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LE CARACTÈRE ADAPTÉ DE LA SANCTION ET SON EXÉCUTION L’efficacité de la répression dépend aussi de la sanction elle-même (A.) et, bien sûr, de

CHAPITRE VI. L’EXÉCUTION ET L’EFFICACITÉ DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE

III. LE CARACTÈRE ADAPTÉ DE LA SANCTION ET SON EXÉCUTION L’efficacité de la répression dépend aussi de la sanction elle-même (A.) et, bien sûr, de

son exécution (B.).

A.- Le caractère adapté de la sanction

Le choix de la sanction, parmi le panel prévu par les textes, revêt une grande importance. Est-elle proportionnée à la gravité des faits ? Est-elle suffisamment sévère312 ? Et in fine est- elle dissuasive ?

Dans la plupart des domaines étudiés, des sanctions pécuniaires sont prévues. En principe, elles peuvent facilement être proportionnées et sont ainsi dissuasives. Néanmoins, tout le potentiel de la souplesse offerte par les sanctions pécuniaires n’est pas nécessairement exploité. En matière de prestations sociales, le montant de la pénalité est calculé en fonction de la gravité des faits313 et cela est encadré par des plafonds et des planchers314. Néanmoins,

ce n’est pas toujours respecté en pratique. Dans le domaine de l’environnement, la réforme de 2012 a ajouté la possibilité d’infliger des amendes administratives mais pour l’heure il n’y a pas de méthodologie commune dans le calcul des amendes et encore moins de stratégie concernant l’utilisation de ce nouvel outil. En ce qui concerne la santé, la gravité du manquement est prise en compte par l’ANSM pour déterminer le montant de la sanction financière315 mais par exemple, les sanctions à l’égard des personnes morales sont en principe plafonnées à 10 % du chiffre d’affaires316. Par conséquent, il n’est pas possible de corréler

complètement la sanction avec le bénéfice lié à la fraude. En revanche, en matière de pratiques commerciales trompeuses, la sanction peut être proportionnée au profit réalisé par l’entreprise317. Néanmoins, en pratique, le « disgorgement », c’est-à-dire la restitution du

profit, n’est pas toujours mis en œuvre. En outre, en matière de consommation, il existe un logiciel permettant d’harmoniser le calcul du montant de l’amende administrative au niveau national. Dès lors, il existe des critères communs, notamment la gravité du manquement, l’importance de l’atteinte à l’ordre public, la situation financière de l’entreprise, et la possibilité d’ajuster de 10 % en fonction des circonstances locales.

La publicité de la sanction présente par ailleurs un intérêt en termes de dissuasion. Une grande entreprise est parfois plus sensible à sa réputation qu’au fait de se voir infliger une amende importante. En matière de santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publie sur internet les injonctions qu’elle émet et les sanctions financières qu’elle prononce. Dans le domaine des installations classées pour la protection de l’environnement, « une circulaire du 20 février 2013 prévoit la publication sur internet des

312 Par exemple, il a été relevé qu’en matière de transports, les sanctions ne sont pas toujours assez sévères (séminaire du 16 décembre 2014).

313 Article L. 114-17 I. al. 2 du code de la sécurité sociale.

314 Le Département des Deux-Sèvres utilise une amende plancher de 50 euros en matière de fraude au RSA. 315 Cela a été formalisé par l’ANSM dans des lignes directrices (ANSM, Lignes directrices relatives à la

détermination des sanctions financières).

316 Article L. 5471-1 du code de la santé publique issu de l’ordonnance n° 2013-1183 du 19 décembre 2013 relative à l’harmonisation des sanctions pénales et financières relatives aux produits de santé et à l’adaptation des prérogatives des autorités et des agents chargés de constater les manquements.

arrêtés de mise en demeure et des sanctions signées par le préfet, ainsi que le rapport de l’inspection qui a proposé la sanction. Cependant, cette publication n’est pas systématique sur l’ensemble du territoire »318. Cette publicité est d’autant plus intéressante qu’elle permet à

certaines victimes d’exercer leurs droits à réparation devant le juge judiciaire319. Ce type d’action, même si elle a pour but la réparation d’un préjudice, met également en avant la dimension punitive de la responsabilité civile.

B.- L’exécution de la sanction

L’attention de l’administration ne semble tout d’abord pas très portée sur l’exécution des sanctions. Seul le rapport sectoriel consacré à la consommation mentionne le suivi effectué par la DGCCRF sur l’application des sanctions.

En matière de prestations sociales ensuite, une difficulté particulière complique l’exécution des sanctions : c’est la possible insolvabilité de l’assuré, lequel est en outre protégé par des règles sur la saisissabilité des pensions. Le problème de solvabilité, même s’il n’est pas mis en avant dans les autres rapports, est susceptible de se poser dans les autres domaines également, notamment lorsqu’une entreprise est sanctionnée.

Enfin, au moins dans les domaines de l’environnement et des transports, l’inexécution de sanctions administratives est punie pénalement320. En outre, en matière d’environnement, il est prévu qu’à la suite d’une sanction restée sans effet, le préfet peut adopter une autre sanction administrative sans mise en demeure préalable321.

Recommandations pour améliorer l’efficacité de la répression

- Définir par voie de circulaire une stratégie répressive dans chacun des domaines étudiés. Cette stratégie définit notamment les moyens de coordination entre l’action administrative et l’action pénale. Elle s’inspire de la pyramide de la répression. S’inspirant des textes européens, elle a pour objectif des sanctions « effectives,

proportionnées et dissuasives », c’est-à-dire des sanctions qui sont effectivement

prononcées en cas de manquement, dont le contenu est adapté à la gravité du manquement et qui incitent par leur exemplarité au respect du droit.

- Améliorer la détection des infractions :

o en regroupant les corps et les agents en charge des contrôles ;

o en sanctuarisant les moyens administratifs consacrés à la détection, au contrôle et à la répression ;

o en modifiant la formation des agents : il s’agit de garantir un niveau suffisant de formation juridique et, surtout, de générer une véritable culture de la répression au sein de l’administration.

- Améliorer la réponse de l’administration aux manquements constatés en réduisant le niveau des tolérances administratives : cela passe par la diffusion d’une véritable

318 Rapport sectoriel sur l’environnement.

319 C’est ainsi qu’une association de protection de l’environnement a obtenu la réparation du préjudice moral né de la violation d’un arrêté préfectoral : v. par exemple Cass., 3e civ., 8 juin 2011, Société Alvéa, n° 10-15500 ;

Droit de l’environnement, n° 193, 2011, p. 243.

320 Articles L. 173-1 II. du code de l’environnement et L. 3452-6 3 ° du code des transports.

321 CAA Nantes, 10 octobre 1990, M. Bernard Goupil, n° 89NT00984 ; CAA Nancy, 2 avr. 1992, Société

pédagogie de la répression auprès des autorités titulaires du pouvoir de sanction et de leurs agents et par l’établissement de directives administratives en matière de répression.

- Réfléchir à l’architecture du système répressif, notamment sur les titulaires du pouvoir de sanction : il s’agit de confier le pouvoir de sanction aux autorités administratives les moins soumises aux « dilemmes de la répression ». En particulier, il s’agit d’évaluer l’intérêt des autorités administratives indépendantes (AAI) par rapport aux autorités administratives classiques, notamment dans des domaines où l’application des sanctions peut susciter des distorsions de concurrence.

- Adapter les sanctions prononcées :

o en exploitant mieux la souplesse des sanctions financières (proportionner la sanction à la gravité du manquement, au bénéfice généré par la fraude, etc.) ; o en systématisant la publicité des sanctions administratives : il peut s’agir de

rendre obligatoire la publication au JO des sanctions prononcées. - Améliorer l’exécution des sanctions :

o en vérifiant les capacités financières de l’exploitant au moment de la délivrance de l’autorisation ;

o en suspendant ou en retirant l’autorisation administrative en cas d’inexécution de la sanction.

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