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Notre deuxième corpus tend aussi à répondre à notre première question de recherche. C’est sur un corpus de matériaux pédagogiques relatifs à l’enseignement de la culture chinoise que nous nous sommes appuyée, afin de faire ressortir les objectifs culturels et interculturels des matériaux pédagogiques, ainsi que leur construction dans l’enseignement de la culture chinoise.

5.2.1 Recueil des données

Nous avons d’abord cherché à définir les matériaux pédagogiques pour bien encadrer notre échantillonnage et notre corpus. Dans la séquence 2.1, nous avons clarifié leur définition, parmi des notions similaires en indiquant que les matériaux pédagogiques se réfèrent aux différents documents et outils choisis par les professeurs et utilisés par les élèves en classe. C’est à partir de cette définition-là que nous avons commencé à recueillir les données. Comme nous avons évoqué dans la séquence 4.2, les matériaux pédagogiques publiés se sont multipliés ces dernières années en France, sous des formes diverses : manuels, grammaires, CD-ROM, etc. Il nous paraît donc impossible d’étudier dans sa totalité l’ensemble de ces matériaux pédagogiques dans la présente recherche. Nous devons nous résoudre à n’en prendre qu’une fraction et examiner dans quelle mesure pourront être valables pour tous les matériaux pédagogiques. Mais la particularité dans l’enseignement du chinois dans le contexte secondaire français est que, dans la plupart des cas, la culture chinoise est abordée de façon aléatoire, étant donné qu’il n’y a pas encore en France un manuel publié réservé à cet enseignement. Les enseignants, qui se chargent des cours de littérature chinoise et de mathématiques en chinois pour la section internationale ou des cours de DNL en histoire-géographie chinoise, doivent préparer chacun leurs matériaux pédagogiques en suivant les programmes d’enseignement dans lesquels on trouve les thèmes à aborder. Le contenu culturel, l’approche choisie, la démarche employée et les tâches proposées varient donc d’un enseignant à l’autre et les objectifs culturels et interculturels pourraient être complètement différents avec un même thème culturel. Nous ne pouvons donc pas non plus prétendre à une exhaustivité de ces matériaux pédagogiques par rapport à ceux qui sont conçus par tous les enseignants de chinois qui travaillent dans le cadre du contexte secondaire français. C’est avec ces deux contraintes majeures que nous décidons de prendre notre

deuxième corpus comme un cas particulier, c’est-à-dire, les matériaux pédagogiques utilisés au sein du lycée et collège Emile Zola.

Notre deuxième corpus se présente donc comme un corpus mixte composé de manuels publiés et de matériaux pédagogiques privés. Pour les premiers matériaux, il s’agit de deux séries de manuels publiés en France : Méthode d’initiation à la langue et à l’écriture chinoise et Perfectionnement à la langue et à l’écriture chinoise rédigés par J. BELLASSEN en 1989 et en 1991, suivie d’une nouvelle édition en 2008 accompagnée d’un DVD pour les compétences orales, et Ni Shuo Ne ? et Ni Shuo Ba ! rédigés par A. ARSLANGUL, C. LAMOUROUX et I. PILLET en 2009 et 2013 avec leurs cahiers d’exercices et des guides pédagogiques. Nous avons intégré les manuels publiés en 1989 et 1991 dans notre corpus parce que les élèves enquêtés, qui ont commencé leurs études de chinois avant 2009, les avaient encore utilisés pendant plusieurs années. Bien que Perfectionnement à la Langue et à

l’Écriture chinoises ne soit plus diffusé depuis une dizaine d’année, les enseignants interrogés

choisissent encore des textes dans ce manuel pour les élèves avec un niveau un peu élevé. Nous l’avons donc intégré dans notre corpus. La nouvelle édition de cette série de manuels n’a pas été utilisée dans la pratique des enseignants interrogés sur le terrain mais nous aimerions aussi les analyser dans le but de voir l’évolution de l’accent mis sur les compétences culturelles et interculturelles dans les manuels de chinois.

Pour les matériaux pédagogiques conçus par les enseignants, notre principal critère de recueil des documents est que ceux-ci puissent nous permettre de croiser les élèves et les enseignants interviewés dans la recherche. C’est pourquoi nous avons recherché des documents datant non seulement de l’année scolaire 2011-2012, mais aussi d’années antérieures, parce que pour bien découvrir le rôle et les effets des matériaux pédagogiques dans la construction des objectifs culturels et interculturels des élèves et des enseignants, il nous faut prendre en compte l’ensemble du parcours de ces élèves et ces enseignants jusqu’à l’année scolaire 2011-2012. Nous avons choisi de nous limiter à des documents remontant jusqu’à l’année scolaire 2006-2007, l’année où les élèves enquêtés en Première LV2, qui ont le plus d’expérience d’apprentissage de cette langue dans notre recherche, commençaient leurs études de chinois.

Dans un premier temps, les matériaux pédagogiques conçus par les enseignants ont été recueillis par le biais des enseignants qui travaillent au lycée et collège Emile Zola de Rennes

pendant l’année scolaire 2011-2012. Cependant nous n’avions pas accès aux matériaux pédagogiques conçus par les enseignants qui ont quitté l’établissement entre 2006-2011. Nous avons alors tenté un recueil a posteriori, par le biais des élèves, en examinant leurs anciens cahiers et notes. Ces matériaux pédagogiques sont sous des formes multiples, regroupant des diaporamas, des enregistrements, des films, des documents authentiques en langue française, des fiches d’exercices, etc.

5.2.2 Analyse des données

Ce corpus fait l’objet d’une analyse de contenu qui emprunte également à l’approche comparative. Il tend à répondre notre première question de recherche sous deux angles : pour répondre à la première moitié de la question qui cherche à découvrir la cohérence des objectifs attribués par les matériaux pédagogiques, par les enseignants et par les élèves et leurs parents, il nous faut indiquer d’abord quels sont les objectifs culturels et interculturels attribués par les matériaux pédagogiques destinés à l’enseignement de la culture chinoise. L’analyse de contenu est dans ce cas-là la méthode la plus pertinente car cette méthode est décrite par Bardin (1977) comme « une méthode très empirique qui dépend du type de

‘parole’ à laquelle on s’attaque et du type d’interprétation que l’on vise »186 et « un ensemble

de techniques d’analyse des communications utilisant des procédures systématiques et objectives de description du contenu des messages »187. Les données ne revêtent que rarement

un intérêt intrinsèque, mais elles donnent des indices qui sont la manifestation d’un état ou d’un phénomène que les chercheurs doivent révéler. Les contenus culturels, les protagonistes, leurs façons de présenter, les démarches de travail et les tâches proposées aux élèves dans les matériaux pédagogiques constituent une masse d’informations. Notre première hypothèse joue le rôle d’un indicateur pour fouiller dans ces informations et en dégager les objectifs culturels et interculturels sous-jacents.

Notre analyse est surtout de type qualitatif : « c’est la présence ou l’absence d’une

caractéristique de contenu donnée ou d’un ensemble de caractéristiques, dans un certain fragment de message, qui est prise en considération »188. La présence d’éléments fonctionne

186 BARDIN, L., (1977), L’Analyse de contenu, Paris, PUF, coll. « Le Psychologue », p. 35. 187 Idem., p. 42.

comme un indicateur, mais l’absence d’élément peut aussi porter du sens puisqu’elle permet de montrer une position ou une perception différente. Dans un premier temps, nous avons pris notre grille d’analyse comme un système de catégorie qui nous permet de dégager de ces documents les caractéristiques que nous voulons identifier. Dans un deuxième temps, notre regard a porté sur les éléments du corpus pouvant se rapporter au modèle des quatre « savoirs » de Byram et Zarate (1998).

L’attention a été portée à la présence ou l’absence d’éléments, mais aussi à leur place, leur fréquence, leur intensité et la manière dont ils sont introduits. Cela nous permet d’évaluer l’accent mis sur les différents aspects des compétences culturelles et interculturelles, ainsi que sur la perception de l’intérêt de l’enseignement de la culture chinoise.

Ensuite, pour vérifier la deuxième moitié de notre première hypothèse, il s’agit de découvrir les facteurs qui influent sur la construction des objectifs culturels et interculturels dans les matériaux pédagogiques, et en extraire ceux qui viennent de la part des enseignants, des élèves et de leurs parents. Il nous paraît qu’une analyse comparative est nécessaire pour faire émerger ces facteurs influents. Cela se rapporte à nouveau aux méthodes d’investigation de Kaufmann qui préconise un frottement entre les données et les hypothèses afin de faire apparaître un modèle.

Les matériaux pédagogiques et les fiches d’analyse ont été lus et relus plusieurs fois dans une volonté d’exhaustivité. Puis le corpus a fait l’objet d’une double analyse comparative. Les matériaux pédagogiques ont d’abord été classés en trois catégories en fonction de leurs auteurs : les manuels de J. BELLASSEN, les manuels, les cahiers d’exercices et leurs guides pédagogiques d’A. ARSLANGUL, C. LAMOUROUX et I. PILLET, et enfin les matériaux conçus par les enseignants du lycée et collège Emile Zola de Rennes. Une liste récapitulative des manuels analysés se trouve en annexe 11. La comparaison de ces trois catégories nous a permis de découvrir les facteurs influents qui proviennent des auteurs et des éditeurs, tels que les contraintes éditoriales, la position didactique et la qualité descriptive. Les données ont ensuite été reclassées chronologiquement et les facteurs liés à l’évolution du temps se dessinent progressivement dans la conception des matériaux. Il s’agit des influences géopolitiques, du rôle des enseignants et des demandes des apprenants.

C’est donc dans un travail de va-et-vient entre les différents éléments du corpus que nous avons fait émerger le processus de construction des objectifs culturels et interculturels dans un matériau pédagogique, ainsi que les interactions entre les objectifs des enseignants, des élèves et de leurs parents, et des matériaux pédagogiques dans l’enseignement de la culture chinoise.