• Aucun résultat trouvé

LA REDEFINITION DE L’OBLIGATION ALIMENTAIRE PAR LA LOI DU 1er DECEMBRE 1988 RELATIVE AU REVENU MINIMUM

Dans le document Aide sociale et obligation alimentaire (Page 169-172)

SECTION I. L’OBLIGATION ALIMENTAIRE A L’EPREUVE DE L’AIDE SOCIALE

II. LA REDEFINITION DE L’OBLIGATION ALIMENTAIRE PAR LA LOI DU 1er DECEMBRE 1988 RELATIVE AU REVENU MINIMUM

D’INSERTION

Le revenu minimum d’insertion entraîne un renouveau de la notion d’obligation alimentaire et ce, sur deux plans : d’une part, la notion de personne à charge trouve sa place dans l’économie générale du R.M.I. et, d’autre part, le maintien apparent724 du principe d’un

recours à la solidarité familiale pose de manière novatrice la question de son étendue.

Le mode de calcul du revenu minimum d’insertion fait, en effet, apparaître la prise en considération des personnes à la charge de l’allocataire725. L’article 1er du décret du 12

décembre 1988 indique que « le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire (...) est majoré de 50 p. 100 lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 p. 100 pour chaque personne présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge. Lorsque le foyer comporte plus de deux enfants ou personnes de moins de vingt-cinq ans à charge, à l’exception du conjoint ou du concubin de l’intéressé, la majoration à laquelle ouvre droit chacun des enfants ou personnes est portée à 40 p. 100 à partir du troisième enfant ou de la troisième personne »726. Il en résulte donc, en particulier, que le couple marié est assimilé au couple non-marié pour le calcul de la majoration du montant du revenu minimum d’insertion727. Cette allocation contribue, par conséquent, à prendre en considération les liens économiques de proximité qui unissent certaines personnes, faisant fi de la « famille alimentaire » telle qu’elle est définie par les articles 205 et suivants du Code civil.

La référence à la notion de personnes à charge pour déterminer l’aide que l’allocataire doit à sa famille se présente comme une exception à la conception individualiste du besoin dans le droit de l’aide sociale. Mais la spécificité du revenu minimum d’insertion n’en reste pas là.

724 La portée du principe de subsidiarité de la solidarité sociale vis-à-vis de la solidarité familiale dans le dispositif du RMI demeure en effet assez incertaine. Voir infra.

725 Voir supra.

726 Art. 1, décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 (modifié par le décret n° 90-386 du 9 mai 1990).

727 Pour une approche globale de l’assimilation du couple non-marié au couple marié en droit social, voir : A-M. GILLES, Le couple en droit social, op. cit., pp. 57-58.

Bien qu’il soit une des manifestations les plus spectaculaires de la solidarité collective, le revenu minimum d’insertion n’en a pas pour autant négligé la solidarité familiale. Cependant, alors que l’aide sociale fait généralement supporter aux débiteurs d’aliments une partie des aides attribuées, en fonction de ses capacités contributives, la loi du 1er décembre 1988 ne fait référence qu’à certaines obligations alimentaires.

En effet, l’article 23, dans son alinéa 2, vise les créances d’aliments qui sont dues « au titre des obligations instituées par les articles 203, 212, 214, 255, 282, 334 et 342 du Code civil ainsi qu’à la prestation compensatoire due au titre de l’article 270 dudit code et aux pensions alimentaires accordées par le tribunal à l’époux ayant obtenu le divorce dont la requête initiale a été présentée avant l’entrée en vigueur de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce ».

Il faut ajouter que même si elle ne fait pas partie des créances alimentaires visées par cet article, la pension alimentaire versée par le concubin sera comprise dans les ressources du demandeur728. En effet, les ressources prises en compte pour la détermination du montant du

revenu minimum d’insertion seront celles du conjoint ou du concubin, puisque l’article 3 du décret du 12 décembre 1988 dispose qu’il s’agit des ressources de toutes les personnes visées dans son article 1er.

L’énumération de textes issue de l’article 23 exclut donc de son champ les aliments dus par les enfants à leurs ascendants (art. 205 C. civ.) – et, réciproquement, ceux dus par les ascendants à leurs descendants majeurs au titre de l’obligation alimentaire simple –, ainsi que l’obligation alimentaire existant entre gendres et belles-filles, et beau-père et belle-mère (art. 206 C. civ.). C’est ainsi qu’est mise à l’honneur la solidarité dont doivent faire preuve les parents envers leurs enfants et celle qui doit s’exercer entre époux ou ex-époux.

Cette liste qui n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune présentation liminaire, ni de débats, est surprenante à plus d’un titre.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’obligation d’entretien due par les père et mère à leurs enfants. D’une part, le visa conjoint des articles 203 et 334 est étonnant, dans la mesure où l’article 203, malgré sa rédaction, englobe l’hypothèse de la filiation naturelle depuis 1972. S’il y avait doute dans l’esprit des rédacteurs de la loi du 1er décembre 1988, pourquoi n’avoir pas ajouter les références à l’obligation alimentaire des parents adoptifs (art. 367 C. civ. pour l’adoption simple, art. 358 pour l’adoption plénière) ? D’autre part, l’article 342, relatif à l’action à fins de subsides, ne relève pas à proprement parler de l’obligation

alimentaire. Selon ce texte, « tout enfant naturel dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie, peut réclamer des subsides à celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période légale de la conception », cette action pouvant être exercée pendant la majorité de l’enfant, pendant un délai de deux années. Cette action ne se présente donc pas comme une simple demande de fixation de la créance d’aliments mais suppose que soit rapportée la preuve des relations avec la mère durant la période légale de conception. Comme le souligne un auteur, « considérer, selon la formule de l’article 23, qu’il s’agit là d’une « créance due au titre d’une obligation » est très excessif, et anticipe une obligation qui ne pourra résulter que du jugement »729.

Le constat sera le même en ce qui concerne les obligations qui résultent du devoir de secours d’une part, et certaines prestations dues à l’ex-conjoint d’autre part, auxquelles fait référence l’article 23. C’est une vision très large des relations entre époux et ex-époux qui ressort de l’énumération de cet article. En effet, on trouve mention, à côté de l’article 212 (instituant un devoir de secours entre époux), des articles 255 (visant la prolongation du devoir de secours dans les mesures provisoires du divorce) et 282 du Code civil (à rattacher à l’article 281, en ce qu’il maintient le devoir de secours entre époux à la charge de l’époux demandeur en cas de divorce pour rupture de la vie commune). Il paraît toutefois surprenant que l’article 303, relatif à la séparation de corps, qui laisse subsister le devoir de secours entre les deux époux ne soit pas cité730. L’énumération de l’article 23 de la loi du 1er décembre 1988 intègre même des obligations alimentaires renforcées, telles que la contribution aux charges du mariage (art. 214 C. civ.) ou de la prestation compensatoire (art. 270 C. civ.).

La liste des créances d’aliments établie par la loi du 1er décembre 1988 semble donc inspirée – malgré ses maladresses et ses oublis – par le désir de ne rendre effectives que les liens alimentaires qui se nouent au sein du noyau familial. La solidarité que les père et mère doivent à leurs enfants et celle qui existe (ou survit) entre époux ou ex-époux sont ainsi à l’honneur.

Une redéfinition de l’obligation alimentaire semble donc être à l’œuvre, sous l’effet notamment de l’aide sociale : un mouvement tend à maintenir une obligation alimentaire très forte dans un cadre familial restreint et à limiter l’obligation alimentaire simple qui existe au sein de la famille élargie. Mais il ne s’agit là que d’une tendance : les textes permettant à la

729 E. SERVERIN, « Solidarité nationale et solidarité familiale dans l’allocation du revenu minimum d’insertion », op. cit., p. 25.

collectivité publique de se retourner contre les débiteurs d’aliments continuent à désigner ces derniers par référence aux articles 205 et suivants du Code civil731. Rien n’oblige donc les services sociaux ou les établissements publics de santé à n’exercer leurs recours qu’à l’égard de certains débiteurs alimentaires déterminés, à la priver de certains autres.

Quoi qu’il en soit, il semble qu’un processus d’adaptation de l’obligation alimentaire aux exigences de la vie sociale soit en mouvement. La mutation du droit aux aliments qui s’opère lentement conduit à une étape supplémentaire : celle de la suppression de la référence au principe de l’obligation alimentaire dans le droit de l’aide sociale. Autrement dit, celle de la suppression du principe de subsidiarité dans le droit de l’aide sociale.

SECTION II. VERS LA SUPPRESSION DU PRINCIPE DE

Dans le document Aide sociale et obligation alimentaire (Page 169-172)

Outline

Documents relatifs