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LES RECOURS CONTRE LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES L’existence d’un recours en justice contre une mesure de sanction administrative est le

CHAPITRE VII. ITALIE Élise LANGELIER

VI. LES RECOURS CONTRE LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES L’existence d’un recours en justice contre une mesure de sanction administrative est le

corollaire du droit à la défense (art. 24 et 113 de la Constitution italienne). Il était organisé par les articles 22 et 23 de la loi de 1981 dans un délai (en principe) de 30 jours après la notification mais ces décrets, après plusieurs déclarations d’inconstitutionnalité, ont été abrogés par un décret législatif du 1er septembre 2011, n.150 et sont désormais codifiés à son article 6.

Juge compétent. Se pose évidemment la question importante du juge compétent. Or,

d’une manière générale, le dualisme juridictionnel italien repose sur la distinction entre les intérêts légitimes (que protège le juge administratif) et les droits subjectifs (qui sont de la compétence du juge ordinaire). La loi peut en outre fixer un cadre spécifique, notamment pour

355 V. P. Cerbo, Le sanzioni amministrative, Giuffrè Editore, Milano, 1999, p. 10.

356 Corte costituzionale, ord., 3 juin 1999, n. 207 ; Corte costituzionale, sentence du 30 décembre 1998, n. 456 ; Corte

costituzionale, 24 juillet 1995, n. 360.

357 V. G. Antico, C. Giudice, « Applicazione del principio di specialità nelle sanzioni amministrative e penali », Fisco, 2009,

13, 2029.

358 V., en matière de répression pour une infraction sportive à l’usage des eaux, L. de Pauli, « Circolazione con acquascooter nello specchio d’acqua antistante il litorale, tra sanzioni penali e amministrative », Riv. giur. ambiente, fasc.2, 2006, p.

éviter qu’au sein d’une même matière les deux juges interviennent. En la matière, la loi de 1981 a prévu la compétence du Pretore, donc d’un juge ordinaire, compétence qui fut bientôt partagée avec le juge de paix lorsque n’était en cause qu’une sanction pécuniaire (lorsqu’était également imposée une sanction administrative accessoire, ce juge ne pouvait être compétent). Mais en 1998 une réforme a imposé le système du juge unique, entraînant la suppression du pretore dont les compétences ont été transférées au tribunale. Après nombre d’hésitations, l’article 6 du décret législatif de 2011 prévoit désormais qu’il est compétent pour se prononcer sur les sanctions en matière de travail, d’hygiène sur le lieu de travail et de prévention des incidents du travail ; d’assistance obligatoire ; de protection de l’environnement contre les pollutions, de la flore, de la faune et des aires protégées ; de l’hygiène en matière d’alimentation et de boisson ; en matière monétaire et de lutte contre le blanchissement des capitaux. Outre cette attribution de compétences par matière, le décret procède aussi par importance de la sanction : le tribunale juge des oppositions aux sanctions pécuniaires de plus de 15 493 € ; à d’autres sanctions dans des cas énumérés par décrets législatifs. Le juge de paix conserve donc un certain nombre de compétences, notamment pour les sanctions pécuniaires d’un montant inférieur. La décision rendue en première instance est susceptible d’appel359.

Toutefois, cette attribution de principe se heurte aux hypothèses dans lesquelles le juge administratif dispose d’une compétence spécifique, dite de « juridiction exclusive » qui lui permet de connaître de l’ensemble des conclusions dans un domaine y compris s’il s’agit de conclusions en réparation, en ce qui concerne les intérêts légitimes comme les droits subjectifs en cause (art. 17 5° du codice del processo amministrativo). C’est ainsi le cas en matière d’urbanisme et de construction (art. 133 f) du codice del processo amministrativo) : il s’agit de l’un des premiers domaines dans lesquels le juge administratif a obtenu une compétence exclusive, qui s’étend naturellement aux litiges liés aux sanctions administratives. Mais l’article 133 du codice del processo amministrativo qui énumère les matières relevant de la juridiction exclusive cite également en son l) les litiges, y compris ceux en matière de sanctions, liés à des décisions de la Banque d’Italie, de l’Autorité garante de la concurrence et du marché, de l’Autorité pour la garantie des communications, de l’Autorité pour l’énergie électrique et le gaz, de l’Autorité de vigilance sur les contrats publics de travaux, fournitures et services360, de la Commission pour la transparence et l’intégrité de la vie publique, de l’Institut pour le contrôle sur les assurances privées, etc. L’article 133 n) ajoute à cette liste les litiges relatifs aux sanctions administratives et aux mesures adoptées par l’organisme de régulation compétent en matière d’infrastructure ferroviaire. Quant à l’article 133 z), il ajoute à cette énumération déjà longue les litiges, y compris ceux relatifs aux sanctions adoptées par l’Agence nationale de régulation du secteur postal.

On le voit, cette liste contient des domaines clés de répression administrative (en droit italien comme français), spécialement lorsque celle-ci est menée par une autorité administrative indépendante. Rien d’étonnant : comme le relève un auteur, depuis quelques années le juge administratif italien semble « assumer le rôle de juge en quelque sorte “naturel” des autorités indépendantes et, au-delà, de la régulation économique en entier »361.

Toutefois, la Cour constitutionnelle a tenté progressivement de limiter l’expansion de la compétence exclusive du juge administratif pour préserver le champ d’intervention du juge judiciaire. Dans cette logique, elle a récemment déclaré inconstitutionnelles l’attribution de la juridiction exclusive et la détermination de la compétence du Tribunal administratif régional

359 Sur les modalités spécifiques de l’appel, v. F. P. Luiso, « L'appello in materia di opposizione alle sanzioni

amministrative », Giur. merito, fasc.7-8, 2007, p. 1906.

360 Cette compétence dérive d’une loi du 18 nov. 1998 n.415.

361 V. M. Clarich, A. Pisaneschi, « Le sanzioni amministrative della consob nel “balletto” delle giurisdizioni »,

du Lazio (Rome) concernant les litiges en matière sanctions prises par la Commission nationale pour les sociétés et la bourse (la fameuse CONSOB italienne). Le juge ordinaire était dès lors appelé à retrouver toute sa compétence362. Cette décision n’a pas manqué d’être

critiquée notamment en ce qu’elle conduit à distinguer les sanctions pécuniaires (relevant désormais du juge ordinaire) de celles purement bancaires (qui demeurent de la compétence exclusive du juge administratif comme les sanctions prononcées par les autres autorités administratives indépendantes)363.

Le tribunal administratif régional du Lazio demeure en outre compétent pour les litiges ayant pour objet les mesures de l’Autorité garante de la concurrence et du marché et de l’Autorité pour la garantie des communications.

Enfin, la jurisprudence a prévu que, lorsqu’une sanction administrative emporte la fermeture d’un commerce, l’arrêté municipal de fermeture ne peut relever de la compétence du juge ordinaire364.

Office du juge. La loi a confié des pouvoirs d’instruction importants au juge. Surtout,

dans la mesure où la jurisprudence a considéré que l’opposition aux ordonnances-injonctions était moins un litige fait à un acte administratif qu’un litige lié à un fait illicite, les pouvoirs du juge ont été appréciés en conséquence.

Alors même que la loi impose une condition stricte de motivation, la jurisprudence a retenu que l’absence de mention des raisons justifiant l’application de la sanction ne suffisait pas à annuler celle-ci. La doctrine a lu cela comme une conséquence de la juridiction de

mérite que la loi de 1981 a accordé au juge de l’opposition en la matière365 : cette juridiction lui permet notamment d’établir un quantum de pénalité différent de celui initialement retenu par l’administration366. Dans ce contexte, la Cour de cassation a considéré que le juge n’était

pas vraiment appelé à contrôler la motivation de l’acte mais à déterminer la sanction applicable en faisant pour cela directement application des critères de l’article 11 de la loi de 1981367. Toutefois, cette éventuelle re-détermination n’est pas prise en raison de

considérations d’équité : il s’agit bien de s’assurer du respect du cadre législatif précité368 ; les circonstances atténuantes éventuellement utilisées doivent être celles prévues par la loi. Autrement dit, le juge saisi (qu’il soit ordinaire ou administratif) est pleinement compétent pour apprécier tant la légalité que le caractère fondé de la sanction : l’article 23 de la loi de 1981 ne le limite pas à apprécier la régularité formelle de la décision mais lui impose d’examiner complètement l’adéquation entre la mesure sanctionnant et les faits litigieux. En revanche, le juge n’a pas le pouvoir de relever d’office les éventuels vices de nullité de la mesure369.

Comme le constataient R. Giovagnoli et M. Fratini, « le pouvoir de sanction constitue une expression symptomatique et hautement représentative du modèle de contrôle public sur l’activité privée, qui se situe entre les instruments de garantie de l’effectivité du pouvoir

362 Corte costituzionale, sentence du 27 juin 2012, n. 162.

363 V., sur l’historique du partage des compétences en la matière et sur une lecture critique de la solution, M. Clarich, A.

Pisaneschi, « Le sanzioni amministrative della consob nel “balletto” delle giurisdizioni », Giurisprudenza Commerciale, fasc.6, 2012, p. 1166.

364 Cass sez un 5 mars 1993, n.2671.

365 Pour les sanctions administratives dont la connaissance relève du juge administratif, l’article 134 du codice del processo

amministrativo attribue une telle juridiction de merito pour les litiges concernant les sanctions pécuniaires relevant de la

compétence du juge administratif, y compris les sanctions prononcées par des autorités administratives indépendances.

366 V. R. Giovagnoli, M. Fratini, Le sanzioni amministrative, Giuffrè Editore, Milano, 2009, p. 184. 367 V. Cass., sez. lav., 2 fév. 1996, n. 911.

368 V. Cass., sez. I, 12 sept. 1997, n. 9035.

369 Par exemple, refusant l’obligation pour le juge de relever d’office la tardiveté de la réponse du préfet à un recours

administratif de gouvernance et de direction »370. Cela est particulièrement vrai si l’on note la cadence accrue des réformes italiennes en matière de répression administrative comme pénale, les tâtonnements quant au modèle de répression majoritaire, au juge compétent ou encore aux sanctions les plus appropriées. Surtout, l’évolution de la répression administrative en Italie témoigne des difficultés à articuler un système cohérent avec la répartition des pouvoirs et les logiques velléités locales de pouvoir assurer le respect des régimes juridiques qu’elles ont créés dans les matières qui leur ont été confiées. Sans doute l’urgence est-elle désormais à la stabilisation du système pour en assurer l’effectivité.

CHAPITRE VIII. ROYAUME-UNI

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