. Il s’agit de décrire d’abord les objectifs culturels et interculturels attribués par les acteurs dans l’enseignement du chinois dans le contexte secondaire français et d’expliquer ensuite quels sont les facteurs influents dans la construction de ces objectifs. Du point de vue des propriétés du cas étudié, selon Stake (1998), notre recherche est instrumentale et intrinsèque.

Après une revue de la littérature scientifique concernant les questions de recherche, nous avons fait deux hypothèses en déclarant que les objectifs attribués par les élèves et leurs parents, par les enseignants et par les matériaux pédagogiques ne sont pas cohérents mais néanmoins interagissent. Par contre, l’interaction de ces objectifs n’est pas prise en compte dans l’évaluation en chinois. Des compétences culturelles et interculturelles en chinois ne sont donc pas valorisées comme telles par le système scolaire français. Notre cas d’étude est instrumental parce que l’analyse des données recueillies se fait à partir de ces deux hypothèses et le cas joue un rôle de support et facilite notre compréhension d’autre chose (« It

plays a supportive role and it facilitates our understanding of something else »138). En outre,

il est intrinsèque parce que le cas est représentatif d’autres cas et l’objectif est de rechercher une meilleure compréhension du cas particulier étudié. Notre échantillon manifeste une certaine complexité et représentativité selon les parcours d’apprentissage, les classes sociales et les statuts de la langue chinoise dans un même établissement. Le cas sera ainsi décrit et analysé en profondeur et dans toutes ses dimensions.

Cette approche qualitative basée sur l’étude de cas met en relief un frottement entre les données recueillies et le modèle dégagé. L’analyse et l’interprétation fonctionnent dans un va- et-vient entre les deux pôles. Dans notre cas, nous n’avons pas oublié un troisième pôle, celui de la littérature scientifique existante qui nous sert de cadre de référence pour nourrir notre réflexion et améliorer la compréhension du cas étudié. La présente recherche se construit donc sur un processus interactif et itératif entre la littérature, les données et la théorie. Si nous nous appuyons en majeure partie sur des ouvrages et des sites rédigés en français, nous ne négligeons pas pour autant ceux qui le sont en anglais et en chinois, du fait de notre maîtrise des trois langues, et parce que nous nous intéressons également aux phénomènes de trilinguisme et aux comparaisons conceptuelles que permet la traduction.

138 STAKE, R., (1994), « Case studies », in DENZIN, N., et LINCOLN, Y., (Eds.), Handbook