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§ 2 – Assemblée locale et assemblée parlementaire

2/ Une procédure de navette classique

Cette navette intervient pour toutes les matières liées à la coutume mélanésienne. Le projet ou la proposition de loi du pays est transmis, par le

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Président du Congrès, au Sénat coutumier qui dispose alors de deux mois143

pour se prononcer sur le texte qui lui est soumis. S'il ne se prononce pas, le texte est réputé approuvé en sa forme initiale.

Le texte est alors soumis au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. S'il modifie le texte, le Sénat coutumier est à nouveau saisi du texte dans sa nouvelle version. Si ce dernier n'adopte alors pas le texte en des termes identiques dans un délai d'un mois, le Congrès dispose encore d'un mois pour statuer définitivement. Cette navette, à quelques différences près, est très largement inspirée de la procédure de droit commun pour l'adoption des lois ordinaires.

D'une part, le projet ou la proposition de loi du pays doit être obligatoirement soumis en premier lieu au Sénat coutumier. D'autre part, et contrairement à la procédure nationale selon laquelle les projets sont transmis par le Gouvernement et les propositions par le président de l'assemblée l'ayant adoptée en premier lieu, la transmission du texte relève du Président du Congrès, que son origine soit gouvernementale ou parlementaire. Enfin, aucun mécanisme inspiré de la procédure de la commission mixte paritaire n'a été instauré. En conséquence, il revient systématiquement au Congrès d'adopter définitivement la loi du pays sans qu'il soit nécessaire que le Gouvernement intervienne pour en décider ainsi.

Un projet de loi du pays relatif aux procès-verbaux de palabres coutumiers144 a été déposé sur le bureau du Congrès. Il a été transmis au Sénat coutumier par le Président de l'assemblée. L'institution coutumière a totalement réécrit le projet de loi du pays145. Le Congrès doit donc se prononcer sur la version proposée par le Sénat coutumier. Toutefois, aucun délai n'est fixé pour contraindre le Congrès à intervenir. Ainsi, il a fallut attendre le 31 mai 2006 pour que le projet de loi du pays relatif aux procès-verbaux de palabres coutumiers soit examiné par le Congrès, alors que le Sénat coutumier s'est prononcé deux ans plus tôt, les 27 et 28 mai 2004. A cet égard, on peut regretter l'absence de réglementation relative à cette navette dans le règlement intérieur du Congrès, qui aurait notamment pu fixer un délai maximum entre les délibérations des deux assemblées intervenant dans la procédure. D’autant plus que, saisi le 31 mai 2006, le Sénat coutumier a lui-même dépassé le délai de deux mois qui lui était alors imparti pour statuer sur la nouvelle mouture du texte, en rendant son avis le 7 août 2006. Enfin, le Congrès s’est prononcé sur les dernières modifications

143 Afin de déterminer avec précision la date de saisine du Sénat coutumier, son Président doit accuser réception de la lettre de transmission du projet de loi du pays. 144 Projet de loi du pays relatif aux procès-verbaux de palabres coutumiers n° 3040-26/GNC/SG04 du 1er avril 2004.

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introduites par le Sénat coutumier et a adopté définitivement la loi du pays le 13 décembre 2006. La loi du pays a finalement été promulguée le 15 janvier 2007.

Par ailleurs, il semble que des difficultés se posent quant à la détermination précise des domaines dans lesquels cette procédure de navette

s'impose. La loi du pays sur le domaine public maritime146 illustre

parfaitement cette question.

L'article 142 de la loi organique dispose que « tout projet ou proposition

de loi du pays relatif aux signes identitaires tels que définis à l'article 5, au statut civil coutumier, au régime des terres coutumières… est transmis au Sénat coutumier par le Président du Congrès ». Sachant que dans la culture

mélanésienne, la mer est la continuité de la terre et que le domaine public maritime fait partie intégrante des terres coutumières, et ces dernières n'étant pas totalement exclues de la réglementation édictée par la loi du pays, il est possible de s'interroger sur l'absence de saisine du Sénat coutumier dans le cadre d'une navette.

En l'espèce, le Sénat coutumier a été saisi pour avis, par Monsieur Rock Wamytan, alors membre du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie chargé des affaires coutumières, de sa propre initiative147. Toutefois, cette saisine ne repose sur aucune base légale puisque la loi organique ne prévoit pas de saisine pour avis sur les projets et propositions de loi du pays. Néanmoins, la position de Monsieur Hervé Chatelain, membre du Gouvernement, lors d'une réunion de commission, témoigne de la confusion qui règne en ce domaine. Il affirmait en effet que la saisine pour avis du Sénat coutumier n'était en l'espèce absolument pas obligatoire même si l'avis rendu par l'institution coutumière avait été lu en assemblée générale devant le Conseil d'Etat, qui

avait pu en prendre connaissance.148 Cependant, à aucun moment, la

procédure de navette n'a été envisagée.

Il semble que la rédaction de l'article 142 de la loi organique ait été strictement interprétée. Cette disposition impose la navette lorsque le projet ou la proposition de loi du pays est « relatif à », ce qui a été entendu comme supposant que le texte soit exclusivement consacré à la matière visée. Il

146 Loi du pays n° 2001-017, préc.

147 Selon les propos de Monsieur Hervé CHATELAIN, membre du Gouvernement,

lors de la réunion conjointe des commissions de l'agriculture et de la pêche, de la législation et de la réglementation relatives aux affaires coutumières et de la législation et de la réglementation générales du 10 décembre 2001, rapport n° 091 du 10 décembre 2001, non publié.

148

Les remarques formulées par le Sénat coutumier ne sont néanmoins pas visées par le Conseil d'Etat, alors que l'avis du Conseil économique et social l'est. On ne peut donc être sûr que le Conseil d'Etat ait réellement pris connaissance de ce document.

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serait toutefois préférable de faire prévaloir une interprétation plus souple, permettant de faire intervenir le Sénat coutumier dès que le projet ou la proposition de loi du pays intéresse, à titre principal ou accessoire, des questions relatives à l'identité kanak.

Cette procédure n'ayant été utilisée qu'une seule fois pour l'adoption de la loi du pays relative aux actes coutumiers, seule une pratique répétée permettra de parfaire ces modalités.

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SCHÉMA DE LA PROCÉDURE DE NAVETTE POUR