• Aucun résultat trouvé

L’évaluation des compétences culturelles et interculturelles dans l’enseignement des langues

L’évaluation des compétences culturelles et interculturelles est, comme le préconise Müller (1999), « une fonction de l’animation interculturelle »49, et « un travail de rencontre

interculturelle ne peut être vraiment complet que si l’on conçoit l’évaluation comme partie intégrante du travail lui-même et non pas seulement comme un résultat après-coup et/ou venant de l’extérieur »50. Byram (1997) insiste aussi sur le fait que l’enseignement et

l’évaluation ne peuvent pas être séparés, car, quand on parle de l’enseignement, l’évaluation est incontournable. C’est dans cette optique-là que nous abordons l’évaluation des compétences culturelles et interculturelles comme une notion de base dans notre travail de recherche.

Le modèle de Byram et Zarate (1998), reconnaît en même temps les défis de l’évaluation des compétences culturelles et interculturelles. Incluant les dimensions affective et psychologique dans un contexte éducatif traditionnel, l’évaluation de ces compétences nécessite une évaluation qualitative et implique un cadre de valeurs idéologiquement construit. Byram et Zarate sont d’avis que « l’évaluation explicite des compétences socioculturelles doit

être la plus proche possible…des évaluations formelles (par exemple, entretien d’embauche) et informelles (par exemple, conversation entre natifs et non-natifs) existant dans les

49 MÜLLER, B.-K., (1999), « L’évaluation, partie intégrante du travail interculturel »,

In Guide de l’interculturel en formation, DEMORGON, J., et LIPIANSKY, E.-M., (Dir.), Paris, Retz, p. 332.

situations non-scolaires. »51 , elle « doit intégrer les expériences antérieures de relation à

l’altérité »52. « L’évaluation de l’expérience de l’étranger n’est pas strictement corrélée à une

compétence linguistique dans une langue donnée »53, elle « doit accorder une part aux

cultures non-européennes »54 et ne peut pas s’appuyer sur les savoirs scolaires traditionnels mais sur les savoirs, le savoir-faire, le savoir-être et le savoir-apprendre. Les auteurs proposent que les apprenants effectuent une auto-évaluation après une expérience d'échange ou après d'autres contacts interculturels. Les évaluations corrélées aux objectifs d’apprentissage sont énoncées pour chaque « savoir ». Celles-ci deviennent de plus en plus explicites dans le travail de Byram en 1997. Dans cet ouvrage, Byram fait valoir que le programme doit être conçu pour chaque contexte, en tenant compte du contexte géopolitique, du contexte d'apprentissage et du développement cognitif des apprenants. Bien que Byram reconnaisse l’évaluation de la compétence socioculturelle comme une activité complexe, il estime que c’est primordial que les apprenants acquièrent une valorisation officielle de leurs capacités avec la certification qui leur permet d’être acceptés dans une autre société.

Müller (1999) propose des méthodes pour évaluer des compétences interculturelles dont l’objectif premier consiste à développer les capacités d’auto-observation et d’autocontrôle dans des groupes culturellement hétérogènes. Il s’agit d’une métacommunication qui sert de réajustement permanent de la compréhension dans le quotidien, d’une mise en scène de la communication qui implique non seulement l’aspect verbal, mais aussi l’aspect non-verbal, indispensable pour la réussite d’un échange interculturel, d’une visualisation munie de feuilles pour journaux muraux, de feutres, de matériel de dessin et peinture pour pouvoir mieux communiquer des contenus pédagogiques et obtenir des informations en retour sur les succès obtenus au cours de l’apprentissage et d’un travail de documentation qui inscrit en profondeur les étapes de l’évolution et les traces de la coopération.

Le modèle de la compétence culturelle en français langue étrangère proposé par l’AATF (Americain Association of Teachers of French) sous la direction de Weidmann-Koop (2001) a établi un schéma à quatre niveaux. Le groupe de travail postule quatre principes pour les évaluer :

51 Définitions, objectifs et évaluation de la compétences socioculturelle,1998, op.cit., p. 74. 52 Ibid., p. 74.

53 Ibid., p. 74. 54 Ibid., p. 75.

- « l’évaluation de la compétence culturelle doit se limiter à la composante culturelle d’une

interaction et ne pas tenir compte des erreurs grammaticales »,

- « l’évaluation de la compétence doit tenir compte des deux aspects de la culture, culture

populaire et culture traditionnelle, mais ces deux aspects doivent être évalués séparément »,

- « l’évaluation de la perception culturelle et du comportement doit s’effectuer à partir

d’exercices spécifiques qui permettent de mesurer les savoir-faire de l’apprenant (à partir de simulations et d’interactions) »,

- « les instruments employés doivent définir très précisément les objectifs de ce type

d’évaluation et être adaptés à l’âge de l’apprenant »55.

L’auteur met à la fin en valeur des outils et des types d’évaluation en soulignant l’importance du dossier ou portfolio pour observer les progrès de l’apprenant. L’évaluation porte sur quatre aspects : ouverture à l’égard d’autres cultures, connaissance des sociétés francophones, communication dans un contexte culturel et faculté d’observer et d’analyser une culture.

Le cadre de référence de Lussier (1997), s’appuyant sur l’évaluation de la compétence culturelle (et interculturelle), utilise des verbes pour définir les différents niveaux de spécificité. Les verbes d’action définissent les savoirs et le savoir-faire. Pour les savoirs, des verbes tels qu’« identifier », « reconnaître », « nommer », ils s’apparentent seulement aux deux premiers niveaux de spécificité du domaine cognitif : la connaissance et la compréhension. Les savoir- faire, qui englobent des savoirs, sont du niveau de l’application, de l’analyse et de la synthèse. Ils permettent de « distinguer » et de « comparer » diverses notions culturelles, de « démontrer un savoir-faire pour ne pas dire un savoir-vivre » et d’analyser l’appropriation des messages selon les contextes situationnels. Quant au savoir-

être, il est souvent défini à partir de verbes d’état tels qu’« être tolérant envers l’Autre», « être ouvert aux autres cultures », « être conscient des différences culturelles ». Développer un savoir-être, c’est de développer des attitudes positives et de gérer des attitudes négatives. Or,

le développement d’une attitude passe par diverses étapes : il faut être réceptif, conscient de l’importance d’un changement, avoir la volonté de modifier son comportement, adapter de

55 WEIDMANN-KOOP, M.-C., (2001), « Acquisition et évaluation de la compétence

culturelle selon un schéma à quatre niveaux », Dialogues et cultures. Modernité, diversité, solidarité, Actes du Xème congrès mondial des professeurs de français, Paris, Fédération Internationale des Professeurs de Français, Tome І, p. 385.

nouveaux comportements, les intérioriser en vue d’adapter un nouveau système de valeurs (Lussier, 1997). La critique que nous pouvons faire à l’égard de ce classement en types de « savoir », c’est précisément qu’il est parfois difficile de classer les objectifs d’apprentissage qui, selon la façon dont ils sont formulés, peuvent se retrouver dans une catégorie de savoirs plutôt que dans une autre. Par exemple, la décentration peut être classée soit dans un savoir-

faire, soit dans un savoir-être selon que nous considérions cet objectif sur le plan de la

pratique ou de l’attitude.

Zarate (1999) remarque que la politique linguistique européenne commune rapporte deux nouvelles données qui lancent le défi de la définition des compétences culturelles et interculturelles, ainsi que de leur évaluation. D’une part, le capital pluriculturel accumulé pendant les expériences familiales au cours de migrations antérieures, dans les voyages et séjours effectués à titre personnel, est hors du système scolaire et de ses modes de reconnaissance. D’autre part, la diversité linguistique et culturelle rend les compétences qui en résultent marquées par une variété de combinatoires. Elle postule qu’un projet de certification doit abandonner une architecture linéaire, systématiser les relations entre progression et évaluation et valoriser les « compétences partielles ».

Dans ce contexte-là, Zarate (2006) fait valoir que le Portfolio européen des langues est un prototype visant à l’auto-évaluation des compétences en langues qui esquisse une prise en compte des compétences liées à la mobilité, à travers une approche réflexive de l’apprentissage incluant les situations non-scolaires. Cet outil d’évaluation se place indirectement dans le prolongement de la valorisation des acquis par l’expérience hors système éducatif. L’auteur présente en même temps le programme Pisa comme un exemple de l’évaluation des compétences en langues mettant l’attention sur la distinction entre la langue parlée à la maison et la langue dans laquelle les élèves sont évalués.

En faisant l’historique du débat européen aux niveaux politique et institutionnel dans l’enseignement des langues, Zarate (2010) constate que le CECR suscite aussi un débat dans la définition des compétences culturelles et interculturelles, ainsi que pour leur évaluation. Les quatre « savoirs » de la compétence socioculturelle définie par Byram et Zarate (1998) sont retenus par le CECR, mais introduits comme des compétences générales, ce qui met en lumière un malentendu épistémologique et même élude la question centrale de leur évaluation, parce que seulement les compétences communicatives langagières font l’objet de critères dans

les six niveaux du CECR. Force est de constater que le débat sur la dimension interculturelle est resté au stade du débat politique à la Commission européenne et que le débat technique sur l’évaluation est resté en jachère au Conseil de l’Europe (Zarate : 2010 :16).

Cette littérature scientifique nous montre que l’évaluation des compétences culturelles et interculturelles se réalise sous l’influence du contexte politique et institutionnel et de la définition des compétences, ce qui sert de cadre d’analyse pour la valorisation des compétences culturelles et interculturelles dans l’enseignement du chinois dans le contexte secondaire français. Les principes et les techniques proposés par ces auteurs nous permettent de mieux repérer les compétences visibles et invisibles chez les élèves.

CHAPITRE Ⅱ : DIFFÉRENTES PERSPECTIVES DANS

L’ENSEIGNEMENT D’UNE CULTURE ÉTRANGÈRE