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§ 2 – Assemblée locale et assemblée parlementaire

SCHÉMA DE LA PROCÉDURE D'ADOPTION D'UNE PROPOSITION OU D'UN PROJET DE LOI DU PAYS

2/ Le rapporteur spécial

En vue d'assurer une meilleure information des élus, les parlementaires nationaux ont ressenti l'utilité d'imposer, pour chaque projet ou proposition de loi du pays, la désignation d'un rapporteur. En effet, l'article 102 de la loi organique dispose qu'aucun « projet ou aucune proposition ne peut être mis

en discussion ou aux voix s’il n'a fait au préalable l’objet d’un rapport écrit, déposé, imprimé et publié dans les conditions fixées par le règlement intérieur. »192

191 La mention « spécial » tend toutefois à disparaître en pratique. Pour faciliter la lecture, nous conserverons toutefois cette appellation. En effet, dans le cadre de la procédure de la loi du pays, le seul rapport faisant autorité est désormais le rapport prévu par la loi organique. Le rapport de commission sert néanmoins à repérer les dispositions sujettes à discussion.

Loi du pays et procédure législative

Cette disposition n'était pas initialement prévue dans le projet de loi organique. Cependant, la commission des lois de l'Assemblée nationale, estimant qu'il était nécessaire de transposer au Congrès certaines règles de la procédure législative, a proposé d'insérer cet article additionnel afin de prévoir la désignation d'un rapporteur et la publication d'un rapport écrit.

a) La désignation du rapporteur

La désignation du rapporteur a suscité une interrogation concrète : la commission permanente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie est-elle compétente pour le désigner ?

En effet, l'article 102 de la loi organique dispose qu'un « rapporteur est

désigné par le Congrès parmi ses membres ». Une interprétation stricte de

cette disposition ne permet pas de considérer que la commission permanente du Congrès est compétente. Cela implique donc, si l'assemblée n'est pas en session, de la convoquer en session extraordinaire, au seul motif de désigner le rapporteur.

Cette solution peut se révéler problématique dans la mesure où cette convocation n'est possible qu'à la demande du Gouvernement, du Haut-commissaire ou de la majorité des membres du Congrès. Cependant, dans l'hypothèse d'un projet de loi du pays, le problème sera atténué : l'initiative venant du Gouvernement, celui-ci n'hésitera pas à procéder à la convocation.

La question s'est concrètement posée lors du dépôt de la loi du pays du 22 décembre 2000193. La désignation du rapporteur a nécessité la convocation d'une session extraordinaire, quelques jours avant le début de la session ordinaire budgétaire. Il est vrai qu'en l'occurrence, la session budgétaire aurait pu s'ouvrir avant la date initialement prévue et la session extraordinaire tenue seulement après les deux mois de session ordinaire, si nécessaire. Il n'en reste pas moins qu'autoriser la commission permanente du Congrès à désigner le rapporteur serait une procédure beaucoup moins lourde.

D'autant plus que dans l'hypothèse d'une proposition de loi du pays, la procédure s'avère encore plus contraignante puisqu'il s'agit, hors session194, de rassembler la signature de vingt-huit élus afin d'obtenir l'ouverture de la session. Le tout pour la seule désignation du rapporteur.

Toutefois, permettre à la commission permanente de désigner ce rapporteur ne paraît pas pouvoir s'opérer par le biais du règlement intérieur.

193

Loi du pays n° 2000-005 du 22 décembre 2000 portant diverses mesures fiscales douanières, J.O.N.C. du 27 décembre 2000, p. 7094

194 C'est-à-dire lorsque les élus sont éparpillés sur tout le territoire de la Nouvelle-Calédonie, voire en métropole.

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En effet, la loi organique précise bien que ce rapporteur doit être désigné par le Congrès et ne renvoie au règlement intérieur de l'assemblée qu'en ce qui concerne les modalités du dépôt, de l'impression et de la publication du rapport écrit. Dès lors, une modification de la loi organique serait nécessaire afin d'alléger la procédure de désignation.

Cependant, la nouvelle majorité ne semble pas s'embarrasser de telles considérations puisque la commission permanente du Congrès a désigné des

rapporteurs195 lors de sa séance du 26 novembre 2004.

b) Le rapport

Le rapport est habituellement constitué d'un exposé des motifs de la loi du pays et d'une analyse des dispositions et amendements éventuels. Ils sont

rédigés « sous la responsabilité du rapporteur »196, par les personnels

administratifs du Congrès197.

À terme, l'objectif est de parvenir à l'élaboration de rapports d'une qualité équivalente à celle des rapports établis par les parlementaires nationaux. Cette perspective est cependant tributaire du développement de l'environnement technique des élus. Afin de parvenir à ce résultat, des administrateurs de commission, à l'image de ceux existants à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont été recrutés en début d'année 2002. Ceux-ci ont alors assisté les élus dans l'élaboration de chaque rapport.

Ainsi, les rapports sont devenus de plus en plus précis et comportent des appréciations d'une technicité croissante. A terme, ils devraient reprendre, pour chaque disposition, les raisons de la rédaction choisie, les fondements juridiques et la présentation des amendements déposés, que ceux-ci soient ou non finalement adoptés par la commission. Actuellement, il est nécessaire de disposer à la fois du rapport sur la loi du pays et du rapport de commission

195 L'article 3 de la délibération n° 13 du 9 septembre 2004 fixant la liste des textes proposés à l'habilitation de la commission permanente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie pour l'intersession d'août à novembre 2004 dispose en effet que « la

commission permanente est habilitée à procéder à la désignation des membres des commissions intérieures, des comités et organismes extérieurs et de leur président, …, ainsi que des rapporteurs de projet de lois du pays », J.O.N.C. 23 septembre

2004, p. 5429.

196 Article 43 du règlement intérieur, préc.

197 Jusqu'en février 2002, les conseillers désignés comme rapporteur ont dû néanmoins se débrouiller par leurs propres moyens du fait du manque de personnels de l'assemblée. Cela est également le cas depuis le début de la deuxième mandature du Congrès. Toutefois, les rapporteurs, le plus souvent membres de la majorité, bénéficient par ailleurs de l'assistance des collaborateurs politiques et surtout des membres des services administratifs de la Nouvelle-Calédonie.

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pour ne bénéficier que partiellement de tous ces renseignements. La lecture d'un rapport ainsi rédigé en séance permettrait de clarifier les débats et de faciliter la discussion des amendements.

S'agissant de la distribution du rapport, il apparaît qu'il n'est le plus souvent distribué que très peu de temps avant la discussion du texte en séance publique, posant le problème du respect du droit à l'information des élus.

En effet, la distribution du rapport n'est pas enfermée dans un délai précis. Le règlement intérieur du Congrès précise simplement que le rapport doit être « mis à la disposition des élus, dans un délai suffisant de façon à ne

pas porter atteinte à leur droit à l'information ».

Le choix d'une telle formulation a été largement inspiré par le jugement

du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 20 avril 2000198. Alors

que le règlement intérieur du Congrès prévoyait initialement que le rapport était « mis à la disposition des élus, au plus tard lors de la séance publique

qui traite de la question », le juge administratif a censuré cette disposition,

estimant qu'elle était « susceptible, en ne fixant pas un délai suffisant, de

porter atteinte au droit à l'information des membres du Congrès. » Une telle

disposition était annulée car contraire à l'article 74 de la loi organique qui stipule que « tout membre du Congrès a le droit, dans le cadre de sa

fonction, d'être informé des affaires qui font l'objet d'un projet ou d'une proposition de loi du pays ou de délibération ».

La formulation est maintenant suffisamment vague pour permettre au juge administratif, dans l'hypothèse d'une délibération, ou au juge constitutionnel, dans l'hypothèse d'une loi du pays, d'apprécier au cas par cas si le droit à l'information des élus a été ou non respecté puisque cette deuxième version de l'article 27 du règlement intérieur n'a pas été soumise à la censure du Tribunal administratif et est donc devenue définitive.

Les rapports de commission des assemblées parlementaires nationales relatifs à la loi organique du 19 mars 1999 traitant de ce sujet démontre le décalage existant sur ce point entre les parlementaires et membres du Gouvernement nationaux et les élus et membres de l'exécutif local.

En effet, il est important de noter, qu'en pratique, cette disposition du règlement intérieur n'est quasiment jamais respectée. On peut notamment citer l'exemple de la loi du pays relative à certains investissements

concernant le secteur de la métallurgie des minerais199. Le rapport de

198 Jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 20 avril 2000, affaires n° 9900347 et 9900349.

199 Loi du pays n° 2001-009 du 17 juillet 2001 relative à certains investissements concernant le secteur de la métallurgie des minerais, J.O.N.C. du 20 juillet 2001, p. 3390.

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commission a été mis à la disposition des élus le matin précédant la séance publique traitant de la question, alors que le rapport spécial avait été distribué la veille dans l'après midi200.

Cette situation, au demeurant courante, opère un contraste saisissant avec les propos des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat lors de l'adoption de la loi organique. Le rapporteur de la chambre basse, Monsieur René Dosière, s'interrogeait sur l'utilité d'insérer un article dans la loi organique, tant le fait que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie soit doté d'un pouvoir législatif autonome impliquait nécessairement un tel devoir d'information201.

Le rapporteur du Sénat, Monsieur Jean-Jacques Hyest, formulait une position plus réaliste : « Cet article, qui semble une évidence, n'est pas sans

portée juridique dans la mesure où le juge administratif annule des délibérations adoptées sans que les élus aient pu bénéficier des éléments d'information nécessaires dans un délai suffisant. Cette disposition, garantie de transparence, permet d'éviter toute procédure précipitée »202.

D'ailleurs, une autre vocation de ce rapport écrit est de permettre au Conseil constitutionnel, en cas de contrôle de constitutionnalité de la loi du pays, d'être éclairé sur la procédure suivie, de connaître le contexte dans lequel la loi du pays a été adoptée et les raisons qui ont motivé cette législation203. Lors du premier contrôle d'une loi du pays204, le Conseil constitutionnel n'a toutefois pas été destinataire de ce rapport.

Enfin, aucune disposition ne semble traiter de la publicité du rapport. En effet, ni la loi organique, ni le règlement intérieur ne prévoit les modalités de diffusion d'un tel rapport, qui n'est en conséquence pas rendu public. Et ce, alors même que la loi organique semble renvoyer au règlement intérieur pour déterminer les conditions de publication du rapport.

On peut dès lors se demander s'il y a carence du règlement intérieur du Congrès en la matière. La réponse à cette question réside dans la signification à donner au terme « publié » de l'article 102 alinéa 2 de la loi organique qui dispose que « aucun projet ou proposition de loi du pays ne

peut être mis en discussion et aux voix s'il n'a fait au préalable l'objet d'un rapport écrit, déposé, imprimé et publié dans les conditions fixées par le règlement intérieur ». En effet, le verbe « publier » peut recouvrir deux sens

: il est possible de l'entendre au sens de « faire paraître », mais, dans cette

200 Débats au Congrès, Compte-rendu intégral des débats, séance du 27 juin 2001,

J.O.N.C. n° 18C (C.R.), 19 juillet 2002, p. 1499.

201

René DOSIÈRE, Rapport Assemblée nationale, n° 1275, op. cit., p. 109. 202 Jean-Jacques HYEST, Rapport Sénat, n° 180, op. cit., p. 133.

203 René DOSIÈRE, Rapport Assemblée nationale, n° 1275, op. cit., p. 127. 204 Décision n° 2000-1 LP du 27 janvier 2000, préc.

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hypothèse, « publié » serait alors synonyme d’« imprimé ». Une seconde signification du verbe « publier » réside dans l'action de « divulguer,

répandre par voie de presse ». Cette signification qui n'est plus alors

synonyme d'"imprimer", semble être celle entendue par les parlementaires. Au surplus, cela signifie que le rapport doit être publié avant l'examen du projet ou de la proposition de loi du pays par l'assemblée.

Outre l'argument sémantique en faveur de la publication du rapport, il est possible de trouver un argument de fond avancé tant par le rapporteur de l'Assemblée nationale que celui du Sénat. La raison d'être de cet article 102 était de transposer certaines règles de la procédure législative appliquées au niveau national. Dès lors, étant donné que ces rapports y sont rendus public, le parallélisme des formes s'impose en Nouvelle-Calédonie.

Le règlement intérieur devrait donc certainement contenir des dispositions prévoyant la publication du rapport, alors qu'il n'est en fait, même si cela est essentiel, que distribué aux conseillers.