• Aucun résultat trouvé

LE CADRE JURISPRUDENTIEL DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE AU ROYAUME-UN

CHAPITRE VIII. ROYAUME-UNI Thomas PERROUD

B. LE CADRE JURISPRUDENTIEL DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE AU ROYAUME-UN

Le Royaume-Uni n’a pas codifié sa procédure administrative. Ce sont donc les principes généraux du droit qui permettront de contrôler l’équité de la procédure. Il nous faut donc à présent exposer les standards minimums que la jurisprudence impose à l’administration.

1. Les garanties formelles minimales

Les garanties formelles dont bénéficient les personnes poursuivies par l’Administration sont essentiellement de deux types. Elles concernent d’une part la défense des personnes poursuivies, dans ce cas, la jurisprudence leur confère un certain nombre de droits opposables à l’Administration. Elles concernent d’autre part l’autorité administrative, les qualités que celle-ci doit réunir pour pouvoir statuer.

Deux remarques s’imposent : d’abord, la jurisprudence a fait montre d’un grand pragmatisme, affirmant la spécificité de la procédure administrative par rapport à la procédure juridictionnelle ; ensuite, ce pragmatisme a permis au juge d’établir une échelle de garanties en fonction du caractère répressif, correctif, ou d’urgence de la procédure.

433 V. l’étude de A. Grynberg, « 1939-1940 : l’internement en temps de guerre — Les politiques de la France et de la Grande-

Bretagne », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 1997, vol. 54, n° 54, pp. 24-33. Cet auteur cite le Emergency Powers Defense Act de 1939.

434 Les pouvoirs du gouvernement envers les colonies sont encore plus dérogatoires, car il est de jurisprudence constante que

le gouvernement peut utiliser les pouvoirs qu’il tient de la prerogative (c’est-à-dire sans habilitation législative) pour légiférer dans les colonies. V. Campbell v Hall (1774) 1 Cowp. 204. V. T. Poole, « United Kingdom : The royal prerogative », International Journal of Constitutional Law, 2010 8(1), pp. 146-155.

435 V. à cet égard la décision R (Bancoult) v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs or Bancoult (No. 2),

(2008) UKHL 61. Il s’agissait de la décision du gouvernement des années 1960, le British Indian Ocean Territory Order de 1965, de déporter les habitants de l’archipel des Chagos pour faire de l’île une base militaire américaine. Ce décret de 1965 donna à un Commissaire le pouvoir « d’adopter des règlements pour assurer le respect de la paix, de l’ordre et du bon gouvernement du territoire » (« make laws for the peace, order and good government of the territory »). En première instance, la High Court décida que le pouvoir du Commissaire de réglementer ces territoires pour assurer la paix, l’ordre et le bon gouvernement de ces espaces ne comprenait pas le pouvoir de déporter des populations. Justice Laws affirma à ce propos que ces populations doivent être « gouvernées et non déportées » (v. R [Bancoult] v Seccretary of State for Foreign & Commonwealth Affairs [2001] Q.B. 1067, et le comm. de S. Palmer, « They Made a Dessert and Called it Peace: Banishment and the Royal Prerogative », 2001, Cambridge Law Journal, p. 234). Suite à cette décision le gouvernement décida de ne pas faire de recours et ordonna la constitution d’une commission pour étudier la possibilité d’autoriser les habitants à retourner chez eux. Cette étude conclut que le retour, tout en étant possible grâce à une aide financière du Royaume-Uni, serait à terme inutile en raison des menaces que le changement climatique fait peser sur ces îles. À la suite de ces conclusions, le gouvernement refusa le retour des habitants. Les États-Unis firent aussi savoir que ce retour pourrait compromettre la sécurité de leur base militaire sur Diego Garcia. Le gouvernement prit donc deux décisions rétablissant le contrôle de l’immigration dans ces îles (Constitution Order de June 2004 et le Immigration Order). C’est la légalité de ces deux décisions qui est mise en cause dans le jugement Bancoult n °2. La Chambre des Lords en accepta la légalité. Les termes « peace, order and good government » confèrent pour les juges une compétence législative pleine (« to confer plenary law-making authority »). Le second motif des juges fut le caractère éminemment politique de ces décisions, qui explique le refus des juges d’interférer dans ce processus (Lord Rodgers n’hésitant pas à affirmer que ces questions sont des questions politiques et non juridiques). Lord Carswell, tout en affirmant le caractère déplaisant de ces mesures, justifia son point de vue en affirmant une règle de retenue face à ce qui est essentiellement une question politique.

On verra donc en premier lieu les garanties de la défense (a) ; en deuxième lieu les obligations de l’organe répressif (b).

a) Les garanties de la défense

Les garanties ou, pour employer une expression plus commune, les droits de la défense sont, en droit administratif, de deux types : il s’agit d’une part du contradictoire ; d’autre part, de la motivation de la décision.

Le respect du caractère contradictoire de la procédure

Le contradictoire confère en droit administratif anglais deux garanties successives : le droit d’être informé des charges retenues contre le contrevenant et le droit d’être entendu.

Le droit d’être informé est un droit que les juges anglais ont affirmé et font respecter de manière particulièrement sourcilleuse436. Pour Lord Morris, « il est bien établi que les exigences essentielles de la justice naturelle comprennent le droit pour quelqu’un susceptible d’être condamné de se défendre et, pour cela, il doit avoir été mis au courant des charges, des allégations ou des suggestions qu’il devra affronter »437. Lord Diplock développe le même impératif dans l’arrêt O’Reilly v Mackman : « l’exigence qu’une personne […] ait le droit d’être informée des allégations formulées contre elle et de présenter ses observations est si fondamentale à tout système juridique civilisé qu’il faut présumer que le législateur a eu l’intention que l’inobservation d’un tel principe rende la décision nulle »438. Les juges n’hésitent pas à parler en termes élevés de ce droit qui est, pour Lord Morris encore, « au fondement de notre système »439.

Le contenu du droit d’être informé est variable, car il est d’essence téléologique : il permet de matérialiser la possibilité de se défendre, qui deviendrait complètement artificielle sans cela. Aussi ce droit doit-il être compris de manière à rendre possible — et pas simplement factice — l’opportunité de formuler des observations, de se présenter à l’audience si une audience doit avoir lieu et de préparer effectivement sa défense440. Le standard du caractère raisonnable de l’action administrative est ici particulièrement utilisé par les juges : l’information doit être communiquée dans un délai raisonnable, permettant ainsi à la personne de préparer sa défense441, les détails des charges doivent aussi être adaptés à cette fin442 : donner à la personne incriminée l’opportunité réelle de se défendre. Pour reprendre les termes de Buckley LJ, « comme le but du droit d’être entendu est de permettre au prévenu de se défendre […], il suit de cela que l’information doit être suffisante pour lui permettre de préparer sa défense »443. Quatre éléments ont été particulièrement mis en avant par Sedley : la

436 V. P. Craig, Administrative Law, préc., p. 395, n° 12-027 ; De Smith, Woolf and Jowell, Judicial Review of

Administration Action, préc., pp. 431 suiv. ; B. Harris, Disciplinary and Regulatory Proceedings, 5e éd., Jordans, spéc. p. 133.

437 V. Ridge v Baldwin [1963] 2 W.L.R. 935. Traduction de : « It is well established that the essential requirements of natural

justice at least include that before someone is condemned he is to have an opportunity of defending himself, and in order that he may do so that he is to be made aware of the charges or allegations or suggestions which he has to meet ». V. sur cette notion de justice naturelle : A. Lefas, « Essai de comparaison entre le concept de “natural justice” en droit administratif anglo-saxon et les “principes généraux du droit” ainsi que les “règles générales de procedure” en droit administratif français », Revue internationale de droit compare, Vol. 30, n° 3, Juillet-septembre. pp. 745-775.

438 V. O’Reilly v Mackman [1982] 3 W.L.R. 1096. Traduction libre de : « But the requirement that a person who is charged

with having done something which, if proved to the satisfaction of a statutory tribunal, has consequences that will, or may, affect him adversely, should be given a fair opportunity of hearing what is alleged against him and of presenting his own case, is so fundamental to any civilised legal system that it is to be presumed that Parliament intended that a failure to observe it should render null and void any decision reached in breach of this requirement ».

439 V. Ridge v Baldwin [1963] 2 W.L.R. 935. Lord Morris in « My Lords, here is something which is basic to our system: the

importance of upholding it far transcends the significance of any particular case ».

440 V. Hoggard v Worsbrough Urban DC [1962] 2 Q.B. 93.

441 V. Lee v Department of Education and Science (1967) 111 S.J. 756.

442 V. Ex p. Daisy Hopkins (1891) 61 L.J.Q.B. 240 ; McDonald v Lanarkshire Fire Brigade Joint Committee 1959 S.C. 141. 443 V. Stevenson v United Road Transport Union [1977] 2 All E.R. 941.

consultation doit avoir lieu au moment où la procédure est à un stade précoce, les griefs doivent être communiqués de manière suffisante, un délai convenable doit être accordé et enfin les observations doivent être prises en compte par l’autorité en charge de la décision444.

Cette notion est donc particulièrement plastique, les juges tentent de concilier au cas par cas, les droits du justiciable et l’efficacité, la flexibilité disent Wade et Forsyth445, de la procédure. Le contenu du droit est tiraillé entre le besoin de ne pas rendre le droit factice, l’importance de respecter une procédure qui doit aboutir à une solution juste et le pragmatisme voulu par le législateur.

Le droit d’être entendu est un principe cardinal de procédure, désigné le plus souvent sous son appellation latine audi alteram partem. Il est essentiel dans la procédure juridictionnelle et les juges, et parfois les textes, sont intervenus pour en étendre l’empire à la procédure administrative.

Le droit anglais aménage ce droit de manière souple. D’abord ce droit ne doit pas être interprété comme conférant un droit à une audience. Il signifie au minimum que l’intéressé puisse présenter ses observations de manière écrite. Lorsque le législateur impose un devoir de consultation, les juges l’ont interprété de manière constante comme impliquant seulement la possibilité de présenter des observations écrites. Seul l’emploi par la loi des termes « audience » (« hearings ») ou opportunité d’être entendu (« opportunity to be heard ») confère un droit à une audience446. Dans le silence des textes, les juges n’imposeront une audience que dans le cas où l’équité la requiert447.

Le contenu de ce droit est aussi éminemment téléologique. Lord Woolf résume ainsi cette exigence : « Pour être appropriée, la consultation doit être entreprise lorsque les allégations sont encore à un stade précoce, elle doit inclure l’exposé des motifs soutenant ces allégations afin de permettre aux intéressés de considérer et répondre à celles-ci intelligemment. Un délai adapté doit aussi être accordé dans ce même but. Enfin, les observations de l’intéressé doivent être consciencieusement prises en compte au moment de l’adoption de la décision finale »448. Le droit d’être entendu et de formuler des observations implique donc le respect de certains délais.

444 V. R v Brent London Borough Council, ex p Gunning (1985) 84 LGR 168 (les principes de Sedley sont ici approuvés par

le juge Hodgson) ; R v Sutton Borough Council ex p Hamlet (unrep. ) ; R v London Borough of Barnet ex p B [1994] ELR 357, 372 G.

445 V. H.W.R. Wade, C.F. Forsyth, Administrative Law, préc. p. 420.

446 V. S. de Smith, H. K. Woolf, J. Jowell, A. Le Sueur, De Smith’s judicial review, London, Sweet & Maxwell, 2007, 6e éd.,

pp. 385-386, n° 7-053 et surtout p. 396, n° 7-062. Paul Craig est plus mesuré, il affirme « While hearings will normally be oral, there is no fixed rule that this must be so. An oral hearing will however be required where this is necessary for the applicant to be able to present his case effectively to the tribunal or body making the decision, more especially when a liberty interest is at stake » (Administrative Law, préc., p. 398, n°12-030).

447 V. « One is entitled to an oral hearing where fairness requires that there should be such a hearing, but fairness does not

require that there should be an oral hearing in every case » (R. (on the application of Ewing) v Department for Constitutional Affairs [2007] A.C.D. 20 ; R. (on the application of West) v Parole Board [2005] UKHL 1. Certains arrêts affirment néanmoins le caractère fondamental de l’oralité dans le système de common law, mais pour la procédure juridictionnelle : Sengupta v Holmes [2002] EWCA Civ 1104 [« He would know of the central place accorded to oral argument in our common law adversarial system. This I think is important, because oral argument is perhaps the most powerful force there is, in our legal process, to promote a change of mind by a judge », spéc. §38). V. S. de Smith, H. K. Woolf, J. Jowell, A. Le Sueur, De Smith’s judicial review, préc., p. 396, note 294.

448 V. Regina v North and East Devon Health Authority [2001] Q.B. 213. Traduction de : « To be proper, consultation must

be undertaken at a time when proposals are still at a formative stage; it must include sufficient reasons for particular proposals to allow those consulted to give intelligent consideration and an intelligent response; adequate time must be given for this purpose; and the product of consultation must be conscientiously taken into account when the ultimate decision is taken ». V. aussi M. Fordham, Judicial Review Handbook, préc., n° 60.5.1. V. aussi Levy v Solicitors Regulation Authority [2011] EWHC 740 (Admin).

Lorsqu’un droit à une audience est reconnu, l’intéressé doit pouvoir présenter ses arguments. En général ce droit implique aussi le caractère public de l’audience449, le droit à l’assistance d’un avocat ou d’une personne de son choix450, à soumettre un témoin à un

contre-interrogatoire si l’équité l’exige451.

Dans cette matière aussi les juges sont guidés, non seulement par la volonté du législateur, mais aussi par un grand pragmatisme. Le droit d’être entendu serait superflu, inutile, s’il n’impliquait nécessairement avec lui un certain nombre d’autres droits de nature à le rendre effectif, mais les juges sont aussi attentifs à ne pas copier les procédures juridictionnelles452. Le droit français est en harmonie, sur ce point, avec la jurisprudence anglaise.

Les principes de la contradiction et des droits de la défense sont ainsi les premiers principes formels auxquels les autorités administratives sont astreintes. Elles sont en outre contraintes, mais peut-être dans une mesure différente, à motiver leurs décisions.

L’importance de la motivation de la décision453

La doctrine anglaise souligne les multiples intérêts que présente la motivation des décisions administratives — les mêmes arguments se retrouvent d’ailleurs sous la plume des auteurs français —, celle-ci améliorerait le contrôle futur de la décision par le juge, elle serait aussi un facteur de perfectionnement de la qualité de la décision, enfin, elle est une garantie importante pour les administrés. Face à ces arguments de poids, le juge serait, lui, sensible de ne pas alourdir la procédure administrative454.

En jurisprudence, il n’existe pas de principe général de motivation des décisions administratives455. Plusieurs biais, explique Paul Craig, ont été utilisés par les juges pour imposer une obligation de motivation limitée à certaines hypothèses. Le premier est très casuistique : les juges ont d’abord imposé une obligation de motivation dans les cas où son absence était de nature à contrecarrer le droit au recours contre la décision456 — ce qui pour

449 V. S. de Smith, H. K. Woolf, J. Jowell, A. Le Sueur, De Smith’s judicial review, préc., p. 398, n° 7-064. V. Storer v

British Gas Plc [2000] 1 W.L.R. 1237.

450 V. S. de Smith, H. K. Woolf, J. Jowell, A. Le Sueur, De Smith’s judicial review, préc., p. 404, n° 7-075.

451 V. S. de Smith, H. K. Woolf, J. Jowell, A. Le Sueur, De Smith’s judicial review, préc., p. 408, n° 7-083. Le refus d’un

contre-interrogatoire a pu être considéré comme une iniquité : V. Re Fremington School (1846) 10 Jur. (O.S.) 512 ; Osgood v Nelson (1872) L.R. 5 HL 636 ; Marriott v Minister of Health (1936) 154 L.T. 47.

452 V. les ex. cités par M. Fordham, Judicial Review Handbook, préc., n° 60.5.5. Board of Education v Rice [1911] AC 179,

182 ; Local Government Board v Arlidge [1915] AC 120, 134 ; Bushell v Secretary of State for the Environment [1981] AC 75, 95B-D ; Ceylon University v Fernando [1960] 1 WLR 223 ; R v Secretary of State for the Home Department ex p Venables [1998] AC 407, 503C-D.

453 V. P. Craig, Administrative Law, préc., p. 401, n°12-033 ; H.W.R. Wade, C.F. Forsyth, Administrative Law, préc., spéc.

p. 436 ; C. Harlow, R. Rawlings, Law and Administration, p. 630 ; De Smith Judicial review, préc., n° 7-97 suiv. ; M. Akehurst, « Statements of Reasons for Judicial and Administrative Decisions » (1970) 33 Modern Law Review 154 ; G. Flick, « Administrative Adjudications and the Duty to Give Reasons-A Search for Criteria » [1978] Public Law 16 ; D. Galligan, « Judicial Review and the Textbook Writers » (1982) 2 O.J.L.S. 257 ; G. Richardson, « The Duty to Give Reasons: Potential and Practice » [1986] Public Law 437 ; P. Craig, « The Common Law. Reasons and Administrative Justice » [1994] C.L.J. 282 ; Sir Patrick Neil, « The Duty to Give Reasons: The Openness of Decision-Making », in C. Forsyth and I. Hare (eds), The Golden Metwand and the Crooked Cord (Oxford University Press, 1998), pp. 161-184 ; M. Elliott, « Has the common law duty to give reasons come of age yet? », Public Law, 2011, pp. 56 suiv..

454 V. P. Craig, Administrative Law, préc., p. 401, n°12-033.

455 V. P. Craig, Administrative Law, préc., p. 402 ; C. Harlow, R. Rawlings, Law and Administration, préc., p. 630. Les arrêts

cités affirmant cette règle sont multiples : Minister of National Revenue v Wrights Canadian Ropes [1947] A.C. 109 ; M. Fordham cite les décisions suivantes (n°62.1.1) : Stefan v General Medical Council [1999] 1 WLR 1293, 1300G (« the established position of the common law [is] that there is no general duty, universally imposed on all decision-makers ») ; R v Secretary of State for the Home Department, ex p Doody [1994] 1 AC 531, 564E-F ; Rey v Government of Switzerland [1999] 1 AC 54, 66B-C (Lord Steyn) ; R v Kensington and Chelsea Royal London Borough Council. ex p Grillo (1996) 28 HLR 94, 105.

456 V. Minister of National Revenue v Wrights Canadian Ropes [1947] A.C. 109 (ici l’absence de motivation ne doit pas

rendre le contrôle impossible : « There is nothing in the language of the Income War Tax Act or in the general law to compel the Minister to state his reason for taking action under s. 6, sub-s. 2 - and he gave no reason for his decision in this case-but

Paul Craig pourrait établir un fondement général pour la motivation des décisions administratives. Ensuite, les juges ont pu, dans certains cas, conclure au caractère arbitraire des décisions non motivées457. Enfin, une dernière solution utilisée par les juges et qui peut

susciter un devoir de motivation est d’examiner les faits ayant justifié la décision et d’établir si ces faits pouvaient justifier la décision examinée458.

La seconde voie fonde le devoir de motivation sur deux principes juridiques : le principe de confiance légitime (lorsqu’une Administration a suscité une telle confiance, tout changement doit être motivé) et celui d’équité procédurale. Ce dernier fondement est d’un intérêt supérieur, car il permet d’établir un lien entre la matière disciplinaire, les affaires dans lesquelles la décision administrative en question affecte de manière négative la situation des intéressés, et le devoir de motivation459. Ce lien est affirmé de manière très nette par Lord Chief Justice Bingham dans une décision Murray460. Le plus haut et le plus important juge de l’époque — l’affaire est jugée en 1997 —, après avoir pesé les avantages et les inconvénients de la motivation et posé qu’il n’existait toujours pas, en common law, de devoir général de motivation, concéda néanmoins que « lorsque la loi confère à une instance le pouvoir d’arrêter une décision qui aura des répercussions sur certains individus, la Cour demande non seulement que cette instance suive la procédure prévue par la loi, mais, au surplus, exigerait qu’elle observe les garanties procédurales de nature à assurer l’équité »461. Aussi le fondement du devoir de motivation serait désormais que sans cette motivation, le principe d’équité procédurale serait méconnu462.

Il y a donc de nombreux fondements à l’obligation de motivation. Mais ils semblent insuffisants à certains. Aussi Wade et Forsyth affirment-ils : « Le moment est à présent certainement venu que les tribunaux reconnaissent qu’il y a une obligation de motivation, basée sur le principe d’équité, lequel irrigue le droit administratif »463.

Lorsque cette obligation est reconnue, par les textes ou par la jurisprudence, celle-ci impose que les motifs communiqués soient appropriés, intelligibles et traitent des éléments substantiels de la décision464.

Il est intéressant de voir à quel point le juge est réticent à imposer la motivation des décisions administratives. La jurisprudence anglaise s’est efforcée de trouver des fondements juridiques à cette obligation dans certains principes généraux du droit de nature procédurale, mais la doctrine est unanimement insatisfaite de cette situation.

that does not necessarily mean that by keeping silence he can defeat the taxpayer’s appeal ») ; V. aussi Norton Tool Co Ltd v Tewson [1973] 1 W.L.R. 45 ; Alexander Machinery (Dudley) Ltd v Crabtree [1974] I.C.R. 120.

457 V. Padfield v Minister of Agriculture, Fisheries and Food [1968] A.C. 997. Mais la portée de cette exception a ensuite été

réduite par la décision Lonrho (R. v Secretary of State for Trade and Industry Ex p. Lonrho Plc [1989] 1 W.L.R. 525 : « The only significance of the absence of reasons is that if all other known facts and circumstances appear to point overwhelmingly in favour of a different decision, the decision-maker, who has given no reasons, cannot complain if the court draws the inference that he had no rational reason for his decision » (post, pp. 539H–540A)).

458 V. Secretary of State for Education and Science v Tameside MBC [1977] A.C. 1014.

459 V. R. v Civil Service Appeal Board Ex p. Cunningham [1991] 4 All E.R (« fairness and natural justice therefore required

that such a tribunal should give reasons for its decisions sufficient to enable the parties to know the issues to which it had

Outline

Documents relatifs