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Historique et contexte de l’enseignement du chinois en France

Par rapport aux chiffres globaux, le nombre d’apprenants du chinois en France reste à un niveau modeste, mais les effectifs sont toujours en progression du fait de l’importance croissante de la Chine sur le plan international.

Comme nous l’avons évoqué dans la séquence précédente, les premiers contacts entre la France et la Chine sont réalisés par les missionnaires qui érigent ensuite la sinologie en une discipline scientifique. Le Père Nicolas Trigault en est un exemple qui œuvre pour la romanisation de l’écriture chinoise. Le Père Joseph Henri Marie de Prémare rédige la première description systématique de la langue chinoise à destination des Européens. La France est la première nation européenne qui intègre la sinologie au rang de discipline universitaire avec la création le 29 novembre 1814 de la chaire de langues et littératures chinoises et tartares-mandchoues au Collège de France. Une chaire de chinois moderne est ouverte en 1843 à l’École spéciale des Langues Orientales, suivie par des gens qui voulaient commercer, des missionnaires et par des étrangers qui voyaient la littérature chinoise comme le domaine exclusif de la France.

Le 3 juillet 1913, Gao, un jeune lycéen chinois, était autorisé à présenter le chinois aux épreuves du baccalauréat à la Sorbonne. La première chaire de chinois dans l’enseignement supérieur des universités a été créée à Lyon en 1900, grâce à un financement de la Chambre de commerce et d’industrie. Près de soixante ans plus tard suivront Paris, Bordeaux, Aix-en- Provence, Arras, Nanterre, Montpellier, La Rochelle. Le berceau de l’enseignement du chinois dans l’enseignement secondaire se situe au lycée expérimental de Montgeron. Cette naissance, qui a eu lieu en 1958, soit six ans avant l’établissement des relations diplomatiques

entre la France et la Chine, va être le début d’une longue marche qui aboutit à ce que l’on peut considérer comme l’une des originalités françaises en matière éducative, à savoir une présence relativement forte du chinois dans le secondaire. La petite histoire nous apprendra que la première enseignante s’appelait mademoiselle Cheng Yixia, et que cette première expérience connut un succès certain, attirant dès la première année 135 élèves. L’idée initiale revenait à une enseignante de philosophie. La prise en charge financière de ce premier enseignement de chinois se faisait grâce à des heures de surveillance de cantine. L’essentiel était l’efficacité et le pragmatisme. La première session de chinois du CAPES date de 1964 ; une seconde se tient en 1967 puis, après une interruption de plusieurs années, le chinois est remis au concours en 1974. Il faudra attendre 1999 pour voir la création de l’agrégation de chinois.

Aujourd’hui, l’enseignement et l’apprentissage du chinois pénètrent dans tous les niveaux éducatifs, y compris les crèches, les enseignements primaires, secondaires et universitaires. Du point de vue géographique, la carte de l’enseignement du chinois couvre 30 académies, dont 4 régions d’outre-mer incluses149.

Dans les crèches, l’enseignement du chinois se présente sous forme d’atelier à raison de 1 à 2 heures par semaine, avec une pédagogie centrée en particulier sur l’approche sensorielle et motrice grâce à l’emploi innovant d’éléments culturels concrets, objets et jeux.

Dans l’enseignement primaire, la section internationale franco-chinoise du 13ème arrondissement de Paris, créée en juillet 1985, est longtemps restée la seule présence du chinois. Il y a maintenant au total 24 établissements150 qui proposent des cours de chinois avec des statuts divers et 15 écoles primaires françaises à l’étranger151 qui offrent également un enseignement de chinois. 14 sections internationales de chinois152 sont ouvertes aux écoliers français. On compte 6000 écoliers sinisants153 à la rentrée 2015-2016. Au niveau

149 Source : carte du chinois établie sur le site de l’AFPC (Association Française des

Professeurs de chinois), http://www.afpc.asso.fr/Carte-du-Chinois, page consultée le 16 juillet 2015.

150 Source : Idem., page consultée le 16 juillet 2015.

151 Source : BELLASSEN, J., (2015), Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement

du chinois en 2015-2016.

152 Source : Idem. 153 Source : Ibid.

pédagogique, des programmes scolaires de chinois pour l’enseignement primaire ont été publiés pour la première fois en 2002.

Dans l’enseignement secondaire, les effectifs d’élèves sinisants connaissent une croissance spectaculaire : ils sont passés d’une centaine d’élèves dans les années 50 à 2 700 en 1995154 ; ce chiffre a dépassé 5 000 en 2000155, 29 505 en 2011156, 37 108 pour la rentrée 2013-2014157 et on compte 44 227 élèves158 qui étudient le chinois dans le contexte secondaire pour la rentrée 2015-2016. La répartition géographique est particulièrement équilibrée : à la rentrée 2015, toutes les académies métropolitaines sont couvertes avec 663 collèges et lycées159 qui offrent un enseignement réglementaire en chinois. Le chinois constitue maintenant la langue enseignée qui connaît la plus forte progression dans l’enseignement secondaire. Selon des statistiques officielles, l’augmentation des apprenants est de 25% entre 2000 et 2002160. La croissance des effectifs est de 11%161 à la rentrée 2013- 2014 par rapport à 2012-2013. Le chinois est passé de la 9ème en 1999162 à la 5ème place en 2007163 des langues enseignées dans le secondaire.

Nous constatons aussi une évolution du statut de cette langue. La proportion d’élèves sinisants qui commencent leur apprentissage du chinois dès le collège, à savoir en tant que LV1 ou LV2, progresse et est désormais de 50%164 alors que dans les années 80, 80-90%

154 Source : BELLASSEN, J., (2004), L’enseignement du chinois aujourd’hui : état de l’art,

extraits des actes du séminaire national – Enseigner le chinois 2004 – DESCO SCÉRÉN, Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

155 Source : Idem.

156 Source : BELLASSEN, J., (2011), Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement

du chinois en 2011-2012.

157 Source : BELLASSEN, J., (2013), Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement

du chinois en 2013-2014.

158 Source : BELLASSEN, J., (2015), Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement

du chinois en 2015-2016.

159 Source : Idem.

160 Source : Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement du chinois en 2013-2014,

2013, op.cit.

161 Source : Ibid. 162 Source : Ibid. 163 Source : Ibid.

164 Source : Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement du chinois en 2015-2016,

d’élèves165 choisissaient cette langue en LV3 ou comme une langue facultative hors

programme.

Par ailleurs, les élèves sinisants choisissant le chinois en LV2 ont la possibilité d’entrer dans les sections européennes ou de langues orientales (SELO) pour développer leurs compétences en chinois et leur connaissance de la culture chinoise. A partir de la classe de 4ème, ils ont un horaire d’enseignement linguistique très renforcé et à partir de la seconde, ils reçoivent un enseignement d’une discipline non linguistique (DNL) dans la langue chinoise. Cette discipline non linguistique peut être, au choix de l’établissement : l’histoire-géographie, les mathématiques, les sciences de la Vie et de la Terre, etc. Dans la plupart des cas, l’histoire-géographie de la Chine est la discipline préférée par l’établissement.

Quant aux élèves sinisants en LV1, ils ont la possibilité de s’impliquer dans une section internationale de chinois qui propose un parcours intensif avec l’enseignement de la langue et de la littérature chinoises, et des mathématiques en chinois. Les premières sections internationales de chinois ont été créées à la rentrée 2008. Il y en avait 40 à la rentrée 2015166, dont 26 dans le Secondaire et 14 dans le Primaire167, réparties sur 10 académies168 et

regroupant 1 973 élèves169.

L’encadrement pédagogique est caractérisé par un essor des effectifs d’enseignants : 559 enseignants à la rentrée 2015170 contre 123 en 2004171. Mais il ne faut pas oublier que seulement près de 40%172 parmi eux sont des titulaires, alors que la proportion était de 50% en 2004173. Ces chiffres reflètent le fait que la croissance des postes pour les titulaires s’essouffle par rapport à la croissance du nombre d’enseignants nécessaires pour satisfaire la 165 Source : Ibid. 166 Source : Ibid. 167 Source : Ibid. 168 Source : Ibid. 169 Source : Ibid. 170 Source : Ibid.

171 Source : L’enseignement du chinois aujourd’hui : état de l’art, extraits des actes du

séminaire national – Enseigner le chinois 2004, op. cit.

172 Source : Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement du chinois en 2015-2016,

2015, op.cit.

173 Source : L’enseignement du chinois aujourd’hui : état de l’art, extraits des actes du

demande des apprenants. Cela nous rappelle aussi que la formation des enseignants n’est peut-être pas toujours à la hauteur des exigences préconçues par le Ministère de l’Éducation nationale, malgré le fait que des stages de formation continue des enseignants sont mis en place tous les ans dans les Académies. En outre, le nombre d’assistants de chinois en lycée est de 64 à la rentrée 2015174. La Chine a lancé en 2004 un programme de « Volontaires en enseignement de chinois langue étrangère » (financement assuré par la Chine), afin de répondre à la demande massive d’enseignants de chinois dans le monde et 64 Volontaires175

servent en 2015-2016 dans les lycées et collèges. La présence de ces assistants ou Volontaires assure la mise en pratique de la langue avec les élèves et les témoignages au niveau culturel ou même interculturel, surtout quand il s’agit d’un enseignant non-natif.

Concernant les programmes et les matériaux pédagogiques en chinois, des programmes partiels de chinois pour l’enseignement secondaire existaient depuis vingt ans ; ils sont désormais complets pour tous les niveaux de classe. Les matériaux pédagogiques publiés en France se multiplient : manuels, grammaires, cédéroms…etc.

Concernant l’évaluation et la certification en langue chinoise, il existe un diplôme national du brevet (DNB) en option internationale de chinois et un baccalauréat pour toutes les séries et tous les statuts de langue. Avec le test de certification en langue chinoise HSK (Hanyu Shuiping Kaoshi 汉语水平考试), équivalent du TOEFL (Test of English as a Foreign

Language) en anglais, le chinois dispose d'une évaluation accessible aux collégiens et aux

lycéens ; la France compte une vingtaine de centres d’examen HSK176 et plus de 2000

candidats l’ont présenté en France en 2011177. Une certification française de niveau de chinois

existe désormais, avec le Diplôme de Compétence en Langue.

Près d’un tiers des établissements178 ont tissé des liens avec le monde chinois, certains

sous forme de partenariat avec des échanges dans les deux sens, les élèves étant hébergés dans les familles d’accueil. Ces échanges permettent une mobilité dans le cadre scolaire et une progression de la francophonie dans les établissements chinois.

174 Source : Le chinois, langue émergente : état de l’enseignement du chinois en 2015-2016,

op. cit.

175 Source : Ibid. 176 Source : Ibid. 177 Source : Ibid. 178 Source : Ibid.

L’enseignement du chinois propose une continuité dans le cursus des élèves. Jusqu’à présent, dans l’enseignement supérieur, il existe des cours pour les étudiants spécialisés en chinois et les non-spécialisés. 28 départements universitaires179 dispensent un enseignement long LLCE (langue, littérature et civilisation étrangère) ou LEA (langues étrangères appliquées), soit environ un total de 7 000 étudiants180 spécialisés. 150 universités, instituts et grandes écoles181 dispensent des cours de chinois (initiation, enseignement court, diplôme d'université), pour 15 000 étudiants 182 non-spécialisés. Une formation de chinois est disponible à l’Ecole Supérieure d'Interprétariat et de Traduction.

La didactique en langue chinoise devient progressivement une discipline, détachée de celle de la sinologie, en développant de nombreuses recherches centrées sur l’enseignement de cette langue. Les premières recherches portent sur la constitution du Seuil minimum de

caractères (SMIC) (Bellassen, 1985) qui vise à sélectionner et définir les caractères les plus

utilisés pour la lecture en chinois. On a établi également des seuils de caractères conformément aux six niveaux de compétences langagières proposés par le Cadre Européen

Commun de Référence pour les Langues du Conseil de l’Europe. Une distinction des

caractères dits actifs et des caractères dits passifs a été aussi confirmée par les programmes d’enseignement. D’ailleurs, plusieurs thèses sur la didactique en chinois, qui offre de nouvelles perspectives pour cette langue, ont été soutenues ces dernières années.

Nous pouvons remarquer, à partir de ce bref historique de la situation actuelle de l’enseignement du chinois en France, que la langue chinoise, hier langue exotique et lointaine, réservée aux savants pour un accès au savoir noble, devient dans un tel contexte une langue de proximité. Nous devons en prendre conscience pour nous interroger sur la maîtrise effective des compétences linguistiques et culturelles. C’est aussi dans cette mutation de l’enseignement de la langue chinoise que nous inscrivons la problématique de la présente recherche. 179 Source : Ibid. 180 Source : Ibid. 181 Source : Ibid. 182 Source : Ibid.