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Dans cette séquence, nous allons présenter les données générales du terrain de notre recherche. Cette description du terrain de l’enquête, dans une approche qualitative, est indispensable pour la compréhension des choix et des perceptions des interviewés. Dans cette perspective, nous allons d’abord présenter la Cité Scolaire Emile Zola de Rennes, un établissement réputé pour son enseignement de la langue chinoise, dans la région Bretagne ou même en France. Ensuite, nous aborderons l’enseignement du chinois dans cette école.

La Cité Scolaire Emile Zola est un établissement public d'enseignement secondaire de Rennes. C'est l'un des neuf premiers lycées français, créés en 1802. Il ouvre en 1803, succédant, sur le même site, au collège municipal et royal Saint-Thomas-Becket et à l'école centrale d'Ille-et-Vilaine. Deux événements le rendent célèbre. A la fin des années 1880, un élève du lycée, Alfred Jarry, s’inspire de l’un de ses professeurs pour imaginer le personnage du Père Ubu, devenu un symbole du grotesque. Et en 1899, il abrite le second procès d’Alfred Dreyfus. L’élève le plus célèbre de l’école est François-René de Chateaubriand (1768-1848), écrivain français fondateur du Romantisme de la littérature française. Il n'est désigné d'abord que comme « lycée de Rennes » (« collège royal », sous la Restauration et la Monarchie de Juillet), puis comme « lycée de garçons », puis comme « lycée central ». De 1961 à 1968, il s'appelle lycée François René de Chateaubriand, puis Chateaubriand. Il reste sans nom durant trois ans, et devient en 1971 le lycée Émile-Zola. Il constitue aujourd'hui le cœur de la cité scolaire Émile Zola, qui comprend un collège et un lycée général, et accueille chaque année environ 160 enseignants et plus de 1500 élèves de la sixième jusqu’à la terminale. 8 langues y sont enseignées : l’anglais, l’allemand, le chinois, le turc, l’espagnol, l’italien, le latin et le grec, avec différents statuts. Il existe des sections européennes, sections internationales et sections orientales avec une option de langue étrangère. Le taux de réussite au baccalauréat est de 95% en moyenne chaque année183.

L’enseignement du chinois a commencé ici en 1979, destiné aux élèves de 4ème.

L’époque n’est pourtant pas encore à une Chine ouverte et forte, encore moins à une langue

183Source : http://www.lexpress.fr/palmares/lycees/0/lycee-emile-zola-rennes_0350024L.html,

en plein développement. Et le chinois avait alors un statut équivalent à celui du latin. Avec l’essor de l'enseignement du chinois en France et l'ouverture de la Chine, il y a de plus en plus d’élèves qui choisissent cette langue dans l’établissement, avec des statuts divers. Chaque année, on compte plus de 500 élèves prenant une option en langue chinoise, contre quelques- uns au démarrage. Le chinois occupe alors la 3ème place en tant que langue étrangère enseignée au sein de l’établissement.

L’enseignement du chinois ici se présente sous divers statuts : il peut être LV1 pour les élèves qui choisissent la section internationale de chinois. Il s’agit des élèves qui ont déjà eu 3 ans d’apprentissage du chinois à l’école primaire et poursuivent cette matière au secondaire. Ils assistent à 8 heures de chinois par semaine, y compris 3 heures en langue chinoise, 3 heures en littérature chinoise et 2 heures de mathématiques en chinois. Le collège organise tous les deux ans un séjour en Chine, réservé aux élèves de la section internationale de chinois, avec un projet pédagogique multidisciplinaire, associé souvent à l’histoire-géographie, à la musique et à la littérature françaises. Ce séjour est assuré par la JFLS (Jinan Foreign Language School, 济南外国语学校), l’école partenaire de l’établissement en Chine. La section internationale de chinois attire pour le moment à peu près 80 élèves de la classe de Sixième jusqu’à la Seconde. Le chinois peut aussi être LV2 pour certains élèves qui commencent à apprendre cette langue dès la sixième dans une « Classe Bilangue » dont l’objectif à moyen terme est une pratique de deux langues à niveau égal lors de l’entrée au lycée. Ces élèves-là ont 3 heures de chinois par semaine et auront la possibilité de choisir la section européenne ou de langues orientales dès la 4ème avec 2 heures de cours en langue et 2

heures de cours en DNL, souvent réservées à l’histoire-géographie chinoise. Au lycée et collège Emile Zola, les élèves qui prennent cette voie pour l’apprentissage du chinois sont les plus nombreux parmi les élèves sinisants. Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion d’apprendre cette langue à l’école primaire et au collège où ils étaient, le chinois LV3 est alors proposé dès le début de la Seconde à raison de 3 heures par semaine. Les lycéens en Seconde participent aussi à un voyage en Chine. Ils passent une semaine à l’école partenaire à Jinan, hébergés par les familles de leur correspondant et 3 jours à Pékin.

L’équipe pédagogique du chinois de l’établissement est composée de 2 enseignantes titulaires, et de quelques enseignants avec un statut de contractuel ou vacataire. L’école accueille aussi chaque année un assistant et deux volontaires en enseignement de chinois langue étrangère. Le nombre des enseignants natifs et non-natifs est équilibré. Les

élèves travaillent avec un enseignant natif et un enseignant non-natif (s’ils ont plusieurs cours en chinois) ou alternativement avec la présence d’un assistant s’il s’agit d’un enseignant non- natif.

Les matériaux pédagogiques utilisés sont des manuels et des matériaux conçus pas les enseignants eux-mêmes, étant donné que certains cours ne disposent pas encore de manuels, comme par exemple, les cours de littérature chinoise et de mathématiques en chinois pour la section internationale ou les cours de DNL en histoire-géographie chinoise. Les enseignants se chargent du choix des documents pédagogiques en suivant les programmes d’enseignement formulés par le Ministère de l’Education nationale. Avant 2009, les manuels utilisés étaient

Méthode d’initiation à la langue et à l’écriture chinoise rédigée par J. BELLASSEN en 1989,

avec des livrets d’exercices conçus par les enseignants, et Perfectionnement à la Langue et à

l’Écriture chinoises, rédigé par J. BELLASSEN et ZHANG Pengpeng en 1991. Bien que Perfectionnement à la Langue et à l’Écriture chinoises ne soit plus diffusé depuis une dizaine

d’année, les enseignants interrogés choisissent encore des textes dans ce manuel pour les élèves avec un niveau un peu élevé. Nous l’avons donc intégré dans notre corpus. Avec la sortie du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) du Conseil de l’Europe, on a sorti une nouvelle édition pour cette série de manuels afin de répondre aux six niveaux de progression communs définis dans ce document. Cette nouvelle édition est accompagnée d’un DVD pour les compétences orales et Perfectionnement à la Langue et à

l’Écriture chinoises est remplacé par Vers le chinois authentique. La nouvelle édition de cette

série de manuels n’a pas été utilisée dans la pratique des enseignants interrogés sur le terrain mais nous aimerions aussi les analyser dans le but de voir l’évolution de l’accent mis sur les compétences culturelles et interculturelles dans les manuels de chinois. La publication du

CECRL a aussi fait apparaître une nouvelle série de manuels dans les salles de cours de

chinois au sein de l’établissement, il s’agit de Ni Shuo Ne ? et Ni Shuo Ba ! rédigés par A. ARSLANGUL, C. LAMOUROUX et I. PILLET en 2009 et 2013. Il s’agit des deux séries de manuels les plus populaires conçus en France pour l’enseignement du chinois dans le Secondaire.

Par ailleurs, la cité scolaire Emile Zola à Rennes maintient un lien étroit avec le monde chinois. Elle a construit un partenariat avec l’école secondaire Jin Cai à Shanghai et organise des échanges entre les élèves au tour des années 2000. Ensuite, avec le jumelage entre la ville de Jinan et la ville de Rennes, l’école a pris contact avec l’École des Langues Étrangères de

Jinan (JFLS). Les élèves sinisants ont l’occasion de faire un séjour en Chine en étant accueillis par la JFLS chaque année. Le lycée Zola a accueilli aussi des élèves chinois qui voulaient poursuivre leurs études supérieures en France.

Nous avons choisi le lycée et collège Emile Zola à Rennes en tant que terrain de l’enquête pour les raisons suivantes :

- il s’agit d’un établissement public où les statuts socio-économiques des élèves sont divers, et même parfois contrastés. Cela cautionne l’équilibre de l’échantillon dans une certaine mesure, tout en tenant compte de la diversité des catégories des informateurs, bien que l’échantillon ne puisse pas être considéré comme représentatif dans une recherche qualitative.

- l’établissement dispose d’une grande diversité de parcours d’apprentissage du chinois. Il existe un enseignement du chinois pour tous les niveaux (de la Sixième jusqu’à la Terminale), tous les statuts (LV1, LV2 et LV3), avec différentes sections (section internationale, section européenne ou de langues orientales). Les compétences culturelles et interculturelles, ainsi que l’évaluation de ces compétences pourraient être polyvalentes en fonction de différents parcours. Cette diversité nous offre une complexité, mais aussi une fertilité pour nos analyses.

- les compétences culturelles et interculturelles ne se construisent pas en un jour. Il s’agit d’une évolution qui demande du temps au fur et à mesure de l’épanouissement cognitif et psychologique des élèves avec l’âge. L’interview avec les élèves se fait à un moment donné, ce qui entraîne une certaine gêne pour découvrir cette évolution du développement des compétences. Cependant, la présence d’élèves à tous les niveaux nous permet de compenser ce défaut et d’observer une certaine continuité dans les effets de l’enseignement des compétences culturelles et du développement des compétences interculturelles en cours de chinois.

- la complexité des statuts des enseignants dans cet établissement est aussi une raison pour notre choix de ce terrain de recherche. Les élèves ont la possibilité de travailler avec tous les enseignants tout au long de leur cursus de chinois, du collège au lycée. Par rapport aux autres établissements qui disposent d’un seul enseignant de chinois, cette

diversité nous permet de connaître le mieux possible les perceptions des enseignants à l’égard des compétences culturelles et interculturelles, ainsi que leur pédagogie et leur évaluation de ces compétences.

CHAPITRE Ⅴ : LES CORPUS ET LE DÉROULEMENT

DE LA RECHERCHE

Les corpus de la présente recherche se composent de trois parties : (1) les entretiens avec les élèves, leurs parents et les enseignants pour connaître leurs objectifs attribués aux compétences culturelles et interculturelles, ainsi que la construction de ces objectifs dans l’enseignement du chinois dans le contexte secondaire français ; (2) les matériaux pédagogiques utilisés sur le terrain, y compris deux séries de manuels édités à différentes époques et les matériaux conçus par les enseignants, afin de dégager les objectifs culturels et interculturels des auteurs sur l’enseignement de la culture chinoise ; (3) les documents sur l’évaluation aux niveaux international, national et local : les épreuves du HSK (Test international de chinois), les Bulletins Officiels du Ministère de l’Éducation Nationale concernant l’évaluation, les programmes d’enseignement et les livrets d’accompagnement, les sujets du HSK, les épreuves du baccalauréat, les documents de l’école concernant les échanges avec la Chine, les tests et les carnets de voyage des élèves.