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§ 2 – Assemblée locale et assemblée parlementaire

SCHÉMA DE LA PROCÉDURE D'ADOPTION D'UNE PROPOSITION OU D'UN PROJET DE LOI DU PAYS

1/ La recevabilité des amendements

Le règlement intérieur établit de nombreuses règles relatives à la recevabilité des amendements. Elles concernent tant leur auteur, que la forme et le délai dans lesquels ils doivent être déposés, mais également leur objet.

a) Les règles de recevabilité relatives aux auteurs des

amendements

L'article 74 alinéa 1er du règlement intérieur du Congrès réserve la possibilité de déposer des amendements aux seuls membres et organes

internes de l’assemblée.235 Alors qu’il est habituellement appréhendé comme

le « corollaire »236 du droit d’initiative, le droit d’amendement n’est pas accordé au Gouvernement local.

α – L’absence de droit d’amendement de l’exécutif local

Alors qu'il a l'initiative des lois du pays, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne peut pas proposer de modifications ultérieurement au dépôt du projet de texte sur le bureau du Congrès. Cette faculté s'avère également impossible s'agissant des propositions de lois du pays, ce qui paraît fort regrettable.

Une telle règle s’explique par la composition de l'exécutif, qui impose la recherche d'un consensus en son sein pour chaque prise de décision, alourdissant d'autant le processus. Se pose ici un problème caractéristique d'une telle procédure mêlant usages occidentaux et tradition océanienne.

Cette absence de droit de révision du Gouvernement peut toutefois aisément être palliée par le dépôt d'amendement par tout élu issu de la même formation politique que le membre de l'exécutif susceptible de vouloir modifier le projet déposé. En pratique, la solution privilégiée est le recours

235 Ce déséquilibre est comparable à celui qui existait sous la IVème République entre le Gouvernement et les parlementaires.

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au Président de commission ou au rapporteur, lorsqu'ils sont issus de la majorité parlementaire et, le cas échéant, au Président du groupe politique concerné au Congrès.

Il n'en reste pas moins que l'attribution d'un droit d'amendement au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie serait une solution logique, beaucoup plus simple et conforme à l'article 44 de la Constitution. En effet, en application de cet article, le Gouvernement français peut tout à fait déposer des amendements devant l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette possibilité est ouverte au Gouvernement à tous les stades de la procédure sauf en dernière lecture. Néanmoins, cette technique n'est pas privilégiée par l'administration. La circulaire dite Juppé du 30 janvier 1997237 préconise à cet égard que « le projet de loi doit comprendre l'ensemble des dispositions

que le Gouvernement entend faire adopter. Il convient d'éviter d'abuser des amendements gouvernementaux en cours de procédure parlementaire. Le Conseil d'Etat a déploré à plusieurs reprises l'abondance et l'importance de ces amendements, alors même que, compte tenu de leur technicité, ces dispositions mériteraient un examen préalable par le Conseil».

β – Les titulaires du droit d’amendement

Assez classiquement, outre les conseillers eux-mêmes qui disposent personnellement du droit d'amendement, ce sont la commission saisie au fond et le rapporteur sur la loi du pays qui interviennent de façon plus concrète dans la modification du texte.

Concernant les membres du Congrès, la seule limitation réside dans l'interdiction, pour le même conseiller, d'être signataire ou cosignataire de plusieurs amendements identiques. Cette mesure de bon sens se retrouve d'ailleurs dans les règlements des deux chambres du Parlement national.

Globalement, il convient de remarquer que la logique majoritaire en Nouvelle-Calédonie a les mêmes conséquences qu'au niveau national, à savoir un recours restreint aux amendements de la part de la majorité parlementaire et un nombre important de modifications proposé par l'opposition.

b) Le dépôt des amendements

Des obligations en termes de forme et de délai s'imposent en la matière.

237 Circulaire du 30 janvier 1997 relative aux règles d'élaboration, de signature et de publication des textes au Journal officiel et à la mise en œuvre de procédures particulières incombant au Premier ministre, J.O.R.F. du 1er février 1997, p. 1720.

Loi du pays et procédure législative α - La forme des amendements

Les obligations relatives à la forme des amendements visent à favoriser la compréhension et la clarté des motifs ayant conduit au dépôt de telles propositions de modification. En effet, le 2ème alinéa de l'article 74 du règlement intérieur requiert une forme écrite, une signature de leur(s) auteur(s) et une motivation sommaire des amendements.

La question de la recevabilité d'amendements surabondamment motivés s'est posée à l'occasion de l'examen de la loi du pays du 25 septembre 2001 portant diverses dispositions d'ordre fiscal238. Un groupe politique avait en effet déposé un certain nombre d'amendements relatifs à cette loi du pays. Bien que ceux-ci aient été déposés dans les délais, ils étaient présentés selon une numérotation complexe et, surtout, faisaient l'objet d'un exposé des motifs qui, pour certains articles, dépassaient plusieurs pages.

Le Président du Congrès a alors estimé que les amendements n'étaient pas recevables en l'état et qu'ils devaient être repris, tant du point de vue de leur

numérotation que de leur motivation239.

Le 6ème alinéa de l'article 74 du règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie dispose par ailleurs qu'une proposition d'amendement ne peut porter que sur un seul article. Au cas contraire, la proposition sera déclarée irrecevable. Cela signifie qu'un amendement sera nécessaire pour chaque article à modifier. En revanche, il est possible de ne déposer qu'une seule proposition, contenant plusieurs amendements, lorsque ceux-ci sont relatifs au même article. Il est également envisageable d'avoir recours à une seule proposition d'amendement portant sur plusieurs articles, lorsque l'amendement a toujours le même objet. En effet, le recours à une telle technique s'avère très utile lorsqu'il s'agit de revoir la terminologie d'un terme qui revient tout au long du projet de loi du pays.

Ces règles de forme sont assez classiques et ressemblent beaucoup aux dispositions en vigueur devant les assemblées parlementaires nationales. L'originalité est plus grande s'agissant des délais de dépôt des amendements.

β - Les délais de dépôt des amendements

Les amendements sont déposés au plus tard trois jours avant la séance. Ceci est un délai franc, c'est-à-dire que trois jours complets doivent être

238

Loi du pays n° 2001-010, préc..

239 En l'espèce, les amendements ont finalement été examinés par la commission saisie au fond. Son Président, seul compétent pour la convoquer, appartenait à la même mouvance politique que le groupe ayant déposé l'amendement.

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compris entre le dépôt et l'examen en séance, dans le strict respect du dies ad

quem.

Une difficulté pourrait cependant naître de l'interprétation du terme « séance ». En effet, une séance publique pouvant parfois durer plusieurs jours, les amendements doivent-ils être déposés trois jours au moins avant le premier jour de la séance ou trois jours au moins avant le jour de la séance durant lequel le texte sera examiné ? Une interprétation stricte de cette disposition pourrait avoir pour conséquence un raccourcissement du délai, si le projet de loi du pays n'est pas examiné le premier jour de séance.

Au contraire, une interprétation plus libérale, consistant à calculer le délai par rapport au jour d'examen du texte, permet une appréciation plus juste du délai lorsque le texte n'est pas examiné le premier jour de séance. En revanche, elle interdit l'avancement du jour de l'examen du texte et donc limite la souplesse dans la gestion de l'ordre du jour.

Pour plus de clarté, il serait préférable de modifier le règlement intérieur et de préciser que les amendements doivent être déposés « trois jours au

moins avant le jour de la séance durant lequel il sera examiné ».

Le procédé diffère des systèmes employés par les assemblées parlementaires nationales. En effet, le règlement de l'Assemblée nationale fait référence au jour de distribution du rapport. Un délai de quatre jours ouvrables après cette diffusion est accordé aux députés pour déposer des

amendements240. Au Sénat, la Conférence des Présidents peut, à la demande

de la commission intéressée, fixer un délai de dépôt des amendements, selon des modalités définies par l'instruction générale du bureau241.

Deux techniques permettent néanmoins de déroger au délai de trois jours prévu par le règlement intérieur du Congrès.

Une première exception est prévue au 4ème alinéa de l'article 74 du règlement intérieur. En effet, il est précisé que « toutefois, à titre

exceptionnel, des amendements peuvent être reçus pendant la séance, après accord du Congrès, par vote à main levée ». Il s'avère cependant que les

formalités de cette technique, utilisée régulièrement par les conseillers, ne sont pas respectées. Dans la pratique, un conseiller se contente de proposer une modification du texte, parfois substantielle, et celle-ci est immédiatement discutée, sans aucune autre procédure.

Une seconde dérogation au délai de trois jours réside dans la faculté

classique du dépôt de sous amendements242. Trois conditions cumulatives

sont alors requises : le sous amendement doit se rapporter à un amendement

240

Article 99 alinéa 1 du règlement de l'Assemblée nationale.

241 Article 50 du règlement et chapitre VII de l'instruction générale du bureau du Sénat.

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déposé dans le délai requis, qui à lui même fait l'objet d'un examen en commission et ne doit pas avoir pour effet de contredire l'amendement auquel il se rapporte.

Enfin, le défaut de distribution d'un amendement pour des raisons matérielles ne peut pas faire obstacle à sa discussion en séance publique. Cette solution classique, existant au Sénat et à l'Assemblée nationale, vise à éviter une paralysie de la procédure législative pour des raisons matérielles.

c) La finalité des amendements

Les amendements doivent être relatifs à l'article du texte qu'ils visent ou, dans l'hypothèse d'articles additionnels, être en rapport avec le projet de texte qu'ils ont pour objet de compléter. Cette disposition limite la possibilité d'amendement introduisant des cavaliers, comme on en rencontre devant l'Assemblée nationale et le Sénat.

A ce propos, il est bon qu'une telle disposition ait été inscrite dans le règlement intérieur du Congrès, limitant ainsi le risque d'inconstitutionnalité de la loi du pays. En effet, au regard des lois nationales, le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelles les dispositions introduites par voie d'amendements qui sont dépourvus de tout lien avec le texte initial, et ce, même si le Conseil a abandonné sa jurisprudence relative aux « limites

inhérentes au droit d'amendement »243.

Dans la circulaire dite Juppé sus-évoquée, le Premier ministre préférait, dans certains cas, le recours à un projet de loi autonome ou à une lettre rectificative au projet initial. La deuxième technique n'existant pas en Nouvelle-Calédonie, il serait donc préférable, pour des raisons de sécurité juridique, de privilégier le recours à un nouveau projet de loi du pays au lieu de prendre le risque d'adopter des dispositions inconstitutionnelles susceptibles de faire l'objet d'une censure par le juge constitutionnel.

Pour conclure, il est intéressant de noter que la recevabilité des amendements peut également être appréciée en séance lorsque le Président du Congrès ne veut pas personnellement prendre la responsabilité de les rejeter. Dans une telle hypothèse, la question est soumise à l'assemblée plénière avant la discussion de chaque amendement litigieux. Toutefois, à cette occasion, le droit de parole est réglementé. Seuls peuvent prendre la parole, l'auteur de l'amendement, un orateur contre et le Président ou le rapporteur de la commission et aucune explication de vote n'est admise. Il

243 Décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, « Loi organique relative au statut des

magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature », Rec., p. 63. Cet aspect sera

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semblerait néanmoins logique de requérir également l'avis du

Gouvernement.

Les amendements recevables sont immédiatement communiqués au Président du Gouvernement, à la commission compétente du Congrès et à l'ensemble des élus.