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BASES CONSTITUTIONNELLES ET LÉGALES

CHAPITRE VII. ITALIE Élise LANGELIER

II. BASES CONSTITUTIONNELLES ET LÉGALES

Le prononcé des sanctions administratives est touché par les mêmes limites que l’ensemble de l’action de l’administration italienne, telle qu’elle est encadrée par l’article 97 de la Constitution, à savoir les principes de légalité, d’impartialité et de bon fonctionnement de l’administration.

328 Un décret législatif du 30 décembre 1999 (n.507) lui a toutefois apporté des modifications importantes.

329 La loi déléguée de 1996 (n. 662/1996, Gazzetta Ufficiale n. 303 du 28 déc. 1996), qui fait toujours référence bien qu’elle

ait été maintes fois modifiée, avait été construite autour de 15 critères permettant de construire la répression administrative en ce domaine dont l’adoption d’une unique sorte de sanction administrative (volonté de simplification), le lien entre sanction et personne physique auteur de la violation, l’adoption d’un principe de spécialité…

330 Loi n. 68, portant Disposizioni in materia di delitti contro l’ambiente, GU n.122 du 28 mai 2015.

331 M. Siniscalco cité par F. Saitta, « Le sanzioni amministrative nel codice dell'ambiente: profili sistematici e riflessioni

critiche », Riv. giur. ambiente, fasc.1, 2009, p. 41.

En matière de sanctions disciplinaires, la Cour constitutionnelle s’est prononcée en 1995333 avec une motivation transposable à l’ensemble des sanctions privatives de droits : une telle mesure ne peut être prononcée qu’après une procédure présentant un certain nombre de garanties : en matière de contestation antérieure de la dette, d’instruction, de participation de l’intéressé à la procédure, d’évaluation de la dette… D’autres principes trouvent aussi à s’appliquer (comme le principe d’égalité [art. 3 de la Constitution], les droits de la défense [art. 24 de la Constitution], le droit à la protection juridictionnelle [art. 113 de la Constitution]…). La loi de 1981 a poursuivi ce cadre en imposant un principe de procès équitable (notamment avec le droit d’accès au dossier et de soumission d’observations à l’article 10, ou le droit d’intervenir dans la procédure de l’article 9) ; un principe de transparence et de visibilité (ce qui impose de rendre une décision publique in fine [art. 2], de fonder la décision en droit et en fait [art. 3], le droit d’accès au dossier [art. 22 et 28]…) et, enfin, un principe de simplification.

Il faut toutefois ajouter à cette liste un principe clé, que le droit italien fait dériver du principe d’égalité ainsi que de l’article 5 du Traité sur l’Union européenne : le principe de proportionnalité, vu notamment comme une limite à l’action administrative qui ne peut excéder ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Ce principe guidait déjà les modalités de calcul des sanctions financières dans la loi de 1981. La récente modification (loi déléguée n.23/2014) de la répression en matière fiscale est significative de la place croissante de ce principe dans l’objectif affiché de faire coïncider la sanction avec la lésion des biens protégés (évidemment, il s’agit dès lors tant de la rendre supportable qu’acceptable)334 en mettant en avant la prise en compte du préjudice et la gravité de la conduite.

Plus largement, l’article 25 2° de la Constitution impose un principe de stricte légalité transposant le principe nullum crimen, nulla poena sine lege mais la doctrine italienne s’est profondément divisée sur l’applicabilité de cet article en dehors du champ pénal335 et une telle application est loin d’être acquise. La nécessité d’une loi (étatique ou régionale ou d’un acte ayant force de loi comme un décret législatif ou un décret-loi) pour prévoir un régime de sanction administrative ne fait toutefois pas de doute, même si le fondement n’est pas nécessairement celui-là. En effet, l’article 23 de la Constitution dispose que : « Nulle prestation personnelle ou patrimoniale ne peut être imposée, si ce n’est sur le fondement d’une loi. » L’article 1er de la loi 1981 a retenu un motif proche en imposant un support légal. Un arrêté municipal ne le peut pas336, pas plus qu’une disposition réglementaire337. Cette prohibition va jusqu’à l’interdiction de l’analogie (art. 1 2° de la loi de 1989) : les sanctions administratives ne peuvent être étendues par analogie à des cas similaires et des matières analogues à celles précisées dans la loi. Il n’y a rien d’étonnant à cela : le droit administratif italien, de manière générale, accorde une grande place au principe de la réserve de loi dont la compréhension dépasse le seul cadre du principe de légalité. Ainsi vise-t-il à la fois à garantir la liberté (personnelle, d’entreprendre…), à limiter le pouvoir normatif du gouvernement (contraint à ne pouvoir intervenir en dehors du cadre législatif) et à limiter le pouvoir discrétionnaire de l’administration publique. L’article 13 de la Constitution notamment prévoit une réserve de loi absolue selon laquelle seul le juge peut, sur la base d’une loi, limiter la liberté personnelle ; s’y ajoutent les réserves de loi relatives en ce qu’elles imposent seulement la préexistence d’une loi sur la matière avant l’intervention de l’administration.

333 Corte costituzionale, 24 juillet 1995, n.356 (i. 1995 I 2631).

334 G. Ingrao, « Appunti sull’applicazione del principio di proporzionalità per la revisione delle sanzioni amministrative

tributarie », Rivista di Diritto Tributario, fasc.9, 2014, p. 970.

335 V., rappelant ces divisions, R. Giovagnoli, M. Fratini, Le sanzioni amministrative, op. cit., 2009, p. 49 s. 336 v. Cass. Sez. I, 12 févr. 1996, n.1061.

337 V., s’agissant de l’incompétence négative du législateur régional, Cass., sez. I, 27 janv. 2005, n.1696 et Cass., sez. I, 22

Les normes défavorables ne peuvent être rétroactives mais, la dépénalisation n’étant pas considérée comme telle, la loi de 1981 fut rétroactive… tout en prévoyant en son article 1er que nul ne pouvait être assujetti à une sanction administrative qui n’était fondée sur une loi entrée en vigueur avant la commission de l’infraction. Ce paradoxe s’explique aisément : elle pose un principe de non-rétroactivité des sanctions administratives, ce qui ne prohibe pas des dérogations prévues par des normes de rang équivalent. Il en va ainsi de l’article 40 de cette même loi qui prévoit que certaines violations commises antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi et jusqu’ici réprimées pénalement bénéficiaient néanmoins de la dépénalisation et pouvaient être poursuivies par le biais de la répression administrative338. Enfin, en raison de l’absence dans la loi de 1981 d’une disposition similaire à l’article 2 du codice penale relative au principe de la favor rei doctrine et jurisprudence ont retenu qu’il n’y avait d’application systématique de la loi nouvelle plus douce339. Certains auteurs considèrent toutefois que

l’absence de rétroactivité in mitius pourrait, à terme, être considérée comme contraire à l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales340. Or, la Cour européenne l’a consacrée, en matière pénale, comme un

principe fondamental, opérant sur ce point un revirement conséquent341. Eu égard à la notion autonome de matière pénale sur laquelle s’appuie le droit européen des droits de l’Homme, une évolution de la législation italienne sur ce point est à attendre.

Le cadre global des sanctions administratives a été posé par la loi de 1981 qui demeure en vigueur. Toutefois, cela n’empêche pas des lois sectorielles. La coexistence de la loi générale et de lois spéciales ne s’est pas organisée sans heurt d’autant que, si la loi de 1981 avait retenu un principe de spécialité pour déterminer qui s’appliquait de la répression pénale ou administrative, elle était demeurée silencieuse sur la coexistence de deux mécanismes nationaux de répression administrative. La doctrine a considéré qu’un principe de spécialité « implicite » s’appliquait néanmoins. Sur ce point, la jurisprudence constitutionnelle a précisé que les lois spéciales même antérieures ont été préservées par l’entrée en vigueur de la loi- cadre, comme en matière d’urbanisme et de construction. Il a été considéré que le cadre posé par la loi de 1981 s’applique notamment aux sanctions en matière d’intermédiation financière342 (art 192 d.lgs. du 24 fév. 1998 n.58), de protection des beautés naturelles343, en matière de construction344 ou encore de service public téléphonique345 qui sont toutes déterminées par des lois spécifiques, ou des textes ayant valeur législative. En revanche, les sanctions disciplinaires considérées comme sanctions administratives sui generis346 sont

exclues du champ de la loi et entièrement régies par des dispositions spécifiques. Cela n’en pose pas moins certaines difficultés : ainsi en va-t-il de l’application de l’article 12 concernant les sanctions pécuniaires, censé s’appliquer à toutes les sanctions administratives présentant ce caractère… quand la loi est applicable, ce qui exclut les sanctions administratives reposant sur un régime légal entièrement spécifique.

Se posait aussi un problème d’application de la loi de 1981 aux sanctions prévues par les législations régionales (dans les matières relevant de leur compétence). Selon l’interprétation

338 Sur les difficultés d’interprétation d’une telle dérogation, v. R. Tumbiolo, « La depenalizzazione introdotta dal d.lgs.

22/1997 ed il principio di irretroattività delle sanzioni amministrative », Riv. giur. ambiente, fasc.6, 1997, p. 968.

339 V. R. Giovagnoli, M. Fratini, Le sanzioni amministrative, Giuffrè Editore, Milano, 2009,p. 60.

340 P. Provenzano, « La retroattività in mitius delle norme sulle sanzioni amministrative », Riv. it. dir. pubbl. comunit., fasc.5,

2012, p. 877.

341 Cour EDH, 17 sept. 2009, Scoppola c. Italie, n° 10249/03. 342 Cass., sez I, 12 déc. 2003, n.19041.

343 Cass., sez. I, 28 août 1997, n. 8162. 344 Cass., sez. I., 20 sept. 2006, n.20317. 345 Cass., sez. Un., 8 août 2001, n.10966.

dominante, la loi de 1981 s’impose. Dans la mesure où il s’agit d’une « loi de principes généraux », elle ne risque pas de contradiction avec l’article 117 de la Constitution347. Au demeurant, au niveau local, les sanctions administratives sont moins perçues comme une matière en tant que telle que comme une « fonction auxiliaire aux compétences régionales, instrument de satisfaction des intérêts garantis par les régions »348. Pour la Cour constitutionnelle, il existe un « parallélisme entre le pouvoir de prédéterminer la faculté de sanctionner et le pouvoir de déterminer la sanction »349 : les deux vont de pair en termes de compétences ; celui compétent pour déterminer les sanctions est celui compétent pour réglementer les actes et comportements sanctionnés350. Néanmoins, parce que la répression administrative, à la différence de celle pénale, ne relève pas seulement de prévisions nationales, l’extension des compétences régionales s’est traduite par un accroissement des matières susceptibles de sanctions administratives, puisqu’il s’agissait pour les administrations concernées de prendre le pas sur une répression purement nationale jusqu’ici. Or, la cohérence n’est pas toujours assurée en termes d’organes compétents pour organiser la répression entre ce qui est décidé dans le cadre de réglementations nationales et locales351.

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