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Nous adoptons essentiellement une position interprétative pour notre étude puisque nous voulons connaître les objectifs culturels et interculturels des acteurs dans l’enseignement du chinois. Nous nous intéressons aux expériences personnelles, aux contextes dans lesquels se construisent les perceptions de ces acteurs et leur fonctionnement dans l’interaction. L’analyse des documents officiels et institutionnels, concernant la valorisation et l’évaluation des compétences culturelles et interculturelles aux niveaux international, national et local, nous offre aussi une perspective qui reflète les perceptions des compétences culturelles et interculturelles de la part du système scolaire français.

Nous partons du postulat que la réalité n’est jamais extérieure au sujet qui l’examine et qu’il existe une relation entre le sujet et l’objet. Comme Bourdieu (1979) l’affirme, les objets

eux-mêmes ne sont pas objectifs, c’est-à-dire qu’ils sont dépendants des caractéristiques sociales et personnelles des personnes qui les observent. Il n’est donc pas possible de tenter d’isoler le fait extérieur, objectif, de ses répercussions affectives. Nous voulons découvrir les objectifs culturels et interculturels assignés par les élèves et leurs parents, par les enseignants et par les matériaux pédagogiques, mais ces objectifs ne sont pas directement observables dans les discours pendant les entretiens ou dans la plupart des cas, ne sont pas perçus exactement par les acteurs eux-mêmes. Il nous appartient alors d’interpréter les objectifs culturels et interculturels à travers ce que ces acteurs en disent, ce qu’ils font et ce qu’ils ont vécu. Cette interprétation n’est pas extérieure au chercheur, mais dépend de ses représentations et de ses expériences. Notre propre expérience de séjour en France pendant sept ans, durant lesquelles nous avons acquis des compétences culturelles et interculturelles, pour nous adapter à un contexte culturel différent de celui dans lequel nous avons été socialisée, notre fonction d’assistante en langue chinoise auprès des élèves en contexte scolaire français, tout cela implique que nous ne sommes pas une chercheuse désintéressée. Nous avons notre propre perception de la construction des compétences culturelles et interculturelles. Il y a d’ailleurs une relation dynamique entre le sujet et l’objet, entre la subjectivité de l’acteur et le fait concret, entre le monde de la culture et le monde de la nature. Il y a constamment un va-et-vient entre ces deux pôles. L’objet se construit dans un continuel mouvement entre le fait observé et la créativité du sujet. En tant que chercheuse, nous avons joué un rôle interactif dans les décisions sur les parties à inclure dans notre recherche et ces décisions sont sous l’influence de nos propres interprétations et perceptions à l’égard du monde extérieur.

Pour nous, l’essence de l’objet ne peut pas être atteinte ou n’existe pas. Selon Piaget (1970), l’homme, en tant que sujet conscient doué de parole et de multiples symbolismes, ne peut pas être objectif. Les êtres humains construisent leur propre réalité subjective, et le chercheur interprète des données issues des représentations subjectives des individus qui interprètent eux-mêmes le phénomène étudié (Lincoln et Guba, 1985). Ces représentations s’imbriquent avec les perceptions du chercheur dans la construction de la réalité. Dans la présente recherche, nous ne pouvons qu’étudier les représentations des compétences culturelles et interculturelles de ces acteurs mais non les compétences culturelles et interculturelles elles-mêmes. Nous sommes convaincue que la plupart des individus ont un raisonnement logique et cohérent pour leurs expériences personnelles et les expriment dans un

langage compréhensible, ce qui nous permet d’approcher ce qu’ils expérimentent de l’objet de l’étude.

La recherche est pour nous un processus de construction où le chercheur essaye d’inférer des découvertes de régularités à partir des observations empiriques. L’expérience précède la connaissance, car elle nous donne des indices qui sont la manifestation d’un état ou d’un phénomène qui est à révéler par le chercheur. Le chercheur travaille comme un archéologue qui tire parti du traitement des messages qu’il manipule pour inférer, c’est-à-dire induire logiquement, des connaissances sur l’émetteur du message ou son environnement. Il nous faudra dans ce cas-là, faire ressortir les objectifs culturels et interculturels dans l’enseignement du chinois à partir des données recueillies dans les entretiens et dans les matériaux pédagogiques, dégager les facteurs influents dans la construction des objectifs culturels et interculturels parmi les expériences personnelles des individus et l’étude de différents contextes et identifier les compétences culturelles et interculturelles valorisées dans le système scolaire français à travers l’analyse des documents concernant l’évaluation, etc.

Notre étude ne cherche pas une explication causale qui pourrait directement être généralisée dans d’autres situations. La réalité est multiple, « le chercheur produit des

explications qui ne sont pas la réalité, mais un construit sur une réalité susceptible de l’expliquer »136. Il existe de multiples possibilités pour expliquer la réalité et la recherche

essaye d’en trouver une mais sans viser l’exhaustivité. La valeur de la connaissance est construite par le déroulement de l’étude et dépend de son contexte de construction. Il suffit au chercheur de convaincre que son processus de recherche lui permet de construire des connaissances valides (Denzin et Lincoln, 1994). Ainsi, il nous appartient de retracer toute l’histoire de la recherche, en indiquant les décisions prises tout au long de l’étude et de les justifier. C’est pour cela que nous allons consacrer l’un de nos chapitres à suivre à décrire le déroulement de notre recherche pour la validité de la construction des connaissances.