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§ 2 – Assemblée locale et assemblée parlementaire

SCHÉMA DE LA PROCÉDURE D'ADOPTION D'UNE PROPOSITION OU D'UN PROJET DE LOI DU PAYS

1/ La procédure de promulgation

La procédure de promulgation de la loi du pays est établie par l'article 106 de la loi organique : « le Haut-commissaire promulgue la loi du pays,

avec le contreseing du Président du Gouvernement, soit dans les 10 jours de la transmission qui lui en est faite par le Président du Congrès à l'expiration du délai prévu par l'article 104 pour saisir le Conseil constitutionnel, soit

212 Raymond CARRE DE MALBERG, op. cit., p. 142 et s., (Chap. IV, § 2).

213 Jean GICQUEL et Jean-Eric GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 591.

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dans les 10 jours suivant la publication au J.O.N.C. de la décision du Conseil constitutionnel ».214

La promulgation est donc effectuée par le représentant de l'Etat en Nouvelle-Calédonie, avec le contreseing du Président du Gouvernement local. On voit immédiatement un parallèle avec la procédure nationale de promulgation de la loi et les rôles respectifs du Président de la République et du Premier ministre.

a) Une compétence liée

Le rôle du représentant de l'Etat, pour symbolique qu'il soit, n'est pas anodin.

À la différence du Professeur Gohin, qui voit là un « décalque abusif des

articles 10 alinéa 1 et 19 de la Constitution », qui ne convient pas à « la réalité politique de la Nouvelle-Calédonie, y compris depuis 1998-99 »215, on pourrait percevoir ici une ultime tentative des rédacteurs du texte organique de maintenir une République indivisible, même si la promulgation de la loi du pays est une compétence liée.

En effet, le rôle du Haut-commissaire a été conçu, à l'instar de celui qu'occupe le Président de la République au niveau de l'Etat, comme celui d'un arbitre des institutions locales, mais qui, en sa qualité de membre de l'exécutif et en vertu du principe de séparation des pouvoirs, ne peut intervenir dans la sphère législative.

Une position contraire est difficilement tenable. En effet, si le Haut-commissaire est le gardien des valeurs républicaines et constitutionnelles de l'Etat en Nouvelle-Calédonie, il ne semble pas pour autant qu'il puisse refuser de promulguer une loi du pays. Accepter une telle hypothèse reviendrait à placer le représentant de l'Etat au dessus de l'assemblée législative locale. Cela signifierait que le pouvoir normatif exorbitant qui a été attribué à cette dernière pourrait être totalement remis en cause. Le Haut-commissaire dispose du pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel, mais il ne peut pas s'ériger en juge de la constitutionnalité ou de l'opportunité des lois du pays et décider de ne pas promulguer.

Dès lors, la promulgation de la loi du pays par le Haut-commissaire doit être appréhendée comme une compétence liée.

214 Les modalités rédactionnelles de la promulgation sont fixées par le décret n° 99-842 du 27 septembre 1999 relatif à la promulgation des lois du pays, J.O.R.F. du 30 septembre 1999, p. 14492.

215 Olivier GOHIN, "L'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie", op. cit., p. 510.

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b) Les difficultés pratiques liées à la promulgation

Dans la pratique, l'application concrète de l'article 106 de la loi organique a généré deux difficultés. La première est relative aux délais applicables pour la transmission de la loi du pays adoptée au Haut-commissaire. La seconde a trait à la date de promulgation.

α - La transmission de la loi du pays au Haut-commissaire

La première question est relative à la date de transmission du texte adopté. Il apparaît à cet égard qu'un amalgame a été fait par les services du Congrès entre la transmission pour promulgation et celle qui doit avoir lieu afin de permettre au Haut-commissaire d'étudier avec précision les dispositions du texte finalement adopté pour en demander, le cas échéant, une nouvelle lecture et ainsi, se réserver la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel.

Cette confusion peut s'expliquer par la procédure de transmission de la loi du pays après son adoption. Il revient au secrétariat général du Gouvernement de préparer le dossier de promulgation. En pratique, pour satisfaire la nécessité du contreseing du Président du Gouvernement dans les délais les plus brefs, le Président de l'assemblée lui a, dès 1999, transmis la loi du pays quelques jours avant l'écoulement du délai de demande de seconde délibération, le Président de l'exécutif local transmettant directement le texte contresigné au Haut-commissaire.

Ainsi, pendant près de trois années, le représentant de l'Etat a dû attendre l'expiration du délai de demande de nouvelle lecture pour se voir transmettre la loi du pays adoptée.

Ce n'est que le 31 janvier 2002 que le Haut-commissaire s'est inquiété de cette pratique. Par un courrier adressé au Président du Congrès, le représentant de l'Etat remarque que les lois du pays relatives à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie et au domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, adoptées respectivement les 19 et 20 décembre 2001, lui ont été transmises les 2 et 3 janvier 2002. Il constate alors qu'il lui est impossible de demander une nouvelle lecture du texte dans le délai de 15 jours à compter de l'adoption. En conséquence, il demande au Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie de transmettre désormais la loi du pays « sans délai après son adoption par le Congrès », afin qu'il soit à même de se « prononcer en temps utile sur la nécessité d'en demander une

nouvelle lecture, sur la base de la version exacte finalement retenue par les membres de l'assemblée délibérante ».

Il s'ensuit que le texte doit faire l'objet de deux transmissions. La première a lieu immédiatement après son adoption afin de permettre au

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Haut-commissaire216 d'opérer son contrôle sur la loi du pays. La seconde a lieu à l'issue de l'écoulement du délai de demande de nouvelle lecture, contresignée par le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en vue de sa promulgation.

β - La date de promulgation

La date de promulgation est une autre phase de la procédure ayant suscité des interrogations non encore résolues à ce jour.

En effet, l'article 106 de la loi organique dispose que « le

Haut-commissaire promulgue la loi du pays, avec le contreseing du Président du Gouvernement, soit dans les 10 jours de la transmission qui lui en est faite par le Président du Congrès à l'expiration du délai prévu par l'article 104 pour saisir le Conseil constitutionnel, soit dans les 10 jours suivant la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie de la décision du Conseil constitutionnel ».

Or, trois cas de figure (voir schémas ci-après) peuvent se rencontrer lors de l'adoption d'une loi du pays, sous réserve de l'hypothèse de l'application de l'article 105 alinéa 4 de la loi organique217 :

1. La loi du pays ne fait pas l'objet d'une demande de nouvelle lecture ;

2. La loi du pays fait l'objet d'une demande de nouvelle lecture mais le

Conseil constitutionnel n'est ensuite pas saisi ;

3. La loi du pays fait l'objet d'une demande de nouvelle lecture, suivie

d'une saisine du Conseil constitutionnel.

S'il évoque les deux dernières hypothèses, l'article 106 n'aborde pas le premier cas, qui est au demeurant le plus courant et pour lequel aucun délai n'est en définitive fixé. Ce silence de la loi organique a été interprété par certains élus comme une totale liberté laissée au représentant de l'Etat quant au délai dans lequel il souhaite promulguer la loi du pays.

Une telle interprétation paraît excessive et erronée à plusieurs égards. Tout d'abord, elle est totalement contraire à l'esprit du texte et à celui de l'Accord de Nouméa. Ensuite, elle est contredite par la pratique puisque toutes les lois du pays ont jusqu'à présent été promulguées dans un délai de 10 jours suivant la transmission qui en a été faite par le Président du

216 En pratique, il apparaît que le problème de la transmission du texte de la loi du pays tel qu'adopté par le Congrès aux autorités de saisine a été négligé. A l'exception du Haut-commissaire, ces dernières doivent toujours rédiger leur propre version consolidée du texte pour être à même de l'apprécier.

217 Cette disposition prévoit une nouvelle lecture de la loi du pays après que le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi du pays inséparable du reste du texte.

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Congrès. S'agissant d'une compétence liée du représentant de l'Etat, il ne peut discrétionnairement faire obstacle à la promulgation d'une loi du pays adoptée définitivement. Enfin, et surtout, ce silence du texte organique a

pour origine la modification introduite par le Sénat218, imposant la demande

de nouvelle lecture comme préalable obligatoire à la saisine du Conseil constitutionnel. Les incidences de cet amendement n'ont pas été prises en compte. En effet, avant la modification introduite par le Sénat, une demande de nouvelle lecture était possible pendant 15 jours. À l'issue de ce délai, une nouvelle période de 10 jours permettait aux autorités compétentes d'éventuellement saisir le Conseil constitutionnel. Ce n'était donc qu'à l'issue d'un délai de 25 jours que la loi du pays était transmise au Haut-commissaire pour être promulguée.

Voici la procédure telle que conçue avant que la seconde lecture ne soit imposée comme un préalable indispensable à toute saisine du Conseil constitutionnel :

Délai de demande de nouvelle lecture 15 jours

Soit un délai total de 25 jours

Délai de saisine du Conseil constitutionnel 10 jours

Pas de saisine Saisine

218 Sénat, séance du 3 février 1999.

Promulgation de la loi du pays Décision du Conseil constitutionnel Promulgation de la loi du pays Adoption de la loi du pays

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En imposant la seconde lecture comme préalable obligatoire à toute saisine du Conseil constitutionnel, le Sénat a réduit ce délai en cas d'absence de demande de nouvel examen du texte. En effet, en pareil cas, la saisine du Conseil constitutionnel n'étant plus possible, la loi du pays peut être promulguée à partir de l'expiration du délai de demande de nouvelle lecture, soit au bout de 15 jours. C'est cette nuance qui n'a pas été prise en compte par les parlementaires français et qui induit l'observateur en erreur.

Délai de demande de nouvelle lecture 15 jours

Pas de demande Demande

Délai de saisine

du Conseil constitutionnel de 10 jours

Pas de saisine Saisine

Outre le fait de permettre une entrée en vigueur immédiate ou différée de la loi du pays, sa promulgation emporte certaines conséquences relatives aux actes réglementaires qui en sont dérivés.

Adoption de la loi du pays Promulgation de la loi du pays Nouvelle délibération Décision du Conseil constitutionnel Promulgation de la loi du pays Promulgation de la loi du pays

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2/ Les effets de la promulgation de la loi du pays sur les