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PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE

A.- Étude comparative

S’il n’est pas nécessaire de revenir ici sur la contribution déjà évoquée de l’Union européenne au développement de la répression administrative et de l’analyser en détail, ni d’aller plus avant dès maintenant dans l’apport de l’autre Europe à la construction d’un droit européen de la répression administrative, du moins ce dépassement obligé du cadre national confirme-t-il l’intérêt — en toute hypothèse toujours présent — de ne pas s’en tenir au système français pour apprécier les choix de politique répressive, les questions qu’ils soulèvent et les réponses qui y sont apportées.

L’état des lieux de la répression administrative dans chacun des États membres dressé dans les années quatre-vingt-dix par la Commission européenne dans la perspective précisément de doter la Communauté, dépourvue de compétence pénale d’une compétence répressive renforcée lui permettant d’assurer une meilleure effectivité aux politiques européennes et de protéger du même coup les intérêts financiers de la Communauté110, fournit par le classement des pays qu’elle opère un guide dans le choix le plus pertinent pour une étude comparative. Au vu des trois groupes de pays distingués - un premier groupe composé de l’Allemagne, l’Italie et du Portugal, où la répression administrative constitue un véritable « système », un deuxième groupe composé d’États membres comme la France l’Espagne, la Grèce, la Belgique et les Pays-Bas connaissant depuis longtemps des sanctions infligées par des autorités administratives mais sans esprit de système, enfin un troisième groupe, celui des États membres qui comme la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark ignorent la compétence répressive des autorités administratives —, l’Italie et la Grande — Bretagne relevant du premier et du troisième groupe sont ici retenus en raison de leur spécificité très marquée et opposée.

Répression administrative en Grande-Bretagne — Le système répressif anglais présente en effet une importance particulière par son attachement fondamental au modèle libéral et donc la confiance placée dans le juge pour assurer l’application de la loi qui apparaît ainsi comme une garantie essentielle contre l’arbitraire. L’idée que l’administration dispose au nom de l’État d’un pouvoir de sanction est a priori étrangère à la théorie de la séparation des pouvoirs développée par Locke au XVII° siècle et à la conception anglaise de l’État de droit. L’attachement de la France comme de la Grande — Bretagne au modèle libéral explique que de part et d’autre de la Manche, le recours à la répression pénale ait été

110 Étude préc.1995, vol. II, p. 13. Le premier volume est consacré aux rapports nationaux établis par des chercheurs, le

privilégié à l’époque moderne et rapproche ces deux pays111, la France n’ignorant toutefois pas la répression administrative et la laissant perdurer au-delà de la Révolution et se développer. La place faite par la Grande — Bretagne à la répression administrative plus récemment rapproche à nouveau ces deux pays. Elle connaît en effet depuis vingt ans un très fort mouvement de dépénalisation qui a donné lieu à plusieurs études, et notamment à deux importants rapports — Hampton (Reducing administrative burdens — effective inspection and enforcement, 2005) et Marcory (Regulatory Justice: Making Sanctions Effective, 2006) — qui se livrent à une analyse approfondie et systématique la répression administrative dans les secteurs techniques. La loi Regulatory Enforcement and Sanctions Act adoptée en 2008, qui n’est toutefois pas une loi-cadre sur les sanctions administratives, mais constitue cependant la loi la plus générale en matière de dépénalisation, confirme ce mouvement. L’étude de la doctrine de Common law se justifie au-delà par les théories de « sociologie du droit » (comme la responsive régulation) qui n’ont pas encore été exploitées dans les pays de droit continental. Le Royaume-Uni peut donc permettre de penser la stratégie répressive à mettre en place en France dans le choix entre répression administrative et répression pénale.

Répression administrative en Italie — L’Italie en effet, mais comme l’Allemagne dont elle s’inspire ou le Portugal se caractérise par une véritable politique de dépénalisation réfléchie et organisée. Non seulement place est faite dès le début du XXe siècle, avant le développement de législations sectorielles, à la répression administrative, et elle n’a cessé de s’étendre par vagues successives depuis 1960 pour couvrir désormais un champ très large (circulation routière, droit forestier, droit de la navigation, droit du travail, de droit bancaire, droit fiscal112, droit, douanier, sécurité publique, droit alimentaire, droit agraire, droit de la consommation, droit de l’environnement, droit de la construction, etc.) mais elle est conceptualisée (notamment par G. Zanobini dès 1924113) et désormais systématisée. Objet d’une loi-cadre en 1981 qui unifie le régime procédural et les règles de fond en la matière et leur donne une portée qui s’élargit au-delà d’infractions dépénalisées jusqu’aux infractions originairement administratives (à l’exception toutefois des sanctions disciplinaires), la répression administrative apparaît comme un véritable système répressif auquel le législateur porte pleine attention ainsi qu’en témoigne une nouvelle loi adoptée en mai 2015 qui rénove le système de répression pénale en matière environnementale s’attache à sa meilleure coordination avec la répression administrative.

L’étude du droit italien de la répression administrative tire son intérêt, au-delà de son avancée conceptuelle qui conduit à en faire, avec les droits allemand et portugais, des références, voire des modèles en la matière, de voir poser la question de la concurrence entre les sanctions pénales et les sanctions administratives lorsque celles-ci sont imposées par le droit de l’Union européenne. Le débat autour des modalités d’opposition aux sanctions administratives y est prégnant. La structure de l’État interroge par ailleurs sur la coexistence entre les sanctions prises au niveau national et celles prises au niveau régional ; la régionalisation étant à cet égard un facteur d’expansion de la répression administrative dès lors que les régions, dépourvues de compétences en matière pénale, doivent y recourir pour assurer la répression des manquements aux normes qu’elles élaborent. Le parallèle ici s’impose avec l’Union européenne, qui est dépourvue, elle aussi, de compétence pénale, et qui a trouvé dans la répression administrative le moyen d’assurer l’exécution des politiques communes.

111 Ce qui conduisait F.Moderne à considérer que la Grande-Bretagne et la France se caractériseraient par une répression

administrative « résiduelle » (op.cit. p. 7).

112 La loi déléguée de 1996 (n. 662/1996, Gazzetta Ufficiale n. 303 du 28 déc. 1996), qui fait toujours référence bien qu’elle

ait été maintes fois modifiée, avait été construite autour de 15 critères permettant de construire la répression administrative en ce domaine dont l’adoption d’une unique sorte de sanction administrative (volonté de simplification), le lien entre sanction et personne physique auteur de la violation, l’adoption d’un principe de spécialité…

B.- Méthodologie et plan de l’étude

La présente recherche est portée par l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (ISJPS), spécialement en son sein par le Centre d’étude et de recherche sur l’administration publique (CERAP).

Pour rendre compte du recours à la répression administrative, le présent rapport général, qui constitue la première partie de cet ouvrage, traite de la répression administrative instituée en France dans chacun des quatre secteurs techniques retenus (v. supra, champ de l’étude). Il s’appuie à cette fin sur les quatre rapports sectoriels qui rendent compte de la place allouée à cette répression dans chacun d’eux.

1. Rapports sectoriels

Le parti pris adopté dans cette recherche consiste à dépasser la présentation formelle des changements institutionnels et réglementaires afin d’analyser de manière concrète la pratique de la répression par ses acteurs.

Analyse des sources

Une analyse approfondie a été menée dans chacun des secteurs concernés portant sur les textes sources de la répression administrative. Si les textes sont muets sur un certain nombre de points, leur vide renseigne autant que leurs pleins sur la maturité, la cohérence, l’unité de cette répression.

Enquête de terrain

Cette étude des sources s’est doublée pour chacun des secteurs retenus d’une enquête de terrain, à partir d’un questionnaire commun d’enquête, auprès des différents acteurs principalement concernés (ministères, préfectures, établissements publics, magistrats du siège et du Parquet, services d’inspection [voir la liste des personnes auditionnées en annexe]).

Les études de terrain ont été complétées à l’oscabrion d’un échange réunissant les universitaires du groupe de travail et un certain nombre de professionnels des quatre secteurs retenus lors d’un séminaire qui s’est tenu à l’université Paris I, le 16 décembre 2014.

• Grille commune d’analyse

Pour pouvoir confronter les contentieux techniques objets de l’étude, une grille d’analyse commune a été adoptée faisant état de cinq pistes à explorer pour chacun des secteurs, à savoir :

• mesurer le champ de la répression administrative, travail impliquant de l’identifier dans le secteur en cause, de rechercher les conditions de son institution et de mesurer sa place par rapport à d’autres modes de répression ;

• dresser le bilan des incriminations, des sanctions et des destinataires de la répression administrative dans le secteur en cause, c’est-à-dire déterminer les infractions donnant lieu à sanction administrative, préciser la nature des sanctions administratives, en identifier les destinataires ;

• rendre compte des garanties assortissant la répression administrative, c’est-à-dire rechercher les principes de fond et les principes de procédure l’encadrant ;

• analyser les recours juridictionnels sous le triple point de vue du droit au juge, du droit au recours et des modes alternatifs de règlement des litiges ;

2. Rapport de synthèse

Sur la base des rapports sectoriels reproduits dans la seconde partie de ce rapport, un rapport transversal a été établi qui constitue la première partie de cet ouvrage. Ce rapport transversal ne reprend pas la grille d’analyse qui structure les rapports sectoriels. Au-delà de la présente introduction visant tour à tour à évoquer les grands enjeux de la répression administrative, retracer les lignes de son histoire, définir la sanction administrative, enfin déterminer et expliciter les choix des secteurs de cette étude, il s’attache, au vu des conclusions des rapports sectoriels, à mettre en exergue les principales interrogations que soulève le recours à la sanction administrative dans les contentieux techniques, à savoir :

• La constatation des infractions • La combinaison des répressions • Les finalités de la répression

• et dont rendent compte les études de droit comparé portant sur la répression administrative en Grande-Bretagne et en Italie.

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