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La place accordée aux dispositions du règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

§ 1 : Des règles de fond sensiblement différentes

1/ La place accordée aux dispositions du règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

Le règlement intérieur d'une assemblée législative organise la procédure d'adoption de la loi et symbolise « l'autonomie naturelle des assemblées

parlementaires »403. Elle est la « loi intérieure » de l'assemblée, selon l'expression consacrée par Eugène Pierre. S'agissant du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, il constitue un acte plus essentiel encore que pour l'Assemblée nationale et le Sénat, notamment du fait que les règles procédurales définies par la loi organique sont moins nombreuses que celles définies par la Constitution. En effet, la tradition française en la matière veut que le règlement de l'assemblée définisse la grande majorité des règles procédurales, au détriment du texte fondamental qui fixe plus des principes que des normes. Seules sont édictées dans le texte constitutionnel les mesures répondant à la logique de rationalisation du parlementarisme qui a

prévalu pendant la rédaction de la Constitution de 1958404. Cette tradition a

été respectée par les parlementaires nationaux puisque la loi organique ne contient que quelques dispositions relatives à la procédure, laissant au règlement intérieur du Congrès le soin de fixer les modalités d'adoption des lois du pays, par le biais d'une délibération.

Cette solution paraît fort regrettable. D'une part, il ne faut pas oublier qu'il n'existe en Nouvelle-Calédonie aucune expérience de la procédure législative. D'autre part, aucune règle élémentaire relative au droit d'amendement ou à l'information des élus n'a été imposée par la loi organique. Enfin, un contrôle facultatif par le juge administratif paraît

403 Nicolas CLINCHAMPS, «Parlement européen et droit parlementaire – Essai sur

la naissance du droit parlementaire de l'Union européenne», Thèse, Paris I, 2002, p. 449.

404 Ainsi en est-il du droit d'amendement (article 44 de la Constitution) et des relations entre les assemblées (article 45 de la Constitution).

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insuffisant pour assurer un processus fiable et garant d'une bonne information des élus.

Alors que, comme le souligne Eugène Pierre, « le règlement n'est en

apparence que la loi intérieure des Assemblées, un recueil de prescriptions destinées à faire procéder avec méthode une réunion où se rencontrent et se heurtent beaucoup d'aspirations contradictoires. En réalité, c'est un instrument redoutable aux mains des partis, il a souvent plus d'influence que la Constitution elle-même sur la marche des affaires publiques »405, il est dommage que le législateur organique n'ait pas perçu la nécessité d'encadrer plus strictement la procédure législative pour tenir compte de l'inexpérience du législateur local.

Ce besoin ne semble pas non plus avoir été ressenti par les élus de l'assemblée locale. L'octroi d'un pouvoir législatif autonome au Congrès n'a en effet pas eu pour conséquence de bouleverser le règlement intérieur. La grande majorité des dispositions alors applicables à la procédure d'adoption des délibérations ont purement et simplement été étendues aux lois du pays.

Après une pratique modeste, l'accroissement de l'activité législative du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, à partir de 2001, a rapidement permis de mettre en lumière les limites, voire les incohérences, des dispositions en vigueur.

Il existe cependant une certaine frilosité de la part des élus à se référer, sous réserve de mesures d'adaptation aux réalités et impératifs locaux, aux procédures en vigueur devant les assemblées parlementaires nationales. En effet, une reprise des procédures d'adoption des conseils régionaux et généraux est souvent préférée, bien qu'elles ne répondent pas au souci de rigueur nécessaire à l'adoption de normes législatives, par définition non soumises au juge administratif.

La pratique récente a donc démontré la nécessité de distinguer sur bien des aspects les procédures d'adoption des actes réglementaires et législatifs. Il apparaît que certains domaines de la procédure sont à réformer en priorité. Il s'agit notamment de définir clairement la place du rapporteur dans le processus d'adoption des lois du pays et de revoir la procédure d'amendement des textes. Par ailleurs, imposer un examen obligatoire des projets et propositions de textes en commission paraît indispensable. Enfin, il s'avère essentiel de fixer des délais permettant véritablement de respecter le droit à l'information des élus.

Bien que le statut des règlements intérieurs de l'Assemblée nationale et du Sénat ne soit pas le même que celui du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, il est intéressant de s'attarder sur la jurisprudence du Conseil

405 Eugène PIERRE, « Traité de droit politique, électoral et parlementaire », 5ème édition, 1924, réédité en 1989 aux éditions Loysel, p. 490.

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constitutionnel relative aux règles de la procédure législative, afin de déterminer si une transposition de ses prescriptions au contrôle des lois du pays est envisageable.

Alors que les règlements intérieurs des assemblées nationales sont soumis au contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel, celui de l'assemblée calédonienne, adopté sous la forme d'une délibération, donc d'un acte réglementaire, peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Cet alignement sur le droit commun des assemblées territoriales est regrettable dans la mesure où le règlement intérieur conditionne les modalités d'adoption de textes de nature législative, et notamment les obligations relatives au respect du droit d'amendement et du droit d'information des élus.

Toutefois, cette distinction ne saurait présupposer que le Conseil constitutionnel contrôlera différemment la procédure législative appliquée devant le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il convient donc de déterminer la position du juge constitutionnel sur la valeur des règlements intérieurs des assemblées, pour tenter d'établir celle du règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

La décision n° 75-57 DC du 23 juillet 1975 constitue la première décision du Conseil constitutionnel permettant d'identifier clairement sa position, s'agissant des règles relatives à la procédure législative. Il affirme en effet dans cette décision qu'il « appartient au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est

saisi en application de l'article 61 de la Constitution d'une loi votée par le Parlement et en instance de promulgation, non seulement de se prononcer sur la conformité des dispositions de cette loi à la Constitution mais encore d'examiner si elle a été adoptée dans le respect des règles de valeur constitutionnelle relatives à la procédure législative »406.

Le Conseil constitutionnel ne censurera donc des dispositions législatives que si celles-ci sont adoptées en violation des « règles de valeur

constitutionnelle relative à la procédure législative ». Il reste alors à définir

ce que recouvre cette expression et, en particulier, comme le soulignent les Professeurs Avril et Gicquel, si elles comprennent « les dispositions du

règlement déclarées conformes à la Constitution en vertu du 1er alinéa de l'article 61 »407.

Il en découle une difficulté majeure pour transposer cette problématique aux lois du pays, dans la mesure où les dispositions du règlement intérieur du Congrès ne sont contrôlées que par le juge administratif et à titre facultatif. Elles ne bénéficient pas, par conséquent, de la même présomption

406 Décision n° 75-57 DC du 23 juillet 1975, « Taxe professionnelle », Rec., p. 24. 407 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, "Droit parlementaire", Ed. Montchrestien, 3ème édition, 2004, p. 12.

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de constitutionnalité que les règlements des assemblées parlementaires nationales. Ceci constitue un premier élément ne permettant pas de conclure dans le sens d'une prise en compte, par le juge constitutionnel, des règles contenues dans le règlement intérieur de l'assemblée locale.

En tout état de cause, dans la décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980408,

le Conseil constitutionnel tranche la question dans un sens négatif : « les

dispositions des règlements des assemblées parlementaires n'ont pas valeur constitutionnelle ». Le statut particulier des règlements intérieurs ne leur

confère donc pas un caractère constitutionnel, elles sont seulement l'expression d'une légalité spécifique. Cette position sera confirmée dans la

décision n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984409 dans laquelle le Conseil

constitutionnel précise que « la seule méconnaissance des dispositions

réglementaires invoquées ne saurait avoir pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ».

Par transposition, il est donc fort probable que le juge constitutionnel ne s'attachera pas à contrôler le respect des dispositions du règlement intérieur du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. D'autant plus que cela aurait pour effet de constitutionnaliser tout ou partie d'un texte réglementaire, au surplus adopté par une assemblée locale, fut-elle détentrice d'un pouvoir législatif.

Enfin, cela évite par la même occasion toute confrontation entre jurisprudences administrative et constitutionnelle sur la teneur du règlement intérieur.

2/ Les règles procédurales écrites contenues dans les textes